Dîner de grands vins au château de Beaune dimanche, 15 octobre 2017

Gilles de Larouzière, président du groupe qui compte notamment le champagne Henriot et la maison Bouchard Père & Fils organise au château de Beaune un dîner caritatif au profit de l’association des Climats du vignoble de Bourgogne. Aubert de Villaine qui a mené à bien le classement des Climats au Patrimoine Immatériel de l’Humanité de l’UNESCO sera l’invité d’honneur et Guillaume d’Angerville, actuel président de l’association nous accueillera avec Gilles.

A la mi-octobre je pars en voiture vers Beaune par un soleil radieux et le thermomètre montera jusqu’à 24° ce qui est assez fou. Il fait chaud à Beaune, comme en été. Je m’arrête à mi-chemin pour une collation et je me demande ce qui se passe. Les toilettes sont propres et bien entretenues, la serveuse au bar est souriante, un client qui aurait dû se faire servir avant moi me cède son tour, le café crème est bon, la tarte au citron est mangeable et de bon appétit. Autour de moi je vois des sourires. Que se passe-t-il ? Est-ce un rêve ? Y aurait-il encore en France le sens du service ? Apparemment oui et c’est une bonne nouvelle. Et je vérifie chaque fois que lorsque l’on se sent concerné, impliqué dans son travail, on atteint l’excellence.

J’arrive à l’hôtel des Remparts qui est tout à côté du château de Beaune et je suis accueilli par Claude et Élyane Épailly les propriétaires de l’hôtel, qui semblent tout heureux de me voir. Il faut dire que je suis fidèle et que j’ai l’habitude de leur raconter les extravagances auxquelles je participe.

A 17h30 plusieurs des convives du dîner viennent visiter les caves historiques du château de Beaune. Entre ces murs de 7 mètres d’épaisseur vieillissent les plus beaux trésors du 19ème siècle de cette célèbre maison. Nous visitons, nous bavardons, nous nous extasions devant ces flacons chargés d’histoire dont j’ai eu la chance de goûter les plus beaux fleurons. Nous montons ensuite en haut des tours de l’ancien château-fort du XIème siècle pour contempler la ville sous une lumière particulièrement belle en cette moitié d’automne.

Nous nous dispersons, sans avoir eu l’occasion de boire un verre de vin ou une coupe de champagne, chacun devant aller se préparer pour le dîner de 20 heures. Ayant soif, je rentre dans la cuisine du château ou Philippe Prost prépare les bouteilles du dîner. Il goûte chacune d’elles et les rebouche. Marie-Christine responsable des cuisines et du service depuis toujours, qui hélas prendra sa retraite en début d’année prochaine, m’accueille avec un large sourire. Elle prépare les bouquets de fleurs mais s’arrête pour me donner un verre de Champagne Henriot Brut sans année dont j’avais bien besoin. Il est fort agréable à boire. Gilles de Larouzière vient s’enquérir de l’état des bouteilles prestigieuses du dîner. Je pars à mon hôtel me préparer.

Peu avant 20 heures notre assemblée est déjà presque complète. Nous sommes plus d’une vingtaine, peut-être trente, dans le beau salon du château et nous goûtons le Champagne Henriot Cuve 38 « la réserve perpétuelle » blanc de blancs magnum qui est élaboré selon la technique de la solera et comprend de seize à dix-huit millésimes incrémentés chaque année du nouveau millésime. Le champagne est noble mais je ne suis pas tellement convaincu car il lui manque à la fois un peu de largeur et un peu de profondeur. Mais bien sûr il se boit avec plaisir en bonne compagnie.

Nous passons à table pour le dîner et dans l’orangerie on a dressé une grande table plutôt que des tables rondes. Ceci permet à nos deux hôtes, Gilles de Larouzière et Guillaume d’Angerville de nous souhaiter la bienvenue pour ce dîner caritatif et d’expliquer à quoi seront utilisés les fonds qui seront récoltés par ce dîner mais aussi par la petite vente caritative qui sera organisée en cours de repas.

Le menu a été conçu par les responsables de Bouchard et mis en œuvre par Philippe Augé le chef de l’Hostellerie de Levernois. Amuse-bouche : pressé de perdreau au foie gras et chou braisé, consommé double, pommes céleri et condiments / carpaccio de Saint-Jacques, tourteau et caviar Daurenki Impériale, sauce iodée / blanc de turbot aux écrevisses pattes rouges, butternut et salsifis, sauce au crémant de Bourgogne / Chevreuil et lièvre façon royale, bonbon de chou braisé, cèpes et fruits d’automne, sauce velours / fromages frais et affinés / barre aux fruits rouges et rhubarbe confite, Chantilly vanillée et sorbet fraise.

Le Chevalier-Montrachet La Cabotte Grand Cru Bouchard Père & Fils 2002 est un des vins blancs de la maison Bouchard que je préfère. Ce 2002 est une bombe olfactive. L’alcool s’affiche puissamment dans mes narines. En bouche la première impression que j’ai après la puissance et l’énergie c’est la minéralité. C’est comme si je suçais une coquille d’huître. Mais cette impression va se modifier dès que l’amuse-bouche est servi, lourd et goûteux, qui ne cohabite pas tellement avec le vin. Philippe Prost me dira que l’amuse-bouche avait été conçu pour aller avec le champagne Cuve 38. Le vin devient plus large, plus civilisé avec le perdreau et j’aime sa force, sa plénitude et son caractère guerrier. C’est un très grand vin de conviction.

