Impromptu 213ème dîner de wine-dinners au restaurant Le Gaigne jeudi, 27 avril 2017

Sur l’échelle d’internet, quinze ans, c’est comme un siècle. Au début des années 2000 j’écrivais sur un forum américain du vin et je me heurtais à une totale incompréhension du fait qu’un vin de 70 ans puisse avoir la vivacité d’un vin de 15 ans. Mais le côté agréable des forums, c’est les rencontres que l’on peut faire dans la « vraie » vie. Quand Ed de San Francisco s’est marié, il a voulu que son voyage de noces passe par l’un de mes dîners. C’était le 14ème. Quand Tim s’est installé à Paris, nous avons approfondi nos relations autour de belles bouteilles. Il y a quelques semaines, Tim m’annonce qu’Ed vient à Paris avec sa femme Lisa. Presque au même moment, Luc, un ami de toujours dont la sensibilité au vin est exceptionnelle souhaite que nous partagions de belles bouteilles. J’ai envie de combiner les deux propositions et nous nous retrouvons tous les quatre, car Lisa a dû repartir aux USA, au restaurant Le Gaigne du chef Mickaël Gaignon. Comme toujours dans ce genre d’évènement, c’est une débauche de générosité aussi nous apportons, Ed, Luc Tim et moi dix bouteilles pour quatre, sachant que nous avons tous dans nos musettes des bouteilles de secours.

Nous décidons de prendre le menu dégustation de Gaigne qui n’est pas fait pour nos vins, mais nous nous adapterons. Le menu est : dôme de petits pois de Saint-Rémy de Provence sur un sablé à la menthe, œuf en neige au raifort / gougère aux escargots de Poitou-Charentes en persillade, tombée de laitue et ail des ours, noix de cajou / grosses langoustines de Guilvinec juste poêlées, cannelloni farcis aux blettes et lardons puis gratinés, copeaux de radis et bisque / entrecôte de Charolaise poêlées, sauce aux morilles, jeunes carottes glacées / fromages de saison de la maison Quatrehomme, MOF / millefeuille de fraises Cléry des Alpilles et crème légère au basilic et poivre de maniguette, zest de citron vert.

Je suis arrivé avant 11h30 pour ouvrir les vins et j’ai bien fait car certains ont besoin d’un temps d’oxygénation lente pour se reconstituer. Tim avait déjà livré ses vins et Luc me rejoindra suffisamment tôt pour que j’ouvre ses belles bouteilles.

Le Champagne Waris & Chenayer blanc de blancs Avize 1969 de Luc est inconnu de la plupart d’entre nous et c’est une divine surprise. Sa couleur est très belle et jeune d’un or clair, sa bulle est active, et en bouche, c’est un festival. Ce qui m’impressionne c’est son acidité magiquement contrôlée. Il y a du citron, du miel opulent et une longueur quasi infinie avec un parcours en bouche virevoltant. C’est un magnifique champagne riche et généreux.

Le premier plat a des parties glacées qui ne sont pas idéales pour le Corton-Charlemagne Louis Latour 1969 de Tim. Ce vin est exceptionnel. Le parfum est imprégnant comme on ne pourrait pas l’imaginer et en bouche c’est une perfection absolue. C’est la définition parfaite du Corton Charlemagne gouleyant, riche et racé. Un immense vin qui n’a pas un gramme de défaut. On est en face du vin parfait.

Sur la gougère aux escargots nous avons deux Figeac dont le 1964 de bas niveau avait à l’ouverture une odeur poussiéreuse qui aurait pu être définitive. En fait, le Château Figeac 1964 a complètement perdu son odeur poussiéreuse. Il est un vin de soleil par comparaison au Château Figeac 1961 qui avait un niveau parfait et qui est une merveille de précision. Le 1964 est large et ensoleillé et le 1961 est droit, précis, riche, un vin de toute beauté. Les deux vins sont de Tim. C’est avec les escargots seuls que l’accord avec les deux Figeac, surtout le 1961, se trouve.

Les langoustines vont accompagner deux bordeaux. Le Château Gruaud Larose 1934 de Luc est un agréable bordeaux qui ferait notre bonheur, mais comme dans les bals de province où la beauté locale, que l’on verrait bien miss du département, éclipse toutes les autres jeunes filles, le Château Latour 1934 de Tim occupe tout l’espace de nos amours. Ce vin est d’une perfection absolue, au point que je me suis recueilli, oubliant tout autour de moi, pour capter le plus d’éléments possibles de son message. Ce vin est irréellement beau. D’un équilibre parfait, il est à la fois doux et vif, primesautier et sérieux. On ne peut pas imaginer qu’il ait le moindre défaut. Je suis totalement absorbé par sa perfection irréelle. C’est avec les cannelloni aux blettes que le vin s’exprime le mieux. Il est à noter que ce vin dont la bouteille avait un niveau parfait avait un bouchon collé au goulot, d’un liège léger et friable, qui est sorti en mille morceaux.

