Olivier Barrot et Eric Beaumard organisent en duo des dîners sous le label : « les mots et les vins » au salon anglais de l’hôtel George V. Ce soir, Olivier reçoit Laurent Gaudé, lauréat du prix Goncourt 2004 pour son dernier livre « La Porte de l’Enfer ». Et Eric reçoit Thomas Duroux, directeur général de Château Palmer qui présente ses vins.
A l’apéritif nous bavardons en compagnie d’un champagne Diebolt-Vallois Brut Prestige non millésimé délicat, très féminin, floral, aux tons de groseille blanche. J’adore les champagnes d’un vigneron que j’apprécie.
Eric Briffard chef des cuisines depuis seulement quatre mois a réalisé un menu qui est une leçon de cuissons : champignons d’automne en marinade acidulée aux raisins, crackers à la fondue d’aubergine / dos de saumon sauvage mi-cuit au laurier, comme une meurette / foie gras de canard vendéen snacké au gingembre, crème de lentilles vertes / canard au sang « Duclair » rôti à la cannelle Cassia, figues de Solliès au jus de sureau, cuisse fondante en pastilla / poire pochée au vin rouge, granité à l’hibiscus.
L’Alter Ego de Palmer 2004 a un nez de bombe, d’une énorme densité. Le vin est de couleur noire. Quand le vin s’installe dans le verre, le nez s’adoucit. Le goût est précis, net, droit, mais on mesure un certain manque d’ampleur car nous attendons Palmer bien sûr. La marinade acidulée ne va pas du tout avec le vin alors que le cracker subtil fait dialogue avec l’Alter Ego.
Le Château Palmer 2000 a un nez de compétition. On ne sent pas un gramme de défaut. En bouche le vin est superbe, d’une rare jeunesse. Il y a du cassis, du poivre, auxquels s’ajoutent une pureté et une joie de vivre remarquables. Thomas Duroux a très peu bu ce vin car il est conservé en attente au château. Le tannin est fin, le grain est serré, et l’on prend du plaisir même si l’on sait que dans dix ans ou plus ce vin sera spectaculaire. Le saumon est fondant et l’œuf de caille est précieux. L’accord est d’une grande finesse, sans effet ostentatoire.
Le nez du Château Palmer 1998 est d’une pureté exceptionnelle. Il faut dire que la température de service des vins est idéale. La finesse du nez est plus grande que pour le 2000. Le vin est raffiné, charmeur en bouche, et de façon fugace, je ressens des allusions très bourguignonnes de framboise. Il y a du bois et du poivre qui ajoutent à la sensualité du vin. L’année ayant été une réussite pour les merlots, ce Palmer ne faillit pas.
Le foie gras est génial, d’une texture magique. Fort curieusement après quelques minutes le 1998 se renferme dans sa coquille, devenant plus court, au charme moins marqué.
Thomas nous a fait un cadeau exceptionnel car le Château Palmer 1990 nous est servi en impériale. Si l’on s’intéresse quelque peu aux transactions internationales de vins de grands formats, ce cadeau n’a pas de prix. Le nez du 1990 est superbe de subtilité et l’on mesure une constance de ce domaine, qui est la perfection des parfums. Thomas constate que l’impériale ralentit l’effet du vieillissement et que le vin a pris de l’étoffe. Je le trouve un peu austère, très jeune, très vert, mais il a tout ce que j’adore dans ce millésime chéri. Le final a une légère amertume et l’on sent contrairement aux autres vins qui le précédent une absence totale de bois. L’accord avec la sauce du canard est grandiose.
Je prends un plaisir fort avec ce vin portrait de son année. Le 2000 vers lequel je reviens est plus joyeux et plus plein, mais le 1990 aux accents légèrement plus austères me plait encore plus car l’âge lui a donné un équilibre remarquable.
Eric Briffard est venu s’asseoir à notre table, commentant les plats et prenant plaisir à déguster les vins. Il est resté très longtemps avec nous, joyeux de disposer d’un des plus beaux endroits imaginables pour exprimer son talent, dont la prestation de ce soir est une éclatante démonstration.