réveillon du 31 décembre lundi, 1 janvier 2018

Là, on ne peut plus reculer, nous sommes sur la dernière ligne droite. Le réveillon du 31 décembre est le prochain repas. Nous serons huit, dont sept buveurs puisque ma femme ne boira que l’Yquem. Il y a quatre amis fidèles de nos réveillons et des repas du 15 août. Un couple de restaurateurs sera présent pour la première fois.

Tout le monde s’affaire en cuisine, ma femme et un ami dirigeant les opérations. La mise en place des verres à vin avec un dernier rinçage est comme un ballet réglé par Maurice Béjart. Dès 16 heures je commence l’ouverture des vins. J’ouvre déjà les deux champagnes de début de repas, puis les blancs secs et les blancs liquoreux qui se situent dans la même zone de conservation.

C’est ensuite le tour des rouges. Le bouchon du Pétrus 1983 s’émiette en mille morceaux du fait d’un liège léger et poreux. Et ce qui est curieux c’est que ce liège fragile a joué son rôle parfaitement car le niveau du vin est dans le goulot, sans aucune perte par évaporation pendant 34 ans. A l’inverse le bouchon au liège parfait du Palmer 1959 avait laissé fuir du vin puisque le niveau est à mi- épaule. Le nez du Pétrus est parfait. Le nez du Palmer a besoin de profiter d’une longue aération.

J’ai prévu pour ce dîner deux vins du domaine de la Romanée Conti, La Tâche 1957 et La Tâche 1969. La raison est la suivante : La Tâche 1957 a un niveau bas et doit être bue. La Tâche 1969 au niveau très satisfaisant est en support et en appoint.

Je peste car la qualité des bouchons des deux vins de Bourgogne est notoirement faible. Lorsque je veux piquer mon tirebouchon dans le bouchon du 1957, le bouchon glisse vers le bas. J’essaie de piquer et quand je tourne le tirebouchon, le bouchon tourne, sans que je puisse enfoncer le tirebouchon. Il a fallu plusieurs minutes avant que je ne puisse enfoncer le tirebouchon et lever le bouchon, noir sur plus de la moitié de sa longueur et ayant déposé du gras sur le goulot. L’odeur du vin est épouvantable, la poussière dominant. Cette odeur a tellement pénétré le vin qu’il me paraît impossible que le vin revienne à la vie.

Lorsque je pique dans le bouchon du 1969, c’est même scénario initial, le bouchon tourne dans le goulot, tend à baisser si j’appuie et me demande aussi du temps pour le piquer sans qu’il ne baisse dans le goulot. Le bouchon est moins abîmé que celui du 1957 et l’odeur du vin me rassure car tout indique que le vin va se reconstituer. Mais je peste car cela montre une qualité faible des bouchons et par ailleurs de mauvaises conditions de stockage par les détenteurs précédents de ces bouteilles, qui ont dû les garder dans des caves trop chaudes.

Le bouchon du Châteauneuf du Pape Clos de la Petite Gardiole 1946 est beaucoup plus sain. C’est la couleur du vin qui m’interpelle, car le vin est un peu trouble et beaucoup trop rose. Il y a de l’incertitude pour les rouges.

Je me fais beau, ma femme est belle, les premiers amis sonnent à la porte. Le réveillon du 31 décembre 2017 va commencer.

Les amis arrivent dans notre maison du sud pour partager à huit le réveillon du 31 décembre 2017. Comme l’organisation et le déroulement de ce dîner suivent les règles et préceptes de mes dîners, bien qu’il s’agisse d’un dîner amical où tous sont invités, je le classerai dans les dîners de wine-dinners et ce sera le 220ème dîner de wine-dinners.

L’apéritif commence avec le Champagne Veuve Clicquot Ponsardin Vintage magnum 1985 qui accompagnera du boudin blanc truffé poêlé en fines tranches, une chiffonnade de Cecina de León, cette délicieuse viande fumée de bœuf, et le pain apporté par une amie restauratrice. Le « pain pompe » est servi traditionnellement le 24 décembre. Il est fait de farine versée sur le fond de la meule lorsque le pressage de l’huile d’olive est terminé, qui va « pomper » la fleur d’huile de fond de cuve et permettre ce pain spécial à la fleur d’oranger.

Le champagne est glorieux, d’un jaune discrètement vert et doré. Il est puissant, serein et équilibré, et il est très au-dessus des autres exemplaires de ce champagne que j’ai déjà bus. Il est large, imprégnant et conquérant. Avec chaque composant de l’apéritif il crée un accord d’un naturel rare. Je suis conquis par ce champagne flamboyant.