Le bœuf est délicieux. Le Bourgogne Réserve de la Chèvre Noire Charles d’Aubigney 1934 de Luc se présente dans une bouteille qui n’est pas bourguignonne et peu commune. Le vin est clairet, le nez est agréable. Je trouverai un infime goût de bouchon que mes amis ne percevront pas comme moi. C’est un beau bourgogne plaisant et très vif pour 1934. A côté de lui il y a un Chambertin Charles Viénot 1934 que j’ai acheté il y a peut-être trente ans lorsque Pierre Cardin a vendu une partie de la cave de Maxim’s lors d’enchères très médiatisées, en duplex entre Paris et New York. Le niveau dans la bouteille était bas à l’ouverture et le nez était d’un superbe fruit rouge. Le vin apparaît un peu torréfié avec des notes de caramel et de café, mais il reste suffisamment de l’âme bourguignonne pour que je me régale. Les morilles aident grandement ce vin à s’exprimer.

Sur le fromage, on sert le Château Chalon Jean Bourdy 1934 que j’ai apporté. Ce vin est exceptionnel. Il offre une fraîcheur qui fait que l’on lui donnerait vingt ans et non quatre fois plus. Son âge se montre sur la cohérence des goûts totalement intégrés. Il a de la noix et de la douceur. C’est évidemment sur le comté que l’accord est le plus brillant. La fluidité de ce vin est incroyable.

Comme je le fais souvent, je demande qu’on ouvre le Champagne Gosset Célébris Extra Brut 2002 d’Ed pour que l’on voie à quel point un vin jaune et un champagne se fécondent. Et c’est le cas. Le vin jaune élargit et fait briller le magnifique champagne dont la jeunesse nous séduit.

Au dessert, l’un des amis demande pourquoi ce repas ne figurerait pas parmi les repas de wine-dinners. Il y a dix vins ce qui rend ce repas éligible, à la condition que l’on vote. C’est ce que nous faisons. Tous les vins ont des votes sauf le Figeac 1964 qui avait souffert et le Gosset car il est bien jeune. Comme nous sommes quatre il n’y a que deux vins nommés premiers, le Latour 1934 trois fois et le champagne de 1969 une fois.

Le vote du consensus serait : 1 – Château Latour 1934, 2 – Champagne Waris & Chenayer blanc de blancs Avize 1969, 3 – Corton-Charlemagne Louis Latour 1969, 4 – Château Chalon Jean Bourdy 1934 , 5 – Chambertin Charles Viénot 1934, 6 – Château Figeac 1961.

Mon vote est : 1 – Château Latour 1934, 2 – Corton-Charlemagne Louis Latour 1969, 3 – Château Chalon Jean Bourdy 1934 , 4 – Chambertin Charles Viénot 1934.

Ce repas impromptu sera donc le 213ème dîner de wine-dinners à apports partagés. Nous avons bu des vins sublimes, dont certains sont d’une perfection absolue – c’est le cas des trois premiers de mon vote – et nous avons bénéficié d’un service très motivé. Le chef Mickaël Gaignon est venu nous saluer. Nous avons bavardé avec lui et on peut imaginer que lors de prochaines rencontres nous travaillerons plus les accords mets et vins pour faire de beaux événements. Qu’il est agréable de partager de grands vins avec des amis généreux.

Déjeuner au Yacht Club de France jeudi, 27 avril 2017

La lune accomplit son cycle en quatre semaines. Nos rendez-vous de conscrits suivent à peu près le même rythme. L’ami qui nous reçoit au Yacht Club de France a choisi pour thème les vins de Loire et les mets du même métal. L’apéritif pris dans la bibliothèque est toujours aussi copieux mais je l’ai trouvé moins inspiré que d’habitude. Si le carpaccio de bar et les cochonnailles sont sans reproche, le filet de sardine mariné au vin de Loire est un peu amer et les bouchées diverses sont un peu lourdes. Le Champagne Delamotte Brut est toujours superbe, champagne de belle soif.

Le menu composé par Thierry Le Luc et le chef Benoît Fleury est : les papillotes de l’estuaire / dos de brochet aux asperges, beurre nantais / pigeonneau, écrasé de petites pommes de terre de Noirmoutier / fromages de la Loire d’Eric Lefèbvre MOF / mini saint-honoré aux fraises nantaises. Nous avons donc navigué sur la Loire en un voyage de goûts qui s’est montré exceptionnel. Le brochet et le pigeon sont deux plats éblouissants et d’une extrême sensibilité. Il s’agit probablement des deux plats les plus aboutis et talentueux que nous ayons eus au Yacht Club de France.

Nous allons explorer des vins de Loire et je dois dire avec beaucoup d’humilité que des vins aussi jeunes sont difficiles à apprécier pour moi. Le Clos Romans Domaine des Roches Neuves Thierry Germain Saumur blanc 2015 est frais et agréable à boire car fluide. Le Trésor Muscadet Sèvre et Maine Edouard Massart sans année est du cépage melon de Bourgogne. Il est moins aérien que le Saumur. Le Muscadet Sèvre et Maine Domaine Clair Moreau Château Thébaud 2010 est assez agréable et le Clos de la Vieille Chaussée Edouard Massart Muscadet Sèvre et Maine 2013, lui aussi en melon de Bourgogne se comporte comme les autres vins c’est-à-dire que les différences entre eux sont peu significatives. Ils savent cependant bien accompagner les plats dont les originales papillotes de coques, de palourdes, de moules et d’anguille délicieuse.

