215ème dîner de wine-dinners au restaurant Michel Rostang mardi, 23 mai 2017

Le 215ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Michel Rostang. J’étais venu il y a une semaine porter les vins du dîner qui ont reposé dans la cave du resturant et j’ai rencontré Nicolas Beaumann, le chef du restaurant, pour mettre au point le menu.

A 16h45 je me présente au restaurant pour l’ouverture des vins. Baptiste, sommelier qui va prochainement remplacer Alain, le fidèle et compétent sommelier qui va partir à la retraite, va assister à l’ouverture des vins et faire le service des vins ce soir.

Classiquement il y a des problèmes avec les bouchons anciens qui se résolvent dans le calme et la sérénité, mais j’ai eu une belle frayeur. En enlevant la capsule du Pétrus 1967, je constate que le bouchon avait baissé de trois bons centimètres, ce qui fait que le bas du bouchon se situe dans l’épaule, sous la base du goulot. Il est hautement probable qu’en voulant piquer la pointe du tirebouchon dans le liège, je vais faire tomber le bouchon dans le vin ce qui m’imposera de décanter la bouteille, la nettoyer pour transvaser le vin dans la bouteille lorsque le bouchon en aurait été sorti.

C’est une leçon de zénitude. Je fais tourner la pointe de mon long tirebouchon lentement sans vouloir percer et au bout d’une minute je sens une accroche possible. Je n’ai pas pointé vers le bas mais vers le côté et je peux alors enfoncer la pointe dans le bouchon sans celui-ci ne glisse vers le bas. Le bouchon est remonté entier, m’évitant des transvasements qui auraient chahuté le vin.

Les plus belles odeurs à l’ouverture sont celles du Pavie-Decesse 1945 qui est la définition absolue du parfum d’un saint-émilion, du Clos Sainte-Hune 1968 et de La Tâche 1958 si bourguignonne. Tous les autres fragrances sont encourageantes. Je ne détecte aucun problème ni aucun défaut. Je peux donc aller me promener dans un Paris souriant dès qu’il y a de beaux rayons de soleil.

Après la petite promenade je reviens au restaurant pour boire une bière artisanale faite à Paris, qui s’appelle « la Parisienne libérée », faite de malt d’orge Vienna et de houblon Aramis et qui titre 5°. Je demande au directeur de salle s’il y a quelque chose à grignoter, et le chef Nicolas qui entend ma demande me fait porter une tranche de pâté en croûte qui est à se damner tant elle est bonne et gourmande.

Les participants du dîner, tous ponctuels, sont dix dont neuf hommes et une femme qui annonce qu’elle ne boit pas mais en fait goûtera tous les vins. Seuls deux ou trois d’entre eux avaient déjà participé à l’un de mes dîners, au restaurant Guy Savoy.

Nous avons pour nous seuls la petite salle qui est proche de la cuisine que l’on voit à travers les vitres. Nous prenons l’apéritif debout, avec un Champagne Dom Pérignon 1998 qui est solide, sérieux, classique et passe-partout. Il est de plus en plus agréable avec le temps qui l’arrondit.

Le menu créé par Nicolas Beaumann est : Canapés et amuse-bouche / Tourteau décortiqué et caviar osciètre, consommé / Saint-pierre rôti et petites girolles étuvées, jus des arêtes au vin de merlot / Cœur de carré de veau, jus de veau, morilles farcies et pommes de terre fumées / Canette « Mieral » au sang, sauce vin rouge liée de son sang et au foie gras / Stilton / Ananas Victoria rôti et mousse légère de mangue, sablé breton.

Le Champagne Taittinger Collection Viera da Silva 1983 dans une bouteille opaque au bleu flashy marque un saut qualitatif majeur par rapport au champagne précédent. Le Dom Pérignon était jeune, ce champagne plus ambré est à maturité. Il est d’une longueur extrême et d’une complexité inimaginable. Il est gourmand et d’une persistance aromatique particulièrement affirmée. Ce champagne expressif conquiert mes convives qui sont étonnés qu’un champagne de 34 ans puisse avoir autant de qualités. Je n’ai pas retenu l’intitulé de l’amuse-bouche mais il a joué son rôle, mettant en valeur le délicieux champagne.

