L’Ecole de cuisine du Ritz (Ritz Escoffier) accueille les vins du Château d’Arlay. Des élèves studieux suivent un chef talentueux au verbe fécond, Philippe Moreau, qui déroule devant eux toutes les phases de la préparation des plats qui seront dégustés. Beaucoup d’élèves prennent des notes, commentent, interviennent et ce qui me fascine, ignorant que je suis, c’est la valse des cuissons. Il y a tellement de composants des plats qui nécessitent des cuissons spécifiques et adaptées que je vois ce chef virevolter comme l’un de ces jongleurs chinois qui font tournoyer sur des joncs un nombre incalculable d’assiettes, qui ne restent en équilibre que par la vitesse de rotation, quasiment impossible à maintenir sans les cris d’alerte d’un public enthousiaste. La surveillance des cuissons procède de la même complicité entre maître et élèves : « le lait, le lait ! Il va se sauver !». C’est beau de voir un chef qui se fait le chorégraphe de sa propre prestation. Je vois autour de moi des élèves captivés. Alain de Laguiche parle avec pédagogie et passion des vins de sa région peu connus de beaucoup. Sur un crémeux de pousses d’épinards, langoustines et comté doux, le blanc d’Arlay Côtes du Jura 1998 est à son aise. Il a l’intelligence de s’exprimer, avec une persistance aromatique rare, sans jamais écraser le plat de son empreinte. Une association extrêmement élégante. Et ce vin reste en bouche de façon durable, ce qui me pousse à vous parler de lapin. Sur un lapin fermier au vin jaune, polenta de légumes et palets de céleri braisés, le vin jaune d’Arlay 1994 au nez de noix fraîche mais civilisée, à l’attaque lourde, se montre brillant. Bien sûr, comme en champagne à propos de Salon, j’ai perdu toute objectivité vis-à-vis des vins du Jura. Demandez à un fan de Cloclo si Alexandrie Alexandra est toujours actuel ! Des figues rôties, aux parfums de fruits rouges, huile d’olive et glace au citron accompagnent trois vins. Le vin de paille d’Arlay 1998 a pour moi trop le goût de raisins frais. Ce vin que je bois avec délectation quand il a des décennies de plus n’existe qu’avec l’âge. Trop jeune il est trop fou, indompté. Deux Macvin, un blanc et un rouge sont de redoutables épreuves gustatives. La trace du marc est trop forte pour mon palais qui n’en peut mais. Le rouge mériterait sans doute un nouvel examen, car c’est une vraie curiosité. Ce que je recherche du Jura, c’est parfois les vins rouges, souvent les vins blancs, mais c’est surtout les vins jaunes, ces magnifiques expressions du Savagnin de charme qui est le beau message de cette région. Le vin jaune est par excellence le vin de toutes les audaces culinaires.