Peu de jours plus tard, je reviens à Paris pour célébrer avec mes labadens le cinquantième anniversaire de ma promotion de Polytechnique. Exprimé ainsi, cela fait un peu ancêtre pré-néanderthalien ! Nous déjeunons au siège de l’école à Palaiseau, dont les bâtiments sont sales, mal entretenus, impersonnels et froids. Le général commandant l’école nous fait un discours assez déprimant qui montre que les hauts objectifs de l’école voulue par Napoléon vont se dissoudre dans un magma universitaire « Paris Saclay », ce qui n’est pas pour nous plaire. Lors du déjeuner, beaucoup d’amis qui savent vaguement que j’ai un rapport avec le vin me demandent si j’ai apporté des vins pour cette fête.
Le dîner est prévu à « notre » école Polytechnique sur la Montagne Sainte-Geneviève. Arrivant en avance, je passe devant la cave de « de vinis illustribus » qui était, du temps où j’étais à l’école, la célèbre cave de Monsieur Besse, une figure de la profession, avec des trésors de vins anciens. Jamais je n’avais à cette époque jeté un œil sur cette boutique car le vin n’était pas dans mes centres d’intérêt. J’entre dans la boutique et je demande à Lionel Michelin s’il a des vins de 1961. Il me montre quelques bouteilles, et je jette mon dévolu sur un sauternes à la belle couleur dorée sans étiquette, mais au millésime et au nom bien lisibles sur le bouchon. Lors du repas, j’ai partagé le Château Brassens Guiteronde Sauternes 1961 avec des camarades dont certains n’imaginaient pas qu’un vin de cet âge puisse être aussi bon, avec des fruits comme la mangue confite ou l’abricot. Nous nous sommes donné rendez-vous pour les cent ans de la promotion, en espérant tricher et nous retrouver bien avant.