Nous passons à table après que chacun a résolu une énigme lui permettant de trouver sa place et voici le menu que j’ai mis au point avec mon épouse qui l’a réalisé : caviar Osciètre seul / Caviar Osciètre sur coquille Saint-Jacques crue / Coquilles Saint-Jacques poêlées / Corail des coquilles Saint-Jacques / Filets de dorades royales poêlés / Médaillons de faux-filet de bœuf / écrasé de pommes de terre à la truffe / Camembert Jort boîte bois / Suprêmes de pomelos / Mangues / Madeleines au miel de châtaignier.

Sur le caviar abondamment servi, le caviar osciètre prestige de Kaviari, le Champagne Salon Le Mesnil sur Oger 1990 est la perfection absolue du champagne. Nous avions bu Salon 2002 en magnum il y a deux jours. Le Salon 1990 se situe au sommet de l’Olympe. Tout est équilibré, parfaitement dosé et le champagne chante un Opéra solennel de grandeur et de divine perfection. Nous sommes en face d’un champagne exceptionnel à un moment de sa vie de parfait équilibre.

L’association caviar et coquille crue aux notes sucrées trouve une résonnance excitante avec Salon 1990. Chaque goût est pur et l’accord se montre naturel.

Sur les coquilles Saint-Jacques juste poêlées, le Bâtard-Montrachet Domaine Leflaive 1996 apporté par un ami forme aussi un accord fondé sur la pureté des goûts. Le parcours en bouche du vin a la forme d’un lampion chinois. C’est-à-dire que l’attaque est assez fluette, fluide et le milieu de bouche est tout en ampleur. Le vin lourd et riche est tonitruant en milieu de bouche. Le vin n’est pas totalement parfait mais il a un charme immense, lourd et plein.

Les coraux des coquilles vont accompagner les deux bordeaux qui vont se livrer à un petit match où tantôt l’un, tantôt l’autre va sortir gagnant. Au début, le Pétrus 1983 paraît plus strict et guindé que le Château Palmer 1959 velouté et féminin. Et avec le corail, c’est le 1959 qui gagne nettement.

Un petit miracle va se produire sur les filets de dorades royales. Le Pétrus jette aux orties son col empesé et devient vif, cinglant, brillant. Et l’accord est divin, mettant en valeur un pomerol de grande pureté très truffé, le Pétrus se révélant plus complice du poisson. Les deux bordeaux très disparates se sont montrés sur leur plus beau jour, l’un sur le corail et l’autre sur la dorade.

Je descends en cave pour remonter les trois vins déjà ouverts depuis six heures environ qui vont accompagner la viande. En prenant en main La Tâche 1957, l’odeur horrible à l’ouverture est toujours présente et mon verdict est que le vin sera imbuvable. Je remonte les vins et j’annonce la mort du 1957.

Je verse dans mon verre La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1957. Je hume. Il n’y a aucune odeur désagréable. Ceci veut dire que la mauvaise odeur collait au goulot du vin et ne marquait pas le vin. J’en informe les amis et je goûte le vin à la couleur fatiguée et là, c’est comme si une enclume me tombait sur le crâne. C’est le choc de Christophe Colomb découvrant l’Amérique : ce vin résume à lui tout seul tout ce qui fait l’ADN des vins du domaine de la Romanée Conti. Ce vin est une montagne de roses posée sur un marais salant. Il y a la rose, il y a le sel et pour moi, c’est toute la Romanée Conti qui me bombarde de son excellence. Comment ce vin que j’allais exclure peut-il résumer aussi bien le domaine, avec autant de charme et de persuasion ?

Je verse le vin à tout le monde ainsi que les deux autres vins. La viande est parfaitement cuite et la purée truffée est suffisamment typée mais calme pour jouer le rôle d’accompagnement des vins.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1969 est beaucoup plus orthodoxe que la 1957. Elle a un joli fruit que la 1957 n’a pas. Elle a le charme de La Tâche, un velours délicat et la rose est plus discrète. Ce vin est tout en élégance. C’est un grand vin. Mais le 1957 canaille et fou est dix fois plus excitant tant il est hors-piste, en dehors de tous les canons œnologiques.

Le Châteauneuf-du-Pape Clos de la Petite Gardiole 1946 est un OVNI, un objet vineux non identifié. Sa couleur est rose framboise et le vin est légèrement trouble. Et son goût n’a rien de Châteauneuf-du-Pape. Il est doucereux, délicat, hors norme. Ce qui est incroyable, c’est que ce vin somme toute plaisant va rester tel quel tout au long du repas, sans bouger d’un pouce. Il est plaisant, curieux, hors norme et si l’on accepte de dépaysement et l’étonnement, il est agréable à boire.