Le Clos Sainte-Hune Riesling Domaine Trimbach 1968 est une rareté. Je pense ne l’avoir jamais bu mais en fait je l’ai bu une fois il y a quatre ans en Autriche et le précédent était relativement fatigué. Celui-ci avait à l’ouverture un parfum très expressif. Il l’a toujours et ce qui est assez fou c’est que ce riesling me donne des évocations de  fruits rouges. C’est vraiment fou. On n’est plus dans la définition du riesling mais le vin vif et tranchant est très agréable à boire, avec une très forte personnalité difficile à définir.

Sur le tourteau au caviar dont j’ai trouvé que le caviar n’est pas assez mis en valeur, nous avons en même temps le Corton Charlemagne Domaine Bouchard Père et Fils 1956. Ce vin est superbe. La table va se diviser en deux entre ceux qui préféreront le Sainte-Hune et ceux qui préféreront le Corton-Charlemagne. L’ordonnateur du repas est dans le camp alsacien et je suis dans le camp bourguignon. Il me semble que l’accord se trouve plus sur le bourgogne très riche dont le parcours en bouche étale des complexités par strates successives. Il est très long, un peu poivré et l’accord se trouve surtout avec le délicieux consommé pris en gelée. Qu’un Corton Charlemagne 1956 soit de cette vive prestance est très étonnant. Les deux blancs racés et différents sont tous les deux de grand plaisir.

Le saint-pierre aux petites girolles est un plat de haute qualité qui crée un accord de première grandeur avec les deux bordeaux. Le Château Pavie-Decesse Saint-Emilion 1945 a une couleur qui surprend tout le monde, de sang de pigeon. Le nez est incroyablement profond, riche, et on sent l’influence du millésime exceptionnel. Le vin est parfait, complet, riche en bouche et les visages de tous les convives expriment leur étonnement. Comment un vin de 72 ans peut-il ne pas avoir d’âge et une plénitude si affirmée ?

Le Pétrus 1967 est un raffinement d’esthète. Il porte en lui le romantisme de son année. C’est un grand Pétrus, en suggestion mais aussi en profondeur. Il est long et précis mais mon cœur chavire plus pour le saint-émilion que pour le pomerol. L’accord avec le poisson est pertinent pour les deux vins.

Le veau à basse température est idéal pour les deux bourgognes. Le Musigny rouge Domaine Comte Georges de Vogüé 1979 est un vin lui aussi délicat. Il est jeune, d’un fruit suggéré et noble comme les Musigny de cette grande maison. Mais nos amours vont se concentrer sur le vin qui est associé au même plat.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1958 avait un superbe niveau dans la bouteille, à deux centimètres sous le bouchon qui est superbe, teinté de noir sur seulement trois millimètres ce qui est insignifiant. Le nez de ce vin est enivrant et tellement bourguignon. En bouche c’est l’extase car ce vin magnifie les aspects si caractéristiques des vins du domaine, la rose et le sel. Le vin est dans un état de grâce tel qu’il figurera dans les votes de tous les participants, et sept fois à la première place. L’accord avec le veau est raffiné car le plat a l’intelligence de se comporter en faire-valoir.

Le directeur de salle va nous préparer et servir le canard au sang, institution de la maison. Nous nous levons tous pour voir comment il presse la carcasse pour faire la sauce et comment il tranche les aiguillettes avec une dextérité rare. Le plat est lourd comme le plomb mais goûteux et le Châteauneuf du Pape Cuvée des Célestins Henri Bonneau 1988 s’en sort très bien car il n’est pas écrasé par le plat, même si le plat est le mâle dominant. C’est un très beau Châteauneuf fait par un vigneron d’exception dont je vénère la mémoire. Mais le vin est jeune malgré ses presque trente ans et retient moins notre attention.

Le Château Caillou Barsac 1934 est d’une jolie couleur claire. J’adore ce vin spontané, franc, de belle mâche et joyeux. Il accompagne le stilton avec grâce. Fort curieusement je serai le seul à le mettre parmi mes quatre préférés.

