Déjeuner de conscrits au Bistrot du Sommelier mercredi, 7 mars 2018

Nos déjeuners de conscrits sont à l’initiative d’un des membres de notre club, qui décide de tout et invite. C’est à mon tour d’officier et le déjeuner aura lieu au Bistrot du Sommelier. Nous sommes huit, c’est-à-dire au complet ce qui est rare car la conjonction totale de nos planètes est difficile à trouver. Philippe Faure-Brac avec qui j’ai mis au point le menu en tenant compte des vins que j’apporte ne pourra pas être présent le jour du déjeuner mais il a donné des instructions.

Je me présente au restaurant à 11 heures pour ouvrir les bouteilles et donner les dernières consignes. L’accueil qui m’est réservé est chaleureux et concerné. Je ressens une équipe très motivée et c’est très agréable. Manon et Mattia vont s’occuper des vins. L’ouverture ne pose aucun problème. Un ami me rejoint à midi et nous bavardons dans la sympathique salle privative où se déroulera notre déjeuner.

A 12h30, presque tout le monde est arrivé dans la grande salle de dégustation où ont été dispersés sur la table des feuilletés, du jambon, du boudin, du pâté, et d’autres petites choses à grignoter sur un Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1998. Les premières fois où j’avais goûté ce vin, je n’avais pas mordu au 1998 qui ne me paraissait pas assemblé. Et depuis quelque temps, je me régale de ce champagne rond, joyeux, assez dosé ce qui lui donne de la joie de vivre, mais plein et fort de belles complexités. Nous buvons deux bouteilles qui me semblent les meilleures que j’aie eu la chance de boire du millésime 1998 de cette belle cuvée des Enchanteleurs.

Nous empruntons des chemins cahoteux dans le dédale des couloirs du restaurant pour arriver à la salle qui nous est réservée, sans passer par l’extérieur, pour éviter la pluie. Le menu est le suivant : Carpaccio de langoustines / Coquilles Saint-Jacques poêlées bouillon de champignons et légumes racines / Aile de raie rôtie au beurre noisette / Volaille de Bresse rôtie, sauce foie gras / Sablé diamant, crémeux mangue au poivre Timut et mangue fraîche / financier.

Le Champagne Pommery Magnum Vintage 1988 est d’une folle jeunesse. Il est d’une belle couleur de blé de début d’été, sa bulle est vive, le pétillant en bouche est très présent, au point de crépiter sur la langue. Ce qui est fascinant, c’est sa vivacité et son caractère tranchant. Il est incisif et noble, plus racé et percutant que le1998. La langoustine crue lui convient parfaitement.

Le Chablis Jean Marc Brocard Domaine Sainte Claire 1999 est d’une belle énergie, clair, compréhensible et plaisant même si ce n’est pas un grand cru. Les coquilles sont délicieuses et soutiennent bien le chablis d’une belle année. L’accord est brillant.

Mais il va y avoir encore mieux. L’aile de raie est le plat le plus enthousiasmant de ce repas et le Puligny Montrachet Les Folatières Domaine Henri Clerc 1994 est tellement généreux et fruité que la fusion des deux forme un accord gastronomique de haut niveau, surtout propulsé par l’intelligente sauce du plat. Jusque-là, tout va bien et nous sommes heureux.

Sur la volaille nous allons goûter deux bouteilles de Château Mouton Rothschild 1993. L’étiquette porte un dessin de Balthus d’une très jeune fille nue qui a été refusée aux Etats Unis. Il y a donc eu une étiquette pour les Etats Unis qui ne comporte aucune œuvre d’artiste. Pour l’une des deux bouteilles que j’ai apportées, le papier d’emballage est resté collé et recouvre le dessin de Balthus, donnant l’impression que la censure américaine était passée par là. Les deux bouteilles ont des goûts différents et je fais servir la moins avenante des deux en premier, ce qui n’empêche personne d’en apprécier le charme. La première est un peu stricte mais profonde, avec un message précis et raffiné. On sent la truffe et la richesse d’un grand vin, nettement meilleur que ce que suggérerait son année. Le deuxième Mouton est le même que le premier mais a tout en mieux. Il est plus fruité, plus noble, plus précis et porteur de plus d’émotion. C’est un Mouton très expressif, qui ne trouve néanmoins par beaucoup d’aide de la volaille qui aurait pu accompagner un liquoreux.

Le Château Terfort A. de Sèze Sainte croix du Mont 1975 a une belle couleur dorée d’un acajou clair. Le vin est brillant, affirmé au moins autant qu’un sauternes. Il a des évocations d’abricots qui sont très belles et il a une longueur extrême. Le dessert à la mangue est superbe et les deux se comprennent naturellement.

Le Madère de l’île de Delpérier Frères à Bergerac doit être des années 60. Il est pur, très chaleureux comme de beaux madères qui exposent des saveurs de figues, de noix et de beaucoup d’autres fruits chauds. J’ai demandé des financiers qui s’accordent avec gourmandise à ce beau madère très classique.

Avant le café, nous finissons le champagne Pommery qui est pour moi le gagnant des vins de ce repas, suivi par un trio qu’il serait difficile de départager du deuxième Mouton 1993, du Madère années 60 et du Terfort 1975.

Il n’y a eu aucune fausse note dans ce repas. Les vins étaient au rendez-vous et les plats d’une rare justesse et très lisibles ont créé de beaux accords. La raie avec le Puligny est le plus bel accord, suivi du dessert avec le Sainte-Croix du Mont. Le service des vins de Manon et Mattia a été parfait et la gentille Souari a récité les intitulés des plats avec un joli sourire. Ce fut un beau repas de conscrits.

ci-dessus les deux bouchons des blancs. le plus clair est celui du chablis

 

le bouchon du madère est celui qui est encore percé par le tirebouchon

nous n’avons bu « que » une bouteille du chablis, du Puligny et du Terfort. La bouteille de madère n’est pas sur la photo

je m’invite chez ma sœur ! mercredi, 7 mars 2018

Ma femme est venue me rejoindre dans le sud et peu de jours plus tard je remonte en région parisienne. Je suis seul, l’idée de dîner seul à la maison ne me sourit pas. Je téléphone à ma sœur en lui proposant que nous dinions avec son mari dans divers restaurants. Comme il y a PSG – Real Madrid, des restaurants ont préféré jouer porte close. Mais ma sœur et son mari rentrent juste de voyage et n’ont pas fait de courses. J’insiste un peu et je suis invité. Ma sœur et son mari vont vite faire des achats et je prends en cave trois flacons.

Tout penaud d’avoir imposé ce dîner j’espère me faire pardonner en ouvrant chez ma sœur un Champagne Salon 1996. Le bouchon ne peut s’extirper sans l’aide d’un casse-noix. Le pschitt est là, la couleur est très jeune et d’emblée le champagne s’impose. Il est riche, large et c’est d’Artagnan faisant virevolter sa lourde cape. Car ce Salon occupe le terrain. Il est là, il en impose et domine son sujet. Nous grignotons des petits biscuits salés, nous bavardons et la bouteille est vite asséchée.