Nous avons déjà tellement mangé que la confrontation entre les camemberts Jort boîte bois et boîte rouge n’aura pas lieu. Nous ouvrons un Jort boîte bois qui trouve avec les deux La Tâche des accords pertinents. Tous les repères sont sapés : dorade avec Pétrus puis camembert avec la Tâche, tous les puristes vont hurler, mais ça marche !

Après ces trois rouges dont seul le 1969 est orthodoxe et conforme à ce que nous espérions, le Château d’Yquem 1989 nous met sur un chemin de pur plaisir, tant l’or de cet Yquem est parfait, rond et serein. L’accord avec les suprêmes de pomelos prépare l’accord plus gourmand avec les dés de mangues crues. Il apparaît que des mangues poêlées auraient été plus en continuité avec la richesse sensuelle de l’Yquem.

Les petites madeleines au miel sont à se damner. Le Champagne Dom Ruinart rosé 1990 à la jolie bouteille est hélas bouchonné. Si on accepte de boire le champagne, en oubliant l’amertume créée par le bouchon, il y a une fraîcheur très significative qu’offre le champagne. Mais il est inutile d’insister.

Depuis une heure environ nous avons échangé embrassades et vœux et il est temps de voter.

Nous sommes sept à voter pour cinq vins à choisir parmi les dix vins du dîner. Jamais je n’aurais imaginé que la préférence que j’ai marquée pour La Tâche 1957 serait partagée par mes amis au moment du vote. Car ce vin est de loin le gagnant. Mes amis ont du talent ! Quatre vins ont eu les honneurs d’être classés premier, La Tâche 1957 quatre fois, Le Salon 1990 une fois, comme le Pétrus 1983 et le Palmer 1959.

Le vote du consensus serait : 1 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1957, 2 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1969, 3 – Château Palmer 1959, 4 – Pétrus 1983, 5 – Champagne Salon Le Mesnil sur Oger 1990, 6 – Château d’Yquem 1989.

Mon vote est : 1 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1957, 2 – Champagne Salon Le Mesnil sur Oger 1990, 3 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1969, 4 – Pétrus 1983, 5 – Champagne Veuve Clicquot Ponsardin Vintage magnum 1985.

Le fait qu’un vin que tout sommelier ou tout amateur aurait refusé de servir se trouve le gagnant avec une large avance sur les autres est un cadeau pétillant qui me fait chaud au cœur. Rien n’est plus gratifiant pour moi que de voir un blessé de guerre qui gagne la bataille.

Des accords ont été extrêmement brillants lors de ce dîner. Le Cécina de León avec le pain pompe sur le Veuve Clicquot 1985, le caviar sur coquille crue avec Salon 1990, la dorade royale avec Pétrus 1983 ont été des sommets d’autant plus gratifiants qu’ils sont inattendus.

Ce dîner d’amitié a donné le meilleur coup d’envoi que l’on puisse concevoir à la nouvelle année.

le bouchon du 1969 est en dessous du bouchon du 1957

le bouchon du Chateauneuf est en bas de l’assiette (en tournant dans le sens des aiguilles d’une montre en partant du Palmer 1959, Tâche 57, Tâche 69, Chateauneuf 46, Pétrus 83 déchiqueté)

les trois rouges pour la viande

Pour que l’on puisse imaginer la taille des boîtes de caviar, j’ai mis un petit chat sur un coussin.

Le caviar forme le « 8 » de 2018

l’apéritif, Cecina de Leon

boudin blanc à la truffe

pata negra

le pain pompe

le repas : caviar puis caviar sur coquille crue

coquilles, coraux, dorade, faux-filet (il manque le pomelos et la mangue), madeleines

les vins du repas (de droite à gauche)

la table en fin de repas

Les votes

Déjeuner d’huîtres le 31 décembre dimanche, 31 décembre 2017

Ma dextérité toute nouvelle pour ouvrir les huîtres appelait une confirmation de mes talents. Nous allons acheter 24 huîtres pour le déjeuner du 31 décembre, que j’ouvre comme si j’avais été écailler toute ma vie. Les huîtres appellent un Champagne Laurent Perrier Cuvée Grand Siècle que j’ai depuis peu en cave, car il vaut mieux en prendre un qui a encore la fougue de la jeunesse.

L’accord avec les huîtres, surtout les petites fines de claires, est d’une précision absolue. Le champagne a un citron bien affirmé, entouré d’une rondeur naissante. Il est vif, simple, facile à comprendre et parfaitement équilibré. C’est un plaisir immédiat.

Une soupe aux légumes verts sert de plat central qui préserve nos capacités futures à festoyer et le reste du Vega Sicilia Unico 1996 accompagne un Jort qui a, comme le vin rouge, profité d’une nuit pour s’épanouir.

