L’aînée de mes cinq petits enfants est inscrite au Conservatoire de danse du centre de Paris. Au sein de trois cents élèves dont des tout petits bouts de choux, elle danse à deux reprises au Théâtre du Châtelet, sur des chorégraphies étonnamment brillantes. C’est amusant de constater que lorsque trente fillettes se trémoussent harmonieusement sur scène, il n’y en a qu’une que mes yeux suivent : celle qui a un quart de mon sang. Et la larme à l’œil est bien proche quand elles sont applaudies.
Après le spectacle, nous nous rendons, sur invitation de ma fille, au restaurant Georges au sixième étage du Centre Pompidou. Ce décor ultramoderne m’évoque irrésistiblement le Gaffophone, l’instrument de musique de Gaston Lagaffe. La vue sur Paris est merveilleuse, mais la vue sur la salle l’est aussi. Car selon une recette bien rôdée des frères Costes, le personnel féminin est choisi pour faire saliver. Il y a une blonde aux jambes interminables et au regard de charolaise, une musculeuse noire qui s’active, et une asiatique au visage impénétrable qui semble peu concernée par ce bas monde. Un bel homme noir au profil athlétique restera une énigme parce qu’il n’a rien fait de la soirée. Est-il serveur ? Rien dans son comportement ne le prouve. En revanche, il n’est pas indifférent à la longiligne blonde qui ne sert pas beaucoup non plus.
La carte des plats et celle des vins sont sans imagination particulière. Pour ne pas prendre de risque, je choisis des macaronis aux morilles, exécutés de façon convenable. Je commande des vins au verre, un Haut de Smith Haut Lafitte pour ma fille et un Chablis 1er Cru Mont-du-Milieu 2007 pour mon gendre et moi. Lorsque je demande à la charmante serveuse noire si elle connaît le nom du propriétaire de ce Chablis, elle me répond qu’elle ne sait pas, regarde la carte et me dit : c’est ça, c’est Mont-du-Milieu. Puis sentant ma réaction de stupeur elle ajoute : enfin ce doit être quelque chose comme la Chablisienne. Elle n’a pas pensé à me montrer la bouteille. Le vin abusivement acide est resté dans mon verre.
La sono étant à fond et empêchant toute conversation suivie, nous avons quitté ce lieu en pensant que les frères Costes sont parfois mieux inspirés. On comprend mieux pourquoi les serveuses ou non serveuses sont jolies : il faut bien que quelque chose attire l’attention.