Pour les vins rouges nous commençons par La Marginale Domaine des Roches Neuves Thierry Germain Saumur Champigny 2015 que je trouve fort à mon goût et qui se marie bien avec le délicieux pigeon cuit sous une feuille de chou qui lui donne une légère amertume idéale pour le vin rouge. Le deuxième rouge, Les Mémoires Domaine des Roches Neuves Thierry Germain Saumur Champigny 2015 parle moins à mon cœur car je préfère la densité de La Marginale.

Les fromages sont excellents et sur le dessert nous buvons un Quarts de Chaume Domaine des Baumard 2009 qui a tout pour lui, avec des évocations de litchi et fruits frais mais à qui il manque un quart de siècle pour le moins. Nous passons ensuite à un Champagne Joseph Perrier brut blanc de blancs Cuvée Royale sans année à la bulle forte qui est extrêmement agréable. Et comme s’il manquait encore de quoi alimenter nos discussions sur le premier tour de la présidentielle, la jolie et compétente Sabrina nous a apporté un Rhum Vieux Agricole Clément qui flatte nos papilles mais ne fera pas changer pour autant nos choix du deuxième tour de l’élection.

Les repas au Yacht Club de France sont des moments d’exception.

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Encore un dîner de famille jeudi, 27 avril 2017

Le lendemain de mon anniversaire, nous voulons être sages. Il y a un saumon fumé au programme. Je propose à mon fils champagne ou vin blanc et l’idée de changer un peu le séduit. J’ouvre un Meursault Bouchard Père & Fils 1962. Le verre de la bouteille est un peu ambré aussi le vin paraît-il ambré dans la bouteille. Dans le verre, même s’il est un peu foncé, il est infiniment plus clair. Le nez est pur, le vin affiche une acidité agréable et ce sont de beaux fruits d’été qui peuplent notre palais. Le vin n’est pas complexe, un peu monolithique dans son message, mais il est fort agréable. Mon fils est plus séduit que je ne le suis, à cause de la monotonie du message mais force est de constater que c’est un meursault vif, précis, de belle acidité et porteur de beaux fruits. Il est plus large sur du foie gras que sur le délicieux saumon très pâle mais bien gras.

J’ouvre ensuite un Champagne Krug Grande Cuvée Brut qui doit avoir entre 25 et 30 ans, sinon plus. C’est un champagne éblouissant. Il est complexe et tellement varié, car il est à la fois vineux mais aussi porteur de très beaux fruits. On se régale avec ce champagne profond, à la longueur extrême. J’aime toujours regarder comment cohabitent vins blancs et champagnes et les deux se fécondent. Le Krug donne de la largeur au meursault qui lui-même rend le champagne plus pétillant. Le champagne est évidemment d’une plus grande stature, mais le vin blanc se comporte bien.

Sur les fromages les accords se trouvent ou ne se trouvent pas, peu importe. Il reste un peu de la reine de Saba et un fond du Banyuls Grand Cru SIVIR 1929 d’un repas récent, qui a gardé un bouquet gourmand fait de café, de pruneau, de datte et de chocolat. L’accord est superbe.

L’énigme du bulletin 731 mardi, 25 avril 2017

Il arrive parfois que je propose une énigme dans un bulletin, avec des récompenses pour le plus rapide gagnant. Voici une nouvelle énigme pour ajouter un peu de piment à l’envoi des bulletins. Soyez rapide, l’enjeu le vaut !

Enigme du bulletin 731

Vous pouvez m’envoyer votre solution, en compétition avec tous ceux qui ont reçu directement  le bulletin 731 en étant dans la liste de diffusion.

Mais, par pitié, ne me répondez pas que 7 + 4 = 11 !!!

A vous de jouer

Nota : la photo n’est en aucun cas un indice. Le millésime finit par 11, c’est tout…

Repas de famille avec un Richebourg DRC 1956 lundi, 24 avril 2017

Le dimanche midi du jour du premier tour de l’élection présidentielle, nous allons fêter mon anniversaire en famille. Mes trois enfants sont là, ce qui est un cadeau rare et quatre des six petits-enfants. Il fait beau aussi fait-on des photos de famille dans le jardin. Sous le beau soleil nous buvons la suite du Champagne Krug 2000 en magnum qui est resté strictement dans le même état que la veille. Sa bulle est toujours active, il est aussi vif et cinglant. Il est d’une réelle aristocratie. Nous grignotons du saucisson, des gressins trempés dans un tarama à l’oursin, des copeaux de jambon et des viennoiseries préparées par une de mes petites-filles.

Prendre la suite du Krug pourrait être à haut risque pour un champagne mais le Champagne Philipponnat Clos des Goisses 1980 y arrive avec élégance. Ce champagne est tout en fruits délicats. Je connaissais ce 1980 qui est une grande réussite. Il est au rendez-vous avec plénitude, belle mâche et belle longueur. C’est un champagne ensoleillé et généreux qui se place bien après l’aristocrate Krug.

Nous passons à table où nous attend un gigot cuit à basse température depuis plus d’une journée, dans une marmite emplie de carottes et autres petits légumes. Le Vieux Château Certan Pomerol 1967 avait un niveau presque dans le goulot et son nez très pur m’avait conquis à l’ouverture. Le vin est d’une belle couleur rouge sang. Son nez est délicat et profond à la fois, pur et direct. En bouche c’est un pomerol savoureux, très archétypal. La truffe est là, avec un grain de toute beauté. Ce vin riche mais contenu est idéal.