Le Vega Sicilia Unico, c’est l’apparition de la Vierge Noire de Montserrat. La nuit l’a amplifié, sanctifié oserais-je dire. Il est vif, au velours puissant et je retrouve enfin cette signature que j’adore du Vega Sicilia Unico : le finale mentholé. Avec le Jort plus affiné c’est orgasmique.

Nous revenons au champagne pour finir le Jort. L’accord est moins brillant mais il est pertinent, ce beau Grand Siècle montrant déjà une belle assurance. Il s’affirme avec des notes citronnées pulpeuses. On pourrait en boire sans fin.

 

Les trois sortes d’huîtres

joli centre de table, prêt pour ce soir

Réveillon, dîner de J-1 samedi, 30 décembre 2017

Pour l’apéritif du dîner du 30 décembre, il y a le reste des deux Krug. Le choix se porte donc sur un foie gras en terrine que nous mangeons avec des baguettes traditionnelles ou avec des gressins. Il est d’une évidence absolue que le Champagne Krug Grande Cuvée étiquette Crème est nettement plus adapté au foie gras que le Krug étiquette Gold. Car le Gold, le plus jeune, est d’une vivacité tranchante qui appellerait des chairs fortes alors que le Crème, devenu de plus en plus doucereux, se marie merveilleusement au foie gras. L’accord est superbe et la différence entre les deux champagnes est à son paroxysme.

Pour le bœuf Wagyu accompagné de frites de patates douces, j’ai ouvert il y a plusieurs heures un Vega Sicilia Unico Ribeira del Duero 1996. La viande se présente en divers morceaux, les uns un peu secs, d’autres tendres et bien cuits et d’autres saignants. Mon cœur balance vers les morceaux un peu cuits mais très tendres car le gras s’exprime bien. Le vin a un nez de velours où l’on perçoit fruits noirs et fruits rouges mais surtout une suavité extrême. En bouche le vin est tout velours. Alors qu’il a 21 ans, il est d’une insolente jeunesse. Si je ne savais pas que c’est Vega Sicilia, je pourrais me faire piéger par sa jeunesse et prendre mes distances, mais sachant que c’est Vega pour lequel j’ai les yeux de Chimène, tout en lui me séduit. C’est le velours suave qui s’installe en premier, emportant mon cœur et mon cerveau. Ensuite, c’est la force du corps, qui expose la richesse. Et enfin, le finale qui fait un double lutz piqué d’une brassée de fruits noirs délicats.

Le vin s’adapte très bien au Wagyu dont le gras colle à son velours. Le vin me ravit.

Les discussions d’une grande partie du dîner vont se concentrer sur le camembert Jort dont nous avons deux sortes. L’une est dotée d’une étiquette en papier rouge. L’autre n’a pas d’étiquette et toutes les mentions utiles sont marquées au fer brun sur le bois de la boîte. Le camembert en boîte en bois a nettement plus d’amertume, de cette amertume qui est pour moi l’ADN de ce camembert si flexible avec les champagnes et aussi certains vins rouges, dont le Vega. Le camembert en boîte à étiquette rouge n’a pas l’amertume souhaitée or toutes les mentions des deux boîtes sont les mêmes et le site du camembert Jort ne fournit aucune explication et ne mentionne même pas l’existence de la boîte bois. Dans un monde qui bouge et nous prépare à des transformations géopolitiques majeures, il n’y a rien de plus pressant que d’essayer de résoudre l’énigme du Jort. Du moins y avons-nous consacré des heures. Champollion eut moins d’acharnement dans la recherche que nous avons menée.

Le Vega continue sa course glorieuse dans nos palais. L’essai d’un bleu de Gex ne donne aucun résultat concluant. Le Krug étiquette Gold cohabite avec le Jort de bien belle façon, vin d’une puissance sans égale.

Les champagnes sont finis, il reste un peu de Vega Sicilia Unico. Demain est un grand jour.

la mention sur la grossesse est particulièrement présente

Jort rouge ou Jort bois, that is the question !

bleu de Gex peu à son aise

 

Comparaison de deux Krug Grande Cuvée samedi, 30 décembre 2017

Le 30 décembre est la veille du réveillon, dirait Monsieur de la Palice. Le déjeuner sera consacré à une comparaison entre un Krug Grande Cuvée à étiquette Gold et un Krug Grande Cuvée à étiquette Crème. Le Crème est plus âgé que le Gold de 5 à dix ans et on peut situer les vins des deux champagnes dans les décennies des années 80 et des années 90 pour le plus jeune.