Aussi, pour les huîtres que mon beau-frère a su trouver, nous poursuivons sur un Champagne Bollinger Brut sans année qu’il avait mis au frais. Et ce champagne est idéal pour les huîtres, car sa rondeur naturelle est vivifiée par l’iode des huîtres. On se régale.

La pièce de bœuf est délicieusement cuite, maturée à souhait et la Côte Rôtie La Landonne Guigal 1993 que j’ai apportée est idéale pour cette viande. Il y a en ce vin une profondeur extrême comme si une lourde poutre soutenait sa richesse. Des notes d’arbre tropical confirment sa puissance mais ce qui m’impressionne toujours est la note de fraîcheur mentholée que l’on trouve dans le finale. Ce vin riche qui sait être frais est diabolique.

Pour le roquefort, mon beau-frère a ouvert un Château Rieussec 1976 bien ambré. Ce sauternes est très équilibré, riche et profond. Si l’accord avec le roquefort se fait car le fromage n’est pas trop affiné, celui que l’on trouve avec de fines tranches de mandarines est riche d’intérêt. Car la mandarine rafraîchit le sauternes, sans freiner son rayonnement.

C’est alors que je sors de ma musette l’arme fatale, le Marc de rosé d’Ott 1929 que j’ai déjà plusieurs fois servi. Le contraste entre le parfum très sec et le goût viril mais aussi doucereux est saisissant. Et l’essai du marc sur des tranches de mandarine forme un accord couleur sur couleur que j’adore.

Je me suis imposé chez ma sœur, j’ai apporté des vins que j’aime. J’espère avoir été pardonné.

déjeuner avec d’agréables 1904 dimanche, 4 mars 2018

Quelques jours après le dîner au restaurant Akrame, étant dans le sud, je vais rendre visite aux parents de Viktoria. Leur résidence du sud est proche de Grasse sur une colline escarpée. Lorsqu’il fait beau, la vue est merveilleuse et le site magique. Lorsqu’il neige, la colline est coupée du monde car les voies sont impraticables. J’ai roulé sous la pluie, mais j’arrive chez mon ami sans problème. A peine arrivé il me demande d’ouvrir une bouteille pour notre déjeuner, Un Bellay 1904. La bouteille de forme presque bordelaise laisse voir à travers le verre poussiéreux une belle couleur claire et engageante. Le bouchon est tout petit avec une base en biais et me fait penser aux bouchons de mes vins de Chypre de 1845.

Viktoria est aussi descendue dans le sud. Elle me montre trois bouteilles de Bellay 1904. Une ouverte il y a plus d’un mois, une ouverte il y a dix jours et celle que je viens d’ouvrir dont la bouteille est plus large et haute que celles des deux autres, opaques et dont les étiquettes sont difficiles à lire. Nous les goûterons en fin de repas.

Nous passons dans la belle salle à manger et ce qui nous attend, c’est un pot au feu préparé avec beaucoup d’amour. Il y a deux sortes de viandes, l’une très douce et l’autre plus ferme, les légumes classiques, des os à moelle dont on verse le contenu sur des toasts, que l’on recouvre de gros sel, et une sauce crémeuse originale avec de l’anchois et de l’ail.

Le choix est possible entre un blanc et un rouge pour accompagner le pot au feu. Le Rully blanc Monopole Clos de la Folie, Domaine de la Folie 2016 est extrêmement expressif, au-delà de ce que je pourrais imaginer. Surtout, on ne sent pas sa jeunesse car il a trouvé une belle forme d’équilibre. Il a un beau fruit, une belle profondeur et se comporte très bien avec le plat, particulièrement avec la moelle.

Le Rully rouge Clos Marey Domaine de la Folie magnum 2010 est moins percutant et il manque un peu de rythme et de personnalité. Le choix est donc en faveur du blanc.

Mais sur un Mont d’Or, fromage qui a été légèrement réchauffé pour le rendre plus moelleux, le rouge prend une dimension qu’il n’avait pas. Il devient vif et agréable. On en profite beaucoup mieux.

Les desserts sont délicieux, une glace bien crémeuse et un gâteau préparé par Lenôtre. C’est le moment d’essayer les trois 1904.

Celui qui a été ouvert il y a plus d’un mois s’élimine de lui-même car il est éventé. C’est un alcool doux mais devenu plat. La première gorgée du deuxième Bellay 1904 ouvert il y a dix jours me transporte dans un imaginaire qui me plait. C’est un alcool mais peu marqué. Il est doux, frais et porte des fruits roses. C’est un bonheur très frais, très Fragonard ou Vigée-Lebrun. C’est un alcool délicat, léger sans grande longueur mais cela ne gêne pas.

Le Bellay 1904 que j’ai ouvert en arrivant a un nez de vin sec. En bouche c’est un vin sec et je ne penche pas vers un alcool. Il est agréable, lui aussi sans grande longueur mais franc. Et ce qui est étonnant c’est qu’au fur et à mesure de sa dégustation je vais voir apparaître des notes d’alcool, comme celles d’un marc très peu alcoolisé. Tout est aussi délicat mais celui qui m’apporte le plus d’émotion, c’est le 1904 précédent. Alors, d’où proviennent ces vins ? La première idée qui m’est venue est que celui qui a écrit les étiquettes a fait une faute d’orthographe et voulait signifier les vins du Bellet, région proche de Nice où l’on fait d’agréables vins blancs à base de cépage rolle, appelé en Italie vermentino. Mais est-ce compatible avec le fait que les vins semblent alcoolisés ? Une autre hypothèse est qu’il existe des vins de Saumur qui portent de nom du Bellay. Ce serait plus logique, mais dans la famille de mon ami on a plutôt conservé des vins locaux. Et le nombre important de vins de 1904 dans sa cave indique plutôt des achats locaux. On ne saura pas mais ce qui est sûr, c’est que ces 1904 aux bouteilles variables, très naturellement, sont des vins / alcools d’une rare fraîcheur et d’un grand intérêt gustatif.

Ça fait plaisir pour des vins de 114 ans. Ces vins ont ponctué un agréable repas amical.

le 1904 ouvert le jour même

le 1904 ouvert il y a dix jours. Sur l’étiquette difficile à lire on peut reconnaître « llay »

les deux 1904

magnifique repas au restaurant Akrame mercredi, 28 février 2018

Ma fille et Viktoria, la fille d’un ami, ont fait la même école de commerce et ont démarré dans la même grande entreprise internationale. Elles ont beaucoup de points communs mais leurs parcours ont divergé par la suite. Ce serait intéressant de les faire se rencontrer. C’est un prétexte à dîner à quatre, ma femme, ces deux jeunes femmes et moi. J’ai envie de choisir le restaurant Akrame, et ce serait un privilège si Akrame était présent, car il dirige un groupe de plus en plus important dépassant je crois les vingt restaurants. Akrame m’a promis d’être là et il tiendra sa promesse. J’arrive un peu après 18 heures pour ouvrir les vins de ce dîner. La brigade prépare le service du soir et dîne en deux petits groupes. Je suis frappé de voir à quel point ils sont tous ouverts, accueillants et motivés. Une ambiance dynamique règne en ce lieu. J’ouvre le vin rouge et le liquoreux. Il n’y a aucun problème pour les bouchons qui viennent entiers. L’odeur du vin rouge pourrait suggérer un léger gout de bouchon, mais il n’en sera rien. L’opération d’ouverture est rondement menée. Il fait si froid qu’il est exclu que je me promène dans le quartier. Je reste sur place, voyant le ballet des uns et des autres, toujours sympathique. Avec le chef cuisinier en place j’ébauche l’idée d’associer du café à une viande rouge pour le vin algérien et d’avoir des goûts tout en douceur pour le vin hongrois. Mais le chef préfère que j’en discute avec le pâtissier qui arrive peu après. J’avais envie de madeleines mais il propose deux desserts orientés vers les parfums que je lui fais sentir. Laissons libre cours à sa créativité.

