Déjeuner au Bofinger et atelier de caviars Kaviari mercredi, 13 décembre 2017

On dit que les voies du Seigneur sont impénétrables et je me suis toujours demandé quelle était la pertinence de l’adjectif « impénétrable ». Incompréhensible, peut-être, mais impénétrable, ça ferme des portes. Bref. Ayant été invité par Valérie Costa à un déjeuner à la manufacture des caviars Kaviari, j’ai découvert un lieu, une ambiance et des produits qui m’ont posé cette question : pourquoi ne pas faire un de mes dîners en ce lieu ? J’ai des alcools blancs antiques qui appellent le caviar et je ressens chez Kaviari une envie de mettre en valeur leurs caviars de façon gastronomique.

Alors, pourquoi ne pas mettre en commun nos énergies ? On voit de temps à autre des dîners à quatre mains où deux chefs croisent leurs talent. Mettre en commun mes vins et les caviars de Kaviari est une idée possible. Allons-y. Rendez-vous est pris avec Karin Nebot qui, avec sa famille, est en charge de la manufacture. Nous avons prévu un travail en atelier à 14 heures et un déjeuner auparavant. Pour éviter tout aléa de circulation, nous allons déjeuner à la Brasserie Bofinger où j’ai des souvenirs antiques, avant que ce lieu ne fût Flo. Karin me rejoignant à la manufacture après mon arrivée me demande si je veux goûter quelque chose. Je réponds oui. Un caviar osciètre bien gras est le meilleur préparateur possible pour le déjeuner que nous allons faire.

Arrivés à la brasserie, le cadre est toujours aussi beau, le personnel toujours aussi brasserie. Je commande un Champagne Dom Pérignon 2006 qui me semble faire une suite logique à l’osciètre. Pour qu’il y ait continuité, nous prenons des huîtres Gillardeau n° 3 et je commande une sole pendant que Karin commande un saumon qui va apparaître beaucoup trop cuit selon une tradition culinaire française. Ma sole, à la sauce un peu lourde mais à la pomme de terre légère est beaucoup plus agréable. Le Dom Pérignon est très aidé par l’huître pour trouver une vibration et une assise que j’apprécie. Le champagne est franc, droit, facile à comprendre et de belle mâche. Comme il en reste nous prenons un morceau de munster bien affiné.

De retour à la manufacture Kaviari, Karin est très sollicitée. Elle me laisse seul avec trois personnes attablées qui finissent leur repas. Nous bavardons et bien évidemment nous trouvons des sujets d’intérêt commun. On me propose pour éliminer la mémoire du munster un Aquavit que je ne refuse pas.

J’ouvre la bouteille que j’avais prévue pour l’atelier, un Champagne Substance Jacques Selosse dégorgé le 29 juillet 2013. Mes voisins de table en profitent et sont comme moi conquis par l’invraisemblable tension de ce champagne. Il est vif, il est conquérant, mais il est capable d’être insolent au point d’offrir un fruit calme, aussi bien rouge que jaune. Un régal.

Avec Pascale, la responsable – entre autres – de l’atelier, nous passons à la partie studieuse de la dégustation. Le caviar « transmontanus », très noir, italien, évoque immédiatement pour moi la pierre alors qu’il évoque la terre pour Karin et le sel, très prononcé. Je le trouve un peu court.

Le caviar « osciètre », qui vient de Bulgarie est le caviar parfait. Il a du gras, une belle épaisseur, une grande longueur et un sel bien dosé. Le Selosse le propulse à des hauteurs rares. Karin est impressionnée par ce champagne long et percutant. Je le trouve absolument exceptionnel de puissance contenue et de persuasion.

Le caviar « cristal » est d’une couleur qui fait penser à un caviar albinos. La couleur est d’un marron gris clair. On est troublé par l’attaque déroutante mais le finale est très équilibré. Au deuxième essai, l’attaque ne rebute plus et il reste un caviar très intéressant et hors norme qui donne envie de l’essayer en gastronomie.

Le caviar « Berry » est d’un beau noir. Il est agréable, mais il fait trop bon élève. C’est un jeune élégant mais trop conventionnel.

Par rapport à l’esquisse de dîner que j’avais en tête, il y a de quoi faire de beaux accords pour mettre en valeur les alcools blancs du 19ème siècle que j’ai en cave. Le caviars sont bons, les idées sont là. A nous de les transformer en évènements rares.

un peu d’osciètre avant le déjeuner

le transmontanus

l’osciètre

le cristal

le Berry

Les 2014 du domaine de la Romanée Conti présentés par Aubert de Villaine jeudi, 7 décembre 2017

Chaque année, au siège de la société Grains Nobles, Aubert de Villaine, gérant de la Romanée-Conti, présente les vins du domaine qui sont mis sur le marché. Cette année, ce sera le millésime 2014. La petite salle en sous-sol, voûtée et antique, est pleine. Beaucoup sont des habitués qui ne rateraient en aucun cas ce rendez-vous. A côté d’Aubert de Villaine il y a Bernard Burtschy et il devait y avoir comme chaque année Michel Bettane, mais il ne sera pas là. Pascal Marquet, le dirigeant de Grains Nobles annonce le début de la séance.

Aubert de Villaine raconte les conditions climatiques du millésime. L’année 2014 est un beau millésime abondant marqué par trois actes successifs. L’hiver fut doux et sans pluie. Le printemps fut beau et sec. Ce fut un des plus beaux printemps que l’on ait connu en Bourgogne. La croissance de la plante fut idéale, mais avec une floraison lente. Puis, les 27 et 28 juin, il y a eu de très gros orages. Heureusement les parcelles du domaine ne furent pas touchées par la grêle. Dès juillet, le temps fut pluvieux et froid. Il y eut des attaques de mildiou et même de botrytis dès le début août ce qui est très tôt et rare. Après des années de petites récoltes, la vigne voulait produire. La canicule qui a suivi a entraîné que des baies se mirent à brûler. Les peaux épaisses ont permis de lutter contre le botrytis. L’herbe présente a permis de conserver l’humidité.

Après cette présentation Aubert de Villaine répondant à des questions indique que le domaine ne travaille quasiment exclusivement que des grands crus, ce qui fait que la façon de travailler est la même aussi bien pour les Echézeaux que pour la Romanée Conti.

Pour aviner nos verres et notre palais on nous sert un Givry Louis Jadot 2014 dont la couleur est d’un joli rouge clair et le nez d’un vin de chaleur. La bouche est ronde, épanouie. C’est un vin solaire, un peu amer et très court. Il n’est pas désagréable, un peu acide mais un peu trop court.

La maison Riedel ayant fourni des verres c’est la première fois que tous les vins auront leur verre ce qui permet de garder chaque vin pour qu’il s’épanouisse

Corton Grand Cru Prince Florent de Mérode Domaine de la Romanée Conti 2014. La robe est assez foncée. Le nez est invraisemblable de personnalité. C’est assez fou. Je sens de la framboise écrasée comme on en trouve dans des vins anciens. La bouche est d’un charme fou. Ce vin est suave. Il est étonnamment charmeur. C’est de la soie. C’est fou. Le fruit est incroyable. Il est très probable que cela ne restera pas ainsi et d’ailleurs le vin s’est calmé après quelques dizaines de minutes dans le verre. Ce vin est fait avec 50% de fûts neufs. Aubert de Villaine parle du côté sombre du Corton que je ne trouve pas. Je trouve ce vin aérien, vin de légèreté et de charme. Je suis étonné par sa douceur qui ne cadre pas pour moi ni avec un corton ni avec le travail habituel de la Romanée Conti. Mais cela va vite changer.

Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2014. Aubert de Villaine rappelle que le mot « Echézeaux » veut dire un lieu où il y a des habitations. Le vin est d’une rouge violine. Le nez est ingrat, strict. La bouche est fraîche à l’attaque. Le vin est extrêmement racé. C’est un vin superbe, sans concession, vibrant et racé. J’adore, alors que le nez ne correspond pas à la bouche. Il y a une petite amertume qui fait sa personnalité. Bernard Burtschy dit que le vin a une masse tannique importante. On sent que le vin sera de longue garde. Il y a 60 à 70% de vendange entière. L’âge moyen des vignes est de 50 ans pour l’Echézeaux et de 40 ans pour le Grands Echézeaux. Tous les vins de la Romanée Conti, sauf le Corton, ont 100% de fûts neufs.

Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2014. Le rouge est généreux. Le nez est fermé. La bouche est riche. Le vin est plus profond que le précédent mais moins enthousiasmant pour moi alors qu’Aubert de Villaine vante l’écart qualitatif en faveur de ce dernier. Le finale du vin est plus riche mais il est plus fermé que l’Echézeaux. Il sera très grand avec une générosité plus grande. Il est dans une phase ingrate. C’est sur le finale que la différence se fait.

Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 2014. Les vignes ont une moyenne d’âge entre 45 et 50 ans. Le rouge est plus sombre. Le nez est un peu plus charmeur. La bouche est gracieuse, pleine de charme. Il y a beaucoup plus de velours que pour les deux précédents. Mais il y a aussi plus de puissance. C’est un vin qu’il faudra attendre car il a l’amertume de la jeunesse. Sa base florale est très raffinée. Il a le velours et l’élégance et Bernard Burtschy dit qu’il a une base tannique plus forte que la Romanée Conti.

Richebourg Domaine de la Romanée Conti 2014. La couleur est plutôt claire par rapport à ce que j’attendais. Le nez est fermé. La bouche est riche et guerrière. On sent la gourmandise de ce vin. Mais il est encore fermé. La matière est riche et superbe. Il est prometteur et laisse une trace profonde en bouche. Il est lourd de promesses et j’aime beaucoup sa grande richesse. Il va être grand avec de la noblesse. A l’aération il gagne de la longueur et ceci vaut aussi pour tous les vins précédents. Le nez devient splendide et le vin devient généreux, plus charmeur que guerrier.

La Tâche Monopole Domaine de la Romanée Conti 2014. La couleur est plutôt claire. Le nez est très raffiné. La bouche est très séductrice, toute en charme. C’est la danse des sept voiles. Quel équilibre ! C’est un vin riche, complet mais qui a un charme unique. J’adore. Sa puissance est peu commune. Il est plus fin que le Richebourg tout en ayant une grande énergie. Pour mon goût, la belle surprise, c’est le Richebourg, même si La Tâche est plus grande.

Romanée Conti Monopole Domaine de la Romanée Conti 2014. La couleur est claire. Le nez est très beau. Si tel ou tel vin précédent pouvait avoir le moindre défaut (en ont-ils ?), ici, dès la première seconde on sait que l’on est au paradis. Le nez est suave et la bouche est suave, fluide. C’est un vin de haute précision. Il a une petite râpe que j’aime. Il a tout pour lui et bien évidemment je me demande si je ne fais pas d’auto persuasion, car je sais que c’est la Romanée Conti. Mais son équilibre, sa complexité et sa richesse n’ont pas d’équivalent. La longueur est extrême. Si le vin est complexe, ce qui me frappe c’est l’équilibre serein. C’est un vin grandiose. La Tâche est très expressive et plus affirmée que la Romanée Conti, le Richebourg est généreux mais moins noble et moins complexe. Le velours de cette Romanée Conti est extrême.

S’il faut classer les six rouges, ce sera exactement le même classement que l’ordre de service, sans discussion. Aubert de Villaine fait compliment à Bernard Burtschy de la façon dont il décrit la Romanée Conti qui est exactement comme sa propre perception. Entendre Bernard Burtschy est un ravissement tant il sait de quoi il parle, incollable sur tous les sujets.

Montrachet Domaine de la Romanée Conti 2014. Le vin est d’un or clair. Il n’est pas translucide. Le nez est très expressif et opulent. La bouche est superbe, déjà d’un équilibre total. Tout est équilibré. Le vin est frais, acide, fluide, au finale opulent, avec un léger miel. Le vin est vif et frais et montre de la salinité. C’est un grand vin que l’on sent gastronomique. Il n’a pas de gras comme certains montrachets. Il a très peu de botrytis, de l’ordre de 5%. Il est très noble et élégant. Il deviendra raffiné avec l’âge.

Tout le monde a remarqué que les vins s’épanouissent dans les verres et la tentation serait grande que les vins soient servis dix minutes avant que nous ne commencions la dégustation. Aubert de Villaine nous indique que c’est ce qui se pratique aux USA.

Après la dégustation un dîner rassemble, autour de Pascal Marquet, Aubert de Villaine, Bernard Burtschy et quelques amis. Cette fois-ci ce sera dans la salle de dégustation ce qui fait que les assiettes descendent par le passe-plat. Hélas, les coquilles Saint-Jacques à l’agréable parfum de fruit de la passion arrivent trop froides.

Je n’ai pris de notes et ce compte-rendu n’étant pas fait à chaud, mes impressions seront fugaces. Le Corton-Charlemagne Domaine Georges Roumier 1996 est un vin de belle droiture, peut-être un peu timide. Le Bâtard-Montrachet Domaine Marc Colin et ses fils 1999 a plus de puissance. Il est vif et n’a pas la rondeur de ses petits camarades du Domaine Leflaive.

J’ai apporté un Hermitage Chave blanc 1986 de beau niveau mais qui ne brille pas. Le bouchon est en effet brulé sur la moitié du bouchon. Je pense que l’oxygénation lente lui aurait redonné une certaine ampleur mais tel qu’il est servi, il est plutôt coincé même si on devine ce qu’il pourrait offrir.

Le Clos Saint-Patrice Monopole Châteauneuf-du-Pape 2015 est un agréable Châteauneuf, pas vraiment adapté au délicieux pot-au-feu, mais qui se boit bien dans sa jeunesse. Dès qu’arrive la Côte-Rôtie La Landonne Guigal 1988, on change de dimension ; ce vin est très gourmand et de belle amplitude.

Pascal Marquet en veine de générosité nous a offert un Château d’Yquem 1986 que je m’en veux de ne pas avoir reconnu. Il est bien épanoui mais je n’avais plus le palais réceptif.

Ce repas d’après dégustation est un enchantement pour moi, aussi bien lorsqu’il y a Michel Bettane et Bernard Burtschy que lorsque Bernard est seul, car ces deux experts ont un savoir invraisemblable qu’ils exposent avec simplicité. Les écouter est un bonheur rare. Et les écouter dialoguer avec Aubert de Villaine est un privilège. La découverte de 2014 superbes et prometteurs et ce petit souper sont un cadeau de Noël.

Salon Vinapogée des vins à maturité mardi, 5 décembre 2017

De retour d’un voyage autour du monde où j’ai le plus souvent bu des bières et du champagne à bord de l’avion, je participe au salon « Vinapogée » dirigé par David Hairion qui a repris le flambeau du salon des vins matures créé à l’initiative d’Hervé Bizeul, le vigneron du Clos des Fées. Ce salon avait fédéré plusieurs vignerons pour proposer à des amateurs de boire des vins lorsqu’ils ont atteint un stade de maturité intéressant. Cette idée est partie du constat que l’on boit les vins beaucoup trop jeunes, alors qu’ils sont loin d’exprimer tout ce qu’ils ont à dire.

J’avais participé l’année dernière en offrant bénévolement de goûter quelques vins anciens de ma cave et cette année, en accord avec David Hairion, je vais animer deux ateliers pour montrer l’effet de l’âge sur le goût des vins.

Le salon ouvre au public à onze heures. J’arrive peu avant midi et je mets à l’abri les vins pour qu’ils soient à bonne température au moment des ateliers. Je vais saluer les vignerons présents et parfois je goûte certains de leurs vins. Ainsi du domaine Rolly-Gassmann je goûte le Pinot Noir de Rorschwihr, rouge domaine Rolly-Gassmann 2003 de belle vibration, fin et précis, un Moenchreben de Rorschwihr, Muscat Vendanges tardives, blanc domaine Rolly-Gassmann 2003
dont la sucrosité est pleine de charme et un Pflaenzerreben de Rorschwihr, Riesling, blanc domaine Rolly-Gassmann 2010 qui est précis et fluide mais qui me marque moins que le superbe riesling que ce domaine avait présenté il y a un an.

Le Champagne Clos des Goisses, Philipponnat 2007 est très dynamique mais à côté de lui, le Champagne Clos des Goisses, Philipponnat 2000 est une bombe de saveurs riches. La maison Pol Roger fait goûter le Champagne Pol Roger Cuvée Winston Churchill 2006 dont j’apprécie la noblesse et qui est généreusement offert.

Le Château de Pibarnon apporte à lui tout seul ce qui justifie ce salon Vinapogée car quand on a goûté le Château de Pibarnon Bandol rouge 2006 et que l’on goûte ensuite le Château de Pibarnon Bandol rouge 1995 on comprend que l’âge apporte une dimension supplémentaire qu’aucun vin jeune ne peut donner. On est en plein dans l’objectif du salon.

Les vins du domaine Charles Joguet séduisent par leur précision et leur subtilité. Le Clos du Chêne Vert, Chinon rouge domaine Charles Joguet 2006 et le Clos de la Dioterie, Chinon rouge domaine Charles Joguet 2006 sont des vins distingués, pleins de charme et d’expression.

Je bois plusieurs vins du domaine Clos des Fées et j’apprécie leur finesse ciselée malgré une puissance rare. Au stand du Porto Taylor’s, le Porto Taylor’s 1966 est une merveille absolue d’une fraîcheur rare.

Huit ateliers sont organisés dans l’après-midi et j’en anime deux, avec des vins de ma cave. Le premier est un atelier sur le Maury. Avant de commencer l’atelier, je réagis à l’une des phrases mises sur le site de Vinapogée, du journaliste du vin Pierre Casamayor, qui explique le mot ‘Apogée’ : « C’est la période optimale pour déguster un vin. Cette période se compte en années après la mise en bouteille du cru. Mais comme le vin est un produit vivant sensible à son environnement de conservation, cet apogée est donné pour une bouteille conservée dans une cave à température et hygrométrie constantes. À l’origine, la notion d’apogée appartient au domaine de l’astronomie ; elle fut ensuite assimilée au point le plus haut de l’évolution de toute chose. Fort logiquement, après la période d’apogée vient une phase de déclin. » Je ne pouvais pas laisser sans réagir la dernière phrase parlant de déclin après l’apogée. Dans ma vision du vin il n’y a pas d’apogée mais un parcours du vin jusqu’à sa mort qui presque toujours pour les grands vins, vient de la mort du bouchon. Et par un funeste concours de circonstances pour montrer que le déclin n’existe pas, je prends l’exemple de Jean d’Ormesson qui à 92 ans est encore d’une insolente jeunesse d’esprit, alors qu’il allait décéder quelques heures à peine après que je l’ai cité. Les vins les plus anciens que je présente dans les deux ateliers vont montrer qu’il ne peuvent en aucun cas être considérés dans une phase de déclin.

Nous avons devant nous trois verres : un Maury Mas Amiel, Vintage Privilège 1997, un Maury 1959 de la coopérative des producteurs de Maury et un Maury 1937 de Domaines et Terroirs du Sud. Les couleurs sont très semblables, très sombres, la plus jeune étant paradoxalement celle du 1937. Les parfums sont différents, le moins plaisant étant celui du 1959, celui du 1937 étant très doux.

En bouche, le 1997 expose un fruit bien plein, une grande vivacité et un alcool fort. Le 1959 est serein, rond. C’est un Maury de consensus. Le 1937 est le plus complexe, le plus séduisant, avec des notes gourmandes d’un grand charme.

Je suis un peu déçu car je m’attendais à de plus grandes variations qualitatives pour étayer ma démonstration. Les écarts sont en fait en nuances et c’est dû à l’alcool fort de ces vins qui leur conserve une grande jeunesse. Le 1959 a été préféré par certains. Plusieurs autres comme moi, ont préféré le 1937, et un petit nombre le plus jeune. Tous ont été étonnés qu’un 1937 puisse avoir une telle vitalité. Et certains ont découvert les charmes des Maury qu’ils ne connaissaient pas. Il est à noter que les vins ouverts en début de séance se sont élargis dans les verres. Le 1959 s’est nettement épanoui et amélioré. Les trois vins sont devenus brillants.