Les bouchons des deux champagnes produisent des pschitt sympathiques, le plus jeune étant le plus bruyant. Les bouchons sont beaux. Versés dans les verres, les ors sont splendides, le plus âgé étant plus foncé. Le nez à l’ouverture est en faveur du Gold, plus expressif.

Les champagnes sont servis froids et on sent immédiatement que ces champagnes devraient se réchauffer pour délivrer leurs messages, ce qui est le contraire du ressenti du Salon 2002, qui se complaisait dans la fraîcheur, gage de sa vivacité.

Le déjeuner consiste en un poulet bio avec des petites pommes de terre. La simplicité conviendra à ces deux monstres sacrés.

Le Champagne Krug Grande Cuvée étiquette Gold a une grande vivacité qui s’exprime dans des notes citronnées. Il est vif et noble.

Le Champagne Krug Grande Cuvée étiquette Crème joue sur son charme et sa noblesse. C’est une Marie-Antoinette réhabilitée. Il a de la douceur et au premier stade où les champagnes sont encore froids, c’est nettement le Crème qui prend le dessus, plus courtois que le viking Gold.

En se réchauffant les deux champagnes vont rapprocher leurs séductions, même si leurs personnalités gardent leurs singularités. La vivacité du Gold s’accompagne maintenant d’une plus grande civilité et le charme du Crème s’oriente vers la douceur langoureuse. Mais les deux subjuguent par leurs complexités infinies. On est en face de l’aristocratie absolue du champagne.

Hier le camembert Jort à étiquette papier nous avait laissés sur notre faim, manquant de l’amertume et de la râpe qui font la grandeur du Jort. Aussi, de bon matin, ma femme est allée acheter des Jort à étiquette bois. Nous en ouvrons un, parfaitement à cœur, et dégageant la sublime amertume que j’adore. Le gagnant est très nettement le Gold sur le fromage, mais comme les champagnes continuent de se réchauffer, ils jouent avec nous comme à colin-maillard. Car le crème devenant de plus en plus doucereux tente de voler la vedette au Gold sur le Jort.

Il reste suffisamment de champagne pour l’apéritif du soir. Une sieste s’impose. Je vais rêver de ces glorieux Krug.

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Le Krug a étiquette jaune est là uniquement pour servir de repère

 

Réveillon du 31 décembre, J-2 samedi, 30 décembre 2017

Nous sommes dans le sud et le réveillon de fin d’année commence dès le 29. Je vais chercher à l’aéroport de Toulon Hyères deux amis. Ces amis sont des fidèles des réveillons et des 15 août. La tradition veut qu’à leur arrivée j’ouvre un magnum de champagne Salon, plutôt jeune.

Cette année j’ouvre un Champagne Salon magnum 2002. D’emblée, on est sur le terrain de l’excellence. Le parfum est intense, la bulle est active et le champagne impose sa virilité. C’est un champagne glorieux, incisif, tranchant, conquérant. Il est guerrier mais il est noble aussi. Du boudin blanc truffé est coupé en fines tranches et l’accord est superbe, le boudin apportant une douceur au message tranchant du champagne. Nous poursuivons avec une anchoïade où l’anchois est vraiment très fort. Le Salon en fait son affaire, mais la force de l’anchois ne pousse pas à continuer l’expérience.

Le foie gras qui suit est tout en douceur, marié à des gressins délicats et le Salon l’accepte avec bonheur, sachant doser sa force pour qu’elle s’allie à la douceur du foie gras. Nous passons à table et ce que j’ai suggéré à mon épouse est un plat de tagliatelles avec des dés de foie gras. L’accord est souverain. Je propose alors que l’on essaie aussi sur ce plat le Champagne Dom Pérignon 1975 dont j’avais gardé une moitié de bouteille. Quel contraste ! le Dom Pérignon, c’est l’odalisque d’Ingres, c’est l’escarpolette de Fragonard, c’est la luxure raffinée alors que le Salon, c’est Surcouf, c’est Masséna, l’enfant chéri de la victoire. Il y a dans le Dom Pérignon un fruit délicat et un velours incroyable. On est à cent coudées du Salon et aucun des deux champagnes ne nuit à l’autre. Ils naviguent sur des mers qui ne se croisent pas. Le Dom Pérignon est probablement le plus agréable sur le plat mais le Salon tient bien son rôle.

Le 1975 est vite fini aussi le Salon est-il seul en piste pour le camembert Jort. Le camembert est bon mais n’a pas la râpe que j’adore du Jort.

Les saveurs qui suivent, de mangues, de palmiers en biscuits, et de diverses douceurs n’appellent plus aucun champagne. Nous bâtissons les programmes des jours à venir. Le champagne Salon 2002 est un glorieux compagnon de gastronomie et un modèle de vivacité.