En attendant l’arrivée de mes invités et d’Akrame, on m’offre un verre d’un champagne de vigneron. Ce champagne de vigneron ressemble à beaucoup de champagnes de vignerons, avec une acidité forte, une absence de concession mais ce qui me gêne le plus c’est le manque de cohérence de la bulle qui fait un peu trop bulle d’eau minérale, pas assez cohérente avec le vin de belle qualité.

Akrame arrive, prend les choses en mains, me demande les vins que j’ai apportés et me dit : « laisse-moi faire ». Nous passons à table. Le Champagne Krug Grande Cuvée à l’étiquette Gold, ce qui indique un assemblage de champagnes de plus de 25 ans, a une belle couleur claire et jeune. Il est d’une grande vivacité combinée à une belle douceur. C’est un champagne noble. Il y a deux amuse-bouche qui me plaisent car les goûts sont lisibles et cohérents. Il y a du talent dans cette apparente  simplicité d’une tartelette à la mozzarella et d’une feuille végétale portant une fine lamelle d’anguille fumée. Le repas démarre très fort et je vais en faire compliment à Akrame tout en lui apportant un verre de Krug sur lequel nous trinquons.

Le tartare de coquilles Saint-Jacques est délicieux et vibre avec le champagne profond de façon redoutable. Le plat suivant est de céleri rémoulade fumé avec une crème de poire noire. C’est amusant car cette encre tapisse nos lèvres de noir comme le maquillage des Gothiques. Nous en rions et Akrame nous confirme qu’il aime le noir. Un poisson cru surmonté de copeaux de truffe titille magnifiquement le Krug. La noblesse et la longueur du champagne sont impressionnantes.

Lorsqu’on me sert le tourteau au foie gras, je sens le plat et j’ai envie de passer au vin rouge car je crois que l’accord sera parfait. Je demande aux serveurs s’il y a d’autres plats à venir qui conviennent au Krug et j’adore quand ils me répondent que seul Akrame le sait. Le sommelier accepte que je fasse le service du rouge. Le Royal Kebir Frédéric Lung vin d’Algérie 1947 a un niveau dans le goulot et une étiquette si belle et si neuve qu’on aurait du mal à croire que la bouteille n’ait pas été reconditionnée. Or elle est d’origine. Le nez du vin est envoûtant, riche et on retrouve les caractéristiques de ce vin : café, tabac, cacao. L’accord avec le plat de tourteau et de foie gras est tellement immense que je prends mon plat et mon verre de vin et je vais en cuisine pour qu’Akrame l’essaie. Il est comme moi subjugué par la pertinence inouïe de cet accord. Le vin est grand, noble, riche et tellement exotique. C’est, je pense, un des plus beaux Royal Kebir que j’aie eu l’occasion de boire. Nous pourrions, si nous voulions, manger le homard au barbecue et kumquat avec le champagne, car il en reste, mais le vin algérien est d’une telle richesse qu’il est brillant avec ce plat. On nous montre une belle pièce de bœuf qui repose sur un lit de grains de café. Il est ensuite servi en belles tranches avec une sauce très réduite et c’est l’apothéose pour ce sublime vin si cher à mon cœur. Akrame en est ému.

Nous avons ensuite une composition à base de pigeon et le Royal Kebir a déjà été asséché. Je suis toujours circonspect face aux suggestions de sommeliers, surtout quand les vins qui ont précédé ont un tel calibre. Mais le Châteauneuf-du-Pape Mas Saint-Louis de Louis Geniest 2012 se montre absolument brillant. Il est racé. C’est d’autant plus méritoire qu’il apparaît après le 1947. Ce vin n’a pas d’âge alors qu’il est tout jeune. Il a une vibration émouvante et des complexités chantantes et embrasse le pigeon à la cuisson parfaite. Je n’ai pas cessé de féliciter le sommelier.

Akrame nous avait rejoints à table depuis quelque temps et nous avons bavardé de mille et une choses. Il est heureux de nous voir et nous aussi de profiter de son discours tonique, dynamique et positif. Il déborde de belles idées et nous échangeons avec plaisir avec lui.

J’ai apporté un Tokaji Eszencia Aszù 1988 car je pense qu’il y a un réel cousinage avec le Constantia d’Afrique du Sud 1861 que j’ai bu avec Viktoria chez son père. Le vin est tout en douceur, très sucré mais léger et vif, à la longueur infinie. Il se marie bien aux deux desserts à base de pommes cuites, l’un avec kaki et calisson et l’autres avec du sucre muscovado. Le vin est dosé avec subtilité, rien n’étant dans l’excès. Sa sucrosité paraît légère.

Tout dans ce dîner a été exceptionnel. L’attitude des serveurs, décontractée mais très concernée, les plats aux goûts lisibles et talentueux, avec une générosité et une créativité débordantes, des accords superbes, tout cela nous a ravis. Mais deux choses méritent pour moi d’être mises en avant. Tout d’abord le Royal Kebir, vin riche et impérial a eu une flexibilité rarement atteinte en se mariant à trois plats très différents : tourteau et foie gras, homard au barbecue et bœuf au café et en brillant chaque fois. C’est exceptionnel.

Et le deuxième point important, c’est la complicité amicale qui existe avec Akrame, chef dynamique, inventif, les pieds sur terre et généreux. Tout a été sous le signe de l’amitié. En un Paris glacial, ça réchauffe le cœur.

