Pour aller à la Maison Boulud pour ouvrir les bouteilles, je décide d’emprunter les grandes artères et de traverser la place Tiananmen. Il y a un dimanche à midi dans les rues et sur la place une foule immense dont l’ampleur transposée à Paris serait un rêve pour tout secrétaire général de la CGT. C’est une armée compacte qui occupe les lieux, avec calme, bonhomie et curiosité.
L’ouverture du bouchon de chaque bouteille se passe normalement en deux fois. D’abord, avec un tirebouchon limonadier classique, je soulève le bouchon de quelques millimètres, deux ou trois. Puis, retirant cet outil, j’use de la longue mèche d’un autre tirebouchon, enfoncée sur une longueur plus grande que celle du bouchon, pour lever la totalité du bouchon, qui ne remonterait normalement pas avec le limonadier. Pensant que le bouchon de l’Y d’Yquem 1980 est suffisamment solide, et comme je parle avec Koen, l’aimable jeune sommelier, j’oublie d’utiliser les deux étapes et ce qui devait arriver arrive, un disque peu épais de la base du bouchon reste collé dans le goulot. Comment l’extirper sans l’enfoncer dans le liquide, du fait de la pression mise pour piquer le liège ? Il m’a fallu de longues minutes pour extirper ce disque restant sans qu’une miette de bouchon ne tombe dans le précieux vin. Echaudé par cette expérience liée à l’insouciance pendant mon bavardage je revins au mode opératoire classique pour les autres bouteilles qui furent ouvertes avec facilité. Les odeurs du Pétrus 1959 et de Latour 1953 sont absolument parfaites.
Je retourne à mon hôtel pour une dernière petite sieste avant le dîner. Desmond a demandé que le repas débute à 18 heures précises pour qu’il finisse suffisamment tôt. La veille, il m’avait annoncé que nous serions onze au lieu des douze primitivement prévus. Lorsque nous pénétrons dans la salle à manger joliment agencée, il annonce dix personnes, dont une qui viendra avec retard. Nous saurons au troisième plat que le dixième ne viendra pas. Nous serons donc neuf à partager douze vins.