Le Corton-Charlemagne Grand Cru Bouchard Père & Fils magnum 1955 est servi avant le plat. De ce fait, il paraît assez frêle après l’imposant vin de la Cabotte et je trouve que de suivre le 2002 n’est pas un service à lui rendre. Mais le vin va s’épanouir sur le plat de Saint-Jacques, idéal pour le vin. Les ingrédients du plat sont un peu trop nombreux pour assurer une totale cohérence mais le 1955 impose son raffinement et ses complexités nobles. C’est un très grand vin d’équilibre et de subtilité tout en sachant s’affirmer. Autant de présence pour un vin de 62 ans étonne mes voisins de tables qui sont généralement peu familiers de vins de cet âge.

Le plat qui ressemble à un lièvre à la royale est une vraie réussite. Il est cohérent, puissant et convient parfaitement au Volnay Caillerets Premier Cru Bouchard Père & Fils 1934. Ce qui est curieux c’est que l’étiquette ainsi que le menu n’indiquent pas « ancienne cuvée Carnot » alors que le bouchon que Philippe Prost me montre, bouchon d’origine, porte clairement cette mention. Le vin a une couleur d’un beau rouge franc sans l’ombre d’une trace tuilée. Le vin est riche, puissant et il faut ça pour le plat, et il est d’un équilibre parfait, percutant, poivré, riche avec de beaux fruits rouges et noirs. Son finale est brillant.

Jean Louis Bottigliero le propriétaire de l’Hostellerie de Levernois est venu voir si tout se passe bien et nous le rassurons volontiers car la cuisine du chef est raffinée, et expressive.

Le Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus Premier Cru Bouchard Père & Fils 1928 est présenté dans des bouteilles de porto et Philippe nous dit que deux millésimes ont été embouteillés en bouteilles de porto, le 1928 et le 1976, je ne sais pour quelles raisons. Le premier verre qui m’est servi me semble imprécis dans le finale et Philippe, très gentiment, me tend son verre qui n’a pas ce défaut. On a avec ce vin tout ce qui démontre le caractère hors du commun du millésime 1928. Il y a le charme et les complexités propre au Beaune Grèves que j’adore, mais il y a une vibration et un rythme dans ce vin qui le met à des niveaux exceptionnels. On sent la richesse et la noblesse d’un vin qui n’en finit pas et dont le finale est en coup de fouet. La noblesse de ton et la subtilité de ce vin sont rares.

Si l’on compare le 1934 et le 1928, le plus jeune, le Volnay, est résolument joyeux, gourmand, le grand vin de plaisir alors que le 1928 est un vin de noblesse, dont il faut écouter toutes les nuances religieusement. Le Beaune Grèves a été servi sur des fromages pertinents et un Epoisses très coulant, mais il aurait sans doute fallu un plat plus cuisiné et subtil. Cette remarque est à la marge car ce repas a été une vraie réussite.

Un commissaire-priseur présent va diriger la vente de quatre flacons de la cave des vins antiques de Bouchard au profit de l’association des Climats du vignoble de Bourgogne. Il y a 1966, 1947, 1939 et 1937 proposés aux convives. J’ai fait la meilleure enchère pour le Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus Premier Cru Bouchard Père & Fils 1937. C’est ma modeste contribution aux œuvres de cette association.

Il y avait autour de la table un public différent de celui des autres dîners auxquels je fus convié, où je retrouvais des professionnels du vin ou des amateurs chevronnés. Ce soir c’est plus le monde de la finance et du caritatif et quelques amis des vignerons. Voir les yeux étonnés de mes voisins constatant que des vins de 1955, 1934 et 1928 peuvent être aussi vivants et expressifs est pour moi un plaisir dont je ne me lasse pas.

Il me serait impossible de classer les quatre vins du repas tant ils ont des qualités immenses dans des directions très différentes. Ce fut un repas mémorable dans une ambiance d’amitié.

la visite de la cave des vins anciens

même dans cette cave surveillée il y a des bouteilles qui s’évaporent !

dans les jardins en haut des tours et vue sur la ville. les lavandes sont grises et les buis odorants

vue de l’orangerie et du château

Gilles de Larouzière nous explique l’histoire

Dans l’arrière cuisine Philippe Prost ouvre les bouteilles pour le dîner et Marie-Christine est près de lui

le dîner

déjeuner de conscrits au Yacht Club de France vendredi, 13 octobre 2017

Le déjeuner traditionnel de conscrits, tous de mon année de naissance sauf un, pour que toute règle ait une exception, se passe dans la bibliothèque du Yacht Club de France qui nous est réservée pour ce repas. Le thème du déjeuner est « menu cèpes et girolles » organisé par le plus jeune d’entre nous avec Thierry Le Luc, le directeur de la restauration du club.

Les amuse-bouche sont toujours copieux et délicieux car Thierry a la passion des bons produits et les trouve : petites aumônières au saumon et Saint-Jacques / magret de canard fumé au bois de hêtre, gésiers de canard confits aux cèpes / huîtres plates Prat-Ar-Coum de Carantec nature ou gratinées.

Le menu est : brouillade d’œufs fermiers et homard breton / coquilles Saint-Jacques et cèpes, charlotte en salade / filet de bœuf irlandais et ris de veau rôti, pommes duchesses et girolles, sauce poivre / fromages d’Éric Lefebvre MOF / Saint-Honoré maison.

La cuisine fondée sur de beaux produits est toujours de grande qualité. Le plus abouti est celui des coquilles. La viande est goûteuse mais le plat est très poivré. La brouillade n’apporte pas grand-chose au homard remarquablement cuit qui se suffirait à lui-même. Le Saint-Honoré est superbe et l’ajoute de girolles est non seulement amusante mais goûteuse.

Le Champagne Pol Roger réserve magnum sans année est très agréable et fluide. C’est le champagne de soif dont on se ressert sans compter aussi faut-il ouvrir un Champagne Taittinger Brut sans année un peu moins vif puis en fin de repas un Champagne Charles Heidsieck sans année qui me plait beaucoup par sa vigueur.