Akrame aime bien afficher des représentations de lui-même faites par des artistes. ici, il fait très gourou d’une secte et semble nous dire : « faites-moi confiance ! »

j’ai oublié de photographier la si belle étiquette du Royal Kebir 1947. Je joins la photo d’une bouteille identique ouverte lors de la dernière réunion de l’académie des vins anciens, aussi belle que celle de ce dîner :

2 amuse-bouche puis les plats

pièce de boeuf sur un lit de grains de café

discussions amicales sur la gastronomie

Magnificent lunch in restaurant Michel Rostang samedi, 24 février 2018

It has been a long time since I had shared beautiful bottles with my friend Tomo. We missed it. So when there is a lack, you have to catch up with prestigious bottles. We’ll be two and here’s the program: Cheval Blanc 1947, Vosne-Romanée Cros Parantoux Henri Jayer 1994, Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Senior 1938. There are only red wines, but we also need to explore unconventional tracks.
I arrive at 11 am at the restaurant Michel Rostang to open the two wines in my possession, the wine of Henri Jayer from my cellar and the Hermitage that we bought together, Tomo and me. The cork of Cros Parantoux is no problem and the nose of the wine has a rare youth. The Hermitage capsule is difficult to remove entirely because the tin is very fragile and stuck to the top of the cork. The cork seems to me to have the same problems as that of the Montrose 1964: cork incredibly friable and soaked, plug stuck to the walls, and « sherry on the cake », extra thickness on part of the neck, which prevents it from going out without tearing. The cork comes in a thousand pieces but I can come out without a crumb falling into the wine.
Jasmin, a young assistant sommelier from Baptiste, the excellent sommelier who follows Alain Ronzatti, the restaurant’s historic sommelier, filmed the opening of this wine.
The perfume of the Rhône wine seems solid and promising. I write these lines while waiting Tomo who will come with a Cheval Blanc 1947 bottled by Calvet who had received this wine in barrels. This is the first time I see this mythical wine in Calvet bottling.
In the meantime, waiting for Tomo, I’m putting the menu together with Michel Rostang himself. He had asked by Baptiste which dish would advise the estate for this Hermitage 1938. The estate has no archive before 1945 and the advice given is veal rather than red meat.
It turns out that Michel Rostang and his wife have lunch before the service in the room next to the kitchen and I see a nice piece of beef that is sliced to them. I do not hesitate, it will be beef and not veal.
Tomo arrives a little after the twelve strokes of noon and I open the bottle. The capsule is neutral which is amazing and the cap is neutral and very short. It is a cork of modest quality. Tomo wonders if the bottle is genuine. I have not the slightest doubt because a forger who wants to make a Cheval Blanc 1947 would do otherwise. To give the Bordeaux time to breathe, we will change the order of the wines and Cros Parantoux will be served before the Cheval Blanc. The Bordeaux nose seems logical to me with the year or at least the period and with the appellation.
The delicious small appetizers would be better suited to a champagne than a burgundy as noble but we taste it anyway and we are amazed. The nose of the Vosne-Romanée Cros Parantoux Henri Jayer 1994 is expressive and intense and the mouth combines with great elegance an absolute delicacy and a beautiful power. This wine tunes its complexities in all directions and never a sip is like the previous one. The wine is welcoming us and we feel that we are facing a great wine of Henri Jayer. We are happy.
We are now served the truffle sandwiches that have contributed to the reputation of Michel Rostang. They are divine and it seems to me that it would be a shame to eat them with the so subtle Cros Parantoux. I therefore ask that we serve the Château Cheval Blanc 1947. The color in the glass is very dark compared to the color particularly light of the Burgundy. The nose is authentic but discreet. The mouth is lacking in size. It is a beautiful wine but it is not the legend. But you have to know how to wait. The Saint-Emilion is very consistent with the heavily truffled sandwiches and expands with them.
The sweetbread that comes almost naked on the plate, which I love, will make shine the Vosne-Romanée Cros Parantoux Henri Jayer 1994. The wine finds in the agreement a beautiful energy. He keeps the delicacy and the subtlety, gains in power, and its complexities are of a rare nobility. The intense taste does not stop to mark the palate. We are thrilled.

For Château Cheval Blanc 1947, I asked Michel Rostang to prepare fillets of red mullet just pan-fried with a small sauce. The dish is served with a simplicity that delights me, with a cannelloni of Jerusalem artichoke. The red mullet plays a role of flavor enhancer for the wine that takes a width beyond measure what it showed until then. We begin to lift the veil of a possible great wine. There is no doubt that this is a real Cheval Blanc 1947, but we only have 80% of what is this legendary wine. We feast, but not the seventh heaven he should offer us.

The beef is served in slices with a truffle puree and a leaded sauce of truffle chips excites its taste. With a particular generosity the butler will cover the meat with thin slices of truffles as if a Pinatubo of truffle wanted to drown the meat. The Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1938 is a bottle of rare beauty. The level is very suitable for a bottle of this age to about 5 cm. The wine that is served is quite cloudy and I do not like its earthy color so much. But the nose of the wine is pure and its taste is rich and generous. The domain Jaboulet had told Baptiste that it is likely that this 1938 looks like a 1962 which is very Burgundian and it is true that it has a beautiful delicacy but the wine is resolutely Rhone. There is indeed in the final evocations of terroir that are more Rhône than Burgundy. Meat and truffle transport this wine to beautiful heights. The rich and spontaneous wine, very straight, is of high quality. There is enough wine left for us to ask for the cheese. It will be only the Saint-Nectaire, which is the only cheese that is sufficiently sweet for these subtle wines.

I brought with me the Marc de Rosé domaine d’Ott 1929. I’m sure this Marc will be the winner of this meal. We order a soufflé Grand Marnier which, not flambé, will be suitable for alcohol. I have not to pray Tomo to confirm that the marc is by far the winner of the meal because on a very dry and strong nose it offers in the mouth an incredible sweetness. It’s happiness in liquid.

The room has slowly but surely emptied so let us invite Baptiste and Jasmin to join us. Tomo offers a Champagne Krug Clos du Mesnil 1992. It is interesting to think that 1994 which is not a great year gave us an exceptional Cros Parantoux and that 1992 which is not a great year gives us a Clos du Mesnil of a very high quality. The passing years change the situation for the great wines. We continued chatting while drinking this very young, lively champagne, which combines green notes of beautiful acidity with the nobility of a champagne of perfection.

If we have to rank what we drank which is very disparate; it will be 1: Marc de rosé of Ott 1929, 2 – Vosne-Romanée Cros Parantoux Henri Jayer 1994, 3 ex aequo Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1938 and Champagne Krug Clos du Mesnil 1992, 5 – Château Cheval Blanc 1947. If a Cheval Blanc 1947 is fifth in a meal, it is that the quality of other wines is exceptional.

The restaurant Michel Rostang has all the nice features of a family home. Before the service, Michel and his wife have lunch while the whole team is struggling all around. The menu was developed with Michel, Baptiste but also with Nicolas Beaumann the chef who could not be present and I had warned that we were opening the Hermitage 1938. All the service was involved for us to have a perfect meal. Each dish highlighted the wine with which it was associated. Everyone fulfilled our wishes. It was one of the best meals we shared, Tomo and me.

(the pictures of this lunch are in the next article just below)

Merveilleux repas au restaurant Michel Rostang samedi, 24 février 2018

Il y a bien longtemps que je n’avais pas partagé de belles bouteilles avec mon ami Tomo. Cela nous manquait. Alors, quand il y a un manque, il faut se rattraper avec des flacons prestigieux. Nous serons deux et voici le programme : Cheval Blanc 1947, Vosne-Romanée Cros Parantoux Henri Jayer 1994, Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1938. Il n’y a que des vins rouges, mais il faut savoir explorer aussi des pistes non conventionnelles.