Le vin qui suit est d’une toute autre espèce. J’ai dans ma cave plusieurs bouteilles de Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1956 et toutes ont des niveaux qui ont baissé. J’avais choisi la plus basse pour l’essayer avec mon fils seul, mais dans l’atmosphère familiale, j’ai pris le risque de servir ce vin pour tous mes enfants. Il a été ouvert trois heures avant qu’il ne soit bu. Le bouchon a sur sa surface sous la capsule une poussière noire qui ne sent pas la terre du domaine comme cela arrive souvent. Elle sent la poussière. Le bouchon est noir et sec, sans aucune exsudation graisseuse. Il est sec sur une moitié et d’un beau liège sur la moitié inférieure ce qui est encourageant. Le nez à l’ouverture est poussiéreux, mais tout indique que les choses vont s’améliorer. Et ce nez que je fais sentir à mon fils est tellement « continien » que nous sourions, ayant tous les deux le même espoir.

Au service maintenant la couleur du vin dans le verre est très claire, d’un rose sale, terreux, ce qui n’est pas très encourageant. A le voir, je crains que mes enfants, surtout mes filles, ne l’acceptent pas. Heureusement, il y a le parfum du vin. Ce vin est une explosion de roses d’abord, enivrantes, puis, c’est le sel de la Romanée Conti, cette signature si caractéristique, qui est là. Je sens bien sûr un peu de vieux, mais rose et sel sont tellement prégnants qu’on oublie tous les défauts. En bouche c’est la même chose. La rose et le sel, surtout le sel pour moi et surtout les roses pour mes filles, sont tellement agréables qu’ils font oublier que le vin est vieux. Je suis persuadé que beaucoup d’amateurs, à la vue du niveau de la bouteille et de la couleur dans le verre, auraient déclaré urbi et orbi que ce vin est mort. Le miracle est pour moi que mes trois enfants adorent ce vin, même ma fille dont on dit en se moquant qu’elle n’aime que les « vins de Ginette ». Quel beau cadeau pour moi de savoir que mes trois enfants ont adoré – ce qui veut dire ont compris – ce vin fragilisé mais porteur de tout ce qui fait l’âme de la Romanée Conti. A chaque gorgée je me dis « mon Dieu pourvu qu’ils comprennent » et chacun de leurs « oh » et de leurs « ah » me fait frissonner de bonheur. Car ce soldat de Richebourg, encore vaillant, se bat pour notre plaisir. Le fruit est sous-jacent dans le bouquet de rose et le finale est très pur. La viande et la semoule aux fleurs se font humbles pour que le vin soit en majesté. Communier en famille avec un vin fragile mais tellement porteur de l’âme de la Romanée Conti, c’est un instant de pur bonheur.

On me fait une farce car sur la reine de Saba les bougies que j’essaie de souffler ne s’éteignent jamais. Le fondant au chocolat et cette reine de Saba ont conclu ce repas illuminé par un Richebourg d’une extrême émotion. Il m’en reste. Trouvons vite des prétextes pour les ouvrir.

les bougies qui ne s’éteignent pas !

Deux dîners de famille dimanche, 23 avril 2017

Comme chaque mois, mon fils vient de Miami à Paris. Le premier dîner est toujours le même : jambon ou foie gras, au choix, fromages divers, et les meringues chocolatées que nous adorons depuis toujours, notamment à cause de leur nom, qui est un bel exemple du politiquement correct. Et je ne résiste pas à raconter l’anecdote de ma femme allant acheter les fameuses meringues. Elle va à la boulangerie et demande à une vendeuse : « avez-vous des merveilleux ? ». La vendeuse la regarde et va voir sa patronne, ne sachant de quoi il s’agit et la patronne, de loin, lui dit : « mais ce sont les têtes de nègre ». Depuis des années je m’insurge devant cette hypocrisie bienpensante qui a été d’ailleurs reprise dans un film récent « Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ». Revenons à nos moutons. Le Champagne Dom Ruinart 1990 est une institution. C’est une des plus grandes réussites de Dom Ruinart. La bouteille est belle, avec son étiquette noir et or. Le vin est très clair, la bulle est très active. Et la première et immédiate sensation est la fraîcheur. Ce champagne serein, élégant, brillant, de grande longueur est surtout « frais », champagne de belle soif, qui ne demande qu’une chose, qu’on en reprenne. Ce champagne d’une rare fraîcheur et d’une belle élégance est un vrai bonheur et l’on ne détaille pas ses composantes, tant il est heureusement intégré.

Il apparaît assez vite qu’il faut lui trouver une suite et ce sera un Champagne Selosse V.O. version originale, dégorgé le 2 mars 2007. Il est très ambré comparativement au Ruinart très clair bien que plus jeune et le premier contact me dérange. Il y a une acidité si prononcée que je ressens des accents de cidre plus que de champagne. Mais cette impression va se corriger très vite, et le champagne va s’épanouir pour devenir plaisant. C’est un champagne plus typé, voire fumé, vineux, plus blanc de blancs qu’à son ouverture, avec une belle râpe, qui va le rendre de plus en plus plaisant, sur un registre sans concession.

C’est Philippe Bourguignon, l’ancien directeur du restaurant Laurent qui, le premier je crois, a signalé l’accord champagne et camembert. Et j’avoue que je suis devenu un adepte de cet accord qui a marché particulièrement bien avec le Ruinart.