Avant le réveillon jeudi, 28 décembre 2017

Avec ma femme, nous allons organiser le dîner du réveillon de fin d’année dans notre maison du sud. Nous serons huit. Il faut faire les courses et réserver les produits à cuisiner pour la bonne date. De passage à la poissonnerie, ma femme en profite pour rapporter des huîtres pour le dîner, trois jours avant le réveillon.

J’ai toujours eu une appréhension à ouvrir les huîtres. Soit je me blesse, soit je mets un temps infini, ne comprenant comment on procède qu’à la dernière huître. Aussi suis-je circonspect devant cet achat. Comme nous n’avons pas de couteau pour ouvrir les huîtres, ma femme va en acheter deux et là, oh miracle, j’ouvre les seize huîtres, moitié plates, moitiés creuses en moins de cinq minutes. C’est le bon outil qui fait le bon ouvrier. Stupéfait de ma performance, je me dis qu’il faut fêter ça.

Normalement, je ne bois jamais seul, car le vin comme le champagne se partagent. Mais là, une telle découverte de mon aptitude à ouvrir les huîtres, qui ouvre des perspectives de nouvelles expériences, impose que je célèbre l’événement. J’ouvre donc un Champagne Dom Pérignon 1975.

Le bouchon résiste. Je prends un casse-noix pour essayer de tourner le bouchon mais seule la partie supérieure du bouchon suit mon geste. Le disque inférieur reste en place. Avec un tirebouchon je l’extirpe et j’entends bien le gaz qui s’échappe avec une belle pression.

Les huîtres sont délicieusement iodées, avec des goûts variés. Le champagne a une belle bulle, une couleur très jeune et son goût n’est que du bonheur. Comment Dom Pérignon fait-il pour réussir tous ses millésimes anciens ? Car ce millésime, qui ne fait pas partie des plus grands, se montre d’un niveau exceptionnel. Tout en lui est charmant. Il y a un fruit magnifique de fruits jaunes et dorés, un équilibre entre le vineux et le fruité, et une impression de sérénité apaisante. C’est un champagne avec lequel on se sent bien. L’iode des huîtres lui donne de la vivacité.

Avec un excellent foie gras, c’est le fruit qui s’élargit. Le champagne est tellement bon que j’en garde la moitié pour que les amis qui arrivent demain puissent en profiter. Coup sur coup j’ai goûté Dom Pérignon 1980, 1983 et 1975 tous fringants. Il y a de la magie dans Dom Pérignon.

bulletins du 2ème semestre 2017 du numéro 741 à 759 lundi, 25 décembre 2017

(bulletin WD N° 759 171227)   Le bulletin n° 759 raconte : dégustation des vins de 2014 du domaine de la Romanée Conti, dîner d’après dégustation au siège de « Grains Nobles », déjeuner à la brasserie Bofinger et atelier de dégustation de caviars Kaviari.

(bulletin WD N° 758 171219)   Le bulletin n° 758 raconte : déjeuner au restaurant Pierre Gagnaire, salon « Vinapogée » qui succède au salon des vins matures, avec un atelier de Maury de trois âges, un atelier de Lafaurie-Peyraguey de trois âges et dîner au restaurant Macéo.

(bulletin WD N° 757 171212)   Le bulletin n° 757 raconte : dîner au restaurant Bel Canto, déjeuner de famille, 17ème dîner de vignerons et  « dîner des amis de Bipin Desai » qui est le 219ème de mes dîners.

(bulletin WD N° 756 171204)   Le bulletin n° 756 raconte : déjeuner au restaurant l’Ecu de France, déjeuner au restaurant La Bourse et la Vie, déjeuner au restaurant Yoshinori, dîner au restaurant Le Clarence et passage impromptu au restaurant Pages.

(bulletin WD N° 755 171113)   Le bulletin n° 755 raconte : déjeuner au restaurant L’Ami Jean, Krug à la maison, 218ème dîner de wine-dinners au restaurant Taillevent.

(bulletin WD N° 754 171107)   Le bulletin n° 754 raconte : 217ème dîner au restaurant Michel Rostang, dégustation du Cognac Louis XIII de Rémy Martin à l’hôtel Royal Monceau.

(bulletin WD N° 753 171031)   Le bulletin n° 753 raconte : dîner caritatif de vins anciens au château de Beaune de la maison Bouchard Père & Fils, déjeuner au restaurant Les Magnolias au Perreux-sur-Marne.

(bulletin WD N° 752 171024)   Le bulletin n° 752 raconte : déjeuner d’anniversaire de ma fille, vin incertain bu avec mon fils, déjeuner au restaurant Le Petit Sommelier, dernier dîner du séjour de mon fils avec des vins étranges, déjeuner de conscrits au Yacht Club de France.