Entre mon premier atelier et le second, Bernard Antony le célèbre fromager a présenté avec Olivier Poussier des accords fromages et champagnes. Ce fut particulièrement brillant et j’ai découvert un vin superbe le Champagne Vazart Coquart & Fils Chouilly Blanc de Blancs 1989 au final et coup de fouet spectaculaire. Par ailleurs un Champagne Charles Heidsieck Brut jéroboam 1989 d’une belle richesse et noble se montre brillant sur un camembert. A noter qu’Olivier Poussier recommande d’enlever la croûte pour les accords fromages et champagnes.

Le deuxième atelier que je propose aux inscrits est un atelier sur un sauternes le Château Lafaurie-Peyraguey, représenté par trois millésimes, 1996, 1964, 1926. Pendant que je présente l’atelier et ce que chacun doit espérer retirer de cette dégustation comparative, j’ouvre les bouteilles. Et il se produit un phénomène qui me rend honteux, mais dont je me tire avec le sourire. Le bouchon du 1964 est d’un liège poreux, qui s’émiette et colle au verre de telle façon que quoi que je fasse, c’est de la charpie qui est extirpée par mes tirebouchons. Comme je parle, je suis moins attentif aux procédures, aussi de nombreuses miettes de bouchon tombent dans le liquide. Un participant résumera avec humour la situation : « ouvrir une bouteille avec ce résultat, je crois que nous sommes capables de le faire ». J’ai retiré l’essentiel des miettes tombées et nous avons pu déguster les vins.

Le Château Lafaurie-Peyraguey 1996 a une robe très claire. Son nez est intense et c’est un beau sauternes riche et expressif avec un joli gras. Le Château Lafaurie-Peyraguey 1964 a une couleur d’un or encore clair. Il est le sauternes typique et racé, calme et dont tout est juste, parfaitement précis.

Le Château Lafaurie-Peyraguey 1926 est sombre, presque noir. Son nez est profond, intense, riche de senteurs lourdes. En bouche c’est une merveille. C’est un très grand sauternes et un très grand 1926. Ce qui fascine c’est la justesse de l’acidité qui donne fraîcheur au vin hors du commun. Pour tous c’est une découverte. Et ce vin d’une rare cohérence apporte la démonstration évidente qu’à 91 ans, il serait incongru de parler d’un vin en phase de déclin alors qu’il étale des complexités infiniment plus riches que celles des deux autres. La démonstration que je voulais est faite à 100%. Ce vin est immense.

Le salon a accueilli près de 500 personnes ce qui est un succès. Un dîner a suivi avec plus de cent personnes dont les vignerons, au restaurant Macéo. L’apéritif s’est tenu au premier étage et les vignerons présents ont généreusement partagé leurs vins. Ainsi l’apéritif a permis de boire la Cuvée Winston Churchill de Pol Roger 2006 et le Clos des Goisses de Philipponnat 2000. A table au rez-de-chaussée l’approvisionnement en vin s’est fait à la manière d’une Paulée, chaque vigneron venant généreusement faire goûter ses vins à chaque table, obligeant chaque convive à vider son verre pour goûter de nouveaux vins. J’ai beaucoup apprécié un Cahors Les Laquets, rouge Domaine Cosse Maisonneuve 2006.

Le menu mis au point entre le restaurant Macéo et David Hairion a pour thème « l’hommage au temps et à ses bienfaits » : huiles d’olive de la famille Hugues, les toutes nouvelles, le fruité vert et les olives maturées / jambon ibérico Bellota superior reserva ‘Don Agustin’ 36 mois / foie gras de canard cuit très lentement par Michel Dussau de La Table à Agen / Viandes de bœuf de deux âges accompagnées de pommes de terre ‘tapées’ de Fabien / comté de grande garde et comté de garde exceptionnelle par bernard Antony / tarte fine aux pommes caramélisées du verger.

La fatigue de mon récent voyage m’a poussé à écourter le repas que j’ai quitté avant les fromages non sans avoir goûté avec un infini plaisir un vin apporté par Michel Bettane, un Meursault 1981 fait par le père de Dominique Lafon absolument exceptionnel de mâche gourmande de de gouleyant.

La cause des vins anciens ou à maturité progresse. Il faut agir encore et encore pour que cette croisade porte ses fruits.

Le plateau repas du midi pour les vignerons (et moi aussi)

l’atelier d’Olivier Poussier et Bernard Antony

les photos des vins de mes deux ateliers sont sur l’article qui suit

le dîner

Salon des vins matures le 4 décembre 2017 lundi, 4 décembre 2017

Le 4 décembre aura lieu au Huit Valois un salon consacré aux vins qui ont déjà une maturité.

Pour avoir des renseignements et s’inscrire il faut aller ici : https://www.vinapogee.com/

Il y aura des ateliers et j’en animerai deux :

  • Un atelier où on pourra goûter des Maury de 1937 – 1959 – 1997
  • Un atelier où on pourra goûter des sauternes Lafaurie Peyraguey de 1926 – 1964 et 1996

L’idée est de montrer par ces expériences en quoi les vins anciens permettent d’approcher des complexités nouvelles.

Allez sur le site de Vinapogée et inscrivez-vous. Ce sera passionnant.

Je vous attends, sachant qu’il y a un nombre de places limité.

Voyage autour du monde – le récit dimanche, 3 décembre 2017

Voyage autour du Monde

Le récit de ce voyage est un récit personnel, avec mes réactions qui ne dont pas les mêmes que les réactions des autres voyageurs. c’est exactement la même chose que pour les vins : les réactions de chacun lui sont personnelles. Les photos du voyage sont mises dans des articles à chaque date du voyage. Bonne lecture.

12 novembre 2017

L’histoire commence il y a huit mois. Je recevais systématiquement les publicités d’un voyagiste parce que j’avais fait avec ma femme il y a environ vingt ans la croisière gastronomique du paquebot France.

La publicité pour un tour du monde en avion me donnait des envies. J’en parle à ma femme et à des amis, et nous sommes quatre, prêts à nous inscrire. Mais en fait, les hésitations se sont multipliées et je me suis retrouvé seul à vouloir confirmer une inscription. Avec l’accord de ma femme j’ai donc décidé de faire le tour du monde proposé sur trois semaines.

Je commande un taxi pour 6h30 un dimanche matin, à une heure où les rues sont vides. Le taxi arrive avec huit minutes de retard, ce qui a le don de m’énerver et le chauffeur, avec une naïveté touchante, me dit qu’il m’avait déjà conduit il y a quelques années à Roissy et qu’il était déjà arrivé en retard.

Au terminal 3 de l’aéroport de Roissy la présence du voyagiste est forte et l’on offre des viennoiseries aux arrivants ce qui est très agréable et gentil. Nous sommes environ 160 à voyager dans un avion portugais, au personnel portugais, qui va nous suivre pendant les trois semaines. Nous embarquons pour un vol direct vers Panama distant de 8.700 kilomètres. Le vol sera de plus de onze heures et le décalage horaire est de six heures.

Comme il est fréquent, il y a beaucoup trop d’annonces tant l’animateur de notre groupe veut nous séduire et nous persuader du caractère unique de ce voyage.

A l’apéritif, on nous sert un petit coffret Kaviari qui contient une « ligne » de caviar qui constitue une aimable mise en appétit. Je goûte cet agréable caviar bien équilibré avec un Champagne Ruinart Brut sans année qui convient à cet exercice. Voilà une belle façon de nous recevoir.

Le déjeuner est très acceptable pour un repas en avion. Je bavarde avec mes voisins qui sont d’Albertville et d’Annecy et connaissent le restaurant Les Morainières à Jongieux. Nous sommes donc en terrain de connaissance. La discussion se poursuit et il s ‘avère que Didier a été dans le même métier que moi, celui de l’acier. Beaucoup de noms et de souvenirs surgissent au détour de nos échanges.

Le voyage étant fort long je regarde le film  »La La Land » qui est joliment romantique. Que du bonheur.

Le voyagiste s’est attaché les services d’un historien qui nous racontera des anecdotes tout au long du voyage. Il prend la parole pour parler du canal de Panama mais surtout pour mettre en valeur, avec une insistance particulière , les turpides de Ferdinand de Lesseps qui a ruiné des milliers de souscripteurs et n’a jamais pu achever le canal après moult faillites. Il a même égratigné Gustave Eiffel qui aurait financé la tour Eiffel avec de l’argent détourné des fonds versés par des souscripteurs au canal de Panama. Cet exposé fut beaucoup trop long, avec des redites sans cesse mais j’ai noté une citation qui m’a frappé sur le rôle de la presse : « la presse lèche, lâche et lynche ». Chacun peut trouver des situations où ce fut le cas, Tapie par exemple et bien d’autres.

Nous arrivons à Panama et à la douane on procède comme aux Etats Unis, avec photographie et prise des empreintes des dix doigts.

Nos bagages sont pris en charge par le voyagiste et nous les trouverons plus tard dans nos chambres. Nous partons pour un tour en ville en bus. Notre guide est José qui parle un bon français. Il nous explique une chose absolument astucieuse. Ferdinand de Lesseps ayant creusé avec succès le canal de Suez n’avait trouvé que du sable à enlever. A Panama, sur la chaîne des Cordillères, c’est de la roche qu’il n’a jamais réussi à percer avec les budgets dont il disposait. Quand les Etats Unis sont intervenus après les faillites françaises, au lieu de creuser ils ont créé le plus grand lac artificiel du monde, à une hauteur de 26 mètres au-dessus des niveaux des deux océans. Les écluses servent donc à monter les bateaux sur ce lac en hauteur et à les redescendre ensuite. Il n’y avait donc quasiment rien à creuser mais juste à consolider les rives du lac. C’est assez génial.

Le bus nous montre quelques aspects de la ville où les buildings montent jusqu’au ciel avec une densité aussi forte qu’à Miami. Le bus s’arrête devant un site d’attrape-touristes pour du shopping sans intérêt. Nous passons devant le musée de la biodiversité que nous visiterons demain, fait par Frank Gehry, l’architecte de nombreux monuments dont celui de la fondation Vuitton et du musée Guggenheim de Bilbao. Le bâtiment est assez surprenant avec un patchwork de couleurs.

Nous arrivons à l’hôtel Trump Ocean Sun Casino de Panama situé sur la côte Pacifique. L’immeuble est gigantesque. Ma chambre est spacieuse et fonctionnelle. Je suis au 33ème étage et comme je suis sujet au vertige, je m’approche avec prudence de la balustrade de la terrasse de ma chambre.

Après une douche réparatrice car cela fait 21 heures que je suis levé, je me rends au 13ème étage. Le dîner se tient devant les nombreuses piscines de cet étage. Le buffet est de qualité moyenne, les saveurs étant passe-partout. On nous offre à tous des chapeaux panamas, ce qui est une attention charmante. Il est temps d’aller dormir.

Lundi 13 novembre

Le petit déjeuner est servi au 14ème étage, sur une terrasse à ciel ouvert entre les deux gigantesques ailes de l’immeuble.

Nous nous rendons aux écluses Miraflores du canal de Panama qui sont les dernières avant le Pacifique (ou les premières dans l’autre sens). Nous aurons la chance de voir passer par les écluses des deux canaux deux gigantesques bateaux. Le canal initial de 1913 permet le passage de bateaux avec 6.800 containers du format international. Le deuxième canal construit en 2006 par le Panama qui s’était affranchi de la tutelle des Etats Unis le 31 décembre 1999 permet le passage de bateaux avec 14.200 containers. Sur le plus ancien nous verrons un bateau de croisière de la « Norwegian Sun » de Nassau, avec une grande partie des croisiéristes regardant la lente opération de franchissement d’écluse, et sur le nouveau canal un énorme bateau, le  »Glovis Crown » qui transporte des gaz liquéfiés. Ces franchissements d’écluses sont très lents, mais les masses en cause sont gigantesques.

Nous nous rendons ensuite dans la vieille ville qui est d’une influence espagnole très forte. Comme elle est classée au patrimoine mondial de l’Unesco, les maisons sont entretenues voire reconstruites du fait de la richesse nouvelle que connait le Panama depuis que les ressources du canal ne sont plus versées aux Etats Unis qui ont été concessionnaires exclusifs de 1913 à fin 1999. Les maisons sont belles, colorées. Une église datant de 1675 est lourdement décorée d’or. L’Ambassade de France est sur la Plaza Francia sur un site magnifique, avec sur une place une reproduction de l’obélisque de la Concorde, surmontée d’un coq gaulois. Sous la pluie nous rejoignons le restaurant Santa Rita où nous est servi le déjeuner. J’ai pris une salade maison avec laitue, tomate , oignons œufs et pommes fort agréable et un saumon grillé à la plancha avec des légumes sautés puis une tarte au citron. J’ai bu une bière Balboa, du nom de l’espagnol qui découvrit Panama en 1513. Elle est fort bonne, avec un fort caractère.

Après le repas, en programme optionnel, j’ai visité le musée de la biodiversité conçu par l’architecte Frank Gehry dont la femme est panaméenne. Le toit est fait de panneaux inclinés de très nombreuses couleurs qui figurent les diversités raciales du pays. Un parcours destiné à enseigner l’histoire de la biodiversité au Panama est assez intéressant mais scolaire. Sous la pluie l’eau coule partout dans l’immeuble ce qui fait tout drôle. Apparemment la construction n’est pas totalement finie.

La visite s’est faite pour notre groupe seulement, car le musée était normalement fermé aujourd’hui. Bravo au voyagiste d’avoir permis cette visite.

Nous revenons à l’hôtel et on nous a promis une surprise au moment du dîner. Pour retourner à ma chambre je dois prendre l’ascenseur qui est un véritable cauchemar. Il semblerait qu’une pièce détériorée doit venir d’Europe puisque le fournisseur des ascenseurs est allemand et cette pièce mettra plusieurs jours pour venir. Alors le temps pour monter ou descendre atteint facilement les dix minutes. Après une douche en chambre je rejoins le rez-de-chaussée où nous découvrons des « diables rouges ». Ce sont des bus qui ressemblent aux bus scolaires américains, de vieux Mack avec les pots d’échappement chromés qui à l’arrière remontent vers le ciel, déchargeant des nuages de pollution. Nous allons nous rendre dans un des salons de l’American Trade Center avec ces vétustes autobus. C’est encore une fois une attention délicate du voyagiste. Des bus sont déjà partis, un autre nous suit et tout-à-coup notre bus est arrêté par la police. Ces bus ont normalement des trajets immuables et le chemin que nous prenons n’est pas un chemin habituel ce qui justifie le zèle d’un policier. Les accompagnateurs de notre groupe palabrent avec le policier zélé. Il faut attendre les papiers justificatifs des autorisations de circuler qui étaient restés à l’hôtel. Il faut bien vingt minutes pour que l’ardeur et le zèle du policier soient récompensés. Nous arrivons avec retard dans la magnifique salle de l’American Trade Center. Un mini orchestre va jouer une musique sympathique et deux couples de danseurs costumés vont danser autour des tables des salsas et autres danses tropicales. Leur danse fait très danse de concours, avec les sourires figés de circonstance et les déhanchements excessifs. Rejoignant une table déjà occupée depuis longtemps par des membres du groupe ayant échappé aux contrôles, on me donne un verre de mojito de grand plaisir. Le menu du dîner est Panzanella de tomates, mini cresson, cœur de palmier, avocat et croutons d’anis / langoustines sur risotto de légumes et sauce romesco / thon grillé, endive braisée et sauce Tonnato / filet de bœuf aux tomates séchées, purée de pommes de terre et fromage bleu / chocolat intense, fraisier et tartelette au citron.

C’est copieux, comme si notre voyagiste avait pour mission de nous engraisser. Le thon et le bœuf sont bons, je prends des bières Balboa après avoir fini trois mojitos puisque le serveur a interprété un refus de doubler ou tripler la mise pour des acceptations. J’aurais pu évidemment refuser mais la chair est faible. Nous avons bavardé entre voyageurs plutôt fatigués par le décalage horaire et nous sommes rentrés à l’hôtel avec des bus  »normaux ».

Pour aider les clients de l’hôtel déroutés par les ascenseurs, l’hôtel a prévu des accompagnateurs, des liftiers. Notre cabine se remplit, chacun doit saisir sur un écran son étage et tout-à-coup tout s’efface. Le brave liftier essaie toutes les touches possibles mais notre ascenseur est bloqué, ne voulant ni s’ouvrir ni monter. Cela dure près de dix minutes. L’ascenseur redémarre. Ouf, j’arrive enfin dans ma chambre. Demain sera un autre jour.

Mardi 14 novembre

Il y a au Panama sept races différentes d’amérindiens, populations qui vivent dans la forêt tropicale et sont des semi-nomades, adeptes de la cueillette, de la chasse et de la pêche. Ces populations étaient voisines de la Colombie ou en Colombie mais les événements et guérillas qui ont agité ce pays les ont poussées à se rapprocher de Panama. Nous allons visiter dans un parc national de la forêt tropicale un village de la tribu des Emberas Puru. C’est un village de 130 habitants ce qui est plutôt élevé puisque les villages de cette communauté comptent plutôt de l’ordre de cent habitants. Le nomadisme apparaît lorsque le village a épuisé les ressources des cueillettes et de la pêche. Ils se déplacent alors de quelques kilomètres, là où il y a plus de ressources. Comme ils vivent dans un parc naturel, il y a une très curieuse adaptation des lois et coutumes pour que les intérêts des uns et des autres se rejoignent. La vie des indigènes est commandée par le respect de la nature et la vie sur une rivière nourricière. Les habitants vivent nus mais se sont habillés pour ne pas choquer les visiteurs qui leur apportent des devises pour faciliter leur vie dont notamment la scolarisation des enfants, ce qui fait assez curieux, car à l’école, les enfants nus tous les jours sont habillés des uniformes comme dans les écoles anglaises.

Nous partons en car et une heure plus tard, à l’intérieur du parc naturel, nous prenons des pirogues pilotées par un indien à l’avant et un autre à l’arrière qui actionne le moteur du bateau pour rejoindre au bout d’une demi-heure de navigation leur village. Un exemple de cohabitation : l’administration a interdit aux indiens d’abattre des grands arbres précieux au bois dense qui permettent de sculpter des pirogues d’un seul morceau. Alors, ils rafistolent de vieilles pirogues avec du goudron et des pièces d’acier. Le long du cours d’eau dans une nature luxuriante nous voyons de jolis oiseaux dont des martins-pêcheurs aux belles couleurs bleues, des ibis de couleur bleu-gris, des cormorans et de nombreux autres dont un rapace de couleur brun orangé. La pirogue dans laquelle je suis assis fuit au point que nous avons dû nous arrêter pour que l’un des indiens écope. Titanic en forêt tropicale !

Lorsque nous arrivons des jeunes du villages jouent une musique rythmée, les femmes aux fronts ceints de fleurs d’hibiscus et aux seins nus sont alignées pour nous sourire. De nombreux enfants sont eux-mêmes décorés. Tous sont tatoués de noir avec des encres qui disparaîtront dans quelques jours. Laurent, notre guide nous avait vanté l’intelligence de ces peuplades et le calme absolu des enfants qui ne pleurent jamais et sourient. J’ai pu bavarder avec un jeune couple de jeunes mariés, souriants et intelligents. Ces indiens sont optimistes, réalistes et de contact facile.

Malgré tout on songe que tout ceci est commercial. Car tout est fait pour que l’on achète les produits qu’ils fabriquent. Le contact est plus commercial que profond même si l’on sent leur chaleur humaine. Nous repartons en pirogue et c’est alors qu’une lourde pluie nous inonde. J’avais acheté un KWay pour le voyage et le temps qui m’a été nécessaire pour ouvrir le vêtement et comprendre comment on l’enfile a fait que la pluie avait cessé quand j’ai réussi à le revêtir sur des vêtements trempés.

Nous avons pris un bus pour aller sur les écluses du nord, qui sont celles de l’Atlantique. Une heure de plus en bus nous a épuisés, car sur les pirogues on cherche sans cesse à garder son équilibre et cela épuise.

Nous allons manger dans un restaurant qui surplombe les écluses, tenu par un chef français. Mais j’ai plus envie de m’effondrer de fatigue que de déguster. Je m’alimente plus que je ne mange. En sortant du restaurant on voit un porte-containers de la plus grande taille possible qui vient de passer les nouvelles écluses de dimensions titanesques.