Le lendemain, ma fille cadette nous rejoint avec ses enfants et au dîner il y aura poulet. Ma fille arrive assez tôt dans l’après-midi et il est tentant de goûter ensemble le reste du Selosse. Il a grandi en intensité de façon spectaculaire. Nous sommes maintenant face à un très grand Selosse. Nous grignotons du saucisson, de la poutargue, du jambon en fines tranches, et très vite il faut trouver un remplaçant au V.O. de Selosse. Je regarde ce qui est au frais et comme demain ce sera mon anniversaire pourquoi ne pas faire une folie ? J’ouvre un Champagne Krug Vintage Magnum 1990 de la même année que le Dom Ruinart bu la veille. La bulle est très active et la couleur est très claire. La noblesse de ce champagne est exceptionnelle. Comme pour le Dom Ruinart 1990, on est à un stade d’accomplissement « naturellement » parfait. On pourrait ressentir des fleurs ou des fruits, mais pour moi, ce sont d’abord des fruits rouges, puis des fruits blancs et jaunes et seulement ensuite on pense au côté floral. Le tout est d’une distinction exceptionnelle. On est dans le raffinement absolu.

Le dîner consiste en un poulet bio avec deux purées de pommes de terre, dont une à la truffe. Il y a quatre heures j’avais ouvert une bouteille de Château Pape Clément 1929 au niveau à la limite basse de l’épaule. Le bouchon très noir et sec s’est cassé, et la première odeur très poussiéreuse n’excluait pas un retour à la vie. Mais au moment du service, même si le parfum montre un progrès très significatif, le vin est plat et n’a pas complètement dévêtu sa gangue de poussière. Il reviendra peut-être demain, laissons-lui cette chance, mais pour ce soir, le plaisir ne sera pas au rendez-vous, alors que la couleur du vin est très acceptable, n’affichant pas de tuilé.

J’ouvre pour compenser un Volnay Caillerets Premier Cru Ancienne Cuvée Carnot Bouchard Père & Fils 2009. Si l’on change de vin, autant prendre un vin résolument différent. Ce bourgogne dans la fraîcheur de son ouverture est du bonheur pur. Il est joyeux, spontané, il porte en lui toute l’âme de la Bourgogne avec une belle râpe. Ce vin n’est que du bonheur. Quel plaisir simple de boire ce vin franc, joyeux et bien fait. Il y a des vins plus complexes, mais celui-ci est d’un authenticité totale. Je l’adore.

Une tarte fine aux pommes finit le repas sans appeler un quelconque accord avec le champagne ou le vin rouge. Nous finirons demain le magnum de champagne pour mon anniversaire et nous verrons si la Pape Clément 1929 est capable de ressusciter. Je ne crois pas aux miracles, mais il faut donner une chance à tous les vins.

212ème dîner de wine-dinners au restaurant Akrame vendredi, 21 avril 2017

Le 212ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Akrame. J’étais venu déjeuner en ce lieu il y a quelques semaines pour étudier la cuisine du chef Akrame Benallal en insistant sur la nécessité de la cohérence des goûts présents dans les plats qui accompagnent les vins anciens. Autant ne pas laisser de place au suspense, pour un coup d’essai, Akrame a fait un coup de maître. Ce dîner fait partie des plus intelligents dîners que j’aie eu la chance d’organiser avec des chefs.

J’arrive au restaurant un peu avant 17 heures et je suis accueilli par Marion, sympathique, souriante qui se met immédiatement à ma disposition. Rapidement Yohann Vallade le directeur de salle nous rejoint, qui lui aussi est attentif à tous mes désirs. Je peux donc ouvrir les bouteilles et toutes les odeurs sont de belles promesses. Le Cos d’Estournel 1919 a un parfum de fruits rouges tellement généreux que je décide de mettre un bouchon pour conserver précieusement cette richesse olfactive. L’Yquem 1928 a un parfum si expressif que je le fais sentir à Laurie qui officie en cuisine afin qu’elle capte ces senteurs pour composer le dessert prévu sur ce vin et je le fais sentir à Akrame avec le même objectif. Tout se présente bien. Il ne me reste plus qu’à attendre mes convives.

Il y aura quatre couples autour de la table ce qui fait que nous serons neuf. Il y a six habitués et trois nouveaux. J’avais prévu que nous prendrions l’apéritif dans la jolie cour intérieure qui est devant l’entrée du restaurant mais le froid est vite tombé aussi l’apéritif se prend à notre table.

Les amuse-bouche sont : ananas fumé / cracker d’avocat kiwi / brioche tomate mimolette / papier végétal et anguille fumée. Le Champagne Bollinger Grande Année Magnum 1985 est d’une jolie couleur encore claire mais qui commence à s’ambrer. La bulle est très active et le champagne est extrêmement confortable. Il est franc, pâtissier, avec des évocations de beurre. L’ananas fumé est une entrée en matière très originale qui fait ressortir le miel du champagne. La brioche à la tomate est idéale pour le champagne qui s’embourgeoise. C’est à mon goût le papier végétal et l’anguille qui excitent le mieux ce beau champagne très consensuel. Une des convives regrette que dans sa famille on se soit débarrassé à vil prix de champagnes anciens, car on croyait qu’un champagne ancien n’a aucun intérêt. Sa famille n’est pas la seule à avoir commis une telle erreur.