J’arrive à 11 heures au restaurant Michel Rostang pour ouvrir les deux vins en ma possession, le vin d’Henri Jayer de ma cave et l’Hermitage que nous avons acheté en commun, Tomo et moi. Le bouchon du Cros Parantoux ne pose aucun problème et le nez du vin est d’une rare jeunesse. La capsule de l’Hermitage est difficile à enlever entière car l’étain est très fragile et collé au bouchon. Le bouchon me semble présenter les mêmes problèmes que celui du Montrose 1964 : liège incroyablement friable et imbibé, bouchon collé aux parois, et cerise sur le gâteau, surépaisseur sur une partie du goulot, qui l’empêche de sortir sans se déchirer. Le bouchon vient donc en mille morceaux mais j’arrive à tout sortir sans qu’une miette ne tombe dans le vin.

Jasmin, une jeune sommelière adjointe de Baptiste, le sympathique sommelier qui fait la suite d’Alain Ronzatti, l’historique sommelier du restaurant, a filmé l’ouverture de ce vin.

Le parfum du vin du Rhône me semble solide et prometteur. Je rédige ces lignes en attendant Tomo qui va venir avec un Cheval Blanc 1947 de mise Calvet qui avait reçu ce vin en barriques. C’est la première fois que je vois ce vin mythique en mise Calvet.

En attendant Tomo je mets au point le menu avec Michel Rostang lui-même. Il avait fait demander par Baptiste quel plat conseillerait le domaine pour cet Hermitage 1938. Le domaine n’a pas d’archive avant 1945 et le conseil donné est du veau plutôt que de la viande rouge.

Il se trouve que Michel Rostang et son épouse déjeunent avant le service dans la salle qui jouxte la cuisine et je vois une belle pièce de bœuf qui leur est servie en tranches. Je n’hésite pas, ce sera bœuf et non pas veau.

Tomo arrive un peu après les douze coups de midi et j’ouvre la bouteille. La capsule est neutre ce qui est étonnant et le bouchon est neutre et très court. C’est un bouchon de modeste qualité. Tomo se demande si la bouteille est authentique. Je n’ai pas le moindre doute car un faussaire qui voudrait faire un Cheval Blanc 1947 s’y prendrait autrement. Pour laisser au bordeaux le temps de s’aérer, on changera l’ordre des vins et le Cros Parantoux sera servi avant le Cheval Blanc. Le nez du bordeaux me paraît logique avec l’année ou du moins la période et avec l’appellation.

Les délicieux petits amuse-bouche seraient mieux appropriés à un champagne qu’à un bourgogne aussi noble mais nous le goûtons quand même et nous sommes émerveillés. Le nez du Vosne-Romanée Cros Parantoux Henri Jayer 1994 est expressif et intense et la bouche combine avec une grande élégance une délicatesse absolue et une belle puissance. Ce vin pianote ses complexités dans toutes les directions et jamais une gorgée ne ressemble à la précédente. Le vin est chaleureux et nous sentons que nous sommes face à un grand vin d’Henri Jayer. Nous sommes heureux.

On nous sert maintenant les sandwiches à la truffe qui ont contribué à la réputation de Michel Rostang. Ils sont divins et il me semble que ce serait dommage de les manger avec le si subtil Cros Parantoux. Je demande donc qu’on nous serve le Château Cheval Blanc 1947. La couleur dans le verre est très sombre comparée à la couleur particulièrement claire du bourgogne. Le nez est authentique mais discret. La bouche manque d’ampleur. C’est un beau vin mais ce n’est pas la légende. Mais il faut savoir attendre. Le saint-émilion est très cohérent avec les sandwiches lourdement truffés et s’étoffe avec eux.

Le ris de veau qui arrive presque nu sur l’assiette, ce que j’adore, va faire briller le Vosne-Romanée Cros Parantoux Henri Jayer 1994. Le vin trouve dans l’accord une belle énergie. Il garde la délicatesse et la subtilité, gagne en puissance, et ses complexités sont d’une rare noblesse. Le goût intense n’en finit pas de marquer le palais. Nous sommes aux anges.

Pour le Château Cheval Blanc 1947, j’ai demandé à Michel Rostang de préparer des filets de rougets juste poêlés avec une petite sauce réduite. Le plat est servi avec une simplicité qui me ravit, avec un cannelloni de topinambour. Le rouget joue un rôle d’exhausteur de goût pour le vin qui prend une largeur sans commune mesure avec ce qu’il montrait jusqu’alors. Nous commençons à lever le voile d’un possible grand vin. Il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’un vrai Cheval Blanc 1947, mais nous n’avons que 80% de ce qu’est ce vin de légende. Nous nous régalons, mais pas au septième ciel qu’il devrait nous offrir.

La viande de bœuf nous est servie en tranches avec une purée aux truffes et une sauce plombée de copeaux de truffe excite son goût. Avec une générosité particulière le maître d’hôtel va recouvrir la viande de fines lamelles de truffes comme si un Pinatubo de truffe voulait noyer la viande. L’Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1938 est d’une bouteille d’une rare beauté. Le niveau est très convenable pour une bouteille de cet âge à 5 cm environ. Le vin qui est servi est assez trouble et je n’aime pas tellement sa couleur un peu terreuse. Mais le nez du vin est pur et son goût est riche et généreux. Le domaine Jaboulet avait dit à Baptiste qu’il est probable que ce 1938 ressemble à un 1962 qui est très bourguignon et c’est vrai qu’il a une belle délicatesse mais le vin est résolument rhodanien. Il y a en effet dans le finale des évocations de terroir qui sont plus du Rhône que de la Bourgogne. La viande et la truffe transportent ce vin à de belles hauteurs. Le vin riche et spontané, très droit, est de grande qualité. Il reste suffisamment de vin pour que nous demandions les fromages. Ce sera uniquement le saint-nectaire, qui est le seul fromage suffisamment doux pour ces vins subtils.

J’ai apporté avec moi la bouteille de Marc de rosé d’Ott 1929. Je suis sûr que ce Marc sera le gagnant de ce repas. Nous commandons un soufflé au Grand Marnier qui, n’étant pas flambé, conviendra à l’alcool. Il ne faut pas prier Tomo pour qu’il confirme que le marc est de loin le gagnant du repas car sur un nez très sec et fort il offre en bouche une invraisemblable suavité. C’est du bonheur en liquide.

La salle s’est lentement mais sûrement vidée aussi invitons-nous Baptiste et Jasmin à venir nous rejoindre. Tomo offre un Champagne Krug Clos du Mesnil 1992. C’est intéressant de penser que 1994 qui n’est pas une grande année nous a donné un Cros Parantoux exceptionnel et que 1992 qui n’est pas une grande année nous donne un Clos du Mesnil d’une qualité de très haut niveau. Les années qui passent changent la donne pour les grands vins. Nous avons continué à bavarder en buvant ce champagne très jeune, vif, qui combine des notes vertes d’une belle acidité avec la noblesse d’un champagne de perfection.

Si nous devons classer ce que nous avons bu qui est très disparate ; ce sera 1 : Marc de rosé d’Ott 1929, 2 – Vosne-Romanée Cros Parantoux Henri Jayer 1994, 3 ex aequo Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1938 et Champagne Krug Clos du Mesnil 1992, 5 – Château Cheval Blanc 1947. Si un Cheval Blanc 1947 est cinquième dans un repas, c’est que la qualité des autres vins est exceptionnelle.