(bulletin WD N° 751 171017)   Le bulletin n° 751 raconte : dîner au restaurant l’Écu de France à Chennevières, cocktail de lancement du nouveau numéro de la revue « Papilles » au restaurant Laurent, déjeuner à L’Automobile Club de France, déjeuner à la Manufacture Kaviari sur une cuisine de Valérie Costa, chef.fe étoilé.e d’Ollioules

(bulletin WD N° 750 171003)   Le bulletin n° 750 raconte : cocktail au siège de la société Pinel et Pinel pour découvrir Salon 2006, dîner à Londres au One-O-One restaurant, mariage roumain dans le Surrey, incroyable dîner au Taillevent avec le prétexte d’un Hermitage La Chapelle 1961.

(bulletin WD N° 749 170926)   Le bulletin n° 749 raconte : Déjeuner au restaurant Passage 53, déjeuner de famille, déjeuner au restaurant Pages, déjeuner au restaurant Laurent avec l’académie des gastronomes.

(bulletin WD N° 748 170919)   Le bulletin n° 748 raconte : champagne impromptu avec ma fille, réception d’une américaine grande fidèle de mes dîners, dîner à la Vague d’Or à Saint-Tropez, dîner de grands champagnes.

(bulletin WD N° 747 170912)   Le bulletin n° 747 raconte : week-end gastronomique traditionnel du 15 août avec déjeuner chez des amis, et dîner dans ma maison du sud, dîner de famille, dîner chez des amis.

(bulletin WD N° 746 170905) Le bulletin n° 746 raconte : nombreux repas de vacances avec mes enfants, occasions d’ouvrir de grands vins,  déjeuner avec des cousins, coup d’envoi des festivités du week-end du 15 août, dîner au restaurant La Promesse à Ollioules.

(bulletin WD N° 745 170829)    Le bulletin n° 745 raconte : plusieurs repas de vacances dont deux au restaurant La Promesse à Ollioules au sein du domaine de Terrebrune, deux au restaurant BOR à Hyères, en bord de mer et plusieurs repas de famille aussi en bord de mer.

(bulletin WD N° 744 170822) Le bulletin n° 744 raconte : dîner au restaurant La Promesse à Ollioules, deux repas en famille, déjeuner au restaurant San Felice de l’hôtel du Castellet, et un autre dîner en famille dans le sud avec des grands vins.

(bulletin WD N° 743 170718)  Le bulletin n° 743 raconte : déjeuner au restaurant H. Kitchen, déjeuner au restaurant du Polo de Bagatelle, dîner au restaurant La Vague d’Or à Saint-Tropez, dîner dans ma maison du sud, déjeuner chez des cousins près d’Orange.

(bulletin WD N° 742 170711)   Le bulletin n° 742 raconte : dîner de famille avec des vins rares, dîner avec mon fils, déjeuner au restaurant Le Petit Sommelier, dîner au restaurant Taillevent avec des recettes à quatre mains.

(bulletin WD N° 741 170704)   Le bulletin n° 741 raconte : dîner à l’Assiette Champenoise après la dégustation de 38 champagnes Pol Roger, 216ème dîner de wine-dinners au restaurant Laurent.

 

 

 

question philosophique fondamentale lundi, 25 décembre 2017

On passe souvent à côté des vrais problèmes de notre monde moderne. Et soudain un jour, on se trouve face à l’un des vrais problèmes de l’humanité.

Ma fille cadette m’a offert pour Noël un paquet de gaufrettes délicieuses, fourrées au sucre glace et sur lesquelles sont gravées des phrases dont le caractère majeur est évident. Voici l’une des questions existentielles essentielles que j’ai trouvée et mangée. Ce devrait être une question à poser au baccalauréat de philosophie.

Le lecteur qui voudra traiter le sujet peut m’envoyer sa copie de 4 pages minimum et 8 pages maximum.

 

 

Déjeuner du 25 décembre en famille lundi, 25 décembre 2017

Après une nuit réparatrice, nous allons partager en famille le déjeuner de Noël. Pour l’apéritif il y aura une tarte à l’oignon que je découpe en dés. Le Champagne Dom Pérignon 1983 a un beau bouchon qui libère une belle énergie qui donne au champagne une grosse bulle active. Le champagne est d’une couleur d’un or clair, beaucoup plus claire que celle du Dom Pérignon 1980 bu récemment avec mon fils. En bouche, le champagne est glorieux. Jamais je n’imaginerais qu’un Dom Pérignon 1983 puisse être aussi accompli, joyeux, solaire. Il est tout en charme mais aussi en affirmation. Ce sont les fruits jaunes dorés qui m’impressionnent ainsi que son équilibre total. A chaque gorgée on se dit que l’on boit la quintessence du champagne. C’est fou. Avec le caractère sucré de la tarte à l’oignon, le champagne est divin.

