Nous allons faire pour la première fois depuis douze ans un Noël où toute la famille proche sera rassemblée. Mes deux filles, mon fils et son épouse et les six petits-enfants seront présents. Nous nous sommes tous livrés à l’exercice de l’autotest pour le Covid, afin de nous rassurer les uns et les autres.
Pour l’apéritif il y aura des petites tartines de foie gras, une auréole de gougère, des chips à la truffe et des amandes salées à la truffe. Le Champagne Veuve Clicquot non millésimé des années 70 offrait un léger pschitt il y a une heure à son ouverture. La bulle existe et la couleur est d’un ambre clair, presque rose. En bouche c’est un plaisir, car la maturité est affirmée et la complexité est marquée. On se régale de ce champagne.
La distribution des cadeaux est lente, les verres se vident assez vite aussi vais-je ouvrir un champagne qui n’était pas prévu au programme. C’est un Champagne Krug Grande Cuvée à l’étiquette vert olive qui est la première étiquette des Krug Grande Cuvée qui ont succédé au Krug Private Cuvée au début des années 80. Ce champagne est aussi ambré que le précédent. Il a une belle maturité et son passage en bouche est plus enthousiasmant que celui du Veuve Clicquot. Ce champagne est plus noble, plus précis, mais je dois dire qu’au plan du plaisir pur, les deux champagnes sont très proches. Ils sont de très haut niveau.
Les cadeaux s’échangent avec un rythme plus soutenu, avec des cris de joie, des sourires et du bonheur. Le repas sera : caviar osciètre / cœur de saumon / bœuf Wagyu ou poulet rôti avec un gratin de pommes de terre / fromages / dessert Ispahan de Pierre Hermé.
Le caviar est accompagné d’un Champagne Dom Pérignon magnum 1982. On ne peut pas rêver d’un accord meilleur que celui-ci car le champagne est rond, doux, charmant. Il est large, cohérent, agréable, un plaisir pur. Le Krug est peut-être plus racé, mais au niveau du plaisir, c’est le Dom Pérignon le champion.
Pour le cœur de saumon, forme la plus agréable pour goûter du saumon fumé, j’ai choisi une bouteille rare, un Meursault S.A. Leroy et Cie 1959. Alors qu’il s’agit d’un meursault générique, la magie Leroy en fait un vin complexe et raffiné. Il est d’une rare précision avec un beau fruit et un finale de Grand Cru. Son millésime est exceptionnel et le vin donne l’impression de ne pas avoir d’âge. On se régale et le vin aura des votes très favorables.
Le vin suivant a été choisi par curiosité. Cette bouteille n’est pas dans l’inventaire de cave, car il est impossible d’en connaître le millésime. L’étiquette a disparu à 99% mais on reconnaît Pétrus, et cela est corroboré par la capsule. C’est donc sans savoir le millésime que j’ai mis au programme ce Pétrus. En enlevant entièrement la capsule j’ai pu lire 1978 et après avoir retiré le bouchon, le 1978 est bien lisible. Le Pétrus 1978 au niveau dans le goulot est un vin exceptionnel et on s’en rend compte dès la première gorgée. Tout en lui est parfait, d’un équilibre étonnant. Ce vin est la forme la plus aboutie du vin de Bordeaux. Il est racé, noble, puissant avec une évocation de truffe qui va convenir au délicieux Wagyu. Nous sommes tous impressionnés par ce vin que nous classerons tous premier dans nos votes.
Pour les fromages il y a un Vosne-Romanée E. et D. Moingeon Frères 1943. Là aussi il s’agit d’un bourgogne qui n’est ni grand cru ni premier cru mais à qui l’âge a donné toutes les qualités. Il est très agréable, de grande sensibilité et se boit avec un grand plaisir. Une fois de plus je constate que l’oxygénation lente fait des miracles, puisque les vins que j’ai ouverts quatre à cinq heures avant le repas se comportent brillamment.
Alors que j’apprécie tout particulièrement l’Ispahan de Pierre Hermé, celui-ci est déstructuré, de mâche imprécise et même si son parfum de rose est préservé, il y a quelque chose qui ne va pas dans ce dessert. Le Champagne Dom Pérignon rosé 1982 est absolument remarquable. Quel brio, quel charme, quelle tenue ! C’est sans doute un hasard mais je classerai les quatre champagnes de ce repas dans l’ordre inverse de leurs arrivées, le dernier servi étant le premier.
Le classement que je ferais est d’abord le Pétrus 1978 miraculeux suivi du Meursault Leroy 1959 car il est d’une richesse unique, puis le Dom Pérignon rosé 1982 suivi du Dom Pérignon 1982 et du Krug Grande Cuvée.
Pendant tout le repas les rires, les joies, les anecdotes, les apartés, tout respirait la joie d’être ensemble. Et la chaleur de ce bonheur familial est ce que je classe bien avant le premier vin, car ce bonheur est encore plus précieux.