Le restaurant Michel Rostang a toutes les agréables caractéristiques d’une maison familiale. Avant le service, Michel et sa femme déjeunent alors que toute l’équipe se démène tout autour. Le menu a été mis au point avec Michel, Baptiste mais aussi avec Nicolas Beaumann le chef qui ne pouvait être présent et que j’avais prévenu du fait que nous ouvrions l’Hermitage 1938. Tout le service s’est impliqué pour que nous ayons un repas parfait. Chaque plat a mis en valeur le vin auquel il était associé. Tout le monde exauçait nos souhaits. Ce fut un des plus beaux repas que nous ayons partagés, Tomo et moi.

Great lunch in restaurant Arpège mercredi, 21 février 2018

Alexander is Dutch and lives in London. He attended two of my dinners. He tells me he’s coming to Paris and would like me to meet one of his friends. When I ask him which restaurant he would like to eat at, he says Arpege restaurant, which is not the worst place. Immediately I reserve at the restaurant asking that they warn Alain Passard of my coming. It is necessary that the wines are at the height of the place. Alexander announces Perrier-Jouët Belle Epoque 1982 and Amir his friend announces Montrose 1964. I had planned to bring a great 1971 grand cru chablis, but as Alexander works in the group Pernod Ricard which owns Perrier-Jouët, I decide at the last moment to bring a Perrier-Jouët Brut 1959 because I’m pretty sure he never drank it. I had several days ago recovered the wines of Alexander and Amir at the hotel where Alexander also lodges. Early in the morning, that is to say at 11 am, I am in the restaurant to open the wines.

The charming person at the reception looks in her files and sees no reservation in my name or on behalf of my friends and she has the good reflex: of authority, she decides to award me a table for three, whatever the consequences. Congratulations! At 11 o’clock I only have one wine to open, the Montrose 1964. And now I find myself facing the worst possible case of opening a wine. It should be said that the bottle with the original cap has a level at the base of the neck, which is exceptional for a wine of 53 years. I sting my corkscrew and it appears that the cap is stuck to the neck and that the cap, incredibly weak and porous, shreds as soon as I pull up. So I start curettage since nothing of the cap wants to go up. After long minutes of tampering to extract crumbs I am resolved to use a bimetallic strip. I try to plant it but, oh horror, the cork drops two centimetres. What I need now is to prevent it from falling into the wine. I take my long wick which erupts but does not rise. I must then resume curettage and after contortions that lasted twenty minutes, all the crumbs are out except those that still stick to the glass and that I cannot scratch, otherwise they would fall into the wine. Everything is finished, the wine smells good. I have to wait. As the small dining room is like an anthill that works in all directions, I’ll have a beer at the nearest bistro.

At the appointed time we meet Alexander, a little late, Amir and me. A waiter suggests we let us be guided, avoiding allergies and it gives a psychedelic menu that Adeline was kind enough to write for me to testify: tartlets: celery, lemon, thyme / carrot, rutabaga, garlic / beetroot, sauge onion. Then: sushi: flower beet petal with fig flower oil and Kalamata black olive tapenade / Erquy scallop carpaccio, curry and olive oil / hot-cold egg, boiled egg to remove the white to deposit an aerial mousse with sherry vinegar and four spices, all washed down with maple syrup / ravioli of three colors and their steaming consommé composed of celery, Jerusalem artichoke, turnip and mint / scallop quenelle and Jerusalem artichoke, yellow wine emulsion and cream of red cabbage / falafelle: beetroot, onion, turnip and hazelnut on its bed of orange compote, carrot and smoked onion / bouillabaisse: sole, langoustine, squid, lobster, scallops, golden vegetable shoots and yellow wine emulsion, langoustine bisque with carrot and saffron / duck pithiviers, black truffle, foamed chicken liver emulsion / Kalamata olive and grilled sauge / pigeon celery cream, Rooibos / mint tea red sauce, verbena tile, puff pastry, royal icing and kasha fat, vanilla celery macaroon, honey caramel from our hives, pear, hazelnut, fig, raisin and chocolate nougat , button of rose with apples / paris-brest and its praline of nuts / pasteïs del nata: Jerusalem artichoke, vanilla and lemon bergamot / millefeuille chocolate Peruvian and oil of argan on its caramel of orange.

In writing this account, I am living proof that it is possible to survive this maelstrom of generosity (15 different services). The dishes are so plentiful that we believe at every moment that there will be nothing after, but the cuisine is so light and exquisite that we push each dish the limits of the possible.

Champagne Perrier-Jouët Belle Epoque 1982 has a light color quite amazing. On the palate the wine is young, very young even. It lacks a bit of width but is still cold, and its structure is very elegant.

I suggested that we taste the two champagnes together and we are served Champagne Perrier-Jouët Brut 1959 which is amber, but not too much, with few bubbles but a sparkling well marked. This champagne has all the charm of old champagnes with a complexity much higher than that of 1982. What strikes Alexander is that the two champagnes have a certain cousinage and he recalls that we drank together in London a Moët 1911 and a Moët 1971 whose DNAs were spectacularly identical. It is the same for this 1959 and 1982. As the dishes are served, the 1982 expands, flourishes and the 1959 shows its liveliness and impressive depth.

The dish that excites me the most is the ravioli of three colors and their smoking consommé composed of celery, Jerusalem artichoke, turnip and mint. This dish is unheard of and makes me want to taste Château Montrose 1964. This Bordeaux is spectacular, with an incredible velvet and a truffled depth that I did not expect. It is able to accompany many dishes without ever changing level, keeping an incredible balance. What a great wine!

It was necessary to order a Champagne Philipponnat Clos des Goisses 2008 as the endless dishes followed each other. It is a very solid champagne, straight, square, expressive, but which, because of its young age, cannot fight with its older elders. The cuisine of Alain Passard, who was not present, is an inspired cuisine, with tastes of remarkable subtlety. The service was attentive and pleasant. When I said that the greatest wine of the meal is the absolutely perfect Montrose 1964, Alexander said to Amir: « Take advantage of this compliment because frequently the winner for François is one of his wines ». Here is a friend who knows me well!

It was a great lunch with brilliant wines in a talented restaurant.

(the pictures are below, in the French article on this lunch)

déjeuner au restaurant Arpège mercredi, 21 février 2018

Alexander est néerlandais et vit à Londres. Il a assisté à deux de mes dîners. Il m’annonce qu’il vient à Paris et aimerait que je fasse connaissance de l’un de ses amis. Lorsque je lui demande en quel restaurant il aimerait déjeuner, il me répond restaurant Arpège, ce qui n’est pas le pire des endroits. Immédiatement je réserve auprès du restaurant en demandant que l’on prévienne Alain Passard de ma venue. Il faut que les vins soient à la hauteur du lieu. Alexander annonce Perrier-Jouët Belle Epoque 1982 et Amir son ami annonce Montrose 1964. J’avais envisagé d’apporter un chablis grand cru 1971 superbe, mais comme Alexander travaille dans le groupe Pernod Ricard qui possède Perrier-Jouët, je décide au dernier moment d’apporter un Perrier-Jouët Brut 1959 parce que je suis quasiment sûr qu’il ne l’a jamais bu. J’avais récupéré il y a plusieurs jours les vins d’Alexander et d’Amir à l’hôtel où loge Alexander aussi, de bon matin, c’est-à-dire à 11 heures, je me présente au restaurant pour ouvrir les vins.