Nous nous rendons ensuite au point de départ de la ligne de chemin de fer Panama Canal Railway qui relie les écluses du nord sur l’Atlantique aux écluses du sud sur le Pacifique. C’est un train qui existe depuis 1855 et permettait en un temps record de changer d’océan, les bateaux laissant des voyageurs d’une rive océanique rejoindre un bateau partant sur l’autre océan. C’est un train luxueux, avec des décorations de bois précieux .

Effondrés de fatigue nous rentrons à l’hôtel. Je prends une douche salutaire pour redescendre en bas de l’hôtel Trump pour dîner dans le restaurant « La Vespa » directement sur l’eau et proposant une cuisine italienne d’honnête qualité.

Les ascenseurs de l’hôtel Trump sont une calamité, incapables d’absorber l’afflux de clients, et imposant de l’ordre de 20 minutes avant que l’on atteigne l’étage désiré. Ce fut minant et source d’énervement.

Il faut faire vite les valises qui seront mises dans le couloir avant 23h30 et prises par le staff du voyagiste pour un enregistrement pour le vol vers Quito sans qu’on se préoccupe des formalités. La gymnastique de ce dont on a besoin un matin avant de partir en avion lorsque l’on n’a plus ses valises est un exercice qui me mine. Les valises sont dans le couloir, il est 23h00. Je me sens dépossédé mais il est temps de dormir.

Mercredi 15 novembre

Que dire du Panama ? Depuis 1999 il recueille la manne du passage du canal de milliers de bateaux. Cela a donné un coup de fouet à l’économie du pays, et ne s’est pas traduit par une corruption visible, faisant de ce pays un pays stable. Une politique fiscale attractive a fait venir beaucoup d’américains et d’autres étrangers. La création d’une zone franche à Colon, ville qui accueille le départ du train Panama Canal Railway, gérée à la façon de Hong-Kong, a donné une activité colossale dans la région et le pays. Tout sourit au Panama. Mais l’érection d’une ville moderne avec des buildings à touche-touche comme à Miami ou à Hong-Kong entraîne une circulation épouvantable. L’explosion démographique du Panama qui est passé de 500.000 personnes en 1900 à 4.000.000 aujourd’hui les inquiète. Leur prospérité les aidera sans doute à gérer ce problème comme il convient.

A 5 heures je me réveille car nous devons partir prendre l’avion à 8 heures et le problème des ascenseurs est un tel cauchemar que j’ai choisi de me lever tôt. Le petit déjeuner est toujours bien organisé. Je remonte à ma chambre puis, le moment venu je descends au rez-de-chaussée pour prendre le bus. A un point de ralliement une responsable du voyagiste doit me donner ma carte d’embarquement mais elle ne veut pas car semble-t-il j’ai des dépenses à régler. Il me faut remonter par l’ascenseur et je suis contrarié car je n’ai rien dépensé. A la caisse de l’hôtel qui se situe au 15ème étage je vois une note de 8,60 dollars pour une bouteille d’eau alors que j’avais pris celle qui est donnée en signe de courtoisie. L’affaire s’arrange mais il me faut une nouvelle fois affronter les redoutables ascenseurs, à la capacité qui est sans commune mesure avec la taille de l’hôtel.

Les formalités à l’aéroport se passent aisément et nous embarquons vers Quito pour un vol d’une heure et demie. Nous retrouvons nos mêmes places et les mêmes hôtesses qu’au vol précédent. Un repas léger nous est servi. Des touristes de notre groupe font remarquer que les plats et les vins sont meilleurs dans l’avion que ce que nous avons trouvé dans les différents restaurants de Panama.

A l’arrivée du vol, un incident sérieux a opposé un couple de voyageurs qui ont des sièges en première classe avec le patron de l’entreprise voyagiste qui vole avec sa femme avec nous depuis le départ en classe affaires mais ne participe pas vraiment au programme touristique. Les voyageurs ont demandé au patron de pouvoir discuter de certains points avec lui et, sans attendre l’exposé des questions, le patron a refusé d’écouter les voyageurs. Des mots s’échangent et perdant tout sens commercial le patron a traité les voyageurs d’abrutis. Le ton a monté et tous les voyageurs des rangées proches ont été choqués par les propos invraisemblables de ce patron. Cette algarade a fait le tour des voyageurs pendant l’attente en douane et a contrarié beaucoup d’entre nous.

Sortant de l’aéroport nous sommes répartis dans des bus. Notre guide s’appelle Isabelle. Elle est jolie, parle un bon français et ne parle pas tout le temps, ce qui est le contraire de notre guide Laurent qui a guidé notre visite au village d’indiens. Il était passionnant mais n’arrêtait pas de parler. Ça n’arrêtait jamais. Avec Isabelle tout se passe dans le calme. Nous allons à Quito qui se situe à 2.850 mètres d’altitude. Les routes sont pentues et étroites, la circulation demande une attention de tous les instants. La vieille ville est évidemment très marquée par une influence espagnole et par une influence catholiques très fortes. Nous marchons dans les rues et ce qui frappe c’est la différence avec Panama. Au vieux Panama, les maisons sont bien entretenues, mais il n’y a pratiquement pas de vie. A Quito, des boutiques, des échoppes fleurissent dans toutes les rues. Il y a une vie intense. Nous marchons sur la Place de l’Indépendance, carrée avec quatre façades dont l’une est le palais présidentiel, une autre le palais de l’Archevêché, les deux autres étant la cathédrale et la mairie. C’est très espagnol. Je remarque un arbre très haut, d’une vingtaine de mètres, taillé à la base mais très feuillu en hauteur. Je demande à Isabelle s’il s’agit d’un araucaria. Elle confirme, ce qui en impose aux membres de mon groupe.

Nous visitons l’église de la Compagnie de Jésus, des jésuites, qui est un monument invraisemblable. Tout est en or du sol au plafond, avec des décors baroques lourdement chargés. Il doit y avoir des tonnes d’or, même si les feuilles d’or sont fines. Hélas, il est interdit de photographier. On nous entraîne dans une immense salle attachée à cette église où des serveurs avec des plateaux nous tendent des boissons et des petits fours de grande qualité. Un touriste me tend son verre de vin rouge pour que je le goûte et manifestement c’est très bon. Nous restons là assez longtemps et à un moment l’un des cadres d’accompagnement de notre croisière se met sur une estrade et chante avec une belle voix un Ave Maria d’un compositeur italien. Une femme violoniste lui succède. Nous nous rendons ensuite à pied jusqu’à l’hôtel Casa Gangotena qui est très proche de l’église et du centre-ville. On me donne les clefs de ma chambre et je suis stupéfait par la qualité et le niveau de la chambre que l’on m’a attribuée. L’hôtel est d’une bâtisse très ancienne, probablement du 18ème siècle. Il y a un patio avec une fontaine et le long de ce patio ma chambre est en rez-de-jardin. Elle est immense, bien décorée et bien équipée.

C’est donc avec un large sourire que je prends possession de ma chambre qui est nommée « Garden 2 ». A ce moment j’ai un coup de barre et je pense que c’est plus le fait d’une nuit courte précédente, car j’ai passé beaucoup de temps à faire mes valises et à rédiger ces notes que le fait de l’altitude. J’avais noté qu’Isabelle notre guide, quand elle parle donne l’impression d’être essoufflée. Je n’ai pas la moindre impression qui serait liée à l’altitude. C’est probablement cette nuit que je le sentirai.

A 19 heures nous avons rendez-vous pour un spectacle en plein air qui durera une heure. A 2.800 mètres il fait très froid la nuit. Je me protège donc. Par bonheur la pluie s’est arrêtée. Sur la place du théâtre, des femmes dansent dans des costumes traditionnels. Ce sont des danses avec des bougies, des danses de lavandières avec des pots à eau, avec deS cerceaux fleuris, des danses hommes et femmes séparément ou ensemble. La musique a des thèmes extrêmement simples répétés à l’infini. D’une danse à l’autre il n’y a pas d’originalité significative. C’est très bon enfant et la chorégraphie est minimaliste. Le numéro qui m’a particulièrement plu est la danse d’une huitaine d’hommes et autant de femmes qui tiennent en main chacun un ruban attaché au sommet d’un mât. Ils tournent dans tous les sens au son d’une musique et les rubans s’entrecroisent, formant des torsades aux motifs divers. Lorsqu’ils ont fini une belle construction de rubans entrelacés en réseau, ils changent de direction pour détricoter leur entrelacs. Ils vont tellement vite qu’on redoute qu’ils ne fassent des nœuds qui empêcheront le détricotage mais tout se passe au mieux. Tout cela est simple et naïf et bon enfant et par moment je me suis demandé si ce n’était pas de l’attrape-touriste. Ça l’est sans doute mais c’est apprécié. Après ces numéros, les danseurs vont chercher dans la foule des spectateurs pour danser avec elles et eux. Etant au premier rang je suis appelé par une danseuse qui est très probablement grand-mère et sur des mouvements très simples nous dansons main dans la main. Ce qui m’a surpris c’est que dansant pendant de longues minutes, je n’ai pas senti l’essoufflement qui est classique à ces altitudes.

Nous montons au premier étage du théâtre, qui est exploité par un restaurant, où un dîner est prévu dans une grande salle. Le menu préparé par le chef du restaurant Theatrum est : trois chaussons équatoriens : pâte de banane plantain fourrée à la crevette, pâte de blé local farcie au fromage frais, pâte de maïs blanc au porc et leurs trois sauces épicées / plat traditionnel au lait de coco de la province d’Esmeralda (côte nord de l’Equateur) composé de bar, calamar, poulpe et crevettes / fruits exotiques de l’Equateur (naranjilla, chirimoya, guayaba, babaco et guanabana) apprêtés par le chef. Cette cuisine gourmande est de bonne qualité et j’ai apprécié surtout le dessert de fruits originaux et les chaussons équatoriens.

Nous sommes rentrés à l’hôtel en bus. Chacun n’a qu’une envie, c’est de dormir et dormir encore.

Il y a à Quito beaucoup plus de chaleur humaine qu’à Panama City. Cette ville appelle la sympathie.

Jeudi 16 novembre

La nuit a été reposante et structurante après des nuits bien courtes. J’en suis d’ailleurs étonné car lorsque j’étais allé avec ma femme à Val-Thorens, à 2300 mètres d’altitude, nous avions eu des nuits difficiles du fait de l’altitude. Je me suis levé à 6h20, frais et dispos, et j’ai pris le petit déjeuner dans la salle du restaurant Cerdon de l’hôtel Casa Gangotena. La décoration est belle et cet hôtel fait très familial à côté des hôtels gigantesques tels que le Trump. Le petit déjeuner est agréable et j’ai surtout apprécié les confitures maison dont celle à l’ananas qui est diaboliquement bonne.

Comme au petit déjeuner on se sert à des buffets et comme on tient en main son assiette, croiser  d’autres personnes n’est pas toujours aisé. Je me trouve face au patron du voyagiste et je lui dis bonjour. Il passe devant moi sans un mot. Quel ours !

Nous partons à pied visiter l’église Saint François d’Assise avec le cloître attenant et un musée. Nous attendons que d’autres groupes soient avancés dans leur visite ce qui permet de voir le nombre invraisemblable de pigeons qui volent sur la place, nourris par des autochtones.

La décoration de l’église est incroyablement chargée comme celle de l’église des jésuites, et il y a aussi des tonnes d’or dans la décoration moins imposantes toutefois. Nous ne voyons l’église que d’une salle capitulaire en mezzanine car il y a un office. La salle est décorée de stalles surmontées de la représentation sculptée en bois de nombreux franciscains. Ces sculptures sont d’un réalisme à signaler. Dans le patio s’ébattent des tourterelles des perroquets et des aras. Dans le musée il y a des peintures sur toile, sur bois et sur marbre ainsi que des sculptures qui représentent la vie de Jésus, de Saint François d’Assise, de Saint Antoine de Padoue et de Marie. Le réalisme des sculptures peintes est impressionnant. La richesse de ce musée est certaine. L’église a demandé 130 ans de construction jusqu’à la finition de toutes les décorations. Aucun des pionniers n’en a vu la fin.

Nous nous rendons ensuite au marché couvert où abondent les stands de fruits riches et goûteux, de viandes, de légumes et aussi de plantes médicinales selon la médecine ancestrale. On nous fait goûter, l’un d’entre nous a le bras massé avec des plantes et des fleurs. C’est amusant.

Nous visitons ensuite un meunier qui broie toutes sortes de céréales depuis trois générations et s’approvisionne directement chez les agriculteurs. On nous fait goûter des farines pilées. Cette visite n’a pas de réel intérêt car le moulin n’est pas en action. La randonnée se poursuit par des échoppes de parfums et onguents. On est dans l’attrape-touriste.

Nous allons ensuite dans le quartier La Ronda où il y a un nombre important d’artisans, de forge, de ferblanterie, de savons et crèmes à base de miel, d’orfèvrerie et autres métiers. Dans cette rue piétonne des myriades de jeunes enfants jouent ou font la ronde. C’est une journée de joie pour les enfants. Dans une boutique, un chocolatier nous montre comment il fait ses chocolats. Sa dextérité est impressionnante et ses chocolats sont délicieux… c’est un suisse. Dans une petite cour où sont installées des tables et des chaises, je bois un chocolat chaud excellent.

Nous allons déjeuner au restaurant Plaza Grande  qui est dans une bâtisse très ancienne comme notre hôtel et richement décorée. Au premier étage, il y a le restaurant bar « La Belle Epoque ». Un pianiste et un violoniste vont accompagner notre repas en jouant des morceaux de toutes origines internationales. Le pianiste est nettement meilleur que le violoniste qui ne joue pas toujours juste.

Le menu du restaurant est : crème d’orties et son capuccino de cardamome, toast aux fines herbes / sorbet de noix de coco et citronnelle / médaillon de bœuf en sauce parfumée au romarin et pesto de crevettes à la coriandre, accompagnée de purée de pommes de terre et légumes / fruits de la passion façon toast.

Si j’avais un conseil à donner au propriétaire du restaurant, ce serait de licencier immédiatement son chef. Car si la soupe est de bonne qualité, le plat principal est immangeable, tout étant trop cuit, fade, insipide. Les crevettes surgelées et farineuses sont une honte. J’ai à peine touché au plat. Et le dessert au chocolat n’est pas goûteux et éteint le goût du fruit de la passion.

Avant cette déconvenue j’avais déjà décidé de ne pas suivre le programme de l’après-midi, car ces longues promenades sont éreintantes. Avec cinq autres voyageurs nous sommes rentrés à pied à l’hôtel pour nous reposer.

Le dîner est au restaurant Cedron de l’hôtel à 19h30 ce qui est tôt, car nous allons partir demain à 6h30 pour prendre l’avion vers l’île de Pâques. Le fait que le voyagiste s’occupe de nos bagages pour les enregistrer et les livrer ensuite directement dans nos chambres part d’un bon sentiment. Mais cela oblige à donner nos valises après le dîner. Elles resteront en soute jusqu’à Tahiti ce qui oblige à vivre deux jours avec les bagages. J’avoue que cette gymnastique n’est pas ma tasse de thé.

Au bar avant le dîner un compagnon de route m’offre un mojito. C’est très agréable. A table, le menu que je choisis est : ceviche de vivaneau rouge, marinade façon Manabi, mousse de citron vert, tomates confites / Paiche (poisson) bananes plantains et sauce aux cacahuètes, manioc volcanique / glace du jour. Le Ceviche est excellent, on ne peut que le complimenter. Le poisson est insipide, le manioc sans goût et ce plat est raté. La glace mérite une accoutumance car c’est un sorbet d’un fruit médicinal qui fait penser à une tisane. C’est amer mais ça se mange si l’on entre dans le jeu.

Les valises sont faites, je vais me coucher pour une nuit de moins de six heures. Demain je reverrai l’île de Pâques dont je crois avoir vu tout ce qu’on peut voir.

L’Equateur est un pays tentant. Il est très actif, il y a des petits commerces partout et même des ventes à la sauvette. Les fruits sont tous bons. L’hôtel est superbe. Les visites d’églises sont riches d’émotions culturelles. Ce fut un beau séjour.

Vendredi 17 novembre

Petit déjeuner à 5 heures, c’est tôt. Il fait encore noir. Nous allons quitter ce bel hôtel et cette ville vivante.

Il y a dans le groupe de touristes des voyageurs invétérés. L’un d’entre eux, de 90 ans, a voyagé dans 130 pays. Il est vaillant et d’attaque. Il a affronté les risques des pirogues sans problème. Le seul moment de panique pour lui a été à l’hôtel Trump quand il a pris un bain. Pendant trois quarts d’heure il a essayé de sortir de la baignoire et n’arrivait pas tant les parois sont glissantes. Et, bien évidemment, il ne pouvait pas téléphoner pour demander de l’aide. Un prêtre de Meaux est aussi un grand voyageur devant l’Éternel. Les fous de voyages ne manquent pas et je me sens bien petit à leurs côtés.

Nous partons à 7 heures vers l’aéroport de Quito. C’est l’heure de pointe et l’on voit à quel point la ville subit des encombrements terrifiants au point que les voitures sont autorisées à circuler à ces heures en fonction de leur numéro minéralogique. A l’aéroport nous prenons l’avion vers l’Île de Pâques pour un vol de six heures. Nous quittons un pays fort sympathique, vivant et qui comme le Panama, subit le choc démographique.

Le personnel de bord est toujours sympathique, les relations avec eux sont de plus en plus faciles et avec les voisins de vol, les relations sont de plus en plus détendues. Un apéritif sommaire est agréable. Pour le repas, le flétan que j’ai pris est de bonne qualité malgré le problème des températures de cuisson, difficiles à respecter lors d’un vol en avion.

Nous arrivons à l’Île de Pâques sous la pluie qui ne nous quittera pas de la journée. La douane garde nos passeports jusqu’à demain. En sortant de l’aéroport de ravissantes jeunes femmes qui chantent, accompagnées par des guitaristes, nous mettent un collier de fleur autour du cou. Nous partons dans des cars sommaires qui accueillent difficilement les bagages à main que nous avons et pour mon bus la climatisation ne va jamais trouver la bonne température, donnant un froid sibérien ou un sirocco brûlant.

Nous arrivons à l’alignement de Moaïs de Tongariki qui est impressionnant, sur un site magique à l’est de l’île. Avec mon épouse nous avions passé cinq jours sur cette île et nous pensions qu’après avoir tout vu, revenir serait inintéressant, mais je suis ravi de revoir ce site si chargé d’émotion.

Notre guide Céline est une spécialiste des légendes des îles océaniques. A chaque sujet ou chaque question elle répond par des doutes plus que par des affirmations, ce qui est le doute scientifique poussé à l’extrême. Il est vrai que la tradition orale n’a quasiment rien laissé quand la population a été presque entièrement décimée, mais c’est assez frustrant qu’il n’y ait que des questions et pas de réponses. Par ailleurs elle raconte volontiers sa vie et son actualité ce qui n’est pas forcément notre souhait. De ce fait, je la suis fort peu lorsque le bus s’arrête. Nous allons voir ensuite le volcan le plus haut de l’île qui a subi récemment un important incendie sauvé par un sourcier sorcier chilien venu pour commander la pluie, et ça a marché.

Nous visitons ensuite le très joli site de Tahai où il y a de beaux Moaïs dont certains avec chapeaux et qui comme à Tongariki tournent le dos à la mer. Il y a sur ce site un vrai port d’accès à la mer qui est inhospitalière sur presque toutes les côtes de l’île.

Trempés, marchant dans la boue nous entrons dans une immense salle pour un dîner buffet. Les verres qu’on nous tend à l’apéritif sont très alcoolisés, avec de la mangue ou une herbe médicinale. La nourriture est très acceptable et alors que nous sommes en novembre 2017 je vais pour la première fois goûter un vin de 2017, un Misiones D Rengo cabernet sauvignon du Chili 2017. Sa couleur est violette, son goût d’un fruit acceptable mais sacrément jeune.