Le Château d’Yquem Sauternes 1916 provient d’une bouteille qui a été reconditionnés en 1989 au château. A l’ouverture, lorsque j’ai senti le vin, je me suis dit qu’il ne doit pas y avoir 100% de 1916 dans cette bouteille. Au moment de la dégustation sur le dessert à l’ananas, je constate que cet Yquem a toutes les chances d’être de 1916, mais avec probablement une petite ajoute d’un Yquem jeune pour faire le niveau. Il est agréable, peu botrytisé, ce qui est cohérent avec un 1916 qui aurait mangé une partie de son sucre. C’est un agréable sauternes mais il n’a pas la magie d’Yquem comme l’avait l’Yquem 1919 que trois convives avaient goûté lors d’un précédent repas.

Il est temps de voter. Nous sommes onze à voter pour les quatre vins que nous avons préférés parmi les onze vins servis. Comme cela se produit souvent, ce sont les vins les plus jeunes qui n’ont pas de votes. Neuf vins ont reçu des votes et le Dom Pérignon et le Châteauneuf-du-Pape n’en ont pas eu du fait de leur jeunesse. Il y a seulement trois vins qui ont été nommés premiers, car La Tâche a raflé la mise, avec sept votes de premier. La Tâche figure dans les onze votes. Le Pavie Decesse et le Pétrus ont eu chacun deux votes de premier.

Le vote du consensus serait : 1 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1958, 2 – Château Pavie-Decesse Saint-Emilion 1945, 3 – Corton Charlemagne Domaine Bouchard Père et Fils 1956, 4 – Pétrus 1967, 5 – Château d’Yquem Sauternes 1916, 6 – Champagne Taittinger Collection Viera da Silva 1983.

Mon vote est : 1 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1958, 2 – Château Pavie-Decesse Saint-Emilion 1945, 3 – Corton Charlemagne Domaine Bouchard Père et Fils 1956, 4 – Château Caillou Barsac 1934.

J’avais dans ma musette un Bas Armagnac Domaine Boingnères 1970 mis en bouteilles en 1989, alcool très expressif et profond qui a permis que nous continuions de deviser ensemble. La cuisine a été de très haut niveau. Les plats les plus brillants pour mettre en valeur les vins sont le saint-pierre pour les bordeaux et le veau pour les bourgognes. J’ai trouvé le caviar trop discret sur le tourteau alors que le consommé est magique pour les blancs. Et le dessert à l’ananas manquait un peu d’ananas et surtout de mâche,       car c’est un dessert que l’on grignote plus qu’on ne le déguste. Le service du vin de Baptiste a été impeccable. Le service de table parfait et les plats réussis. L’ambiance du restaurant est amicale et attentive. Tout a concouru pour faire de ce 215ème dîner un chaleureux dîner de grands vins.

la minute bière après l’ouverture des vins

le délicieux pâté en croute :

tous les vins en cave

tous les vins au restaurant

en haut bouchon du Chateauneuf, en bas à gauche le Caillou et à droite l’Yquem

de gauche à droite et de haut en bas dans chaque assiette : Corton Charlemagne, Clos Sainte-Hune, Pavie-Decesse, Pétrus, de Vogüé, La Tâche, Bonneau, Caillou, Yquem

les verres en fin de repas

les votes

pour poursuivre les discussions

Quelques vidéos à regarder quand il pleut mardi, 23 mai 2017

En regardant une vidéo sur Youtube, j’ai vu toute une série de vidéos qui ont été faites avec moi.

En voici quelques-unes, à regarder sans modération :

Interview François Audouze collectionneur de vins rares (1ère partie)

https://www.youtube.com/watch?v=oMMbcngPYME

Interview François Audouze collectionneur de vins rares (2ème partie)

https://www.youtube.com/watch?v=F0p4lYi4ZiA

La méthode François Audouze pour ouvrir de vieux vins (Ophélie Neiman)

https://www.youtube.com/watch?v=TpAi8TN7-5o

Uncorking wines with Francois Audouze (Asian Palate)

https://www.youtube.com/watch?v=H2H7SC7r2s0

Jim How interviews Francois Audouze (part 1) James Howaniec

https://www.youtube.com/watch?v=C-zmrqiR8ME

Jim How interviews Francois Audouze (part 2)

https://www.youtube.com/watch?v=2Wrh23Wu3vA

François Audouze : l’émotion des vins anciens (Ophélie Neiman)

https://www.youtube.com/watch?v=o6C9CbrKUg4

François Audouze et la modernité (Ophélie Neiman)

https://www.youtube.com/watch?v=688lsP_cPbo

Une bouteille de vin jaune de 1774 vendue 57000 euros

https://www.youtube.com/watch?v=cNqqDJDf-Js

ITV françois audouze – percée du vin jaune 2010 (Christophe Menozzi)

https://www.youtube.com/watch?v=0zGkMiEuxrc

s’il pleut, si le film à la télé ne vous branche pas, lancez une de ces vidéos !