Nous passons à table pour goûter un porcelet cuit au four et des petites pommes de terre cuites avec la peau et des gousses d’ail. Le vin est une Côte Rôtie La Landonne Guigal 1993 que j’avais ouverte hier dans l’après-midi et dont le nez en cave me semblait hier mais encore aujourd’hui très discret. Que va-t-il nous offrir ? Dès que le vin est versé dans de grands verres évasés, c’est la surprise d’un parfum d’une délicatesse infinie. Tout en ce vin est subtil et délicat. Le vin est tout en velours, agréable et calme. Il est d’un raffinement total. On n’a pas à se poser de question car son discours est courtois et compréhensible. C’est un régal. Le porcelet est goûteux, les pommes de terre se mangent comme des bonbons. On se régale et je me réjouis que les deux vins de ce déjeuner soient très au-dessus de ce que j’attendais. C’est le repas parfait.

La salade de fruits se mange avec le champagne qui s’adapte mais domine. Voilà un beau Noël.

la couleur du Dom Pérignon 1983

les vins des repas de Noël

Dîner du 24 décembre en famille lundi, 25 décembre 2017

Selon une procédure qui n’est pas habituelle, les cadeaux sont donnés avant le dîner du 24 décembre. Les petits-enfants grandissent et la fébrilité est plus contrôlée. Pour l’apéritif nous aurons des petits fours salés ainsi que des feuilletés au fromage et au jambon passés eux aussi au four. Le début de l’apéritif nous permet de finir le Mouton-Rothschild 1992 qui a toujours sa structure aussi riche et nous passons ensuite au Chablis Grand Cru Vaudésirs Domaine de la Maladière 1976. La bouteille m’avait attiré en cave par la hauteur du vin sous le goulot, sans la moindre perte de volume en plus de quarante ans, et par la couleur du vin dans la bouteille, d’une fraîcheur incroyable. A l’ouverture quatre heures avant le repas, le parfum se montrait brillant. Au service dans de beaux verres, le parfum est glorieux, généreux et protéiforme. En bouche la minéralité est forte, l’alcool est présent et le fruit est vibrant. C’est un vin très beethovenien. Ce qui me plait par-dessus tout c’est qu’il n’a pas d’âge, vin accompli qui a atteint la sérénité suprême. Il est éternel et on imagine qu’il sera le même dans vingt ou cinquante ans. Sa couleur est celle d’un vin de dix ans d’âge et restera longtemps aussi jeune.

Le chablis avec le feuilleté est superbe, mais il se montre encore plus raffiné sur les coquilles Saint-Jacques juste poêlées accompagnées d’un risotto aux fines brindilles de safran et cuit avec ce même chablis.

Pour le chapon j’ai ouvert il y a plus de cinq heures un Clos de Vougeot Grand Cru Domaine Méo Camuzet 2001. Le nez est un peu serré. Le vin a une acidité prononcée mais sa vinosité est belle. Il est extrêmement délicat. C’est un vin qui ne passe pas en force mais en suggestion. Ma fille aînée a du mal avec ce vin alors que ma fille cadette et moi sommes conquis par son raffinement délicat. Il est vrai que passer après le chablis magnifique est un peu dur pour ce bourgogne. Il est vrai aussi que c’est un vin assez difficile à comprendre du fait de ses complexités exposées du bout des lèvres.

J’avais ouvert un autre vin pour le dîner mais nous sommes tous fatigués par l’opulence des mets que nous avons partagés. Aussi est-ce le moment de passer à la tourte à la marmelade d’orange amère qui dans une acception quantique de la chronologie nous fera tirer les rois alors que Noël n’est même pas encore sonné. Il y a deux fèves. Une de mes petites-filles a une fève tandis que j’en ai une. Nous échangeons des baisers suite à ces adoubements et anoblissements et je propose à ceux et celles qui boivent de goûter les Maury que j’avais ouverts pour Vinapogée, le salon des vins matures. Le Maury 1959 est solide, carré et se boit bien. Le Maury Mas Amiel 1997 est étonnant, car sa fraîcheur donne des accents de menthe. On dirait de l’After Eight.

Astucieusement c’est avec les truffes au chocolat que les Maury prennent leur envol pour des accords d’un classicisme parfait.

Ce Noël riche de cadeaux qui selon le jargon actuel sont équitables, responsables et protecteurs de la planète, nous avons passé un agréable réveillon familial. Joyeux Noël.

Les préparatifs de Noël

l’anachronique galette des rois