Le Chassagne-Montrachet Abbaye de Morgeot 1er Cru Louis Jadot 2004 est d’une folle puissance pour son année. Je le trouve « bodybuildé ». Sa puissance me gêne. Le Puligny-Montrachet Champ-Canet 1er cru 2002 est lui aussi très puissant mais son équilibre est beaucoup plus plaisant et ce vin se boit beaucoup mieux sur le homard que le 2004.

Le Château la Nerthe Châteauneuf-du-Pape magnum 2006 est un vin extrêmement plaisant, riche, profond, mais qui se caractérise surtout par un velours d’un rare confort. Il est très convaincant sur la belle viande un peu alourdie par le poivre de la forte sauce.

Le Château Carbonnieux rouge 2010 contraste évidemment avec le Châteauneuf et ce qui est intéressant c’est que son nez est discret, son attaque est discrète, comme effacée, et tout se passe dans le finale qui est glorieux de fruits rouges, allumant des lumières de bonheur. Ce vin riche de truffe en milieu de bouche deviendra très grand dans trente ans.

Mon classement des vins du repas serait : 1 : Château la Nerthe Châteauneuf-du-Pape magnum 2006, 2 – Château Carbonnieux rouge 2010, 3 – Champagne Pol Roger réserve magnum sans année. Pour les plats ce sont d’abord les cèpes l’un des thèmes du repas, les coquilles Saint-Jacques et la belle viande irlandaise.

Dans une ambiance toujours sympathique entre amis et avec la recherche d’excellence de l’équipe du Yacht Club de France, nous avons passé un très bon déjeuner.

Sometimes very big risks in buying wines can provide intense sensations jeudi, 12 octobre 2017

At this moment of my trip in the world of wine, I like to « put myself in danger », which means that I take more risks because I accept to take them. One of the merchants I use to work with, rather original and rather unpredictable, proposes me two wounded Champagne bottles which normally he should never try to sell and which normally I should never buy. My fault. Here is the report on a very strange experience.

When faced with a wine, must one be indulgent or critical? The problem often arises with old wines. I bought a bottle announced as a low Champagne Veuve Clicquot Ponsardin 1945. The photos taken by the seller do not allow to get a precise idea. Contrarily to a normal behavior I take my risk. When I receive the bottle sent by post, I see that the capsule that covers the cork has been covered with a spongy tissue that is damp. So the seller knew that it would leak! And in fact the bottle had leaked during transport. I remove everything that covers the bottle and the show is not very encouraging. Getting the bottle back to the seller will take me into discussions or operations that will cost time. I keep the bottle. With whom other than my son can I take the risk of opening this bottle?

This is the occasion of a simple dinner where nothing is planned for the wine. I pull the cork that breaks into the neck. It is pulled out with a corkscrew and produces no pschitt. The color is quite dark and will become darker when I serve the bottom of the bottle. The nose is quite encouraging. And it is now that mood plays its part. Many lovers would declare that the wine is dead or at least very tired. We could stop there or find out what it is saying. And under the veil of fatigue, everything that makes a great champagne is perceptible. My son is much more tolerant than I am. What bothers me is a little too strong acidity. Otherwise, the fruits are beautiful. At any moment I hesitate between the rejection and the acceptance of a champagne which still has much to say. My son accepts it. I’m like Buridan’s donkey. There was indeed now and then a great lightning of a Veuve Clicquot of a great year, followed by annoying fatigue. So, what to say? It is obviously a champagne too tired but that tells much more than many champagnes of little interest (and there are!). Some amateurs would have given up. We had the courage to go to the end, with gleams that are the reward of patient amateurs.

The more I go, the more I like the unexpected. It’s the song « surprise me Benoît » by Françoise Hardy. The supplier of the 1945 Veuve Clicquot bottle had also sold me a bottle of Ruinart from the 1930s that he felt was in danger of sagging. The two bottles were to be delivered together but in fact they were delivered separately. They call me from the company where I receive the wines I bought and they say to me: « It’s a bad thing. » I see a picture where on my desk there is a small puddle. I receive the bottle wrapped like Moses in his cradle and everything is moist, moist, with unpleasant odors. Moses was incontinent. By manipulating the package my hands smell and the smell does not leave me. I put the bottle still wet in a refrigerator to share it with my son the next day.

The day after, we will make with my son the last dinner of his stay because in the days to come he has other dinners planned under other Parisian skies. I have just received a long-awaited purchase from Denmark, also to compensate for the pressure of waiting, I take one of the bottles received for dinner.

The decor is planted. I prepare the wines for dinner. First I open the wine taken from the day’s delivery, it is a 1973 Vega Sicilia Unico at level 5 millimeters under the cap, incredible for that age. Believing the cork is stronger than it is I do not take my long steel wick but only the ordinary corkscrew and the cork broke in two, the bottom being normally impregnated as for a wine of that age. The perfume pleases me, discreet but noble, so I will do something that I do not do for a long time, I decant the wine in my most beautiful ewer, so that my son tastes blind.

I then open the Champagne La Maréchale Ruinart Père & Fils Demi-Sec that can be estimated from the 30’s or 40’s. The steel of the muselet is very strong also by turning the wire, I carry the cap which has since long a diameter less than the diameter of the neck. It must be cleaned again and again to remove any impurities. The nose surprises me because it is pure.

The bottle is curious because it is « La Maréchale » printed with big letters on the neck, then it says :

« Maison bi-centenaire fondée en 1729 » and the city is printed « Rheims » and not Reims.

