Après un faux mouvement, je sens une déchirure dans un genou, qui me fait atrocement souffrir. S’enchaînent à la suite une consultation d’un ostéopathe, du médecin qui me suit, qui s’inquiète du gonflement anormal de ma jambe. Bas de contention, bardée de médicaments et examen en hôpital pour vérifier si j’ai une phlébite. Je n’en ai pas, ce qui malgré la souffrance me pousse à ouvrir un Champagne Salon 1997. Comme il est d’usage avec ce millésime, j’ai besoin d’utiliser un casse-noix pour faire tourner le bouchon qui refuse obstinément de se détacher du goulot. Le bouchon est en fait trop long. Le pschitt est vif, et le champagne est un Salon que j’adore. Vif, dynamique, précis et cinglant, il est le Salon idéal. A chaque fois que je bois ce 1997 je me souviens du jour où Didier Depond a fait à Paris la présentation officielle de Salon 1997. Sur l’instant, j’ai eu un léger doute, que j’ai exprimé à Didier Depond qui m’a répondu : « tu verras ». Il avait bien raison car maintenant, ce Salon est absolument idéal.
A la suite de cette soirée avec des souffrances qui ne devraient pas exister dans le monde que je rêve, les vins se sont succédés au fil des visites des enfants et petits-enfants. J’ouvre un soir un Champagne Dom Pérignon magnum 1998. Lorsque le millésime 1998 est apparu, il n’a pas suscité un engouement très marqué, car il faisait suite au superbe 1996 et il allait assez rapidement être dépassé par le 2002. Il était d’ailleurs assez neutre. Mais le temps fait son œuvre et le format joue aussi pour donner à ce champagne des qualités certaines. Je l’ai aimé car il représente tout ce que l’on attend d’un Dom Pérignon classique et équilibré.
Mon fils sait que ma fille cadette adore les vins du domaine Didier Dagueneau aussi a-t-il acheté dans la boutique de vins qui jouxte celle de notre boucher-traiteur favori deux vins blancs pour le dîner. Le Pur-Sang Domaine Didier Dagueneau 2018 par Louis-Benjamin Dagueneau est un beau vin bien fait, mais j’ai vraiment trop de mal à apprécier de tels vins si jeunes, qui n’ont pas encore atteint la largeur qui les rendraient plaisants.
Il en est de même du Côtes de Provence Clos Cibonne Tibouren Cuvée Prestige Caroline rosé 2020, vin que j’adore car c’est un des plus beaux rosés typés que l’on puisse déguster, mais là franchement, c’est comme manger des fraises vertes, je ne pourrai pas m’y faire. Aussi ai-je décidé que le lendemain, nous goûterions de « vrais » vins blancs.
Nous commençons notre dîner avec en apéritif un Château Salon magnum 2002. Ce champagne a gagné en largeur, en précision et le format magnum le rend plus confortable. C’est un grand champagne bien construit. Sur une rillette de porc, il est parfait.
Le Silex Domaine Didier Dagueneau Blanc fumé de Pouilly 2014 par Louis-Benjamin Dagueneau montre un écart sensible par rapport au Pur-Sang d’hier, car le temps a fait son œuvre. On sait que le Silex a une minéralité exacerbée qu’on adore, mais je l’ai trouvé un peu strict et un peu monolithique.
La merveilleuse surprise vient du Chablis Grand Cru La Moutonne Domaine Long-Dépaquit Albert Bichot 2002. Ce vin est dans une forme éblouissante, joyeux, large, fruité, complexe, équilibré et parfait. Quel vin de plaisir ! Sur des soles, il a brillé.
Dans ce dîner je classe en premier l’éblouissant Chablis, puis le séduisant Salon et enfin l’enfant terrible Silex.