4000ème article que j’écris sur le blog samedi, 20 mai 2017

Cet article est le 4000ème article que j’écris sur le blog. C’est une étape. Pour marquer cette borne, pourquoi pas une anecdote ?

Au Salon du Vin de la Revue du Vin de France, j’ai pu bavarder avec quelques amateurs. L’un d’entre eux me dit : « il n’y a pas de jour sans que j’aille lire votre blog ». Et il me montre la photo d’une devise imprimée sur une tenture je crois qui figure à l’intérieur d’un restaurant de Margaux.

Cette devise dit :

« quel est le meilleur moment pour boire un vin ?

«  quand il est ouvert…

Et c’est signé François Audouze.

Je n’ai aucun souvenir d’avoir proféré quelque chose d’aussi définitif et je dirais plutôt aujourd’hui que le meilleur moment pour boire un vin c’est quand il est servi, car je préfère qu’il soit ouvert 4 à 5 heures avant qu’il ne soit servi.

Si le fidèle lecteur lit cet article et s’il m’envoie la photo, je serai heureux de l’inclure sur le blog.

Il l’a fait et voici les paroles définitives que j’aurais prononcées, inscrites au restaurant Le Savoy à Matgaux

Je ne pense pas que cela me vaudra une postérité définitive !!!

Le Salon du Vin de la Revue du Vin de France samedi, 20 mai 2017

La Revue du Vin de France organise au Palais Brongniart « Le Salon du Vin » avec un commentaire bien expressif, voire directif : « bien déguster pour bien acheter ». Un vigneron m’ayant envoyé une invitation, j’y suis allé. Il y a des domaines prestigieux et des domaines qui me sont inconnus. Je suis heureux de rencontrer des vignerons que je connais. Au hasard j’ai goûté un très bon Château Musar 2001 vin libanais superbe dont j’avais adoré le 1964 il y a quelques années. Un joli Riesling récent d’Agathe Bursin, et de beaux Châteauneuf-du-Pape de Charvin du Mont Olivet.

Je me suis surtout concentré sur les champagnes et beaucoup de grandes maisons sont présentes. Les grands sont grands, bien sûr, le Grand Siècle de Laurent Perrier, la Cuvée des Millénaires de Charles Heidsieck, le Comtes de Champagne de Taittinger et d’autres Ruinart, Lanson ou Pol Roger. Je signalerai les jolis champagnes d’Ayala, de Gonet-Médeville et de Drappier.

Et le vainqueur sera pour moi, si vainqueur il doit y avoir, le Château Suduiraut sauternes 2009 dont Pierre Montégut m’a dit : « je suis content d’avoir pu faire une fois dans ma vie un Suduiraut qui a la qualité de Suduiraut 1947 ». Je suis de son avis car ce 2009 est une splendeur.

Cocktail avec des bouteilles de grands formats samedi, 20 mai 2017

Ma fille aînée vient de fonder avec un associé la filiale parisienne d’un cabinet d’avocats américain. Elle a de magnifiques bureaux dans un quartier assez chic de Paris et elle organise un cocktail pour l’ouverture de ce nouveau bureau. Il y a là le PDG américain, impressionné par la beauté du site doté de beaux lambris du 18ème siècle, beaucoup de représentants de filiales européennes, de Londres, Bruxelles, Berlin notamment, des clients et des amis des membres du cabinet.

J’ai décidé de faire cadeau à ma fille de quelques belles bouteilles qui viendront rehausser – je l’espère – le niveau des boissons choisies avec le traiteur « Emotions Culinaires » dont la prestation culinaire est de très grande qualité.

Le Champagne Henriot Cuvée les Enchanteleurs 1998 représente un saut qualitatif majeur par rapport au champagne du buffet. Ce champagne s’améliore au fil des ans, rassurant, solide mais aussi complexe et long. Il est nettement meilleur qu’il y a dix ans.