On the back of the bottle another label gives all the members of the family who have managed the company :

« Chefs de la Maison Ruinart Père & Fils depuis la date de fondation jusqu’à nos jours »

1729 : Nicolas Ruinart

1769 : Claude Ruinart Seigneur de Brimont

1798 : J.F. Irénée Ruinart Vicomte de Brimont

1826 : Edmond Ruinart Vicomte de Brimont

1854 : Edgar Ruinart Vicomte de Brimont

1881 : Charles Ruinart Vicomte de Brimont

1888 : André Ruinart Vicomte de Brimont

1925 : Gérard Ruinart Vicomte de Brimont

I have written to Maison Ruinart to have more information about such a bottle.

Believing that the Ruinart should normally be a disaster, as a precaution I open a Champagne Dom Pérignon 1975 that astonishes me because the cork is as pinned as that of the Ruinart, the diameter of the cork having become less than that of the neck, is indicative of a bubble loss. It is black which should not exist for a 1975.

We go to the table. The beginning of the meal is with the foie gras of a producer that we love. I serve the Ruinart. The color is beautiful and will only become dark for the last glasses poured. The nose is pure. In the mouth the wine is amazing. It is precise, warm, cheerful and it astonishes me to the highest point. It is much better than the Veuve Clicquot 1945 despite the fact that only a third of the volume remained in the bottle. I smile because it is unthinkable that this tramp bottle, even pitiful, delivers such a beautiful champagne. Never could anyone imagine that this filthy bottle could be so joyful and generous. There was only a third of the bottle, at best and from half of what I pour the liquid gets much darker. But even dark, champagne is delicious. Who can believe such a phenomenon?

And when I start pouring Champagne Dom Pérignon 1975 whose cork was not healthy, it is the Ruinart that I like the most, because there is a bitterness too strong in the Dom Pérignon. All the cursors are disrupted. But there is an explanation. I was embarrassed by the bitterness of Veuve Clicquot 1945 and I am embarrassed by the bitterness of the Dom Pérignon 1975 and I prefer the Ruinart tramp for one reason: the Ruinart is a half-dry, therefore very dosed, and this is the dosage that allows the champagne to keep all its roundness. That is an interesting observation. The foie gras serves as a miracle doctor because the bitterness of the Dom Pérignon fades and it becomes more and more pleasant. Aeration is also a solid coach for this wine.

My wife provided Iberian pig steaks Pata Negra. I pour the red wine and my son does a good quality search. He says it is not French, evokes California, evokes Vega Sicilia to dismiss it and he seeks outside of France. His research is good and I tell him that it is Vega Sicilia. He then says that if it is Vega Sicilia it must be a year like 2000. In fact it is Vega Sicilia Unico 1973. The wine is black, the nose is a rare delicacy and my son is right on the fact that there is not the slightest trace of age. It is still quite spectacular that a 44-year-old wine can be considered as having only 17. It is the magic of Vega Sicilia Unico. At first I find it discreet, calm, of course with a beautiful alcoholic presence, but playing on discretion. Now if the first piece of meat plays on the fat, the second plays on the blood and this piece of meat propels the Vega Sicilia to infinite heights because the blood vivifies the wine, making it lively and scathing. Then, this piece of meat being replaced by another, the velvet of the wine appears, imperial. What a great moment for this lord, for the Spanish wine is noble. It is almost perfect because it lacks the final menthol freshness I adore. But it is a lord.

Let’s rewind the movie for a moment. There is a Ruinart that we are ready to put to the sink and which because of its dosage has kept a sweetness that makes it pleasant. There is a Dom Pérignon 1975 rather hurt because its cork did not resist the time that started bitter and became more and more tasty. And there is a Vega Sicilia Unico 1973 which plays a little inward like a Kylian Mbappé badly awakened (a very promising French football player) and who on fatty but bloody meat is as young as a wine of 2000. I admit humbly that for me these surprises are treasures. It is the « astonish me Benoît » that I evoked earlier. We verified that the Jort Camembert works with both the Vega Sicilia and the Dom Pérignon and we finished the Dom Pérignon on baked apples with the feeling of having lived a unique moment.

Dîner de surprises ! jeudi, 12 octobre 2017

Plus ça va et plus j’aime l’imprévu. C’est « étonnez-moi Benoît » de Françoise Hardy. Le fournisseur de la bouteille de Veuve Clicquot 1945 m’avait aussi vendu une bouteille de Ruinart des années 30 qu’il estimait avoir des risques de coulure. Les deux bouteilles devaient être livrées ensemble mais en fait elles furent livrées séparément. On m’appelle de la société où je reçois les vins que j’ai achetés et on me dit : « ça fuit grave ». Je vois une photo où sur mon bureau il y a une petite flaque. Je reçois la bouteille emmaillotée comme Moïse en son berceau et tout est humide, moite, avec des odeurs peu sympathiques. Moïse était incontinent. En manipulant le colis mes mains sentent et l’odeur ne me quitte pas. Je mets la bouteille encore humide dans un réfrigérateur pour la partager avec mon fils le lendemain.

Nous allons faire avec mon fils le dernier dîner de son séjour car dans les jours à venir il a d’autres dîners prévus sous d’autres cieux parisiens. Je viens par ailleurs de recevoir des achats que j’attendais depuis longtemps, venant du Danemark, aussi pour compenser la pression de l’attente, je prélève une des bouteilles reçues pour le dîner.

Le décor est planté. Je prépare les vins du dîner. Tout d’abord j’ouvre le vin prélevé sur la livraison du jour, c’est un Vega Sicilia Unico 1973 au niveau à 5 millimètres sous le bouchon, incroyable pour cet âge. Croyant le bouchon plus solide qu’il ne l’est je ne prends pas mes longues mèches mais seulement le limonadier et le bouchon se brise en deux, le bas étant normalement imprégné comme pour un vin de cet âge. Le parfum me plait, assez discret mais noble aussi vais-je faire une chose que je ne fais plus depuis longtemps, je carafe le vin dans ma plus belle aiguière, pour que mon fils goûte à l’aveugle.