Vient alors le moment du spectacle de chants et danses locales de Rapa Nui. Les danseurs sont très dénudés, avec des pagnes suggestifs, et dansent de façon aussi suggestive. Les danseuses ondulent des hanches et le spectacle est beau. A un moment danseurs et danseuses viennent inviter des spectateurs à danser avec elles ou eux. La plus jolie des danseuses m’invite à danser avec elle sur la scène. Je suis captivé, que dis-je, capturé par son sourire. Je ne sais pas pourquoi la pluie, la boue n’ont plus aucune importance. Un sourire béat éclaire mon visage. Très vite je reviendrai sur terre.

Nous sommes disséminés en plusieurs hôtels et notre guide qui parle toujours d’elle-même nous fait descendre à un autre hôtel que le nôtre. A ce moment, la jolie danseuse est vite oubliée car c’est la contrariété de trop.

Nous arrivons à l’hôtel Tahatai qui est au bord de la mer. On nous offre de pouvoir boire au bar et avec des compagnons de route je bois une bière. Comme on m’en offre deux, j’en offre une à un habitant de l’île qui m’embrasse comme si j’étais son frère. A mon départ du bar il m’embrassera encore. Ma chambre a un confort assez spartiate, voire minimaliste. L’internet passe mal. Il est temps de dormir.

Samedi 18 novembre

L’hôtel Tahatai dans la grande ville de l’Île de Pâques est au bord de l’eau. De ma chambre lorsque le soleil est levé, je peux voir une mer calme. Je vais prendre un petit-déjeuner très agréable dans une grande pièce qui est face à la mer. La végétation est luxuriante. Alors que le ciel paraissait dégagé, une ondée arrive sans crier gare. Ici le temps est toujours incertain. Le reste de la matinée va se passer sous un chaud soleil.

Nous allons au site où se situent les Moaïs, ces grandes statues de pierre plantées dans une colline où se faisait la construction. Le plus grand des Moaïs est de 22 mètres, encore attaché à la roche. Ce site est majestueux, avec une vue panoramique brillant sous le soleil. Un Moaï diffère de tous les autres car il est assis sur ses talons et on lui voit les jambes. La forme ronde de sa tête diffère de toutes les autres.

Nous allons ensuite sur la seule plage vraiment fréquentable où ont été plantés des dizaines de cocotiers polynésiens importés. Le sable est blanc et une rangée de cinq Moaïs veille sur le site.

Nous revenons à l’aéroport où notre avion nous attend. Nous allons récupérer nos passeports qui étaient restés à la douane et pour entrer dans l’aéroport des jeunes filles vont nous mettre au cou un collier de coquillages, des grains de café. La danseuse qui m’avait invité à danser avec elle sur l’estrade me reconnaît et m’embrasse gentiment. C’est elle qui me passera le collier au-dessus de la tête et me donnera un nouveau baiser, en tout bien tout honneur, bien sûr.

L’avion mettra six heures pour faire les 4.800 kilomètres qui nous séparent de Tahiti. Le décalage horaire avec Paris est de 11 heures, ce qui est cinq heures de plus qu’à Panama, Quito et l’Île de Pâques. Au fil des jours les relations avec les voyageurs et avec le personnel de bord deviennent de plus en plus détendues. C’est une bonne chose.

J’avais choisi à l’avance pour le repas du poulet plutôt que du thon car je redoutais que le thon ne soit trop sec. Mauvaise pioche car mon poulet a tout du béton lourdement armé. Je n’en ai rien mangé.

Au départ, le pilote a fait le tour de l’île de Pâques dans les deux sens pour que les passagers proches des hublots puissent faire des photos. C’est un cadeau précieux et impressionnant tant l’on croit que les ailes touchent les falaises. A l’arrivée à Tahiti, nous avons fait deux fois le tour de l’île mais là ce n’est pas un cadeau. Le pilote s’apprêtait à atterrir quand au dernier moment il mit les gaz et remonta à 1700 mètres d’altitude. L’explication vint un peu plus tard : du fait d’un vent très violent la tour de contrôle a demandé au pilote d’atterrir plus tard.

A l’arrivée nous sommes accueillis par des chants et des danses discrètes. Les formalités douanières sont extrêmement souples. Le voyagiste a trouvé intéressant pour les touristes que les bagages soient pris en main à chaque arrivée par ses équipes et que nous trouvions nos bagages dans nos chambres sans avoir dû faire ce transfert. L’idée est bonne, mais il faut nous occuper pendant deux à trois heures pour n’entrer dans l’hôtel que lorsque les bagages sont livrés. On nous propose de visiter un marché couvert qui est normalement fermé le samedi et le dimanche et ne sera ouvert que pour nous. Là aussi l’intention est louable, mais le fait de commencer la visite de Tahiti par une visite d’un marché couvert ne faisait pas partie de mes rêves les plus fous. Dans le marché couvert dont de nombreux stands sont fermés il y a surtout des échoppes de fruits et légumes, des vendeurs à la sauvette de perles de Tahiti et quelques magasins de fringues. J’achèterai d’ailleurs un teeshirt à un prix très parisien.

De jeunes gens costumés, quatre garçons et quatre filles, dansent sur la musique et le chant d’un guitariste. Les garçons sont très musclés et les filles jolies. On nous propose de goûter des morceaux de noix de coco coupés devant nous et de déguster des dès de mangue, de banane et de papaye. Manifestement, avec le décalage horaire de cinq heures, nous avons plus envie de nous reposer que de faire du shopping.

Nous nous rendons à l’hôtel Intercontinental qui est gigantesque. Mes valises sont dans ma chambre, ouf ! Je demande qu’on vienne prendre mon linge à laver qui remplit deux énormes sacs. C’est un jeune homme en maillot de bain et torse nu qui est venu chercher les deux sacs.

Le temps de m’occuper du linge, du wifi qui ne marche pas pour mon téléphone et de prendre une douche fait que je n’ai pas pu me baigner dans la piscine ou dans la mer qui est juste en bas de ma terrasse, au même niveau que la pelouse de l’immense jardin.

A 19 heures nous allons dîner au restaurant Le Tiare de l’hôtel Intercontinental. Il s’agit d’un buffet dont les poissons crus sont excellents. Ils seront l’essentiel de mon repas.

A 20 heures un groupe de huit hommes et huit femmes des îles Marquises dansent et chantent selon une histoire ou un schéma qu’on ne peut pas comprendre puisque la langue est polynésienne mais on peut essayer de deviner. Les hommes sont très musclés et très tatoués. Ce sont des guerriers qui ont des armes pour tuer et qui prendront (fictivement) une pirogue pour aller vaincre des ennemis. Les hommes sont agressifs et font des hakkas polynésiens destinés à effrayer les ennemis. Les femmes soutiennent les hommes mais on sent qu’elles prêchent pour la paix, qu’elles cherchent à calmer les ardeurs des hommes, même si elles partagent des chants guerriers avec les hommes. Le spectacle est très coloré. A un moment, des danseurs hommes et des femmes vont chercher dans la foule quelques personnes dont je ferai partie, sans doute parce que je suis placé à une table facile d’accès aux danseurs pour inviter des voyageurs, invitations que l’on a demandé de ne pas refuser.

Les femmes de notre voyage danseront avec les femmes et les hommes avec les hommes. Nous devons imiter les gestes des danseurs et c’est très bon enfant. Ceux qui restent à table vont rire de nos erreurs de synchronisation des mouvements. J’ai été frappé par la grande gentillesse de ces colosses, qui nous montrent les gestes et nous aident à les corriger. Les poignées de main de remerciements et de complicité s’échangent. Ces guerriers menaçants savent être très accueillants.

A Tahiti tout le monde sourit. Les jeunes femmes sont d’une grande beauté et les plus vieilles même si elles ne répondent pas à des canons de beauté ont un charme fort très lié à leurs sourires. La végétation est luxuriante et belle et les fruits abondants sont délicieux.

J’ai pris des excursions optionnelles sur les deux jours à venir alors que j’aurais besoin de repos. Je n’annulerai pas mais j’en ai la tentation.

Dimanche 19 novembre 2017

Je me lève à 6 heures du matin en pleine forme, reposé, mais je sais qu’à un moment ou à un autre, j’aurai probablement un coup de fatigue. Je pars à 8h30 dans un bus pour l’excursion optionnelle « Nature et Culture ». Je n’en sais pas plus. Nous sommes 27 dans le bus avec Fipa, la guide qui est une italienne qui a épousé un français et vit depuis 31 ans à Tahiti. Elle va nous raconter des choses intéressantes, même si elle approfondit peu les sujets qu’elle traite, mais ce qui me gêne c’est qu’elle tient son micro contre ses lèvres et envoie dans nos oreilles des décibels insupportables. Fort curieusement très peu de personnes éprouvent la même gêne, mais c’est un calvaire pour moi.

Nous allons faire le tour de la grande île de Tahiti en nous arrêtant sur des sites remarquables soit au plan de la flore soit au plan de la culture. Mon téléphone, pour des raisons de sécurité, oblige à mettre un code pour le déverrouiller. Ce qui fait que dans le bus qui roule, quand je veux prendre une photo, j’arrive toujours en retard. Il m’a fallu de nombreux essais pour photographier la montagne « le diadème » car ses crêtes ressemblent à un diadème. Le premier arrêt sur un site en hauteur, nous permet de voir la barrière de corail, mais c’est relativement peu photogénique.

Le deuxième arrêt est au bord de l’eau, à la pointe de Vénus, au pied d’un phare carré de 25 mètres de haut, plus haut que les plus hauts cocotiers, créé par des ingénieurs français en 1867 sous le règne de la très célèbre reine Pomaré IV. Il y a des embarcadères à petits bateaux avec balanciers et une plage où l’on peut faire du surf ou du paddle-surf. Il y a aussi un petit monument en l’honneur de l’arrivée des missionnaires, en 1797, trente ans après l’arrivée de James Cook. C’est très familial et comme c’est un dimanche, beaucoup de familles s’adonnent au plaisir de l’eau.

L’arrêt suivant est au trou du souffleur de Ara Hö Hö. Sur un site de rochers sur l’eau, il y a un arrangement des pierres qui fait que quelques mètres plus loin, l’eau de mer jaillit non pas en eau mais en bruine et fait un bruit de soufflerie. Notre guide, pour nous montrer, a joué les Marilyn Monroe sur la bouche de métro en espérant que le souffle soulève ses jupes, ce qui fut le cas.

L’arrêt suivant nous permet de voir la plus grande cascade de l’île qui a un débit impressionnant, au site de Faarumai. L’eau ruisselle avec un débit important directement lié au fait que les quinze derniers jours ont été fort pluvieux.

Nous allons déjeuner au restaurant bar du Musée Gauguin directement sur l’eau, au point que l’eau est quasiment au niveau du plancher. De nombreux tahitiens en famille avec des couronnes de fleurs et des colliers de fleurs déjeunent en ce lieu. Une voyageuse de notre groupe fera remarquer que s’il y a autant d’autochtones présents, c’est que la nourriture doit être bonne. Et elle l’est. Les poissons crus que j’ai pris sont délicieux. Les viandes sont correctes. Comme il n’y a aucun chevalet indiquant ce que sont les plats proposés, j’ai pris du lapin, à ma grande surprise. Au dessert, les ananas sont des merveilles tant ils sont sucrés et la tarte à la noix de coco est probablement la meilleure que j’aie goûtée.

Nous nous arrêtons pour aller visiter les jardins d’eau de Vaipahi. C’est un jardin botanique aux fleurs d’une rare richesse. Il y a une plante dont les fleurs sont les roses de porcelaine. La fleur est rouge, avec le centre qui ressemble comme deux gouttes d’eau à un protea, et les feuilles épaisses et d’un rouge vif semblent faites en porcelaine. Une feuille de lotus est d’un rose dégradé délicat et le centre est d’un jaune éclatant, avec des points noirs presque en symétrie. Ce jardin me rappelle l’immense parc de la Fondation Fairchild à Miami où il y a aussi des fleurs luxuriantes.

Un autre arrêt est sur un site sacré, un marae, fait de pierres de lave noire, avec le Te Tahua qui est la cour et le Te Ahu qui est l’autel réservé aux puissances divines et ancestrales. C’est très ancien et existait avant que l’île ne soit découverte par des européens à partir de 1767.

Notre dernière halte, la huitième, ce qui est beaucoup, d’autant qu’il pleut depuis la fin de notre déjeuner, est pour visiter le Musée de Tahiti et des îles. Cette visite est particulièrement intéressante, largement plus passionnante que le musée de la biodiversité de Panama.

Il y a des vestiges de la préhistoire et l’on remonte jusqu’à il y a 40.000 ans, période glaciaire qui fait que les niveaux des eaux étant particulièrement bas, plusieurs grandes îles dont l’Australie formaient un seul continent, le Sahul. Le musée raconte les migrations et les explorations entre continents, montre les outils de ces périodes primitives et décrit les langues, les coutumes puis l’histoire proche avec l’apparition des Pomaré comme rois de Tahiti. Une célébrité est la reine Pomaré. Le dernier roi, Pomaré V sans progéniture fit don à la France des îles qu’il a dirigées, en 1880.

Tout est passionnant mais je commence à être épuisé. De retour à l’hôtel, j’ai encore les oreilles qui bourdonnent du fait de la nuisance sonore de la guide. Ce fut malgré cet agacement une journée hautement intéressante car je suis heureux d’avoir fait le tour de l’île, mes yeux se remplissant de milliers d’images. Les maisons sont généralement très sommaires, certaines étant construites sur des pilotis en protection contre les cyclones mais aujourd’hui on investit beaucoup plus dans une plus belle voiture que dans une plus belle maison. La hauteur des sièges du bus permet de voir au-dessus des clôtures et on constate que très souvent les défunts sont enterrés dans les jardins.

Les jardins sont très soignés. La nature est tellement luxuriante et généreuse que les mangues abondent ainsi que les noix de coco. Cette île est chaleureuse, souriante. Un vrai paradis, même quand il pleut. A noter que les prévisions météorologiques échappent à toute certitude. La guide nous avait dit ce matin, comme le staff du voyagiste, que nous avions de la chance car il ferait beau toute la journée. Depuis midi il a plu à grosses gouttes. Au retour, j’ai voulu aller me baigner. J’ai enfilé mon maillot de bain et au moment de sortir, il pleuvait tant que je n’ai pas insisté.

Le dîner était prévu en un restaurant plus avancé vers la mer que celui de la veille mais les pluies qui se sont abattues ont poussé la direction à faire le dîner au même restaurant qu’hier, au restaurant Le Tiare. Ce sera un buffet. Les poissons crus sont toujours aussi bons, une pièce de bœuf s’est montrée excellente avec un gratin dauphinois et  parmi les desserts un petit cake à la frangipane et à l’ananas m’a plu. Nous avons bu un Champagne Billecart-Salmon brut sans année de très bel équilibre et joyeux. Demain il faut partir à 7h15 pour une nouvelle excursion. C’est du stakhanovisme !

Lundi 20 novembre

Le petit-déjeuner est une nouvelle fois très tôt car je pars de bon matin, à 7h15, pour une excursion optionnelle : « Taha’A, l’île vanille ». Je me suis réveillé avec des embarras gastriques qui pourraient provenir d’un plat peu frais ou du fait que j’ai bu l’eau d’un broc dans le restaurant du musée Paul Gauguin.

Un bus conduit les inscrits à l’aéroport situé à cinq minutes de l’hôtel et nous prenons un avion ATR à hélices qui, allant vers Bora-Bora, fait une courte halte à Raiatea, une île où nous nous rendons. Placé contre un hublot j’ai l’occasion de voir de magnifiques lagons. Les couleurs sont féériques, d’un bleu profond opposé à un vert bleu turquoise.

A l’arrivée, une plantureuse et souriante polynésienne, Suzanne, nous accueille et va nous guider. Elle nous raconte une légende, propos de bienvenue, en faisant des gestes un peu comme les personnes qui doublent les discours à l’intention des malentendants. Ses gestes sont très élégants. Le mot légende lui-même est exprimé par des doigts qui s’agitent devant la bouche, comme font les joueurs de pipeau.

Nous embarquons dans deux bateaux pour nous rendre vers l’île Taha’A. Nous longeons des paysages aux arbres luxuriants exprimant la richesse des terres tropicales. Nous passons devant une magnifique plage de sable fin, plantée de cocotiers, qui a appartenu à Joe Dassin. Une église aux couleurs de blanc et de bleu pour les fenêtres et au toit ocre orange est en aplomb sur la mer dans un joli environnement. Nous allons vers un « Matu », qui est un petite île située sur la barre de corail où il y a une succession de petites cabanes sur pilotis qui font partie d’un hôtel Relais & Châteaux. Nous jetons l’ancre dans un chenal entre deux Motus pour nager avec masque et tuba dans cette passe qui regorge de masses de coraux blancs. Suzanne jette du pain dans la mer et c’est une myriade de poissons qui viennent se disputer des morceaux. Les poissons dans cette zone adoptent des tons blancs et gris clair qui correspondent aux fonds de sable blancs et aux coraux blancs. Après nous être laissés glisser au fil du courant nous remontons en bateau. J’ai commis l’erreur d’enlever mon masque trop tôt et j’ai trébuché par l’effet du courant et mon genou a frotté des coraux. Suzanne m’a donné du citron vert à frotter sur la plaie.

La prochaine halte est dans une ferme perlière où l’on réalise l’opération délicate de l’inclusion d’une impureté qui donnera la future perle. Dans cette ferme sur pilotis trois personnes font minutieusement l’inclusion tandis que dans la boutique on vend les perles nues ou montées. Décidément le voyagiste veut nous pousser à acheter.

La halte suivante est dans un site de mûrissement des gousses de vanille. L’exposé de celui qui nous présente la façon de travailler la vanille est passionnant. La Polynésie est le seul endroit au monde où la pollinisation est faite à la main. Là aussi on peut acheter de la vanille sous diverses préparations. Nous reprenons le bateau pour aller manger dans un restaurant où passent beaucoup de touristes. Le propriétaire des lieux propose un buffet. Au tintement de la cloche on ne doit pas se précipiter. Il faut écouter la prière que dit le chef. On peut ensuite goûter à une cuisine simple mais goûteuse.

En ce lieu on arrive sur une passerelle en bois et l’on voit dans l’eau deux raies de belle taille, des pastenagues, et de très gros poissons au bec acéré sans doute pour couper le corail.

Après le repas la pluie tombe à grosses gouttes et dans le bateau qui va vite, nous sommes tous trempés. Je protège mes affaires mais la pluie est la plus forte. La dernière halte doit être de se baigner dans un endroit où il y a des requins, annoncé comme inoffensifs et des raies. Du fait de la pluie forte, je suis le seul de mon bateau à me baigner et j’ai bien fait de décider de faire cette partie du programme. Dans l’eau claire, des requins font la ronde, passant de droite à gauche et de gauche à droite. Ils ne remuent aucune eau et glissent avec une belle rapidité. Quatre requins ont nagé autour de moi et ce qui m’a frappé c’est qu’à aucun moment je n’ai pu voir les quatre ensemble. Ce sont des chasseurs.

L’un d’entre eux suit en permanence un petit poisson jaune. Un autre a un poisson qui nage sous son ventre. Je suis ravi d’avoir pu voir des requins de près et dans leur environnement naturel.

Trempé et avec tous mes vêtements trempés du fait de la pluie j’ai fait le retour en avion de Raiatea à Tahiti en maillot de bain et teeshirt humides. Avec une climatisation qui souffle un air très froid, j’ai peut-être le début d’un rhume. Suzanne, pour nous remercier des pourboires que nous avons donnés nous raconte une nouvelle légende avec des gestes très doux et gracieux.

De retour à l’hôtel, trempé, j’ai pris une douche bien chaude puis préparé mes valises que l’on doit mettre devant la porte avant de se coucher.

Pour la troisième fois nous avons un buffet au restaurant Le Tiare. Des voyageurs avec lesquels j’ai sympathisé ont offert du Champagne Bollinger Brut sans année que j’ai trouvé meilleur que le champagne de la veille. Un spectacle de danses tahitiennes rassemble des jeunes garçons et filles très beaux et dansant de façon traditionnelle beaucoup plus doucement que les guerriers d’il y a deux jours. Le déhanché des filles est ahurissant et le tamouré des garçons est lui aussi d’une grande dextérité. Ces danses sont gaies, joyeuses et constituent un hymne à l’amour. Personne ne m’a invité à venir danser. Snif !