Le menu mis au point avec le chef Akrame Benallal et réalisé par lui avec son équipe est : L’iode : caviar, huître et feuille d’argent / Le fond marin : homard poché minute et jus de homard / La mer : bar animal et sa peau / L’oiseau : pigeon au vadouvan / La terre : bœuf et beurre de cacao sauce betterave / Le plaisir sucré : nuage de mangue et orange confite, fleur de souci. J’ai rarement vécu un dîner avec une telle lisibilité des plats. La mise au point que nous avions faite avec le chef a donné des résultats spectaculaires, grâce à son talent.

Le caviar au gros grain gris est très doux et c’est l’huître qui apporte l’iode qui se confronte au Champagne Krug 1982. Ce champagne est un guerrier. Il est vif, explosif, conquérant. C’est un très grand champagne que j’adore mais qui passe assez difficilement après le caractère tranquille et bienveillant du Bollinger. Il aurait fallu peut-être un plat plus riche pour que le Krug se batte avec des saveurs qui s’opposent à lui. Mais l’accord de l’huître avec le Krug est magnifique si l’on accepte la vivacité du Krug.

Le homard arrive cru dans un petit vase en verre et Akrame verse un bouillon qui va lentement cuire le crustacé. Lorsque le homard à peine cuit est posé sur la réduction, on nous sert les deux vins blancs. Le Château Haut-Brion blanc 1960 crée ce moment magique où tout le monde se demande comment un vin blanc de 56 ans peut avoir une telle énergie. C’est assez fascinant et si la chair du homard est divinement tendre car elle cuite avec une exactitude absolue, c’est la réduction faite avec des éléments de chair et de carcasse qui crée un accord stupéfiant avec le vin de Graves.

Le Corton Charlemagne Bonneau du Martray 1989 a un nez très franc et direct, envahissant et charmeur. En bouche, c’est le « gendre idéal ». Il est tellement intégré, lisible, construit et attendu que c’est un régal mais ce n’est pas lui qui crée l’accord avec le homard, c’est le Haut-Brion.

Le bar est associé à deux bordeaux et il deviendra tout à fait naturel pour tout le monde qu’un poisson puisse se marier avec des vins rouges. Le Château Certan de May de Certan Pomerol 1955 a une couleur de vin jeune exceptionnel. C’est un rouge-sang opulent. En bouche le vin est d’une mâche parfaite. Je sens en lui de la truffe que l’on croque. Akrame a fait pour le bar une sauce viande qui crée un accord naturel avec le pomerol.

Le Cos d’Estournel Saint-Estèphe 1919 qui avait à l’ouverture un fort parfum de fruits rouges l’a toujours. La couleur du vin est moins nette et plus rose. En bouche, il faut se concentrer pour bien saisir les nuances de ce vin subtil et tout en finesse. Il sait aussi être charmeur avec du velours bien esquissé et je suis content car mes convives ont su comprendre ce vin au point de lui donner des votes généreux. C’est lui qui sera nommé premier le plus grand nombre de fois. L’association du bar et aussi de la peau craquante est naturelle avec ces deux vins. C’est un grand moment.

Nous allons quitter maintenant les couples de vins, chacun des suivants apparaissant seul sur un plat. Le Beaune-Grèves Vigne de l’Enfant Jésus Bouchard Père & Fils 1988 est associé à un pigeon expressif et tendre mais aussi fort en goût. Le Beaune est si jeune mais déjà si brillant. Tout en lui est confort et le vin se fortifie au sang du pigeon. C’est de la gourmandise pure.

Le Chambertin Bouchard Père & Fils 1971 est associé à un bœuf magistral. Celui qui l’a préparé est venu nous en parler. C’est un bœuf français maturé 32 jours, au goût profond, imprégnant et avec le chambertin si féminin, jouant sur la luxure l’accord est d’une pertinence rare. Le vin entoure la viande de ses sept voiles et la dompte au point qu’elle fond en bouche délicieusement. Les notes de chocolat et de betterave, juste suggérées, ajoutent au plaisir de ce vin d’un équilibre rare. Ça paraît si naturel qu’un vin de 46 ans paraisse en avoir moins de 20.

La mangue et son orange amère confite est un plat absolument idéal pour un vin légendaire, le Château d’Yquem 1928. Ce vin a son bouchon d’origine, parfait, et le goût de mangue et de fruits exotiques est d’une pureté absolue. Je serai le seul à le mettre premier dans mon vote, car j’ai un indéfectible amour des sauternes quand ils sont parfaits. Ce vin est de l’or fondu qui coule dans le gosier.

Autant j’avais demandé à Akrame que pour l’Yquem le dessert ne soit pas un dessert mais un goût, c’est-à-dire que le goût doit l’emporter sur la « façon », autant pour le Banyuls Grand Cru SIVIR 1929 j’ai suggéré qu’on se lâche et qu’on abuse des gourmandises, ce qui donne ces après-desserts : dattes Medjoul / pâte d’amande – café réglisse / pruneaux – truffe chocolat, truffe blanche / figue confite – oseille. Le Banyuls a vieilli en fût 71 ans et a été mis en bouteille en 2000. Il est extraordinaire car il a des saveurs infinies de pruneaux, de chocolat, de vin cuit. C’est un régal de jouissance et nous croquons les mignardises avec envie malgré un repas très copieux.