J’ouvre ensuite le Champagne La Maréchale Ruinart Père & Fils Demi-Sec qu’on peut estimer des années 30 ou 40. L’acier du muselet est très résistant aussi en tournant le fil de fer, j’emporte le bouchon qui a depuis longtemps un diamètre inférieur au diamètre du goulot. Il faut nettoyer encore et encore pour enlever toutes les impuretés parasites. Le nez me surprend car il est pur.

Estimant que le Ruinart doit normalement être une catastrophe, par précaution j’ouvre un Champagne Dom Pérignon 1975 qui m’étonne parce que le bouchon est aussi chevillé que celui du Ruinart, le diamètre du bouchon étant devenu inférieur à celui du goulot, ce qui est l’indice d’une perte de bulle. Il est noir ce qui ne devrait pas exister pour un 1975.

Nous passons à table. Le début du repas est au foie gras d’un producteur que nous aimons. Je sers le Ruinart. La couleur est belle et ne deviendra sombre que pour les derniers verres versés. Le nez est pur. En bouche le vin est étonnant. Il est précis, chaleureux, joyeux et il m’étonne au plus haut point. Il est nettement meilleur que le Veuve Clicquot 1945 alors qu’il ne restait dans la bouteille que moins d’un tiers de volume. Je souris car c’est impensable que cette bouteille clocharde, pitoyable même, délivre un si beau champagne. Jamais personne ne pourrait imaginer que cette sale bouteille pourrait se montrer aussi joyeuse et gourmande. Il n’y avait qu’un tiers de la bouteille, au mieux et dès la moitié de ce que je verse le liquide devient beaucoup plus sombre. Mais même sombre, le champagne est gourmand. Qui peut croire un tel phénomène ?

Et quand je commence à verser le Champagne Dom Pérignon 1975 dont le bouchon n’était pas sain, c’est le Ruinart qui me plait le plus, car il y a une amertume trop forte dans le Dom Pérignon. Tous les curseurs se dérèglent. Mais il y a une explication. J’avais été gêné par l’amertume du Veuve Clicquot 1945 et je suis gêné par l’amertume du Dom Pérignon 1975 et je préfère le Ruinart clochard pour une seule raison : le Ruinart est un demi-sec, donc très dosé, et c’est le dosage qui permet au champagne de garder toute sa rondeur. C’est une constatation intéressante. Le foie gras sert de docteur miracle car l’amertume du Dom Pérignon s’estompe et il devient de plus en plus agréable. L’aération est aussi un solide coach pour ce vin.

Ma femme a prévu des steaks de cochon ibérique Pata Negra. Je verse le vin rouge et mon fils fait une recherche de bonne qualité. Il évoque la Californie, il évoque Vega Sicilia pour l’écarter et il cherche en dehors de France. Sa recherche est bonne et je lui dis que c’est Vega Sicilia. Il dit alors que si c’est Vega Sicilia ce doit être d’une année comme 2000. En fait il s’agit de Vega Sicilia Unico 1973. Le vin est noir, le nez est d’une délicatesse rare et mon fils a raison sur le fait qu’il n’y a pas la moindre trace d’âge. C’est quand même assez spectaculaire qu’un vin de 44 ans puisse être considéré comme n’en ayant que 17. C’est la magie de Vega Sicilia Unico. Au début je le trouve discret, calme, bien sûr avec une belle présence alcoolique, mais jouant sur la discrétion. Or si le premier morceau de viande joue sur le gras, le second joue sur le sang et ce morceau de viande propulse le Vega Sicilia à des hauteurs infinies car le sang vivifie le vin, le rendant vif et cinglant. Puis, ce morceau de viande étant remplacé par un autre, le velours du vin est apparu, impérial. Quel grand moment de ce seigneur, car le vin espagnol est noble. Il est quasi parfait car il lui manque le finale en fraîcheur mentholée que j’adore. Mais c’est un seigneur.

Rembobinons un instant le film. Il y a un Ruinart que l’on est prêt à mettre à l’évier et qui du fait de son dosage a gardé un doucereux qui le rend plaisant. Il y a un Dom Pérignon 1975 plutôt blessé car son bouchon n’a pas résisté au temps qui démarre amer et devint de plus en plus goûteux. Et il y a un Vega Sicilia Unico 1973 qui joue un peu en dedans comme un Kylian Mbappé mal réveillé et qui sur une viande grasse mais sanguine se montre aussi jeune qu’un vin de 2000. J’avoue bien humblement que pour moi, ces surprises sont des trésors. C’est le « étonnez-moi Benoît » que j’évoquais au début de ce récit. Nous avons vérifié que le camembert Jort marche aussi bien avec le Vega Sicilia qu’avec le Dom Pérignon et nous avons fini le Dom Pérignon sur des pommes cuites au four avec le sentiment d’avoir vécu un moment unique.

la cape collée au verre s’est déchirée quand j’ai voulu l’enlever, collant toujours.

les deux bouchons (le Ruinart à gauche)

Il est étonnant que la position de l’étiquette ne soit pas alignée sur le motif gravé dans le verre

le niveau est splendide

Déjeuner au restaurant Le Petit Sommelier mercredi, 11 octobre 2017

Déjeuner au restaurant Le Petit Sommelier célèbre pour sa carte des vins ample et à des prix attractifs. L’ambiance est celle d’une brasserie. Avec mon invité nous prenons des huîtres et une pièce de viande « L-Bone » à maturation longue. Je choisis un Champagne Substance Jacques Selosse dégorgé en juillet 2013. Le champagne est typé, de forte personnalité et lorsqu’on le boit après avoir mangé une huître, c’est incroyable comme le champagne prend de l’ampleur, de la joie de vivre et du soleil. Il devient glorieux et c’est un bonheur certain de sentir une telle complémentarité. Sur la viande, le champagne se montre gastronomique mais sur un registre beaucoup plus classique. La tarte au citron du dessert est « revisitée » d’une agréable façon. Ce restaurant simple est une oasis de vins de qualité à recommander.

