A Dijon, la grippe du tramway a frappé. Terriblement contagieuse, elle rend la circulation automobile totalement impossible. Alors que nous avions une avance confortable pour nous rendre à l’hôtel de la Cloche, institution dijonnaise, nous n’avons que quelques minutes pour déposer nos bagages et prendre la navette de « Livre en vignes » la désormais célèbre fête de la vigne et des lettres, qui nous conduit chez Bouchard Père & Fils pour la traditionnelle visite des caves, avec une halte émue dans la cave des vins centenaires. Du haut d’une des tours du château de Beaune, le soleil se couchant sur les vignes de Corton est une vision romantique. Nous redescendons pour gagner l’Orangerie du château pour le dîner d’ouverture du salon.
Le menu est ainsi rédigé : pressé d’aubergines aux tomates, chèvre frais de la ferme du Poiset, sauce vierge / cuisse de volaille fermière farcie au vieux Comté, crémeux de moutarde à l’estragon, petit gratin Maintenon / assiette de fromages régionaux / choco-cassis.
Je deviens un convive difficile, car abreuvé aux meilleures cuvées Henriot, je trouve que le Champagne Henriot Brut Souverain n’a pas encore trouvé son équilibre.
Le Chablis Bougros Côte Bouguerots Grand Cru Domaine William Fèvre 2006 en revanche est d’une belle fraîcheur. L’image qui me vient, c’est de l’eau qui s’écoule délicatement sur des ardoises brutes. Car la minéralité du vin laisse la place à une charmante fraîcheur. J’aime beaucoup ce vin précis et naturel.
Le Chevalier-Montrachet Bouchard Père & Fils 1998 vit dans un monde à part. Il est assis, cossu, vin de grande complexité et kaléidoscopique. Ce Chevalier est un peu moins épanoui que ceux que j’ai bus de ma cave, mais cela tient aussi au plat dont la tomate ne met pas en valeur les blancs.
Le Corton Bouchard Père & Fils 2000 est très intéressant car il n’est pas dans les normes. Etrange, énigmatique, hors des sentiers battus, il me plait beaucoup pour sa promesse, malgré une année qui n’est pas au firmament et pour son originalité. Il est assez canaille. Et paradoxalement, il va me plaire un peu plus que le Chambertin Clos de Bèze Bouchard Père & Fils 1989 dont la belle structure est prometteuse. Jacky Rigaud qui présente ce vin, écrivain du vin d’un rare talent, dit qu’il est à son apogée. Je ne suis pas d’accord et je le vois progresser, même s’il n’atteindra pas des sommets de l’appellation.
Mon voisin, écrivain sur l’avenir des civilisations, me demande de désigner un vin de ce dîner. Ne l’écoutant pas, je lui donne mon classement des émotions immédiates, sans relation avec les valeurs intrinsèques : 1 – Chablis, 2 – Le Corton, 3 – Clos de Bèze et 4 – Chevalier-Montrachet. Mais il revient à la charge et me dit. Si vous deviez prendre une seule bouteille, laquelle prendriez-vous ? Et ma réponse est : le Chambertin, ce qui montre que selon l’angle d’approche, la réponse n’est pas la même.
L’accueil chez Bouchard est toujours d’une grande qualité. Avec des écrivains de talent qui abordent des thèmes passionnants, parler de sujets riches est plus facile quand on boit de grands vins.