Le Chablis Grand Cru Moutonne Long Dépaquit Bichot magnum 2007 est un vin superbe. Le nez est imprégnant, fort et gourmand et la bouche est belle, racée, fruitée de fruits blancs avec une longueur joyeuse. C’est un vin gouleyant.

Le Château Fourcas-Hosten Listrac double magnum 1978 m’est proposé en premier par le responsable de l’équipe du traiteur pour le goûter et instantanément je ressens un goût de bouchon. Comme j’ai eu les premières gouttes de cette bouteille, ce que je bois a léché le verre qui n’avait peut-être pas été nettoyé à l’ouverture qui a été faite à midi par les collègues de ma fille. J’hésite à en parler autour de moi car écarter un double magnum, c’est difficile. Alors je laisse la nature agir. Ce n’est que lorsque nous boirons les vins suivants que certains amateurs oseront me dire qu’ils ont ressenti le goût de bouchon qui s’est beaucoup atténué sur la suite du double magnum.

L’avantage de cette faiblesse c’est que le vin suivant n’en paraît que meilleur. Le Château Meyney Prieuré des Couleys Saint-Estèphe double magnum 1969 est brillant et tous les amateurs de vins, qui sont nombreux parmi les invités, sont stupéfaits de voir qu’un vin de cette si petite année puisse être aussi vivant, aussi riche et profond. J’ai toujours eu un faible pour Meyney et à la suite d’un reconditionnement de grande ampleur fait au château par Cordier pour plusieurs millésimes des années des décennies 60 et 70 j’ai acheté beaucoup de grands formats pour des réceptions. Le vin est riche, avec des notes truffées et une belle longueur. C’est une très belle surprise et le format donne un bel équilibre au vin.

Le Pommard Hospices de Beaune Cuvée Dames de la Charité élevé par Bouchard Père & Fils double magnum 2000 est un vin extrêmement agréable et facile à comprendre. De plus , le format lui donne à lui aussi un très bel équilibre. Il a le charme bourguignon avec beaucoup de douceur. Sur les magnifiques canapés, c’est un plaisir. La bouteille est d’une rare beauté.

Pour la bouteille qui suit, je fais signe à quelques personnes, dont j’ai pu mesurer qu’elles sont des amateurs de vins, de se retrouver dans le bureau de ma fille. Et nous buvons le Château Ausone Saint-Emilion magnum 1970. Le vin est grand et tout le monde est sensible au fait que je l’aie apporté. Ausone est un des vins de Bordeaux les plus complexes qui soient. Il ne se livre pas, il faut le découvrir. Raffiné, subtil, c’est un vin de recueillement avec une grande noblesse et une longueur particulière. On est dans le raffinement.

Des échos que j’ai recueillis le lendemain, les invités ont été heureux de goûter ces vins, un peu inhabituels pour de tels cocktails. Ma fille est ravie. C’est ce que je souhaitais.

Dîner au restaurant La Méthode avec des polytechniciens jeudi, 18 mai 2017

Chaque élève de chaque promotion de Polytechnique vient en haut de la montagne Sainte-Geneviève, au sein de l’ancienne école, recevoir son bicorne lors d’une cérémonie où le nouveau reçoit ce couvre-chef des mains d’un ancien. C’est la remise des bicornes et tous les élèves sont en grand uniforme. Il y a bien sûr des discours dont celui d’un grand ancien. J’ai eu le privilège il y a quelques années de faire ce discours devant deux promotions et l’encadrement de l’école.

Une tradition s’est greffée sur celle-ci, un dîner qui réunit les « missaires » de toutes les promotions, au restaurant La Méthode, juste en face de l’entrée de l’école. Les missaires (abréviation de commissaires) sont un petit groupe de moins de dix personnes qui sont en charge de l’organisation des chahuts. Toutes les plaisanteries les plus farfelues sont créées par eux, comme de murer le bureau du général, rite classique, mais aussi comme d’autres moins appréciées, qui m’ont valu avec mes camarades missaires de passer deux mois dans la prison de l’école, puisqu’elle a un statut militaire. Nous nous retrouvons donc à une quarantaine de missaires de plusieurs promotions différentes autour de tables mélangeant jeunes et vieux. La cuisine du lieu est simple mais très convenable. Il m’a suffi de sentir le vin choisi pour que j’estime plus prudent de boire de la bière. Le contact que l’on peut avoir avec des jeunes polytechniciens dégourdis et souriants, qui sont en train de créer leur avenir et peut-être notre avenir, est un bain de jouvence que j’apprécie.