Veuve Clicquot 1945 or not Veuve Clicquot 1945 ? That is the question… mardi, 10 octobre 2017

Face à un vin, faut-il être indulgent ou critique ? Le problème se pose souvent avec les vins anciens. J’ai acheté une bouteille annoncée basse de Champagne Veuve Clicquot Ponsardin 1945. Les photos prises par le vendeur ne permettent pas de se faire une idée précise. Malgré tout je prends mon risque. Lorsque je reçois la bouteille envoyée par la poste, je vois que la capsule qui recouvre le bouchon a été chapeautée d’un tissu spongieux qui est humide. La bouteille a dû fuir pendant le transport. J’enlève tout ce qui recouvre la bouteille et le spectacle n’est pas très encourageant. Faire reprendre la bouteille m’entraînera dans des discussions ou des opérations qui vont coûter du temps. Je garde la bouteille. Avec qui d’autre que mon fils puis-je prendre le risque d’ouvrir ce flacon ?

C’est à l’occasion d’un dîner simple où rien n’est prévu pour le vin. Je tire le bouchon qui se casse dans le goulot. Il est extirpé au tirebouchon et ne produit aucun pschitt. La couleur est assez foncée et deviendra de plus en plus sombre lorsque l’on commencera à servir le bas de la bouteille. Le nez est assez encourageant. Et c’est maintenant que l’humeur joue son rôle. Beaucoup d’amateurs déclareraient que le vin est mort ou tout du moins fort fatigué. On pourrait s’arrêter là ou chercher ce qu’il raconte. Et sous le voile de la fatigue, tout ce qui fait un grand champagne est perceptible. Mon fils est beaucoup plus tolérant que moi. Ce qui me gêne, c’est une acidité un peu trop marquée. Sinon, les fruits présents sont beaux. A tout moment j’hésite entre le rejet et l’acceptation d’un champagne qui a encore beaucoup de choses à dire. Mon fils l’accepte. Je suis comme l’âne de Buridan. Il y a eu effectivement de beaux éclairs d’un Veuve Clicquot d’une grande année suivis de fatigues agaçantes. Alors, que dire. C’est manifestement un champagne trop fatigué mais qui raconte beaucoup plus de choses que beaucoup de champagnes sans grand intérêt (et il y en a !). Certains amateurs auraient abandonné. Nous avons eu le courage d’aller au bout, avec des lueurs qui sont la récompense des amateurs patients.

le niveau est bas

la couleur de la fin de bouteille

le camembert Jort, médecin qui soigne les champagnes

Caviars Kaviari et Valérie Costa lundi, 9 octobre 2017

Pendant l’été, nous avions été de fidèles clients du restaurant La Promesse à Ollioules tenu par Valérie Costa que je connais depuis environ dix ans, lors de sa participation à l’un de mes dîners. Je reçois un mail dont le texte est simple : « Je cuisine le caviar chez Kaviari, à la manufacture rue de l’Arsenal ». Nous répondons favorablement à cette sympathique invitation, sans savoir vraiment ce qui va se passer, et ma femme et moi nous nous présentons dans le 4ème arrondissement à la Manufacture Kaviari dont la devanture est d’une grande discrétion. Il y a juste en façade un esturgeon recroquevillé qu’on ne reconnaît que si l’on fait attention. Lorsqu’on passe la porte il y a un bureau avec de charmantes personnes et on se demande si c’est bien là. Je prononce le nom de Valérie Costa. Les sourires s’éclairent et on nous montre la direction d’un très long couloir. Nous arrivons dans une pièce dont la décoration moderne évoque les pays scandinaves. Ma femme pense immédiatement à Noma le célèbre restaurant danois. Tout ici est joli, accueillant et sympathique. Valérie et son mari Jean Marc nous saluent. Valérie est au fourneau, avec les ingrédients qu’elle va marier ce midi et deux imposantes boîtes de caviar trônent sur le plan de travail, l’une de caviar Kristal qui est relativement clair et l’autre de caviar Osciètre Prestige, beaucoup plus foncé.

Le compagnon du repas sera le Champagne Billecart-Salmon Brut réserve que l’on nous sert généreusement. La table est de dix personnes, table en bois avec des serviettes aux amusants motifs marins. Il y a Karin Nebot, la directrice générale de Kaviari qui nous reçoit, une journaliste belge, un sommelier indépendant connu pour faire de la formation à la dégustation, deux cadres du groupe LVMH en charge des vins du groupe à l’exclusion des champagnes et alcools, une spécialiste renommée des thés qui a participé à mes dîners, l’ambassadrice du champagne, Jean-Marc qui pour la première fois va profiter assis de la cuisine de sa femme sans participer au service, ma femme et moi.