Retour en chambre pour finir d’empaqueter. Le réveil est mis à 5h15. Quand aurais-je une « vraie » nuit ?

Mardi 21 novembre + mercredi 22 novembre

Si je mets ensemble les deux dates, c’est parce que cette journée ou ces journées sont bien difficiles à comprendre. Nous sommes partis par l’avion le mardi 21 à 8h30 et nous sommes arrivés le mercredi 22 à 14h30. Or notre vol a duré 8h30. Entretemps, nous avons passé la ligne de franchissement de date, qui fait que nous avons en une seconde ajouté un jour à notre calendrier. On a beau être capable de poser calmement les choses, la confusion dans les esprits est totale et nous ne savons plus où nous en sommes par rapport à Paris ou à Miami où est ma femme, chez mon fils. En avance ou en retard, je n’ai pas la force de chercher.

De bon matin, presque au lever du soleil, je fais une photo de la mer vue de l’hôtel et c’est en la prenant que je m’aperçois qu’il y a dans le ciel un morceau d’arc-en-ciel qui rend la photo encore plus intéressante. Le petit-déjeuner au buffet généreux est pris au même endroit que les dîners. Cet hôtel Intercontinental est un bel hôtel aux chambres confortables et spacieuses et au service souriant et attentionné.

L’aéroport est à cinq minutes en bus. L’enregistrement est d’une lenteur invraisemblable et inorganisé. Pourquoi se presser à Tahiti ? Dans la salle d’attente, j’ai confié mes bagages à une personne du groupe pour m’absenter un instant et lorsque je reviens, je ne vois plus mes bagages. Je regarde à gauche et à droite tout en marchant et tout-à-coup je ressens une vive douleur. Il y a dans cette salle un espace qui est marqué par des câbles d’acier tendus et tirés du sol au plafond. Je viens d’en heurter un avec mon front et je saigne. Le médecin accompagnateur me pose un sparadrap. Regardant la scène de cet accident, je m’aperçois que ces câbles sont très peu visibles et dangereux.

Nous embarquons vers Sydney pour un vol de 8h30 qui ne paraît pas très long car nous sommes dans une telle accumulation de trajets que celui-ci n’est qu’un parmi tant d’autres.

Que dire de Tahiti ? C’est un paradis. Les paysages sont merveilleux, le temps est capricieux et imprévisible surtout en cette saison entre celle des pluies et celle de beau temps, les femmes sont souriantes, presque toutes coiffées de fleurs, les hommes sont aussi souriants et positifs. L’ambiance est à la joie. Pour le touriste, c’est le pays idéal.

Dans l’avion, avant le départ, on passe un spray anti-insectes et on nous prévient que l’Australie exige que cette opération soit faite au départ et à l’arrivée. Alors que l’on nous a parlé de l’extrême surveillance des produits importés, les différents contrôles se passent sans difficulté. Pour la première fois, les bagages doivent être réceptionnés par les voyageurs eux-mêmes et pas par les responsables du voyagiste. C’est pour pouvoir réaliser des contrôles en présence du propriétaire des valises car les australiens redoutent les importations de tous produits vivants ou ayant vécu (coquillages par exemple). Comme nous avons les bagages en main, nous pourrions aller à l’hôtel et nous installer. Mais le voyagiste va faire comme le polytechnicien qui cuit un œuf à la coque. Il fait bouillir de l’eau et lorsque l’eau bout il met l’œuf dans l’eau et le retire quatre minutes plus tard. On lui demande alors quel processus il adopterait si on lui donnait une casserole d’eau bouillante. Il répond : « c’est facile, j’attends que l’eau refroidisse et quand elle est froide, j’applique le mode opératoire précédent ». Le voyagiste a fait strictement le même chose. Au lieu de mettre les valises dans les espaces prévus des bus qui nous emmènent, et donc de nous emmener à l’hôtel avec nos bagages, il a demandé à chacun de laisser ses bagages en un endroit unique. Les valises ont été prises en charge par une société de transport qui les a manipulés indistinctement et livrés à l’hôtel où l’équipe bagages du voyagiste a dû les trier pour les livrer en chambre. De ce fait, comme pour chaque vol de notre voyage, il y a une excursion de trois heures ou plus qui est un « bouche-trou » destiné à permettre au voyagiste de livrer les valises dans chaque chambre. Bien sûr la visite de la ville au pas de charge n’est pas sans intérêt mais nous avions tous envie de nous reposer après cette journée très longue.

En bus nous avons regardé une jolie plage de sable blanc d’un kilomètre de long, à Bondi, et nous sommes passés en divers endroits pour regarder divers quartiers et prendre des photos lorsque le panorama le méritait. Photographier l’opéra de Sydney et le pont métallique est évidemment impressionnant.

Sur le programme il était prévu que l’on soit à l’hôtel à 17h30. C’est seulement à 18h15 que nous avons atteint l’hôtel Shangri-La. J’étais épuisé. Ma chambre est d’un honnête confort mais nettement moins spacieuse que celles de Panama, de Quito et de Tahiti. Je suis au 28ème étage du building.

Le dîner est au premier étage. Les plats sont excellents et les plus raffinés du voyage à ce stade. Pour compenser les fatigues de la journée, je commande un verre de Champagne Veuve Clicquot Brut sans année qui fait un immense plaisir car j’en avais besoin. Il est très bon et je double la mise. J’ai mangé de minuscules huîtres excellentes, des grosses crevettes roses superbes et un crustacé qui ressemble à une cigale mais n’en est pas. Je suis ensuite monté au dernier étage, le 36ème , pour faire des photos de la nuit à Sydney et je trouve le doyen de notre groupe, un infatigable globe-trotter. J’ai pris un limoncello qui est nettement moins bon que celui que fait mon épouse mais m’a fait du bien.

Lors de cette visite on est obligé de penser à la France. L’Australie est dynamique, prospère, avec un taux de chômage de 5%. Les rues sont propres, chacun protège la propriété privée des autres et respecte l’environnement. Et ça marche alors que la France se prend les pieds dans le tapis en privilégiant l’égalitarisme, en spoliant ceux qui créent de la valeur et en chouchoutant ceux qui ne veulent rien faire. Quand la France va-t-elle se réveiller ?

Il est temps de dormir.

Jeudi 23 novembre

Je me réveille à 6h30 après une nuit courte mais entière, sans réveils qui l’entrecoupent. J’ai une belle bosse sur le front avec un trace rouge comme une estafilade. Le petit-déjeuner est copieux et les mets qui sont proposés sont d’excellente qualité. Nous partons en bus à 8h45 pour aller à l’héliport qui est dans l’enceinte de l’aéroport de Sydney. On nous montre une vidéo qui explique les gestes à faire pour porter un gilet de sauvetage et pour l’utiliser en cas de problème. On nous pèse, pour répartir les inscrits entre plusieurs hélicoptères en fonction du poids. Un grand hélicoptère prendra six inscrits. Je serai dans un petit hélicoptère à deux fois deux sièges. Un couple de voyageurs de Saint-Barth seront à l’arrière et je serai à la gauche du pilote. Un grand sérieux préside à notre mise en place dans l’hélicoptère. On en peut rien faire sans le feu vert du pilote en suivant ses instructions. Le nombre de contrôles est important. Nous partons vers les « montagnes bleues » qui sont situées à une centaine de kilomètres de Sydney et dont la couleur bleue qui apparaît lorsqu’on les regarde provient d’une sécrétion des feuilles d’eucalyptus qui éclairée par le soleil donne ce ton de bleu.

Nous survolons les nombreux canaux sur lesquels fleurissent des marinas ou des ports de plaisance, nous voyons les innombrables golfs qui se comptent en centaines à Sydney où le golf est un sport populaire ouvert à tous. Nous voyons des lotissements de magnifiques villas avec piscines. Puis, quittant la ville nous approchons de la forêt des montagnes bleues classées au patrimoine mondial de l’Unesco. Cette forêt a été longtemps infranchissable pour les européens découvreurs de l’Australie jusqu’à ce qu’un explorateur ait l’idée d’emprunter un chemin qu’utilisent les aborigènes. Il y a dans ces montagnes des falaises qui évoquent le Grand Canyon du Colorado et un immense lac de retenue d’eau potable qui est nourricier en eau pour la ville de Sydney.

Au retour, nous passons au-dessus très près du pont métallique et de l’Opéra. Nous survolons ensuite les côtes escarpées le long du Pacifique, qui évoquent un peu les falaises de Bonifacio. Nous nous posons sur le terrain de l’héliport avec consigne de ne rien faire tant qu’on n’en a pas la permission. Nous rejoignons les bureaux, heureux d’avoir tenté une expérience unique. J’ai ressenti plus d’émotion à ce trajet de plus d’une heure que lors du survol en hélicoptère de la ville de Tokyo.

Nous allons déjeuner dans un restaurant de bord de l’eau le restaurant Doyles établi sur ce lieu en 1885. Nous avions été réparti en huit groupes ce matin en fonction des choix d’activités – j’étais dans le groupe 8 – et nous nous retrouvons tous pour le déjeuner.

Le menu prévu est : sélection de pinces de crabe royal, huîtres, saumon fumé en terrine et crevette rose / « selection of fried whiting, jumbo prawns, Tasmanian Bass strait scallops, salt and pepper calamari, grilles Barramundi, served with chips and garden salad » / tentation de chocolat avec noix de macadamia et gelée de vanille.  C’est très bon, goûteux et on comprend que ce restaurant ait pu vivre 132 ans s’il a cette qualité de produits.

Après le déjeuner nous prenons un taxi sur mer qui nous conduit directement à l’entrée de l’Opéra. Le pilote du taxi n’en revenait pas lui-même que nous ayons croisé un sous-marin qui avançait dans la rade avec plusieurs marins au garde-à-vous sur la plateforme du sous-marin. Nous sortons du taxi, entrons dans l’Opéra et rencontrons un guide français qui nous explique l’histoire incroyable et tragique de cet Opéra. Un concours d’architectes a été lancé en 1951. Après de longues hésitations, c’est le projet n° 218 qui a été retenu, d’un architecte danois Jørn Utzon en 1956. Mais s’il était de loin le plus original et correspondant aux souhaits des donneurs d’ordre, le projet n’était pas encore abouti et a dû être retravaillé avec des ingénieurs pour vérifier la faisabilité. Les travaux ont pris du retard, les coûts ont explosé, les fonds ne suivaient pas au point qu’un 1966, Jørn Utzon, dans l’incapacité de payer les ouvriers se fâcha avec les instances décisionnaires au niveau du district local de Sydney et quitta le chantier qui fut poursuivi par un groupe d’architectes qui ont essayé de coller au mieux aux intentions du danois. L’Opéra a été inauguré en 1973, avec un budget final près de dix fois supérieur à l’initial. Alors que tout le monde a salué le génie de cet opéra, Jørn Utzon n’a jamais voulu revenir sur place. Ce n’est qu’en 1999 qu’il a accepté de coopérer pour transformer une salle, la salle Utzon, mais sans jamais venir à Sydney. Il a eu la consolation d’avoir su que l’Opéra venait d’être classé au patrimoine mondial de l’humanité. C’est la première œuvre qui a été classée du vivant de son auteur. Le classement a été fait en 2007 et Jørn Utzon est mort en 2008 à 90 ans. Quelle tristesse que cette dispute qui a privé l’architecte de voir son œuvre achevée alors qu’elle est aujourd’hui le symbole de Sydney et de l’Australie comme la Tour Eiffel est le symbole de Paris et de la France.

L’Opéra étant en restauration nous n’avons pas pu voir la salle de l’Opéra fermée pour deux ans, alors que nous avons vu une magnifique salle de concert d’une conception avant-gardiste que je n’ai pas pu photographier puisque c’est interdit lorsqu’il y a des artistes sur scène, l’orchestre de Sydney étant en train de répéter. Notre guide nous a raconté tout ce qu’il y a de génial dans la conception et la réalisation de cette œuvre. La toiture compte plus d’un million de tuiles en céramique soumises aux agressions du climat et des fientes d’oiseaux. Elle n’a jamais été nettoyée en 50 ans car les tuiles ont été traitées pour être autonettoyantes, du fait des revêtements.

En sortant de l’Opéra, on longe des débarcadères qui accueillent des navettes mais aussi d’énormes bateaux de croisière. Sur les rives, des cafés à terrasses servent des milliers de consommateurs. Ce pays sait mêler avec un réel succès travail et loisirs, car il y a quasiment le plein emploi et tout le monde profite du climat pour des activités sportives ou ludiques.

Il était prévu de faire des petites visites sur le chemin de retour vers l’hôtel. Je me suis désolidarisé pour rentrer au plus vite à l’hôtel. J’ai annulé le dîner qui doit avoir lieu dans un restaurant panoramique dans la grande tour de Sydney car nous allons quitter l’hôtel demain à 4h45. La perspective de ne dormir que trois heures n’entre pas dans mes plans. Je fais donc école buissonnière.

Demain, c’est le départ pour Singapour. Le séjour à Sydney est très court, alors que ce pays est vraiment tentant. Il a épousé son siècle. Hélas comme pour tous les autres pays visités, la croissance de la population entraîne des travaux gigantesques pour offrir des moyens de transport nouveaux. Le guide, lucide, nous a dit que lorsque les travaux seront finis, il en faudra d’autres car les mesures prises ne seront pas à la hauteur des problèmes du jour de leur réalisation.

Longue vie à cette belle Australie. Malgré l’éloignement, j’ai bien envie d’y revenir.

Vendredi 24 novembre

Rappel de la veille : ayant annulé ma participation au dîner dans le restaurant panoramique, j’ai commandé une César salade en service de chambre. Je n’ai jamais vu un serveur aussi nul que celui qui m’a apporté ce plat. Il n’a pas ouvert ma bière alors qu’il aurait dû le faire et comme dans le minibar il n’y a pas de décapsuleur, je suis un peu gêné. Ayant remarqué que la lampe qui surplombe la table ne fonctionne pas, je lui dis de contacter un technicien pour qu’il fasse marcher la lampe. Il me répond : « comme ce n’est pas de notre responsabilité, ce serait mieux que vous contactiez les services techniques ». Tant d’incompétence m’a sidéré. La salade du Shangri-La n’est pas du statut de l’hôtel, le poulet étant d’une dureté qui le rend immangeable. Je suis resté zen comme le condamné à mort qui constate qu’il y a une panne d’électricité.

Se réveiller à 3h45 est assez particulier. J’ai dormi au mieux quatre heures et demie mais nos horloges internes dansent tellement la java que nous n’avons plus aucun repère. Aussi après une bonne douche suis-je frais et dispos. Un café nous attend dans le hall ainsi qu’un petit plateau de petit-déjeuner à manger dans le bus, ce que j’ai fait. A l’aéroport nous apprenons que notre départ aura lieu avec une heure de retard. Ma zénitude me surprend.

A ce propos, je m’étais préparé à affronter toutes les situations et à rester calme en toutes circonstances, car dans un groupe de 160 personnes la probabilité des incidents est importante et encore plus quand il s’agit de français, du pays le plus indiscipliné de la terre. J’ai entendu beaucoup de gens se plaindre de ceci, de cela et j’ai décidé de positiver. Mais voici un cas qui m’a mis à l’épreuve.

Lorsque nous sommes arrivés à Sydney, il fallait comme à chaque escale nous « occuper » pendant trois heures pour que nos valises puissent arriver à nos chambres grâce à l’équipe « bagages » du voyagiste. Nous passons de site en site pour faire des photos et lors d’un arrêt nous allons photographier l’Opéra. Après avoir mitraillé l’Opéra nous rentrons dans le car et une personne manque. On cherche et on s’aperçoit qu’il s’agit d’une femme légèrement handicapée qui marche avec des cannes. Elle est tout au bout du chemin que l’on voit car il est en pente, à environ trois cents mètres, plus loin que là où nous photographions. La guide locale qui nous accompagne va la chercher. Nous suivons des yeux la remontée de l’absente et au milieu de cette remontée la dame s’arrête, reprend son souffle, fouille dans son sac et demande à la guide de la prendre en photo devant l’Opéra, ce qui dure un certain temps. Elle reprend sa marche vers le bus et quand elle entre dans le bus après dix minutes de retard, elle ne prononce pas un mot pour s’excuser. Il se trouve que nous étions tous épuisés par un voyage en avion de 8h30 ce qui rend moins tolérant face à une telle absence de prise en compte des autres.

Revenons à nos moutons car ces petites situations sont bien marginales.

Nous volons pendant 8h20 de Sydney à Singapour. Alors que nous volons à 11.000 mètres, le pilote a accepté de descendre à 3.000 mètres et de faire le tour dans un sens et dans l’autre pour que chacun puisse photographier un site sacré des aborigènes, cette étrange pierre rouge aux bords arrondis qui semble plantée dans le sol comme une météorite survenue du cosmos, l’Uluru surnommé Ayers Rock. Quel cadeau !

Nous arrivons à 13 heures heure locale alors que nous nous sommes levés à 0h30 à l’heure de Singapour, qui est séparé de trois fuseaux horaires de Sydney. Pour permettre l’arrivée en chambre des bagages, on nous fait visiter le jardin botanique des orchidées. C’est beau mais comme on dit en anglais, cela a un air de « déjà vu » car toutes ces orchidées magnifiques se voient partout dans le monde. Nous avons vu l’orchidée François Hollande que nous avons moins aimée que l’orchidée Diana. Notre guide nous a bien expliqué le caractère très rigide du pays vis-à-vis de certains aspects de la vie en société. On risque la peine de mort avec la drogue. Le chewing-gum est interdit, comme de fumer en de nombreux endroits ou de jeter des saletés et les peines sont lourdes. Cela paraît caporaliste mais c’est accepté par tous et ça donne de bons résultats. On ne voit quasiment jamais de policier alors que la sécurité est quasi-totale. Cela tient au fait qu’il y a des caméras de surveillance partout.

Nous arrivons à l’hôtel et nous constatons que les problèmes d’ascenseurs sont aussi mal résolus à Singapour qu’à Sydney : attentes trop longues et arrêts à tous les étages ou quasi. Je suis au 21ème étage, j’ai donc le temps de regarder la vaste cour intérieure car les cabines d’ascenseurs sont à l’extérieur du bâtiment comme dans les films d’aventures.

Mes valises ne sont pas en chambre et j’attends. Au bout d’un certain temps je sors de ma chambre et je constate que je ne suis pas le seul à ne pas les avoir. Un agent de l’hôtel sonne et avec un large sourire m’annonce que voici mes bagages. Or il n’a qu’une seule valise. J’attends encore puis je décide d’aller voir. Au lobby il y a beaucoup de valises mais pas ma deuxième valise. Peut-être était-elle en route. Je remonte, et, pas de valise. Je croise un agent qui traîne une valise et redescend avec elle. Je lui demande pourquoi il ne la met pas dans la chambre et il m’apprend que n’ayant pas le passe général il ne peut pas la laisser à une chambre si la personne est absente.

Je redescends donc car il se pourrait que ma valise ait été montée puis descendue. Il n’en est rien. Je m’apprête à déclarer la perte de ma valise mais je vois qu’à l’extérieur de l’hôtel on décharge des valises. Il est 18 heures, heure locale, alors que notre avion a atterri à 13 heures. Il y a des cailloux dans l’organisation. Je vois ma valise. Quelqu’un me propose de la monter. Je refuse, je la prends en main et remonte à la chambre. Ma zénitude a été mise à l’épreuve.

Nous partons à 19 heures pour l’aquarium de Singapour. La ville est d’une activité incroyable. Le port maritime de containers est gigantesque et fonctionne 24 heures sur 24. Plus de mille navires sont en attente en mer pour se faire décharger par d’immenses grues qui fonctionnent de façon quasi automatique. En ville, comme c’est le Black Friday qui suit Thanksgiving, la ville est active. Notre bus arrive dans un parking aux dimensions titanesques car l’aquarium est situé dans le même espace qu’un parc d’attraction. Ici tout est hors de proportion.

Nous quittons le bus et entrons dans l’aquarium qui a été privatisé par notre voyagiste pour un dîner alors que ce site n’a pas vocation à faire des dîners. Comment notre voyagiste arrive-t-il  à obtenir de tels privilèges, je ne sais pas ?

