Je quitte la table de la dégustation des meilleurs champagnes de 1995 et 1996 en plein dépouillement de la première séance de notation (voir bulletin 120) pour aller assister à une représentation privée de « Mondovino » un long court-métrage sur les vins, les vignerons et surtout les œnologues puisque Michel Rolland est un fil conducteur de tout le film. Le parti pris rédactionnel et artistique du film est assez original : filmé en tremblotant, avec des cadrages approximatifs ou hors cadre, pour montrer une certaine distance par rapport au sujet. Quelques prises de vues désacralisent certains personnages célèbres, quelques passages sont carrément émouvants. C’est un beau film qui ne laisse pas indifférent quand on aime le vin. La caméra insiste fortement sur les chiens de tous ces personnages et c’est quand même assez étonnant de voir Robert Parker raconter que son dogue a la manie de péter et signaler quand il le fait, la caméra insistant sur son arrière train. Après la projection s’ouvre un débat passionné sur la mondialisation du vin, la place du vin français dans le monde et dans la presse. On parla de l’évolution des goûts, Hubert de Montille, délicieusement présent dans le film ne pouvant pas être d’accord avec Michel Rolland. Ce sujet passionnera les esprits pendant encore longtemps. On goûta ensuite plusieurs des vins du film et chacun pouvait y trouver la confirmation des thèses qu’il défend, soit de développer les techniques d’amélioration du vin, soit de s’accrocher à la sagesse du terroir. Comme c’est un sujet abordé dans mon livre, on ne sera pas étonné que je défende la mise en valeur intelligente du terroir par une approche modérée des techniques. Un grand expert, Bernard Burtschy, m’a rappelé fort opportunément une phrase de Philippe de Rothschild qui s’adapte parfaitement à ce sujet et colle à l’exergue de mon livre : « faire un très grand vin, c’est facile ! Seuls les trois premiers siècles sont difficiles ! ».