Le champagne est absolument excellent, fait des trois cépages dans des proportions relativement équilibrées, dosé à 6 grammes, et qui me ravit par une acidité remarquablement mesurée. C’est un champagne cohérent, champagne de soif dont on ne demande qu’à en reprendre. Nous trinquons debout et rapidement nous passons à table pour une expérience que je n’avais jamais faite. Karin Nebot nous suggère de prendre le caviar sur la peau du dos de la main entre le pouce et l’index comme les vieux fumeurs qui prisaient le tabac. Cette approche du caviar est d’une grande pureté et donne au caviar encore plus de présence naturelle que lorsqu’on le prend à la cuiller. Le caviar est un peu salé et lorsque le palais s’habitue notamment avec du pain, le caviar retrouve un bel équilibre. Il est opulent et bien typé. C’est le Kristal de couleur gris foncé. Il est long en bouche et donne de la longueur au champagne qui en a déjà naturellement.

Le menu composé par Valérie Costa est : langoustines mi- cuites, agrumes et caviar Kristal / œuf de poule basse température, noisettes du Piémont, caviar Osciètre / poulpe, truffe, parmesan, fregola crémeuse / chocolat, fleur d’huile d’olive et or, caviar osciètre.

Valérie rappelle que le plat de langoustine a été inventé pour un de nos dîners ma femme et moi chez elle. Nous le reconnaissons avec bonheur. Comme pour le plat suivant il y a deux lectures possibles. Soit on le lit comme un plat et on est frappé par son équilibre et la justesse de l’agrume, soit on le lit en fonction du caviar et la langoustine aurait mérité d’être nue, sans l’accompagnement car il aurait trouvé sur la langoustine pure une longueur plus grande. Le plat est délicieux, le caviar est délicieux, mais l’agrume n’a pas joué le rôle de multiplicateur.

Le plat suivant est aussi gourmand, la noisette délicieuse, mais pour mon goût c’est le blanc de l’œuf seul, plus que le reste du plat, qui est le vecteur de la longueur du caviar très précis. C’est pour cela qu’il faut avoir les deux lectures, le plat pour la gourmandise gastronomique et isoler le blanc d’œuf pour trouver la profondeur absolue du caviar.

Le plat de poulpe participe à la renommée de Valérie car ce plat qu’elle adore faire est gourmand et construit. Beaucoup d’amateurs se demandent comment le poulpe peut être aussi bon. Il faut dire aussi que la truffe est abondante et cette truffe d’automne est diablement goûteuse et longue en bouche.

Nous nous levons de table pour aller contempler Valérie distillant les grains de caviar sur un gâteau au chocolat. L’exercice est particulièrement osé, et Valérie le réussit brillamment. Qui pourrait dire que chocolat et caviar cohabitent ? On sent clairement le sel du caviar et la douceur du chocolat mais ce qui nous subjugue c’est qu’aucune composante du plat ne nuit à aucune autre. On dirait de Valérie qu’elle est audacieuse. Elle l’est et elle a réussi.

Sans nul doute le dessert a la prime de l’audace et de l’originalité, et le poulpe a la prime de la gourmandise. Pendant ce repas, l’imposante boîte de caviar circulait autour de la table. Avec du pain et du beurre, le caviar exprime toutes ses qualités.

Grâce à la décoration de cette pièce chaleureuse, grâce au choix des convives, l’ambiance a été particulièrement agréable. Karine Nebot reçoit périodiquement des chefs qui viennent cuisiner ses caviars. C’est la première fois qu’elle accueille un chef femme et elle en est ravie. Nous aussi car Valérie nous a régalé avec une cuisine gourmande et raffinée et surtout d’une pertinente audace. Bravo Valérie.

les caviars

les ingrédients

la fontaine à caviar (virtuelle)

photo avec Karin Nebot DG de Kaviari

Valérie Costa expliquant son dessert

Anniversaire en famille samedi, 7 octobre 2017

C’est l’anniversaire de ma fille cadette ou du moins les préliminaires de son anniversaire car nous le fêterons à nouveau quand mon fils venant de Miami sera présent. Ma femme a prévu des choses simples. A l’apéritif, une mimolette un peu âgée et une tarte aux oignons avec des tranches de fromage de chèvre qui donnent à la tarte, à la cuisson, l’image de la planète du petit Prince. Les tranches rondes sont comme des pustules évoquant les volcans de la planète de Saint-Exupéry. Il y aura ensuite deux poulets accompagnés d’une purée et de fausses frites, fines tranches de pommes de terre délicieuses et croquantes, puis des fromages.

Le Champagne Moët & Chandon Brut Impérial 1971 a un bouchon de belle qualité qui vient assez facilement. Le pschitt est faible mais le pétillant est là. La couleur est d’un orange à peine rosé. La bulle est presque absente. Le nez est pur d’un champagne vineux où l’alcool est contenu. En bouche, ce qui apparaît immédiatement est le confort et le plaisir. Ce champagne est précis, doux, velouté, évoquant des fruits oranges, comme la couleur du vin, tels la pêche et l’abricot. Tout en ce champagne est sympathique. Il est confortable, rassurant. Bien sûr il n’a pas la complexité des champagnes plus typés mais il a une cohérence et une fluidité qui en font un champagne de vrai plaisir. C’est un plaisir franc et direct que nous offre ce Moët. Il y a un peu de râpe, liée à l’alcool, mais c’est le fruit doux et doucereux qui est porteur de plaisir. Sa seule limite est une légère monotonie dans un message un peu trop constant. Ma fille l’a beaucoup aimé ce qui est le principal.