Nous entrons par un tunnel en verre avec des requins qui s’ébattent au-dessus de nos têtes. Nous attendons dans un des immenses couloirs du site avec des aquariums impressionnants par la rareté des poissons qui y sont présentés. On a le choix entre un verre de Fanta ou un verre de Coca-Cola. De maigres canapés nous sont chichement proposés et on attend. On attend encore car apparemment la grand salle n’est pas prête. Quand elle l’est nous arrivons dans une salle immense comme une grande salle de spectacles à gradins, avec un aquarium qui fait bien 25 mètres de haut sur plus de cent mètres de large. Des poissons magnifiques font des rondes, les raies Manta, les requins à bosse et de moult autres espèces, un énorme mérou, des multitudes de raies diverses, et ces myriades de poissons se croisent en un magnifique ballet. Les tables sont installées sur les gradins.

Le menu est : coquilles Saint-Jacques avec artichauts, salade d’algues et crevettes roses / bisque de homard / Tenderloin de bœuf australien avec asperges et pommes de terre et réduction de vinaigre balsamique / parfait à la vanille avec un coulis de framboise, ganache de chocolat au lait en un biscuit. Nous sommes tous tellement fatigués que nous ne passons pas beaucoup de temps à analyser les mérites ou les faiblesses de cette cuisine de traiteur. J’ai aimé les coquilles et la viande.

On nous avait vanté les mérites du vin unique qui nous serait proposé emporté de France comme étant un vin de la cave du propriétaire de la société voyagiste. C’est un Baron Carl Saint-Emilion Baron Philippe de Rothschild 2014. Ce vin qui titre 12,5° n’a pas grand-chose à proposer que le fait d’avoir le mot Rothschild dans son nom ce qui peut être trompeur pour celui qui s’imagine boire du Mouton ou du Lafite mais boit un vin de négociant sans terroir, vin d’assemblage. Faute de grive j’en ai bu. Il est suffisamment bien assemblé pour qu’il puisse convenir à un public non averti.

Lors de notre passage à Quito, un des cadres du voyagiste nous avait chanté un Ave Maria. Lors de ce dîner, il a occupé notre espace sonore pendant presque la totalité du repas. Pas besoin alors de faire la conversation. Il a manifestement une belle voix mais qui s’exprime mieux sur des airs d’opérettes ou de variété que sur des airs d’Opéra où son chevrotement et une certaine timidité dans l’expression limitent le plaisir. De plus, était-il nécessaire de nous imposer ce concert alors que nous contemplions la sérénité des poissons qui dansaient devant nous ? Beaucoup de gens ont apprécié la performance d’un homme attachant qui a une voix juste et bien posée. J’ai regretté d’être pris en otage dans un concert non sollicité.

Nous sommes rentrés fourbus. Je suis resté éveillé pendant 23 heures de suite. Il est temps de plonger non pas dans l’aquarium mais dans mon lit.

Samedi 25 novembre 2017

J’avais mis mon réveil à 7h00 mais je me suis réveillé à 5h00 et je ne me suis pas recouché. Je voulais en effet finir le compte-rendu des évènements d’hier. A 7h00 je me présente au 3ème étage pour le petit-déjeuner, après une attente anormale de l’ascenseur et je suis impressionné par l’ampleur de l’offre aux buffets. Si on alignait tous les buffets sur une seule droite on dépasserait sans doute les cent mètres. Il y a en effet des stands pour tous les types de cultures, chinoise, japonaise, indienne, européenne, etc.. J’essaie d’être raisonnable car mon tour de taille a subi une expansion qui ressemble à l’explosion d’une supernova.

J’hésitais à faire les visites de ce jour et je coupe la poire en deux en décidant de faire les explorations du matin et pas celles de l’après-midi. Comme nous sommes répartis en quatre groupes qui feront les mêmes visites mais pas dans le même ordre je demande à l’un des animateurs d’être dans le groupe qui fait les plus belles explorations le matin. Je suis affecté au groupe 4 qui commence par une montée dans la grande roue de Singapour. La guide nous explique que cette roue a été pendant longtemps la plus grande au monde mais ne l’est plus depuis qu’un pays arabe en a construit une plus grande. La roue culmine à la hauteur d’un immeuble de 42 étages. Il y a 28 nacelles qui peuvent accueillir chacune 28 personnes et qui font le tour en continu en 28 minutes. La roue a coûté beaucoup d’argent et comme elle va dans un sens des aiguilles d’une montre qui suggère que les visiteurs vont vers la Malaisie on a dit pour faire image que cette roue prenait l’argent des singapouriens pour l’envoyer en Malaisie. Cette croyance devint si forte que le gouvernement a engagé des dépenses énormes pour faire tourner la roue dans l’autre sens et maintenant on peut dire que l’argent vient de l’étranger pour se consommer à Singapour. Nous en sommes la démonstration.

Le quai est incurvé comme la roue ce qui permet de monter dans chaque cabine sans aucun arrêt, comme on le fait pour un tapis roulant. La vue est époustouflante. Au point le plus haut, on est presque au niveau de la plateforme de l’hôtel Marina Bay Sands, mais pas tout-à-fait. Cet hôtel récent est devenu emblématique de Singapour comme l’Opéra pour Sydney. La vue est magique, des milliers de bateaux en attente de déchargement au port de marchandise jusqu’au circuit de Formule 1. Je n’avais jamais remarqué sur les photos que l’espèce de planche de surf posée sur les trois immeubles de l’hôtel n’est pas droite mais légèrement incurvée comme un boomerang, avec un angle plus doux. C’est fascinant de voir cette ville-Etat aussi vivante.

Après la visite de la Grande Roue, nous allons visiter la ville chinoise. Il faut savoir que les chinois représentent 74% de la population de Singapour. Nous visitons rapidement le temple chinois construit en 2007 avec un nombre important de petits autels et des statues innombrables. Je suis frappé par la ferveur des gens qui prient dans ce temple. Certains joignent leurs mains paume contre paume en signe de dévotion, d’autres font brûler des baguettes d’encens et d’autres enfin appliquent leurs mains sur une sphère en verre ou d’un autre élément transparent et l’énergie du Bouddha doit se propager en eux. Ensuite, c’est le passage obligé par les boutiques, pour dépenser des dollars comme nous y incite notre voyagiste.

Nous faisons ensuite une promenade en bateau au cœur de la ville sur un bassin que l’on peut voir à la télévision lors des compétitions de Formule 1. Nous sommes au cœur du quartier des plus grands buildings. On peut faire des tonnes de photos. Je dois en être à 2800 depuis le début du voyage.

Nous allons ensuite déjeuner dans le restaurant chinois Red House Sea food, très proche de l’embarcadère du bateau que nous avions pris. Le menu rédigé est : plateau Tim Sum : raviolis vapeur à la truffe sauvage, Siu Mai (ravioli vapeur porc et crevette, feuilleté de porc laqué, ravioli frit à la crevette) / soupe à la courge et à la chair de crabe / poulet sauce Thaï / riz aux fruits de mer Red House / mangue et pamplemousse frais aux perles de Sago.  C’est absolument délicieux, goûteux et léger. Ce fut un très beau repas.

Je suis rentré en taxi à l’hôtel car je dois rencontrer un français qui vit à Singapour et fidèle lecteur de mes bulletins. Après une pause épistolaire dans ma chambre je descends au niveau de la réception de l’hôtel Pan Pacific, dans l’espace Atrium et je rencontre un jeune français père de deux enfants qui vit à Singapour depuis onze ans. Il est le PDG d’une filiale d’un grand groupe international. Il s’intéresse au vin et lit assidûment mes bulletins et m’envoie de temps à autre des messages. L’occasion se présentait de se rencontrer. Il commande des compositions épicées à manger sur des beignets, des saucisses et du fromage et ouvre un Champagne Amour de Deutz 1999. Le champagne est clair, à la bulle active et montre une maturité un peu supérieure à son âge. Lorsqu’il s’ouvre dans le verre il gagne en personnalité mais il lui manque un peu de vivacité. Le bilan est positif et ce champagne est gastronomique.

Nous parlons de sujets de vins et de projets possibles en Asie et nos visions sont proches. A un moment il me demande si je suis allé à l’hôtel Marina Bay Sands et se propose de m’y conduire pour accéder à la partie la plus privée, l’immense plateau de 150 mètres de long avec une piscine à débordement qui a presque cette dimension.

Grâce à ce nouvel ami nous pouvons monter au dernier étage en passant devant toutes les files d’attente et nous avons une table au centre de l’espace, au-dessus de la piscine. Le gérant de cet espace vient voir cet ami et nous permet d’aller voir la piscine qui est normalement réservée aux clients de l’hôtel. Une pulpeuse serveuse russe vient nous servir deux verres de proseco offert par la maison, qui ne retiendra pas notre attention tant il est court et limité. Elle prend notre commande. J’offre à ce nouvel ami de partager deux verres de Champagne Billecart-Salmon rosé sans année qui est très agréable et convenable. Je prends beaucoup de photos de cet endroit qui est le plus prisé de Singapour, avec une population de tous horizons et de tous pays.

Je rentre à l’hôtel où se tient le buffet du dîner. Je n’ai pas faim mais j’y vais pour donner mon passeport et raconter mon épopée au petit groupe avec lequel je partage souvent des repas. Mes photos font évidemment leur effet. On m’offre une coupe de Champagne Laurent-Perrier brut sans année qui se marie merveilleusement avec le seul mets que je mange, des dés de melon blanc.

Remonté en chambre je me livre à l’épreuve la plus contraignante et énervante de ce voyage. Mes deux grosses valises que je dois mettre devant ma chambre avant de me coucher vont rester en soute pendant deux jours, et je dois faire un sac de ce dont j’aurai besoin sur ces deux jours, qui ne devra pas peser plus de 7 kilos. Autant me demander d’écrire la Bible sur un timbre-poste. Ces problèmes logistiques sont pénibles. Demain nous partons en Birmanie avec deux destinations différentes où nos valises auront des sorts divers. Allons vite sous la couette pour ne pas y penser.

dimanche 26 novembre 2017

De bon matin nous allons à l’aéroport de Singapour pour un vol vers Mandalay. Du fait des activités possibles nous sommes répartis en plusieurs groupes qui séjourneront tantôt à Bagan tantôt à Mandalay et rarement tous ensemble. Je fais partie d’un groupe qui arrivé à Mandalay va passer deux nuits à Bagan. Le voyagiste a choisi de ne pas faire suivre nos valises à Bagan et nous a demandé d’avoir seulement un bagage de cabine de moins de 7 kilos. Quadrature du cercle. Nous arrivons peu après 12 heures à Mandalay et nous aurions pu aller directement à Bagan profiter de l’hôtel et de la piscine car le lendemain nous nous réveillerons à 4 heures pour aller survoler en montgolfière les trois mille temples au lever du soleil.

Mais le voyagiste a rempli notre emploi du temps d’une façon qui excède toute le monde. Les propos râleurs sont de plus en plus fortement exprimés. Nous partons en effet en pleine nature visiter deux temples bouddhistes et quand nous revenons nous apprenons que notre vol Mandalay-Bagan aura deux heures de retard. C’est une navette qui va jusqu’à Rangoon en passant par Bagan et revient à Mandaly qui a pris du retard. C’est la goutte qui fait déborder le vase. Car nous arrivons à l’hôtel de nuit et il est donc exclu de se baigner.

L’hôtel Aureum est prestigieux . Nous sommes logés dans de vraies petites maisons et la surface de chaque chambre est immense. Pour reconnaître sa chambre dans la jungle environnante il faut une lampe de poche. La personne qui m’accompagne à ma chambre en a une et quand je veux aller au diner, la lampe qui existe dans la chambre est déchargée.

Arrivés à 19h22 nous devons être au dîner à 19h30. Il s’agit d’un dîner servi  devant la piscine et non pas d’un buffet. On a mis les petits plats dans les grands, mais quand je vois le délai pour servir le premier plat délicieux de langoustines en tempura à la sauce au gingembre, je décide de ne pas poursuivre ce dîner pour espérer dormir un peu. Une femme qui fait partie du petit groupe de croisiéristes qui se retrouvent souvent ensemble arrive à table telle un furie, criant presque pour expectorer son énervement devant une organisation qui ne tient pas compte de la clientèle. Trop d’activités inutiles sont ajoutées, conduisant à des horaires inacceptables. Il n’y a pas eu de nuits dépassant six heures alors que les fatigues liées notamment aux écarts de température causés par des climatisations excessives, nous affaiblissent manifestement.

Les esprits grondent et c’est mauvais signe. Du fait des excès dans les programmes, demain, après le survol en montgolfière je vais annuler toutes les visites car mon corps est usé de tant de pression d’un calendrier trop chargé. Il y a de l’électricité dans l’air. Nous verrons demain.

lundi 27 novembre 2017 – le théorème de la tartine de beurre.

Tout le monde connaît le théorème de la tartine de beurre : quand une tartine de beurre vous échappe des mains, elle tombe toujours sur le côté beurré. Jacques Chirac l’avait formulé autrement : les emmerdements, ça vient toujours en escadrille.

Voici comment cela s’est passé. D’une part j’ai un rhume qui transforme mon nez en fontaine. Ma nuit a été saucissonnée car je me relevais toutes les dix minutes pour me moucher. Ayant écrit les péripéties d’hier je me suis mis au lit à 23h30 pour un lever à 4 heures.  Le réveil était à quatre heures mais je me suis levé bien avant. On prend un semblant de petit-déjeuner car le buffet n’est pas ouvert  et on nous appelle à 5 heures pour nous affecter dans des bus appartenant à la société de montgolfières. On attend des retardataires et le bus va chercher d’autres personnes d’un autre hôtel, qui ne font pas partie de notre groupe.

On nous fait descendre, on nous affecte à des groupes et on attend.  Un responsable du survol de Bagan en montgolfière nous affecte aux différentes nacelles, à raison de 16 personnes par nacelle, elle-même divisée en quatre quartiers puisque dans un espace ceint de barres, on a divisé en quatre groupes de quatre. On nous donne les consignes de sécurité et un nouvel appel est fait pour que quatre nacelles se retrouvent ensemble. A ce moment le chef de toute cette organisation nous dit : « j’ai une mauvaise nouvelle à vous annoncer, il n’y aura pas de vol aujourd’hui ». Il explique que les vents portent vers l’aérodrome de Bagan ce qui fait que l’aéroport a interdit tout vol. Je regarde autour de moi et ne vois aucune feuille d’aucun arbre qui frémisse. Mais il est inutile de discuter, nous nous sommes levés à 4 heures pour rien. Alors, après la journée foirée d’hier, ça fait beaucoup. Les déconvenues sont survenues en escadrille.

Lundi 27 novembre suite

De retour à l’hôtel nous prenons le petit-déjeuner, encore assommés par cette mauvaise nouvelle. Après cela je vais dans ma chambre. J’ai l’impression d’avoir beaucoup de fièvre. Je dors une heure et demie ce qui me fait le plus grand bien. Je cherche à joindre le médecin pour avoir des médicaments antigrippe car j’ai laissé tous les médicaments de précaution dans l’une de mes grandes valises, mais tous les numéros que j’ai conduisent dans le vide.

J’avais prévu de rejoindre mon groupe pour le déjeuner mais en fait je préfère aller à la piscine où je nage avec le sentiment d’un immense bonheur.

J’offre à quelques croisiéristes  de trinquer autour d’une bouteille de champagne. Les Taittinger et Moët étant aux abonnés absents sur la carte des vins il ne restait qu’une seule possibilité, le Champagne Didier Chopin. Sans véritable intérêt, il nous permet de trinquer et de profiter enfin d’un moment de calme, sans bus à attendre.

Une petite anecdote que j’aime beaucoup : notre ravissante guide, Julie, nous a expliqué pourquoi les lettres de l’alphabet birman sont toutes rondes ou courbes.  Lorsqu’on a créé l’écriture on écrivait sur des feuilles de palmier. Or écrire droit taillade la feuille et la déchire alors qu’écrire en rond ne déchire pas la feuille. Vrai ou non, c’est joli.

A propos de Birmanie, passer de Singapour où l’argent attire l’argent et le profit attire le profit dans une spirale positive qu’ignore délibérément la France, à la Birmanie, pays où le salaire minimum est de 80 €, où il n’y a pas de retraites ni d’indemnités, cela montre à l’évidence que le succès d’un pays résulte directement d’une politique fiscale favorable aux investissements et au maintien des riches au pays. Taudis insalubres, saleté permanente s’étalent à côté du luxe incroyable de notre hôtel.

Après avoir nagé et pris le soleil, j’ai fait une sieste salutaire et j’ai repris le cours des excursions et visites à 16h15. Ce qui est prévu est un voyage en bateau sur un des grands fleuves de Birmanie, l’Irrawady suivi d’un dîner buffet sur une plage de sable.

Nous partons sur une route qui est bordée d’une infinité de stupas dont des très anciens des 11ème et 12ème siècles. Dans la zone que nous devions survoler en montgolfières, il y a 3.000 temples ou stupas. Au bord du fleuve, des bateaux font penser à ceux de Bangkok avec l’hélice du moteur qui est au bout d’une longue perche que le pilote oriente comme il le ferait d’un taille-haies. Ce court voyage en bateau est amusant et nous débarquons sur une dune de sable où nous attend un buffet. C’est sympathique d’autant que nous rentrerons de nuit dans ces barcasses sans lumière. Nous avons pu voir de cette dune le coucher de soleil par-delà le fleuve.  C’est beau.

Mais le lien de sympathie et d’enthousiasme avec ce voyage est un peu tombé aussi je me demande la chose suivante : si des étrangers veulent visiter Paris et si on les invite à dîner sur une plage de sable sur la Marne, est-ce bien nécessaire ? C’est ce que j’ai pensé. J’ai trop l’impression qu’on cherche à nous occuper.

De retour à l’hôtel assez tôt j’ai pris avec des amis un cocktail Mai Thaï à base de rhum. Est-ce bon pour mon rhume, je ne sais pas, mais c’est bon.

Demain le premier rendez-vous est à 10 heures. Je crois rêver. L’hypothèse d’une vraie nuit semble crédible. Il est certain que mon humeur est aussi dictée par mon rhume. A voir demain.

Petite remarque à ce stade

Il est clair que mon enthousiasme s’est émoussé du fait de l’accumulation excessive d’activités « pour occuper le touriste ». De plus, mon rhume ne me pousse pas à l’enthousiasme. Mais il faut objectivement remarquer que j’ai vécu des moments rares : la visite d’un village d’amérindiens, la nage avec des requins dans une belle île de Tahiti, les retrouvailles avec les plus beaux sites de l’Île de Pâques, le survol de Sydney et des montagnes bleues en hélicoptère. Tout cela justifie mon voyage.

Mais ce voyage est la meilleure publicité possible pour que je n’en fasse plus sous cette forme. Attendre des bus, attendre le comptage des présents, entendre des guides qui hurlent dans les micros, faire la queue pour chaque activité, tout cela n’est pas fait pour moi. Il y a autour de moi parmi les croisiéristes deux attitudes : une franchement bienveillante car ce voyage concrétise un rêve et deuxième attitude, le rejet de ces programmes qui méconnaissent la capacité d’absorption des voyageurs.

Je ne referai plus de tels voyages, mais je suis content de quelques moments inoubliables.

Si je veux essayer d’être complet je vanterai les qualités de toute l’équipe d’organisation de nos déplacements qui est présente en toute circonstances : on ne se perd pas dans les aéroports, ils sont disponibles pour toutes les questions. Le voyagiste a mis le paquet sur cet aspect de nos migrations et c’est vraiment un point positif.

mardi 28 novembre 2017

Le départ est à 10 heures pour des excursions et le retour à Mandalay, mais je suis levé à 6h30 puisque nos corps n’ont plus aucune horloge interne. Il fait beau et en allant vers la réception de l’hôtel, je vois des centaines de montgolfières évoluant doucement dans un ciel parfait. Comme disent les enfants vexés, « même pas mal ».

Je vais payer ma note et je monte au 13ème étage d’une tour en forme de pagode construite par l’hôtel en 2005, qui permet une vue à 360° sur la plaine aux 3.000 pagodes. Alors on se dit, dépité : « à quoi ça sert de prendre une montgolfière puisqu’on peut voir tous les temples et les stupas de ce merveilleux observatoire ». Ça veut dire que la blessure est profonde de voir ces belles montgolfières dans un ciel splendide.