C’est le moment des votes. Nous sommes neuf à voter pour nos quatre préférés parmi les dix vins. Le vote est très difficile et va nous montrer une fois de plus à quel point nos goûts sont différents. Tous les vins figurent dans au moins un vote sauf un, le Corton Charlemagne qui est pourtant un très grand vin, mais c’est celui qui est le moins déroutant alors on l’oublie dans les votes. Cinq vins ont eu l’honneur d’être nommés premiers, le Cos d’Estournel 1919 trois fois, le Haut-Brion blanc 1960 et le Chambertin 1971 deux fois chacun et le Château Certan 1955 et l’Yquem 1928 une fois chacun. Tous les votes sont différents et mon vote est très différent de celui du consensus.

Le vote du consensus, compilant les votes de chacun donne : 1 – Château Haut-Brion blanc 1960, 2 – Cos d’Estournel Saint-Estèphe 1919, 3 – Chambertin Bouchard Père & Fils 1971, 4 – Château Certan de May de Certan Pomerol 1955, 5 – Château d’Yquem 1928, 6 – Champagne Bollinger Grande Année Magnum 1985.

Mon vote est : 1 – Château d’Yquem 1928, 2 – Château Certan de May de Certan Pomerol 1955, 3 – Chambertin Bouchard Père & Fils 1971, 4 – Château Haut-Brion blanc 1960.

Il est très difficile de désigner un accord qui serait le meilleur, car tous ont été d’une pertinence parfaite. Le homard a collé au Haut-Brion grâce au jus de homard, le bar a été divin pour le pomerol, la viande de bœuf a idéalement épousé le Chambertin 1971 et comme je suis un amoureux d’Yquem, j’ai applaudi l’accord avec la mangue, sublimé par la trace d’orange amère confite. Du génie.

L’ambiance était souriante. Akrame a goûté tous les vins, nous l’avons félicité à chaque plat pour la pertinence de sa cuisine orientée vers le goût majeur du plat. Yohann a fait un service parfait, Laurie a fait une cuisine épurée, de talent, sous l’inspiration d’Akrame.

Merci Akrame d’avoir accepté mes suggestions insistantes qui ont permis un repas d’anthologie. Tous les ingrédients sont là pour que l’on recommence au plus vite.

tous les bouchons dans l’ordre de service des vins de gauche à droite et de haut en bas

la cour du 7 de la rue Tronchet et l’entrée et le chef sur bois peint

l’entrée, c’est là

le chef c’est lui !

les plats. Hélas j’ai oublié de photographier le bar et sa peau

les verres en fin de repas

Le chef fait toujours un croquis qui explique ses recettes. Voici le menu

l’incroyable diversité des votes

Déjeuner au restaurant Laurent mercredi, 19 avril 2017

Nous envisageons avec mon ami Tomo que j’organise un dîner au Japon à l’occasion d’une tournée annuelle à Tokyo du chef et du directeur de son restaurant Garance. Pour cela, bien sûr, il faut en parler en déjeunant. Nous nous retrouvons au restaurant Laurent avec l’espoir de déjeuner dans le jardin, mais un rafraîchissement des températures après une période caniculaire nous oblige d’être à l’intérieur du restaurant. J’arrive en avance pour ouvrir mes vins et qui vois-je au seuil, Christian de Billy, qui va participer à un déjeuner de l’académie des gastronomes, congrégation fondée il y a près d’un siècle par Curnonsky, le prince des gastronomes. Il est rapidement rejoint par d’autres membres et au lieu d’ouvrir mes vins, je bavarde avec les arrivants. J’ouvre toutefois mes vins dont les parfums sont à se damner.

Tomo arrive et je le présente aux académiciens que je connais .Christian de Billy me tend un verre du Champagne Pol Roger sans année que je trouve particulièrement agréable, frais et typé, ce qui est ce qu’on lui demande. Nous passons à table. Le Champagne Krug Clos du Mesnil 1985 de Tomo est d’une couleur très ambrée pour son âge. Aux premières gorgées on sent l’acidité et un manque évident de volume. Nous commandons l’un et l’autre le même menu à la carte : des morilles en entrée pour le Clos du Mesnil , un pigeon pour mon vin rouge et un soufflé pour le liquoreux que j’ai apporté.

La cuisine d’Alain Pégouret est toujours aussi appréciée mais à la carte elle n’est pas orientée vers les vins. Car morilles et asperges qui peuvent s’associer pour un plat ne font pas bon ménage pour les vins et le pigeon ne se conçoit que sans sauce si l’on veut profiter du vin. Mais nous sommes capables de faire le tri et cette cuisine nous ravit.

Le Champagne Krug Clos du Mesnil 1985 connaît avec les morilles une résurrection spectaculaire, comme cela se produirait avec un vin jaune. L’acidité disparaît, le vin retrouve du volume et de la largeur et nous avons devant nous ce qui fait la gloire de cette cuvée miraculeuse du champagne Krug. Ce vin est immense, et la morille prend une mâche gourmande à son contact, titillée par la belle bulle vive et cinglante.