Bas Armagnac X.O. Castarède 20 ans d’âge jeudi, 18 mai 2017

Florence Castarède, propriétaire de l’Armagnac Castarède, a vu sa société nommée « EPV » Entreprise du Patrimoine Vivant, cette nomination étant décidée par un organisme paraétatique qui dépend du Ministère des Finances. C’est un label d’Etat. Florence invite quelques clients et gens de presse à venir fêter ce diplôme autour du Bas Armagnac X.O. Castarède 20 ans d’âge. Le cocktail a lieu au siège parisien de cette maison. Au bar Jérôme Vallanet grand expert en alcools et cocktails, animateur du site formabar.com fait une présentation très didactique sur la façon d’approcher un armagnac. L’olfaction progressive, la position en bouche de ce que l’on boit sont des éléments importants. Il fait goûter l’armagnac 20 ans d’âge avec de l’eau plate, de l’eau minérale et sur un glaçon et chacun exprime ses préférences. C’est sur le glaçon que j’ai trouvé l’armagnac plus vif. On goûte bien sûr l’armagnac pur qui a une très jolie expression sans lourdeur malgré les 40° d’alcool. Il est d’une grande douceur avec fugacement des intonations de pain d’épices. Jérôme fait goûter le même armagnac mis au frais et c’est une agréable surprise car il a une belle personnalité en étant frais. On pense évidemment au whisky qui profite aussi d’être servi frais.

Après la partie didactique Jérôme nous donne à boire un cocktail de sa composition, avec moult jus de fruits et fruits en morceaux. C’est un artiste.

Voilà un label fêté de bien belle façon.

ce piano d’assemblage d’alcools pour faire des cocktails existe vraiment !

ci-joint le communiqué de presse :

CP ARMAGNAC CASTAREDE 17 mai 2017

Une belle Côte Rôtie jeudi, 18 mai 2017

J’ai l’occasion de boire une Côte Rôtie Terres Sombres Yves Cuilleron 2014. Le vin est jeune ce qui donne un grain un peu épais mais généreux. Il a la noblesse de la Côte Rôtie et j’ai ressenti de façon fugace la fraicheur mentholée que j’adore en ces vins. Mais ce fut fugace car voulant ressentir à nouveau cette fraîcheur que j’aime, elle n’est pas réapparue. C’est un grand vin qu’il faut impérativement garder au secret de sa cave au moins dix ans avant d’y goûter. Il a de l’avenir.

Déjeuner avec des canadiens au restaurant le Petit Verdot mercredi, 17 mai 2017

C’est la troisième fois que je partage à Paris un repas avec un canadien musicien et chanteur depuis peu, mais surtout amoureux du vin. Il est venu avec des amis de Toronto et ils vont faire un long voyage en Bourgogne et en Champagne notamment. Nous nous retrouvons au restaurant le Petit Verdot. Nous nous présentons avant midi et Hidé le sympathique propriétaire des lieux est tout affolé de nous voir si tôt, ce qui est un comportement rare. Nous montons au premier étage et je commence à ouvrir mes vins tandis que Michael ouvre les siens.

Le Champagne Heidsieck & Cie Monopole Cuvée Diamant Bleu 1979 que j’ai apporté se présente dans une jolie bouteille dont le bas a des facettes biseautées, de taille diamant. Le pschitt est bien net, la couleur est d’une jeunesse folle, le nez est très engageant, d’une rare douceur et en bouche ce que l’on perçoit c’est du miel très prégnant et de jolis fruits jaunes et oranges comme l’abricot. On est là dans l’aristocratie du champagne et nul n’imaginerait qu’un tel champagne puisse avoir près de 40 ans. Hidé a préparé pour lui des tranches de seiches cuites au chalumeau et cela « fonctionne » très bien.

Michael a apporté deux rieslings autrichiens. Le Riesling Vinothek Nikolaihof Autriche 1995 est assez doux et comme il est un peu chaud, le vin est légèrement pataud.