Après le petit-déjeuner j’ai deux heures devant moi. Je vais dormir un peu.

A dix heures nous partons visiter un très grand temple, le Ananda Phaya Temple. Dans ce temple du 11ème siècle il y a une particularité c’est quatre statues monumentales de neuf mètres de haut de Bouddha debout et non pas assis. Ces statues étaient primitivement en bois et recouvertes de feuilles d’or. Deux sont d’origine et les deux autres ont été refaites mais sans utiliser de bois. Ce temple est imposant.

Nous allons ensuite dans une campagne où la concentration de stupas est extrême. J’ai photographié de nombreux édifices et aussi des détails de crépis dont beaucoup ont disparu. Nous allons ensuite sur un monticule assez ridicule où l’on est censé voir beaucoup de stupas. On en voyait beaucoup plus de la tour de l’hôtel.

Nous déjeunons au restaurant Sunset Garden en bord de fleuve. C’est un site très simple et la cuisine est gourmande. J’ai beaucoup aimé une sauce à l’ail très salée, une sauce à la citronnelle très forte, de belles frites, un bœuf semi-bourguignon de bonne viande. Il n’y a pas de chichi et c’est bon.

Après déjeuner non nous fait visiter un village. Ça pue l’opération commerciale car des femmes passent comme par hasard avec des enfants en bas âge pour se faire photographier et quémander quelques billets. La plus active à ponctionner nos portemonnaies est une vielle birmane édentée qui fume la pipe. Tout ça évidemment est fait pour nous occuper en attendant d’aller à l’aéroport. Nous devions prendre l’avion à 16h05 et on nous annonce au moins deux heures de retard. Alors on nous occupe. J’étais tellement furieux que j’ai refusé la proposition d’aller faire un tour en calèche de 45 minutes. J’ai sans doute eu tort car des gens ont aimé, mais j’en avais vraiment assez de ces contrariétés et je n’avais pas le cœur à flâner dans une calèche. Resté quasiment seul près du car, j’ai fait couper une noix de coco par un marchand à la sauvette, édenté tant il chique du bétel. J’ai bu l’eau de coco qui est délicieuse.

Il est à noter que des privilégiés ont eu l’avion de 16h05 et comme par hasard tous les cadres du voyagiste sauf un étaient du voyage. Un sentiment d’abandon m’a pris et j’ai échafaudé des hypothèses horribles telles que de ne pas pouvoir prendre l’avion. Notre jolie guide charmante ne donnait que des précisions extrêmement vagues. Quand allait-on partir, on ne le savait pas.

Nous sommes arrivés à l’aéroport où aucun cadre du voyagiste n’était là. On donne à la guide un paquet de cartes d’embarquement, non nominatives. Nouvelle panique. Par ailleurs cet aéroport n’a aucun affichage des vols en cours. Et comme les annonces se font en birman, impossible de savoir quand partira notre vol. Il est parti à 19 heures. C’est une honte. A noter qu’à chaque annonce je me mettais dans la file, mais deux fois ce ne fut pas le bon vol.

Bien sûr nous avons raté le dîner prévu dans les jardins du restaurant Green et nous sommes allés directement à l’hôtel qui s’appelait Sedona mais s’appelle maintenant Hôtel Hilton. C’est typiquement l’hôtel pour cadre ou représentant qui n’y passera qu’une nuit. La décoration est froide et la chambre, après celle de l’hôtel Aureum de Bagan produit un dur retour sur terre.

Trop c’est trop. Après les 2h30 de retard à l’aller de Mandalay à Bagan, l’absence de vol en montgolfière, ce retard de trois heures est de trop. Nombreux sont ceux qui comme moi sont excédés.

A l’arrivée à l’hôtel, aucune présence du voyagiste sauf notre accompagnateur peu aimable. Le patron de la société organisatrice arrivant à l’hôtel a dû être informé de notre humeur aussi étant en chambre j’ai reçu un coup de fil disant qu’on nous offrait un dîner de compensation. César salade, spaghettis à la sauce tomate et glace vanille n’arriveront sans doute pas à calmer ma colère. Trop c’est trop. La distance entre Bagan et Mandalay est couverte en une demi-heure en avion et en six heures en voiture. Si nous étions partis en car à 10 heures nous serions arrivés à Mandalay à 16 heures et nous aurions eu une soirée tranquille. Avec ces péripéties, j’ai angoissé, ce qui est fatiguant. Maintenant on se dit : vivement que ce voyage se termine, ce qui est quand même le signe d’un échec.

A propos de la Birmanie, elle s’appelle Myanmar que l’on prononce Myamar, sans prononcer le « n » et en prononçant le « My » comme en anglais. A chaque halte aujourd’hui sur la route des stupas et des temples, dès qu’on sort du car on est assailli de gamins ou femmes qui cherchent à vendre des articles en disant dans un bon français : « c’est pas cher » ou bien « c’est moins cher qu’à Leclerc », phrase sans doute suggérée par un touriste. Ces nuées de vendeurs agaçantes comme des mouches se répètent partout.

Sur la route, il y a beaucoup de gens qui circulent à mobylette à un, deux ou trois, sans casque, les femmes étant en amazone. La nuit les engins n’ont pas de lumière et les motos traversent les nationales sans ralentir, ce qui nous cause des frayeurs.

Demain nous allons une fois de plus faire des excursions dont j’espère un certain intérêt et il faudra une fois de plus mettre nos valises dans le couloir avant de nous coucher. L’aventure continue.

Quand tu crois que tu as touché le fond

Pour ma toilette du soir, j’ai utilisé de l’eau. Le débit est ridiculement faible et l’eau chaude n’est jamais arrivée. Ce matin au réveil je veux prendre une douche.

PAS D’EAU

Robinet ouvert, on entend des gargouillis et pas une seule goutte ne vient. Alors, tu te sens l’objet d’une malédiction divine. Ce voyage finit en apothéose. Descendu à la réception je vois un personnel affolé, on vient me donner la clef d’une autre chambre pour que je puisse me doucher, car le 5ème étage, le plus haut, n’a pas d’eau.

Rien ne m’aura été épargné. Il y a une promenade en bateau prévue. Je n’ai plus le cœur à rien.

mercredi 29 novembre 2017

J’ai pris le petit-déjeuner qui est particulièrement étriqué dans cet hôtel qui est en réfection et où tout semble sommaire. Doté de deux clefs pour deux chambres différentes, je remonte d’abord à la chambre où sont mes affaires et je constate que l’eau coule du robinet de ma chambre. Miracle ! La douche que je prends a une saveur particulière, comme si je me douchais après avoir passé des mois dans un désert. Alors que j’avais envie de ne pas participer aux excursions du jour je me suis dit que ce serait trop bête de me morfondre dans ma chambre. Je pars donc avec mon groupe visiter un monastère où tout est en bois sculpté. C’est beau, très particulier et les sculptures et bas-reliefs innombrables racontent des récits fabuleux de dieux imaginaires.

Nous partons ensuite faire une croisière sur le fleuve nourricier de Mandalay pour aller visiter une pagode unique située à Mingun. Les bateaux sont confortables et nous sommes une vingtaine par bateau. Pour descendre du bateau on marche sur une planche qui n’est pas très large et on se tient à un bambou tenu par deux marins. On passe devant une énorme pagode simple et carrée qui a été fendue lors du tremblement de terre qui a affecté la Birmanie. Cette pagode est dotée de deux énormes statues de lions face au fleuve, très abîmées par l’érosion.

Nous arrivons face à une pagode toute blanche qui ressemble à une gigantesque meringue avec des milliers de points qui émergent qui sont des petites chapelles comportant des statues de dieux qui protègent la reine morte pour laquelle cet édifice a été conçu par le roi son mari. Nous grimpons des marches d’escaliers très pentus pour accéder à un tour de ronde d’où l’on voit très loin les méandres du fleuve. Le long du chemin qui mène à pied du fleuve à cette pagode, des milliers d’échoppes proposent toutes sortes de choses pour touristes, photos, bijoux, tissus, chapeaux. On ne peut pas faire un pas sans être cerné par une nuée de femmes et enfants qui ne lâchent pas leur proie.

Nous reprenons le bateau et un repas nous est servi sur le pont supérieur du bateau. Pour chacun un apéritif à base de rhum va chauffer l’atmosphère. Des bières sont généreusement proposées. Les brochettes sont bonnes, accompagnées de sauces piquantes. C’est très agréable. Au retour et à l’endroit où les bateaux accostent, deux femmes se lavent dans l’eau boueuse du fleuve. C’est très probablement fait exprès.

Nous allons ensuite visiter un groupe de 729 pagodes (c’est trois puissance six, ce qui est curieux puisque l’arrangement de ces pagodes se fait sur la base d’un carré) où sont gravées dans le marbre les textes de la « Bible » de Bouddha, recueil complet de ses préceptes.

Nous avons le temps de passer à nos chambres mais à la réception on me dit : « pas d’eau avant 5 heures ». Nous partons ensuite vers Amarapura, la ville de l’immortalité où nous embarquons sur des pirogues pour aller regarder le coucher du soleil sur le pont d’U Bein, le plus long pont du monde qui soit fabriqué en teck. Il dépasse le kilomètre. A cette heure, la concentration de visiteurs de tous horizons est incroyable. Le pont est envahi de marcheurs qui voient le coucher de soleil en étant sur le pont alors que sur nos pirogues nous voyons le coucher de soleil sous le pont. C’est très beau.

On raconte que ce pont a été fait avec les poutres du palais royal lorsqu’il a été déplacé pour devenir un immense carré de 2 kilomètres de côté, entouré de douves selon le même schéma que la cité interdite de Pékin. Notre guide explique la dimension hors norme de ce palais par le fait que le roi avait 53 femmes et qu’il fallait les loger.

On nous annonce un dîner dans un golf proche, avec D.J. et danse alors que nous partons demain à 7h15. Je décide de ne pas y aller. Je commande une pizza pour ma chambre qui viendra avec une bonne heure de délai. Cet hôtel en reconstruction ne maîtrise pas grand-chose. Il est assez mal parti.

Demain nous quittons les climats chauds pour aller vers le froid de Samarcande. Le choc sera fort mais nous prépare au climat neigeux qui nous attend à Paris.

jeudi 30 novembre 2017

Après une nuit convenable j’ai commis l’erreur de me lever deux heures avant l’heure du départ vers l’aéroport. Je veux prendre ma douche et si le débit est faible, il y a de l’eau. Je me savonne et c’est à ce moment que l’eau s’arrête. Des plus intelligents s’étaient levés trois heures avant. Bêtement j’avais pensé que le problème de l’eau aurait été résolu la veille. Eh bien non. C’est donc à l’eau minérale que j’ai achevé ma douche.

Après un petit déjeuner sans grand intérêt, c’est la « manageuse » de l’hôtel elle-même qui est venue avec moi vérifier que l’eau était bien rétablie dans ma chambre. J’ai vécu l’une des plus belles douches de ma vie. Je précise à toutes fins utiles que la patronne était déjà redescendue. On est à un tel niveau de déconvenue que je n’ai pas fait la moindre remarque. Si je devais donner un conseil au patron du Hilton de Mandalay, je lui dirais de changer de métier. Il est assez frustrant de constater que le patron du voyagiste qui fait le voyage avec nous en avion n’ait pas pris la parole pour présenter les excuses de sa société. Il ne peut pas s’abriter derrière les impondérables.

Nous partons en car à l’aéroport et le trajet est fort long. Nous entrons enfin dans l’avion. Au cours du vol nous avons pu voir la chaîne de l’Himalaya et deviner l’Everest. Arrivés à Samarkand, cela fait tout drôle de voir que notre avion est le seul qui stationne. L’aéroport n’est peuplé que de nous-mêmes. Les excursions sont réparties sur deux jours, et en formant quatre groupes, l’ordre des visites ne sera pas le même pour tous.

La première chose qui frappe en arrivant, c’est la propreté. Quel contraste avec la saleté ahurissante qui règne en Birmanie puisque les gens jettent tout et vivent en gardant les détritus autour d’eux sans le moindre souci d’une présentation convenable. C’est sale et on vit avec. Ici, les rues sont ordonnées, les espaces sont propres. On sent l’influence russe passée. Ce pays de 33 millions d’habitants est à 84% musulman et à 10% chrétien. Presque tout le monde parle le russe.

Notre guide parle un français impeccable car il l’enseigne ici. Il a une certaine tendance à penser que l’Ouzbékistan est le centre du monde. Nous visitons le mausolée de Tamerlan considéré comme le grand homme de ce pays et dont le guide dit qu’il a constitué le plus grand empire qui ait jamais existé, plus grand que celui d’Alexandre le Grand. Ce monument est impressionnant par ses dimensions mais aussi par la beauté de ses mosaïques et céramiques aux dessins géométriques arabisants extrêmement sophistiqués. Avant d’entrer à l’intérieur on nous sert une petite collation. Le buffet est magnifique. Le choc thermique entre la Birmanie de ce matin à 28° et Samarkand avec 10° est significatif.

Dans le mausolée lui-même la décoration est raffinée et n’est pas ostentatoire. Amir Temur, surnommé Tamerlan, repose avec huit autres membres de sa famille. Ayant régné trente ans, ses fils ont régné une quarantaine d’années jusqu’à ce que des guerres fratricides mettent fin à cette dynastie.

Nous allons ensuite à la Place du Reghistan, et aucun superlatif ne pourrait rendre compte de l’importance et de la beauté de ces édifices. Il y en a trois en façade, dont un du 15ème siècle et deux du 17ème siècle, mais derrière chaque façade il y a comme un cloître carré avec des mosaïques de toute beauté. C’est très impressionnant et très riche. Il y a plusieurs tours très fines comme des cheminées dont certaines penchent comme si elles étaient en guimauve.

Je suis très impressionné car aucune photo ne pourrait rendre l’impression de gigantisme de tout cela. Sur la place des jeunes mariés se font photographier. Un jeune garçon s’est mêlé à notre groupe sans rien demander contrairement aux jeunes birmans. J’ai photographié son beau sourire et son regard intense.

Dans l’une des salles une coupole toute en or, jaune et bleu est un trompe-l’œil car la coupole est en fait en partie plate.

Nous partons vers l’hôtel. Le guide nous propose à la vente un livre sur la route de la soie et du caviar en pot de 113 grammes, caviar malossol à un prix attractif. Est-ce le rôle d’un guide ?

A l’hôtel Registan Plaza très soviétisant toutes nos valises sont dans le hall au lieu d’être dans les chambres. Tout le monde se précipite pour trouver les siennes. Les deux seuls ascenseurs ont du mal à nous transporter avec nos valises sans entraîner des files d’attente. Ma chambre est petite, de confort très incertain et extrêmement surchauffée même quand on coupe le chauffage.

A 18h30 dans l’immense hall un apéritif est servi. J’ai pris deux fois une vodka orange en demandant de diviser par deux la dose proposée. Une femme joue d’un piano mécanique accompagnée par une flûtiste qui pourrait être sa fille. On bavarde avec les croisiéristes de tout et de rien et à 19h30 on passe à table pour un dîner buffet. A peine sommes-nous assis qu’un samarkandais  vient nous proposer un caviar russe dont la boîte comporte les mentions suivantes : « Russian Caviar / Malossol / produced and packed for export by Joint-Stock Company Russian Caviar / Astrakhan, Avoustovskaia ». C’est le même caviar que celui proposé par le guide. Avec un membre de la table nous décidons d’en acheter une boîte de 113 grammes et de la partager, mais les autres membres de la table ont aussi envie d’essayer et participeront au coût. L’arnaque est belle, car ce que nous goûtons est tout sauf du caviar. En bouche j’ai le goût de tapioca qui aurait été coloré avec de la réglisse. Les grains sont tout petits et trop noirs. Cette chose n’a aucune longueur en bouche. Je suis allé voir le vendeur qui continue de prétendre qu’il s’agit de vrai caviar. Ça va être amusant d’avoir l’avis du guide demain. La seule chose agréable c’est que nous avons bu une vodka très plaisante à boire.

Comme nous n’en sommes pas à un gag près, je croise la femme du patron du voyagiste avec qui je n’ai jamais dû échanger plus de deux mots tant elle et lui vivent dans leur bulle. Je lui dis : « à toutes fins utiles je me permets de vous signaler que le caviar proposé est tout sauf du caviar ». Elle me répond : « mais on le sait depuis longtemps, c’est une arnaque totale ». Ça fait ‘plaisir’ de savoir qu’on ne cherche pas à nous éviter ces arnaques.

Pendant le cocktail, de deux sources différentes j’ai su que certains n’ont pas eu d’eau chaude dans leur chambre. En remontant du dîner je me suis dit qu’on ne pourrait quand même pas continuer le cauchemar. Étant sorti de table très tôt je me suis qu’il serait judicieux de prendre ma douche maintenant, avant le retour en chambre des autres voyageurs.

Après une petite frayeur créée par l’attente d’une eau chaude, j’ai senti que de l’eau chaude apparaissait. Ouf, je peux me doucher. L’eau ne sent pas bon, le gel de douche pue, ma serviette de bain pue, mais la vie est belle car il faut savoir se raccrocher à quelques plaisirs simples comme une douche chaude.

En écrivant ces lignes je me demande ce que seront certains pays dans vingt ans. Avec la natalité actuelle, beaucoup des villes que nous avons visitées vont exploser car les travaux pour l’accueil du surcroît de population vont être exponentiels et impossibles à réaliser. Partout on est aux limites. Dans vingt ans seulement on risque de trouver presque partout le chaos avec ce que cela entraîne de guerres civiles, de famines et de pollution. Sur ce plan, ce voyage m’a fait prendre conscience que ce que je croyais devoir arriver vers 2080 / 2100 va en fait se produire beaucoup plus vite, peut-être en 2040. La planète deviendra un incontrôlable champ de bataille pour la survie.

Pour sécuriser une douche demain matin, j’ai mis mon réveil à trois heures avant le départ en car. Sera-ce suffisant ? J’ai la nuit pour m’y préparer.

Samedi 1er décembre 2017

Parfois, je me dis que je devrais apprendre à lire. J’avais mis mon réveil à 5h30 soit trois heures avant le départ et j’ai effectivement pu prendre une douche à la bonne température, le pommeau de la douche distribuant l’eau selon la méthode guerrière des mines à fragmentation. L’important est d’être à un moment ou à autre à la rencontre de l’un des jets. Je m’habille, tout fier d’ouvrir la porte de ma chambre à 6h09. Et là, face à moi, le noir complet. Toutes les chambres donnent sur l’immense vide du hall, les couloirs étant des terrasses intérieures bordant ce grand espace. Face à ce noir, je recule et je regarde le programme : petit-déjeuner à partir de 7 heures. Il faudra que j’apprenne à lire.

Ayant quelques minutes c’est l’occasion de faire quelques remarques. Ce Tour du Monde est organisé au pas de charge. On dirait que le concepteur a peur que nous soyons à un moment ou à un autre inoccupés. Une phrase que j’ai souvent entendue au moment où on arrive dans un hôtel est : « ça vous laisse une heure, c’est largement suffisant ». La conception est donc : pas une minute de libre. Alors, comme pour un élastique trop tendu, à un moment ça casse et beaucoup de voyageurs ont ressenti ce désamour avec l’impression que trop c’est trop. Le lecteur de ces lignes pourrait penser que je râle trop souvent mais l’impression de mes compagnons d’aventure est l’inverse car face aux râleries généralisées j’ai tendance à positiver et à prôner la zénitude. Mais face à mon écran, je dis ce que je ressens. La rupture puis le désamour sont apparus après un enchaînement de nuits trop courtes et de jours trop longs. Dormir trois heures ne conduit pas à applaudir le voyagiste. Et quand le fil est rompu, le charme n’agit plus. Entendre autour de moi qu’on souhaite que ça s’arrête signe l’échec de quelque chose.

Fort heureusement, la nature humaine positive. C’est l’exemple classique du service militaire. On entendait en permanence « vivement la quille » et quelque années plus tard les râleurs se glorifiaient de cette période bénie. Il en sera de même de ce voyage où seuls subsisteront les beaux paysages et les grands moments.