La charmante personne à la réception regarde dans ses fiches et ne voit aucune réservation à mon nom ou au nom de mes amis et elle a le bon réflexe : d’autorité, elle décide de m’attribuer une table pour trois, quelles que soient les conséquences. Chapeau ! A 11 heures je n’ai qu’un vin à ouvrir, le Montrose 1964. Et voilà que je me retrouve face au pire cas possible d’ouverture d’un vin. Il convient de dire que la bouteille au bouchon d’origine a un niveau en base de goulot, ce qui est exceptionnel pour un vin de 53 ans. Je pique mon tirebouchon et il apparaît que le bouchon est collé au goulot et que le bouchon, incroyablement faible et poreux, se déchiquète dès que je tire vers le haut. Je commence donc un curetage puisque rien du bouchon ne veut monter. Après de longues minutes de tripatouillage pour extraire des miettes je me résous à utiliser un bilame. J’essaie de le planter mais, oh horreur, le bouchon baisse de deux centimètres. Ce qu’il me faut maintenant, c’est empêcher qu’il ne tombe dans le vin. Je prends ma longue mèche qui extirpe mais ne lève point. Il faut alors reprendre le curetage et après des contorsions qui ont duré vingt minutes,  toutes les miettes sont sorties sauf celles qui collent encore au verre et que je ne peux gratter, sinon elles tomberaient dans le vin. Tout est fini, le vin sent bon. Il me reste à attendre. Comme la petite salle de restaurant abrite une fourmilière qui agit en tous sens, je vais prendre une bière au café du coin.

A l’heure dite nous nous retrouvons Alexander, un peu en retard, Amir et moi. Un maître d’hôtel nous suggère de nous laisser guider, en évitant les allergies annoncées et cela donne un menu psychédélique qu’Adeline a eu la gentillesse d’écrire pour que je puisse en témoigner : tartelettes : céleri, citron, thym / carotte, rutabaga, ail / betterave, oignon sauge. Ensuite : sushi : pétale de betterave fleuri à l’huile de fleur de figuier et sa tapenade d’olive noire de Kalamata / carpaccio de coquille Saint-Jacques d’Erquy, curry et huile d’olive / chaud-froid d’œuf, œuf à la coque auquel on retire le blanc pour y déposer une mousse aérienne au vinaigre de Xérès et  quatre épices, le tout arrosé de sirop d’érable / ravioles de trois couleurs et leur consommé fumant composé de céleri, topinambour, navet et menthe / quenelle de Saint-Jacques et topinambour, émulsion au vin jaune et crème de chou rouge / falafelle : boulette de betterave, oignon, navet et noisette sur son lit de compotée d’orange, carotte et oignon fumé / bouillabaisse : sole, langoustine, encornet, homard, Saint-Jacques, jeunes pousses légumières dorées et émulsion au vin jaune, à la bisque de langoustine à la carotte et au safran /  Pithiviers de canard, truffe noire, émulsion aux foies blonds de poularde / Lotte à l’olive de Kalamata et crème de céleri sauge / pigeon grillé, sauce au thé rouge Rooibos  / mignardise, tuile de verveine, feuilletage, glaçage royal et graisse de kasha, macaron céleri vanille, caramel au miel de nos ruches, nougats poire, noisette, figue, raisin et chocolat, bouton de rose aux pommes / paris-brest et son pralin de noix / pasteïs del nata : topinambour, vanille et citron bergamote / millefeuille chocolat péruvien et huile d’argan sur son caramel d’orange.

En écrivant ce compte-rendu, je suis la preuve vivante qu’il est possible de survivre à ce maelström de générosité. Les plats sont tellement copieux que l’on croit à chaque instant qu’il n’y aura rien à la suite mais la cuisine est tellement légère et exquise que l’on repousse à chaque plat les limites du possible.

Le Champagne Perrier-Jouët Belle Epoque 1982 est d’une couleur claire assez étonnante. En bouche le vin est jeune, très jeune même. Il manque un peu de largeur mais il est encore froid, et sa structure est très élégante.

J’ai suggéré que l’on goûte ensemble les deux champagnes et on nous sert le Champagne Perrier-Jouët Brut 1959 qui est ambré, mais pas trop, avec peu de bulles mais un pétillant bien marqué. Ce champagne a tout le charme des champagnes anciens avec une complexité très supérieure à celle du 1982. Ce qui frappe Alexander c’est que les deux champagnes ont un cousinage certain et il se rappelle que nous avons bu ensemble à Londres un Moët 1911 et un Moët 1971 dont les ADN étaient spectaculairement identiques. Il en est de même pour ce 1959 et ce 1982. Au fur et à mesure des plats, le 1982 s’élargit, s’épanouit et le 1959 montre sa vivacité et sa profondeur impressionnante.

Le plat qui m’enthousiasme le plus est celui des ravioles de trois couleurs et leur consommé fumant composé de céleri, topinambour, navet et menthe. Ce plat est inouï et me donne envie de goûter le Château Montrose 1964. Ce bordeaux est spectaculaire, doté d’un velours incroyable et d’une profondeur truffée que je n’attendais pas. Il a su accompagner beaucoup de plats sans jamais changer de niveau, gardant un équilibre incroyable. Quel grand vin !

Il a fallu commander un Champagne Philipponnat Clos des Goisses Extra-Brut 2008 tant les plats se succédaient. C’est un champagne très solide, droit, carré, expressif, mais qui, du fait de son jeune âge, ne peut pas lutter avec ses grands aînés. La cuisine d’Alain Passard, qui n’était pas présent, est une cuisine inspirée, avec des goûts d’une subtilité remarquable. Le service a été attentionné et agréable. Lorsque j’ai dit que le plus grand vin du repas est le Montrose 1964 absolument parfait, Alexander a dit à Amir : « profite bien de ce compliment car fréquemment, le vainqueur pour François est un de ses vins ». Voilà un ami qui me connaît bien. Ce fut un grand déjeuner avec des vins brillants dans un restaurant talentueux.

l’incroyable bouchon du Montrose

un décor caractéristique du restaurant et un rappel bien sympathique d’Alain Senderens qui a créé la « Nouvelle Cuisine » en ce lieu.

l’invraisemblable succession de 15 plats :

la queue de lotte présentée par un serveur

j’adore la page de garde du menu

Sublime Vega Sicilia Unico 1961 mardi, 20 février 2018

J’avais prévu d’ouvrir pour mon fils Vega Sicilia Unico 1961 avant la présentation des vins de Vega Sicilia par Gonzalo Iturriaga maître de chais du domaine, car j’aurais aimé lui en parler, mais les événements en ont voulu autrement aussi est-ce seulement le lendemain de la présentation que nous allons boire ce vin à dîner. Pour être sûr de ne pas ouvrir trop tard ce grand vin, si j’étais pris au bureau trop tard, c’est à 9h30 du matin que j’ai ouvert le vin, laissé ensuite en cave à 14 degrés. Le parfum en cave est prometteur.