Le Steiner Hund Riesling Reserve Nikolaihof Autriche 2004 est lui aussi assez sucré mais il est beaucoup plus vif et je le préfère. Il forme avec le pâté de ris de veau un accord tout-à-fait possible et se marie même avec la délicieuse asperge blanche.

Sur le bar sauvage flanqué d’une asperge verte nous goûtons un Kutch Chardonnay Santa Cruz Mountains Sonoma Valley 2014 que Michael avait ouvert il y a deux jours et qui a conservé toute sa pureté. J’aime beaucoup ce vin cristallin, beaucoup plus précis que les deux rieslings. Le bar est excellent, sa peau est croquante et comme Michael a gardé une petite fiole de Château d’Yquem 1988, ouvert il y a trois jours, j’ai envie de l’essayer avec la peau du bar et ça marche. C’est fou comme cet Yquem 1988 est vraiment dans la définition d’un Yquem trentenaire. C’est un vin qui renverserait des montagnes, Hercule d’une sérénité absolue.

Hidé a fait préparer le plus simplement du monde des filets de canard absolument goûteux pour le Chambolle-Musigny Chanson Père & Fils 1955 que j’ai apporté. Le nez de ce vin est magnifiquement bourguignon. La couleur est un peu trop noire à mon goût et je ressens en bouche une petite trace de torréfaction qui n’est pas cohérente avec le niveau dans la bouteille qui était parfait et avec le bouchon totalement sain. Aucun signe n’indique que le vin aurait eu un accident thermique. Malgré cette petite trace de café, le vin est superbe et l’accord avec le canard intelligemment cuit fait merveille.

Michael avait aussi apporté un Royal de Maria Riesling Winter Harvest Icewine 2008 titrant 11,5° ce qui est plutôt fort pour un vin de glace. Ce qui est amusant c’est que l’attaque du vin est très belle, joyeuse, chantante et entraînante, mais le finale est tellement marqué par de la réglisse qui aurait été brûlée que cela limite le plaisir.

Comme les magiciens qui ont plus d’un tour dans leur sac, Michael sort une petite fiole où il y a un whisky délicieusement tourbé de bel équilibre. Par bonheur mes trois complices ont un train à prendre et doivent quitter le restaurant précipitamment, sinon, je suis sûr que Michael aurait encore trouvé d’autres nectars dans ses poches.

La cuisine a été absolument superbe et Hidé sait que j’aime qu’elle soit simplifiée. Je n’ai jamais vu Hidé aussi contracté. Ça ne l’empêche pas d’être un hôte chaleureux et compétent.

A côté de nous un groupe de quatre septuagénaires devisait joyeusement. Je leur ai porté un verre du bourgogne et des restes des vins blancs de Michael. Je me suis assis à leur table et nous nous sommes mis à reconstruire le monde comme je le fais avec mes conscrits. Même dans un pays morose qui assiste impuissant à son déclin, on sait encore s’amuser à Paris.

Déjeuner à Paris mardi, 16 mai 2017

Le temps est incertain. Je vais déjeuner chez ma fille cadette. Mon intention était de venir avec un beau vin rouge mais l’exposé de son menu au téléphone m’en dissuade. Elle a prévu du tarama à l’oursin avec des blinis, des asperges blanches et des pâtes à l’encre de seiche.

Le Champagne Salon 1997 est d’une délicieuse grâce romantique. Il joue simple et grand. Prudent je m’étais dit qu’à deux, nous n’aurions jamais assez d’une bouteille aussi ai-je apporté un Champagne Salon 1996. Les deux sont très différents. Le 1997 joue sur sa grâce alors que le 1996 lisse ses moustaches et se campe bien droit sur ses bottes de mousquetaire qui protègent jusqu’au milieu des cuisses. Il y a le poète avec son luth et le guerrier. Alors, lequel préférer ?

Pourquoi ne pas décider, pour une fois, de ne pas choisir ? Ce sont deux Salon très différents, l’un gracieux l’autre conquérant, alors aimons les deux puisqu’ils ont chacun leur voie.

J’ai eu un petit faible pour le 1997 sans doute parce que le printemps pousse au romantisme.

On note la différence de taille et de formes des deux bouchons, le 1996 ayant été beaucoup plus dur à ouvrir