Je vais prendre du temps pour trier les photos car je vais probablement dépasser les 4.000 photos. Je les mettrai progressivement sur le blog pour garder une trace de ce merveilleux périple. Il y a tant de grands moments que je chérirai ce voyage tout en me promettant de ne plus jamais en faire un sous cette forme.

Le petit-déjeuner est copieux, avec des buffets qui sont les mêmes que ceux du dîner d’hier. Certains racontent leurs déboires avec l’eau capricieuse qui ne veut pas être chaude. Le wifi est tout aussi capricieux. Nous allons partir en car pour le dernier jour d’excursion.

En sortant de l’hôtel je vois qu’il s’appelle aussi Hôtel President Mex Monxonasi du nom d’un président qui a été le premier élu au suffrage universel en 1991 et vient de mourir récemment. C’est aussi un hôtel qui fait étape sur la route de la soie.

Nous nous arrêtons devant un ensemble de mosquées et de mausolées. Certaines mosquées étant en activité, il faut respecter les rites musulmans. En entrant dans cet ensemble on entend un chanteur professionnel qui chante des textes du Coran pour des fidèles qui l’écoutent. Il n’est pas imam mais chanteur attitré. Accolé à cet ensemble il y a le cimetière municipal. Une partie de la ville est bâtie sur du sable et le cimetière aussi. Tous ces monuments ont été créés à la gloire de la famille de Tamerlan qui avait une manière bien particulière d’annexer les pays conquis : il tuait tout le monde, sauf les artisans qui venaient à Samarcande pour travailler aux monuments érigés à sa gloire.

Nous allons ensuite visiter une mosquée qui est la plus grande jamais construite dans l’Asie Centrale. C’est à l’initiative de Tamerlan, qui a fait conduire les travaux par sa femme pendant qu’il allait annexer plusieurs pays comme l’Iran ou l’Egypte. L’édifice construit trop vite pour être achevé à son retour s’est effondré après sa mort. Il est en réhabilitation. On voit notamment un lutrin en pierre fait pour tenir un exemplaire particulier du Coran, rarissime. Le lutrin doit bien peser entre cinq et dix tonnes.

Nous allons ensuite dans un très grand marché couvert, le bazar de Samarcande où l’on voit à profusion des pains, des sucreries, des épices et aussi des tissus des bijoux et toutes autres sortes de biens à vendre. Avec un des voyageurs je vais prendre un café dans un endroit qui ne doit pas recevoir beaucoup d’étrangers. La salle est froide, les bancs sont comme ceux d’une école. La patronne aux dents recouvertes d’or nous montre des dosettes genre Nescafé d’il y a cinquante ans et nous buvons un café insipide mais dans une atmosphère spéciale justifiant notre intérêt. A la table voisine deux personnages coiffés de toques d’astrakan aux visages burinés d’hommes des montagnes trempent leur pain dans du thé sans dire un mot.

Nous nous rendons ensuite au restaurant Samarkand qui est dans un bâtiment à la décoration extérieure très chargée d’or. Quatre musiciens avec des trompes de différentes longueurs nous accueillent avec une musique dissonante et disgracieuse qui donne envie d’entrer à l’intérieur. La salle est immense et accueillera tout notre groupe, plus les animateurs et pour la première fois aussi tout l’équipage portugais. La décoration est très chargée mais cela donne une atmosphère conviviale.

On nous sert un verre de vodka et l’on peut boire soit de l’eau soit le bordeaux apporté par le patron du voyagiste. Je demande une bière et j’apprends qu’elle m’est offerte par le voyagiste, ce qui fait plaisir. On peut grignoter des salades, des concombres marinés à l’allemande comme des oignons et des tomates marinées de la même façon. Il y a aussi des pastillas et une sorte de composé de pâtes fines et fromage, ainsi qu’une crème de lait acide.

A propos de caviar, le guide a été prévenu par le téléphone arabe local des critiques qu’un voyageur et moi avons faites sur le caviar qui est une imposture. Comme il tenait à en vendre il a dit que son caviar est très différent de celui que nous avons mangé et de qualité très supérieure. Des membres de notre groupe ont fait comme nous à 12 heures d’intervalle, ils ont acheté une boîte avec l’intention de la manger. J’ai regardé leur boîte et leur ai dit qu’il s’agit strictement du même caviar. Nous sommes à la même table au déjeuner aussi m’ont-ils proposé de le goûter. C’est strictement le même, avec ce goût fadasse de tapioca. Ils sont arrivés à la même conclusion que moi. Ils ont offert aux autres membres de notre table d’essayer et il est resté une bonne moitié de la boîte non consommée. Ils nous ont dit avec humour que si le caviar avait été bon, ils n’auraient pas partagé et rien ne serait resté.

Le déjeuner se poursuit avec un bouillon de légumes avec deux morceaux de bœuf de pot-au-feu. Le clou, c’est le « plof », plat traditionnel fait de viande de type pot-au-feu avec du riz, des carottes et du poivron jaune. C’est délicieux et j’apprécie que nous ayons un endroit typique et une nourriture typique traditionnelle. On finit si on en a le courage par une pâtisserie qui est du sucre, encore du sucre et toujours du sucre. Le café tardant à arriver nous reprenons le car pour aller visiter l’endroit où il y avait un observatoire céleste, l’observatoire d’Ouloug Beg (Mirzo Ulugbek 1394-1449), savant qui a décrit le ciel et les trajectoires des étoiles au 15ème siècle, bien avant les équivalents européens. On voit notamment les restes d’un astrolabe qui devait faire trente mètres de long et de haut destiné à suivre avec une précision extrême la route des étoiles et du soleil.

Comme je ressentais de la fatigue, j’ai demandé au guide de pouvoir rentrer en taxi. Quelle aventure ! Le guide lui avait donné le nom de l’hôtel et malgré quelques mots qu’il comprend, le mur de la langue est épais. Il conduit comme tout le monde au culot et quand j’ai voulu mettre la ceinture puisque je suis à côté de lui, il m’en a dissuadé. Je n’ai pas de passeport resté entre les mains du voyagiste, je ne sais pas si le taxi a compris où nous allons, j’ai l’impression qu’il va dans les tous les sens. A un moment donné il me demande si mon hôtel c’est celui-là. Panique. Je lui montre la photo que j’ai prise de l’hôtel et il sourit. Mon cœur bat fort. J’ai quand même fini par arriver, ouf !

J’ai le temps de me préparer pour le dîner qui s’appelle soit « dîner de gala », soit « dîner d’au revoir » et que je nommerais doute « dîner de merci et d’adieu ».

A 18h45 le bus de notre groupe nous emmène sous une pluie battante sur la belle Place du Reghistan, pour assister à un spectacle en plein air. J’essaie de me protéger sous un arbre mais ma parka sera toute trempée. Sur cette immense place un film est projeté sur les murs des mausolées d’une des faces. Les commentaires sont en français. C’est joli, coloré, au rythme entraînant avec une belle musique et cela vante l’histoire et les mérites de l’Ouzbékistan. C’est suffisamment consensuel, non polémique et donne une belle image de ce pays et de son histoire. Cela dure vingt minutes et j’ai beaucoup apprécié.

Nous allons ensuite dîner au restaurant Shoh Saroy. Ce restaurant est fait pour des poupées Barbie. C’est tellement kitsch, guimauve, meringue, avec des stucs inouïs et des lustres clinquants qu’on est comme dans un conte de fées.

Le summum du kitsch sera atteint lorsqu’au premier étage où se tient le dîner on verra qu’une table a été attribuée à deux membres de notre groupe qui fêtent en ce voyage leurs 60 ans de mariage. Imaginez un mur derrière eux où il y a des milliers de roses, roses et blanches à touche-touche. Les fêtés sont côte à côte en surélévation, comme sur la nacelle que l’on pose sur le dos d’un éléphant. Ils font face à la salle et on ne les voit presque pas tant ils sont cernés de montagnes de roses. Plus guimauve tu meurs. Fort heureusement ils ont un sourire permanent et profitent de l’honneur qui leur est fait. Ils inaugureront le bal qui suit le dîner, tout souriants.

Revenons au rez-de-chaussée à l’arrivée. Tout est clinquant. Le verre de champagne qui m’est proposé est ceint d’un anneau doré. Il y a d’aimables victuailles et des fruits dont la découpe est sculptée avec un art consommé. A l’entrée il y avait un homme et une femme en costumes locaux et sur les marches de l’escalier trois hommes et trois femmes en habits chamarrés.

A l’étage quatre musiciens jouent des airs de musique classique. Nous nous asseyons. Un spectacle de danses folkloriques avec de splendides costumes d’apparat est joli à voir. Nous grignotons avec du champagne des mets variés car la table est remplie d’assiettes à se partager.

Vient alors la sempiternelle cérémonie des remerciements et des autocongratulations inhérentes à ces dîners de gala. La brosse à reluire marche à rythme soutenu. L’animateur qui est celui qui nous a chanté des airs d’Opéra est à la manœuvre. Quand il a voulu faire applaudir le patron de la société voyagiste et son épouse, notre table est restée muette.

Comme on grignote sans cesse, il reste peu de place pour les plats. Il y a eu un velouté de champignons excellent puis des côtelettes de mouton très typées et fortes que je n’ai fait qu’entamer. Le dessert au chocolat m’a fait atteindre mes limites. La vodka de ce pays est délicieuse car elle n’est pas trop forte. Elle se boit sans danger.

Un très bon chanteur a animé la soirée et les danses. Ce fut réussi, chacun profitant de cet instant de joie partagée. De retour à l’hôtel il faut mettre les valises de soute dans le couloir pour qu’elles soient acheminées à l’aéroport. De ma fenêtre je vois qu’il neige. Pourvu que notre vol de retour à Paris ne soit pas retardé.

Samedi 2 décembre 2017

Dans toutes les histoires bien ficelées, il y a des rebondissements, même quand on croit avoir trouvé l’énigme. Etant dans le premier bus qui a quitté la réception pour retourner à l’hôtel, je m’étais accordé du temps pour écrire mon compte-rendu. Vers 23h30 il est temps de me laver et de me coucher. Le robinet du lavabo fait le bruit d’une cocotte-minute lorsque l’eau bout. Pas un gramme d’eau. Il est exclu de faire ma toilette et de me brosser les dents. Un signe indien me poursuit.

Je mets mon réveil à 5h30 pour un départ à 8h45 et un petit-déjeuner à partir de 7 heures. Je devrais donc avoir peu de concurrence pour la douche et les ablutions du matin. C’est ce qui se passe. Je jette un œil sur l’extérieur. Une belle couche de neige recouvre le sol.

Si jamais l’aéroport est fermé et retarde notre départ, je vais faire un long travail de recherche pour savoir quel est le dieu qui me poursuit de sa colère divine et j’entrerai en repentance. En attendant l’heure du petit-déjeuner, je trie quelques photos. Au petit-déjeuner on entend les péripéties des étages qui n’ont pas d’eau. Il faut faire la queue pour obtenir une mini-tasse de café. Ça sent les fins de voyage.

Ayant récupéré ma carte d’embarquement dans les premiers j’arrive en tête à l’aéroport où le seul avion présent est le nôtre. Les formalités de douane prennent un temps considérable. Il faut ensuite charger les bagages. Nous entrons enfin dans l’avion, avec un délai extrêmement long entre les groupes. Une fois assis, et c’est seulement à ce moment-là, on nous annonce qu’on va dégivrer l’avion. Nous sommes partis avec deux heures de retard, dont nous compenserons la moitié.

Dans l’avion nous avons eu droit à une nouvelle séance d’autocongratulation à la gloire du voyagiste. Encore une fois, c’est la loi du genre. Depuis trois jours, dans les bus et dans l’avion ce fut une surenchère de toux, plus fortes les unes que les autres. Comme le français a peu l’habitude de mettre la main devant sa bouche, ce fut le grand partage des microbes.

A l’arrivée sur le macadam de Roissy, c’est un ouf de soulagement. Ça y est, on est de retour au pays. L’attente des bagages est un grand classique des aéroports français. Je n’ai pas eu la moindre attente pour prendre un taxi. Vite au nid.

Conclusion à chaud

Il n’y aura pas de conclusion à chaud. Ce n’est qu’après avoir trié les photos que je mettrai aussi de l’ordre dans mes idées. Il y a des myriades de belles images dans ma tête et dans mon cœur et des milliers de scories qu’il faudra épousseter. Paris nous attend. Dans quelques jours j’y verrai plus clair. Le bon doit triompher du mauvais mais le mauvais ne doit pas être ignoré.

A suivre avec les photos.

dimanche 3 décembre 2017

Après une nuit de sommeil réparatrice, j’ai une vision plus claire du bilan de ce voyage. Tout d’abord le programme, même s’il n’explore pas que des sites de premier plan, est un très beau programme. Trop dense sans doute, mais je porte une part de responsabilité, puisque j’ai choisi d’ajouter quatre programmes optionnels qui ont limité, de facto, la possibilité d’avoir des temps morts.

Ensuite, l’organisation a été parfaite. Le balisage de nos déplacements dans les aéroports, les formalités, les transferts, tout était dirigé de façon efficace avec un grand professionnalisme. De plus tous les moyens logistiques étaient présents quand il le fallait. Il y a donc eu un sans-faute sur beaucoup de points.

Un personnel toujours souriant et accueillant, un service de bord dans l’avion de qualité totale, tout cela a joué un rôle important.

Mais hélas, la conjonction de ratages à répétition a tout gâché. Fort heureusement ce fut sur la fin. Coup sur coup nous avons eu, dans le groupe où j’étais : le vol Mandalay – Bagan qui est en retard de 2h30 ce qui supprime des activités et cause des retards. Le lendemain lever à 3 heures pour entendre quatre heures plus tard que le vol en montgolfière n’aura pas lieu (ce n’est pas la faute du voyagiste mais c’est une déconvenue). Le lendemain, retard de 3 heures du vol Bagan – Mandalay qui nous prive du dîner prévu. Le même soir, pas d’eau à l’hôtel, sans qu’on l’annonce or d’autres groupes étaient à cet hôtel depuis trois jours et le voyagiste devait être au courant mais n’a rien dit. Le lendemain alors que l’eau devait être remise, elle est coupée. Le surlendemain, à l’hôtel de Samarkand, même déconvenue avec l’eau qui ne fonctionne pas dès qu’il y a trop de ponction.

C’est cette accumulation de déconvenues au rythme d’une par jour sur six jours qui a cassé l’image du voyagiste d’autant plus qu’il est resté muet. Il est impensable que le patron qui était là n’ait pas présenté les excuses de sa société.

L’image du voyage est donc bien claire : une partie enthousiasmante avec une organisation parfaite et une fin de voyage aux pépins quotidiens et un mutisme insupportable du voyagiste.

Le mieux l’emporte sur le moins bon et les photos montreront les trésors que j’ai eu la chance de découvrir. Vive ce tour du monde.

Dernier point futile mais amusant : j’ai eu l’impression de me gaver tout au long du voyage. Les petits déjeuners trop copieux, les buffets dont on se sert plus qu’il ne faudrait, j’attendais que ma bascule m’annonce une catastrophe. Le bilan est de moins de un kilo, ce qui me semble incompréhensible. Il est vrai que l’on a beaucoup marché et que le début de grippe m’a fait transpirer. Mais après ces excès, c’est un miracle. Il en fallait un, c’est celui-là.

Voyage autour du monde – retour Samarcande Paris samedi, 2 décembre 2017

Samedi 2 décembre 2017

Dans toutes les histoires bien ficelées, il y a des rebondissements, même quand on croit avoir trouvé l’énigme. Etant dans le premier bus qui a quitté la réception pour retourner à l’hôtel, je m’étais accordé du temps pour écrire mon compte-rendu. Vers 23h30 il est temps de me laver et de me coucher. Le robinet du lavabo fait le bruit d’une cocotte-minute lorsque l’eau bout. Pas un gramme d’eau. Il est exclu de faire ma toilette et de me brosser les dents. Un signe indien me poursuit.

Je mets mon réveil à 5h30 pour un départ à 8h45 et un petit-déjeuner à partir de 7 heures. Je devrais donc avoir peu de concurrence pour la douche et les ablutions du matin. C’est ce qui se passe. Je jette un œil sur l’extérieur. Une belle couche de neige recouvre le sol.

Si jamais l’aéroport est fermé et retarde notre départ, je vais faire un long travail de recherche pour savoir quel est le dieu qui me poursuit de sa colère divine et j’entrerai en repentance. En attendant l’heure du petit-déjeuner, je trie quelques photos. Au petit-déjeuner on entend les péripéties des étages qui n’ont pas d’eau. Il faut faire la queue pour obtenir une mini-tasse de café. Ça sent les fins de voyage.

Ayant récupéré ma carte d’embarquement dans les premiers j’arrive en tête à l’aéroport où le seul avion présent est le nôtre. Les formalités de douane prennent un temps considérable. Il faut ensuite charger les bagages. Nous entrons enfin dans l’avion, avec un délai extrêmement long entre les groupes. Une fois assis, et c’est seulement à ce moment-là, on nous annonce qu’on va dégivrer l’avion. Nous sommes partis avec deux heures de retard, dont nous compenserons la moitié.

Dans l’avion nous avons eu droit à une nouvelle séance d’autocongratulation à la gloire du voyagiste. Encore une fois, c’est la loi du genre. Depuis trois jours, dans les bus et dans l’avion ce fut une surenchère de toux, plus fortes les unes que les autres. Comme le français a peu l’habitude de mettre la main devant sa bouche, ce fut le grand partage des microbes.

A l’arrivée sur le macadam de Roissy, c’est un ouf de soulagement. Ça y est, on est de retour au pays. L’attente des bagages est un grand classique des aéroports français. Je n’ai pas eu la moindre attente pour prendre un taxi. Vite au nid.

dernière photo de Tamerlan de mon bus et sous la neige

à l’aéroport

je ne sais pas pour quelle raison j’ai photographié une barre chocolatée marquée Samarkand !

Tour du Monde – Samarcande – dîner final, dîner de gala vendredi, 1 décembre 2017

c’est la seule photo que j’ai du magnifique son et lumière de 20 minutes vantant Samarcande et son histoire. Il pleuvait trop pour que je prenne mon appareil

un ami de voyage Didier m’a envoyé des photos de ce son et lumière qu’il a réussi à photographier

le dîner de gala

des fruits sculptés avec art

les voyageurs qui s’étaient inscrits pour fêter leurs 60 ans de mariage sont installés à une place de roi et reine

Tour du Monde – Samarcande – autres visites et déjeuner vendredi, 1 décembre 2017

un lutrin particulièrement immense

à côté de ce site, le marché couvert

avec un ami voyageur, nous décidons d’aller prendre un café dans une salle relativement peu folichonne

deux montagnards prennent le thé

la patronne et son café

déjeuner dans un site invraisemblable

visite de l’Observatoire d’un savant, prince héritier de Tamerlan qui ressemble à Sean Connery

apparemment le niveau de connaissances surpassait celui des savants européens.

Tour du Monde – Samarcande jeudi, 30 novembre 2017

Sur le vol Mandalay / Samarcande, le pilote nous a dit qu’on pouvait voir l’Himalaya et aussi l’Everest. Mais où ?

dès l’arrivée une visite

de très loin je croyais que c’était une statue (regardez ci-dessus à gauche, tout petit), mais en fait c’est une femme dont la robe rappelle les écritures au-dessus d’elle

deux hommes prennent une photo de cette femme, moi aussi

un buffet nous attend, copieux et délicieux

Tamerlan est l’homme fort de l’histoire de l’Ouzbékistan.

pour fixer les idées il a régné du temps de Charles V et Charles VI en France. Il est enterré avec ses descendants dans ce mausolée

des mariés

des demoiselles d’honneur bien décidées

ce garçon m’a fasciné. Se mêlant à notre groupe, par curiosité et pas en quête de monnaie comme en Birmanie, il s’est approché de moi et son regard intense m’a séduit

sur cette place où figurent trois mosquées immenses, il y aura le lendemain le spectacle son et lumière qui couvrira toutes les façades et que je n’ai pas pu photographier car il pleuvait à torrent.

lions et soleil à tête humaine

à l’intérieur d’une des mosquées

dans une cour

jolie association tapis et mosaïque