Lorsque j’ai ouvert le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1981, son parfum m’a enthousiasmé. Si l’on veut savoir ce qu’est l’âme de la Romanée Conti, il suffit de sentir ce vin-là. Le niveau était superbe ainsi que la couleur. Au moment où nous le sentons ensemble, Tomo et moi, nous nous regardons car nous savons que nous sommes en face de ce qui fait que la Romanée Conti jouit d’une telle aura. Ce vin est l’archétype des vins du domaine et aussi la signature de la Bourgogne. Il y a tout dans ce vin, la discrétion, la politesse, l’énergie, la salinité, la gourmandise bien contrôlée. Quel bonheur. Avec le pigeon, surtout la cuisse avec la peau, le vin est un régal. J’en verse un verre à Ghislain, le si aimable sommelier, pour qu’il en profite et aussi à un journaliste qui déjeune à la table voisine avec une vigneronne champenoise. Ce vin est un régal, d’un équilibre parfait sans une ombre d’exagération. C’est un velours mais qui n’est pas sensuel. Il est dans la dignité. Et son côté salin le rend gastronomique.

Comme il reste du vin et du champagne nous prenons un saint-nectaire pour le Richebourg et un Reblochon pour le Krug qui créent de beaux mariages.

Tomo a apporté un Suntory Tomi No Oka Winery Tomi 2003 Noble d’Or. A l’aveugle je suis bien incapable de trouver d’où il vient. Ce vin doux et liquoreux est fortement typé réglisse et évoque un peu les vins de Chypre. Il ne titre que 9° mais il est puissant. Pour le soufflé il vaut mieux prendre le Château d’Yquem 1981 en demi-bouteille que j’ai apporté, vin fort agréable et joyeux, très caractéristique d’Yquem mais à qui il manque vingt ans pour que nous nous pâmions. Il a trente-six ans mais je ne peux pas m’y faire, c’est trop jeune pour moi.

Nous avons défini un programme japonais qui était l’objet du déjeuner et nous avons rejoint les solides gastronomes après leur banquet. Ces académiciens sont insatiables car nous avons trinqué avec un Cognac Alfred Morton Family Reserve extrêmement agréable, avec un caramel bien contrôlé qui m’a rappelé des cognacs Hardy centenaires qui ont enchanté ma jeunesse.

Il se passe toujours quelque chose au restaurant Laurent.

Deux vins sublimes dans le sud samedi, 15 avril 2017

Dans le sud, notre fille cadette vient nous rejoindre pour Pâques. Elle est d’humeur, comme moi, à boire bien. J’ouvre un Champagne Dom Pérignon 1983. Le pschitt est très sensible à l’ouverture du bouchon. Dans des verres à vins de bonne dimension le parfum qui s’exhale est d’une puissance et d’un charme qui surprennent. La couleur du champagne est d’un ambre presque rose, évoquant un peu la peau d’une pêche dorée. En bouche, le premier contact est comme un coup de massue. Je m’attendais à du grand et je suis face à de l’exceptionnel. Il a un charme et un romantisme qui sont confondants. Mais il a aussi de la puissance, des fruits rouges esquissés, et la douceur de confitures de fruits rouges. C’est le premier contact. Ensuite le charme, le romantisme et la douceur s’installent. On est face à un champagne de pur plaisir. Ce n’est que plus tard qu’apparaîtra le caractère vineux. Chaque gorgée de ce champagne est vécue comme un cadeau que nous fait la nature.

La poutargue est ce qui convient le mieux à ce champagne plus que l’anchoïade et la tapenade. On se régale. C’est amusant qu’à la première gorgée nous nous sommes regardés, ma fille et moi, avec une connivence qui signifiait le privilège de boire un champagne aussi accompli et parfait.

Pour le gigot d’agneau bio cuit à basse température et accompagné d’une semoule aux fleurs fraîches, j’ouvre au dernier moment une Côte Rôtie La Mouline Guigal 1996. Le niveau est si haut dans la bouteille qu’en tirant le bouchon, la dépression fait gicler du vin. La couleur du vin est foncée, presque noire. Le nez est intense et puissant, comme un vin de l’année. En bouche, le vin combine étonnamment la puissance et la fluidité. Le vin est fort mais frais. Il est d’une précision diabolique et nous sommes d’avis, ma fille et moi que les deux vins de ce repas sont des 100 points Parker, si l’on veut par-là exprimer qu’ils sont parfaits. Et cela bouscule beaucoup d’idées reçues, car la Mouline a plus de vingt ans et a la puissance d’un vin de cinq ans tout en ayant le velours et le charme d’un vin de quarante ans. Il reste un peu des deux vins à vérifier demain. Mais la fraîcheur, le charme et l’équilibre des deux vins de ce soir sont confondants.

Le lendemain, sur des coquilles Saint-Jacques, le champagne qui a perdu un peu de bulles, est toujours aussi glorieux et joyeux. Les fruits évoqués sont jaunes, la noix est présente mais c’est dû à la coquille et le caractère vineux est plus prononcé. Toujours puissant et de belle longueur ce champagne est hors normes. Sur les coraux des coquilles, la Côte Rôtie est puissante. Elle n’a plus la même vivacité mais elle a l’ampleur d’un grand vin, créant un accord divin avec les coraux. Ce qui me plait beaucoup, c’est qu’apparaît en fin de bouteille la fraîcheur mentholée que j’aime tant. Un vin puissant, aux accents de garrigue, qui dans le finale offre tant de fraîcheur mentholée, que demander de plus ? On est au ciel.