J’avais ouvert à 17 heures un Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus Bouchard Père & Fils 1974 de l’année de ma fille, acheté en pensant à elle. Le vin a un niveau à moins d’un centimètre sous le bouchon. Le bouchon se craquèle à la remontée mais vient entier. Le nez à l’ouverture était divin, expression bourguignonne subtile, racée, toute en suggestion. Au moment où je verse le vin, le parfum a gagné en puissance mais a toujours cette subtilité énigmatique de la Bourgogne. Il y a des intonations qui ressemblent à celles des vins du domaine de la Romanée Conti, tant le récit bourguignon est authentique. Il manque un peu de volume à ce vin pour qu’il exprime du velours, mais on n’en est pas loin. C’est un vin qui me séduit car il a toutes les subtilités des années discrètes. 1974 montre une fois de plus que c’est une année qui, en Bourgogne, se révèle d’une immense subtilité. Je suis très heureux que ce vin qui n’est pas tonitruant mais pianote ses subtilités soit d’une si grande précision. Il y a une profondeur dans ce vin que je n’aurais jamais attendue à ce niveau. Sa longueur défie les annales pour ce millésime.

Le dîner se poursuit avec une reine de Saba qui porte les bougies de circonstance et par une mousse au chocolat traditionnelle pour les anniversaires. Le vin et le champagne ont correspondu à mes attentes.

les bougies se soufflent

Déjeuner à l’Automobile Club de France mercredi, 4 octobre 2017

A l’invitation d’un ancien président de l’Automobile Club de France, je me rends au siège de ce prestigieux club dont j’ai eu l’honneur d’être membre pendant des années. Nous allons bavarder de vins et plus encore de vins d’âges canoniques dont le millésime commence par 18. Le lieu est toujours aussi select. Nous déjeunons dans la salle à manger des membres. Le soleil est de la partie et les hautes fenêtres le laissent percer dans la salle à manger. Il faut s’en protéger pour ne pas être aveuglé tant ses rayons d’automne sont intenses.

Le menu du cercle propose des options pour l’entrée et le plat. Nous y trouvons notre bonheur, œuf poché et pommes de terre suivi de cochon en sauce et pomme de terre. C’est une cuisine simple et goûteuse. Et le service est très attentionné. Sur proposition d’un maître d’hôtel nous buvons un Monthélie « Sous Roches » domaine Louis Jadot 2012. Sa couleur a des reflets violacés de vin jeune. Le nez est de bon aloi. En bouche le vin est fluide mais il manque de largeur. Il est bien fait mais jeune et peu étoffé. Il passe toutefois très bien sur les deux plats. Les desserts du club sont toujours gourmands. Je prends une interprétation innovante et délicieuse de la tarte Tatin.

J’ai revu avec plaisir des membres du club que je connaissais. L’ambiance y est toujours amicale et accueillante.

Lancement du 47ème numéro de la revue « Papilles » au restaurant Laurent mercredi, 4 octobre 2017

Gérard Allemandou est un personnage hautement éclectique. Cuisinier fondateur du restaurant La Cagouille où j’adore me rendre, amateur de cognacs dont il expose des pépites dans son restaurant, il a aussi fondé la revue « Papilles » dont le sous-titre est Culture et patrimoine gourmands. Cette revue fait partie de l’association des bibliothèques gourmandes. Chaque revue est dirigée par un membre du comité de direction. Le 47ème numéro a été dirigé par Philippe Bourguignon l’ancien et célèbre directeur du restaurant Laurent. Aussi est-ce assez naturel que le cocktail de lancement de ce numéro se fasse au restaurant Laurent.

Par un hasard qui n’en est probablement pas un, des membres importants de l’Académie du Vin de France sont réunis ici pour organiser de futures assemblées et le buffet regorge de vins des membres de l’académie dont Philippe Bourguignon est le secrétaire général. Nous pouvons donc goûter à une panoplie de champagnes, vins blancs et vins rouges de tous horizons, les meilleurs bien sûr. Les personnes qui se sont rendues à l’invitation de la revue Papilles sont des amis de la revue, des contributeurs écrivains de la revue, des amis du restaurant Laurent et des amis et membres de l’Académie du vin de France. Autant dire que tout le monde ou presque se connaît.

La revue comporte une quinzaine de contributions sur le thème « de vin, de vent et d’ivresse », avec des visions souvent poétiques et toujours originales. De plus, cette revue tirée sur des papiers de qualité est agrémentée de belles gravures ce qui en fait un objet de bibliophilie en plus d’un objet de culture. On en discute joyeusement un verre à la main.

Je limiterai ma curiosité à un champagne et un vin blanc. Le Champagne Billecart-Salmon Brut Réserve est un champagne de belle personnalité et de belle soif. Solide, charpenté, il raconte de belles choses. Il m’a immédiatement plu aussi n’ai-je pas succombé à la tentation d’en essayer d’autres, tant son équilibre et son intelligence me convainquent.

Pour le blanc, un ami me tend un verre et me dit : « goûte ça ». Dès le nez je sais que je suis en présence d’un grand vin. Il y a une telle intensité dans ce parfum que cela ne trompe pas. Je hume, conquis et en bouche c’est un vin fort, puissant, charpenté qui me bouscule et m’interpelle. L’Hermitage blanc Jean Louis Chave 2014 est une splendeur. C’est un conquérant que l’on dirait réduit tant il est concentré et légèrement fumé. Je suis aux anges et autour de moi on le plébiscitera. Il y a bien sûr d’autres grands vins mais absorbé par les discussions passionnantes, j’ai préféré m’adonner à ces deux réussites.

Les serveurs du restaurant virevoltent avec des plateaux chargés de friandises diverses qui sont toutes remarquables. Le velouté de champignons et les petites côtelettes d’agneau sont des merveilles. Alain Pégouret et son équipe ont fait très fort. J’ai rarement mangé des petits fours d’une telle gourmandise et d’un éclectisme aussi brillant. Philippe Bourguignon a voulu exciter notre intellect avec sa revue Papilles et Alain Pégouret a voulu exciter nos papilles. Ce fut réussi.

on peut contacter la revue sur www.bibliothequesgourmandes.com