Ma femme a prévu des tranches de boudin blanc truffé et poivré puis une épaule d’agneau avec un gratin de pommes de terre. Pour ce vin noble j’ai prévu de grands verres Riedel qui mettent en valeur les senteurs riches du 1961. Le nez du vin est intense, poivré mais velouté et profond. En bouche, ce vin est une évidence. On ne passe pas des heures à essayer de comprendre, car il est là, évident, serein et accompli. Tout en lui respire la sérénité et il y a dans le finale une fraîcheur mentholée de très grand vin. Le vin est velouté et son parcours en bouche est d’un rythme entraînant. Avec combien de vins peut-on se sentir aussi bien ? Son équilibre fait qu’il n’a pas d’âge. Il a 56 ans mais si on disait qu’il en a 20, on ne ferait pas d’erreur. Je ne vois en France que les grands Côtes Rôties de Guigal pour avoir une telle aisance. Chaque saveur des plats améliore encore le vin, comme si c’était possible. Le boudin le rend encore plus riche et plein et l’agneau le rend plus cinglant. Chaque bouchée, chaque gorgée est un plaisir nouveau. Il est rare d’avoir aussi longtemps une sensation de plaisir gastronomique parfait.

Le dessert de pommes au four ne peut se goûter que lorsque le vin est fini et la gourmandise nous pousse à l’accompagner par le marc de rosé d’Ott 1929 toujours aussi éblouissant et déroutant, car il nous mène sur des pistes qu’aucun autre marc n’explore.

C’est le dernier dîner pour ce mois avec mon fils car il d’autres occupations dans les jours à venir. Après les dîners de bas niveaux où l’Ausone 1947 et un Krug ont brillé, nous avons fini en apothéose.

le bouchon a un peu souffert et on voit l’irrégularité du goulot qui a comprimé le bouchon sur une partie de sa hauteur

 

Présentation des vins récents du groupe Vega Sicilia mardi, 20 février 2018

Comme chaque année le maître de chais du groupe Vega Sicilia vient présenter les vins du millésime qui est mis sur le marché. Gonzalo Iturriaga parle un excellent français avec un accent espagnol prononcé. Nous sommes accueillis par l’importateur français des vins de ce groupe, la société Vins du Monde au siège de l’O.I.V. l’organisation internationale de la vigne et du vin. La salle est magnifique et l’assistance est composée de professionnels du vin, des sommeliers, restaurateurs et prescripteurs. Le service du vin pendant la dégustation sera fait par des élèves de l’école Cordon Bleu venant de tous pays, USA, Canada, Chine, etc. cornaqués par Franck Ramage le directeur de cette belle école.

Gonzalo présente le groupe repris en 1983 par la famille Alvarez qui a eu une politique dynamique d’investissements, à tel point que le volume des ventes a décuplé, représentant aujourd’hui 1,5 million de bouteilles.

Le vin blanc Oremus Mandolas Tempos Vega Sicilia 2016 est un furmint hongrois. La couleur est très claire, le nez est citronné, typiquement d’un vin très jeune, voire trop jeune. Le vin est servi très froid. Il a un joli fruit, assez sec. C’est un vin de fraîcheur. Du fait de sa jeunesse le vin est un peu simple, d’une grande pureté. Gonzalo est comme moi convaincu qu’il devrait être commercialisé avec deux ou trois ans de cave de plus.

Alion Tempos Vega Sicilia Ribeira del Duero 2013 a une belle robe foncée avec sur le cordon, la fine remontée dans le verre par capillarité, un rouge très expressif. Le nez est très précis, fin, tranchant. La bouche est fraîche, dotée d’une belle amertume. Le vin est très agréable, racé. Il ne fait pas du tout vin d’entrée de gamme. C’est une très belle surprise. Il est d’une année chaude, et se montre subtil, à la belle fraîcheur.

Le Pintia Toro Tempos Vega Sicilia 2013 a une couleur plus foncée. Le nez est plus lourd, plus épais mais quand même bien net. La bouche a une attaque suave. Il a du velours et c’est le finale qui est plus rêche. Autant Alion est immédiatement plaisant autant celui-ci doit gagner quelques années pour s’assembler un peu mieux. Ce vin frais est plus lourd, voire un peu pesant et un peu rude. Il ne s’est pas vraiment trouvé et on sent aux commentaires de Gonzalo qu’il n’en vante pas les mérites.

Le Valbuena Vega Sicilia Ribeira del Duero 2013 est assez foncé comme le Pintia. Le nez est nettement plus cohérent. Il a beaucoup de douceur et de personnalité. La bouche est élégante et harmonieuse. Je sens la fraîcheur mentholée que j’adore. Le vin est gourmand mais il est gracieux comme une ballerine. 2013 est une année classique pour ce vin dont Gonzalo est amoureux. C’est bien de le boire frais comme il est servi.

Le Vega Sicilia Unico Ribeira del Duero 2006 a une couleur plus claire que celle du Valbuena. Le nez est noble. Tout en ce vin est parfait, cohérent et il y a très nettement marquée, la fraîcheur mentholée, signature des grands Unico. C’est le dernier des millésimes commercialisés, soit douze ans après, alors que le 2008 a déjà été mis sur le marché, et il est très buvable maintenant. Il est gourmand, encensé par tous les critiques du monde qui lui ont donné les notes maximales. La fraîcheur de ce vin est extrême, avec une belle acidité et une belle râpe. On l’appréciera quand même mieux dans quelques années.

Ce qui est intéressant à constater c’est que l’on peut passer de l’Unico au Valbuena et en sens inverse sans que cela ne déprécie l’un des deux. Et paradoxalement, c’est le plus jeune qui paraît le plus mûr. Les quatre vins rouges se montrent d’une fraîcheur extrême.

Nous revenons à Oremus pour goûter les Tokaji. L’Oremus Tokaji Aszu 3 puttonyos Tempos Vega Sicilia 2011 a une jolie couleur d’un jaune clair. Le nez est fermé mais c’est dû au service très froid du vin. La bouche est claire, de belle sucrosité fraîche. Il est très agréable à cet âge, en vin doux frais. Il est gastronomique et je le verrais bien avec un poisson d’eau douce, truite ou brochet, servi avec une sauce à la crème.

L’Oremus Tokaji Aszu 5 puttonyos Tempos Vega Sicilia 2008 a une robe légèrement ambrée. Le nez est fermé mais le vin est froid. Il a une plus forte sucrosité du fait des puttonyos supplémentaires mais il a une fraîcheur remarquable. Sur ce vin je verrais un curry que Gonzalo voyait plutôt sur le 2011.

Globalement ce qui frappe dans cette dégustation c’est l’extrême fraîcheur de tous les vins et leur grande précision. Gonzalo est extrêmement motivé et nous fait partager son enthousiasme. Cette présentation est convaincante et me conforte dans ma fidélité à ce domaine.