Master Class « 25 ans de Carte Jaune en Magnum, surprise pour les 10 ans du Grand Tasting » vendredi, 4 décembre 2015

Addition payée au restaurant de l’hôtel Meurice, je repars vite au Grand Tasting pour assister à la Master Class « 25 ans de Carte Jaune en Magnum, surprise pour les 10 ans du Grand Tasting ». La présentation est faite par Dominique Demarville, chef de cave de Veuve Clicquot et Pierre Casenave, responsable développement et innovation de cette maison de champagne. J’ai l’honneur d’être à la table des présentateurs en même temps que Michel Bettane.

Le concept de Carte Jaune est apparu en 1874. Les vins très sucrés de la maison se présentaient toujours avec une étiquette blanche et une étiquette jaune a été créée pour différencier les vins secs. Dans l’esprit de ce vin d’assemblage de plusieurs années, la proportion est de 52 à 55% de pinot noir, de 18 à 20% de pinot meunier et le reste est en chardonnay. Ce qui est visé depuis 1874 c’est de proposer aux clients une constance de style, année après année, en jouant sur 5 à 8 années qui sont utilisées. La collection de vins de réserve est importante et le plus vieux vins de réserve est 1988, non totalement utilisé car ses propriétés sont remarquables.

Le Champagne Veuve Clicquot Carte Jaune magnum base 2009 est le vin qui se vend actuellement. Il comprend 56% de pinot noir, 18% de pinot meunier et 29% de chardonnay, ce qui, on en conviendra, est d’une arithmétique généreuse ! Il y a 36% de vins de réserve s’étalant sur les années 2008 jusqu’à 2000 et le reste, la base, est du 2009. Le dosage est fait à 10 g/litre. Le vin a été dégorgé en janvier 2015. Le nez est de noix, toasté. La bouche est fluide, avec un peu de noisettes. On sent le beurre, le toasté et un peu de fumé. L’amertume dans le finale est jolie. Ce champagne est gourmand.

Le Champagne Veuve Clicquot Carte Jaune magnum base 2004 comprend 52,5% de pinot noir, 19% de pinot meunier et 28,5% de chardonnay ce qui nous ramène à une arithmétique plus terrienne. Il y a 22% de vins de réserve, de 2003 à 1999. Le nez est magique. Il est large et joyeux. La bouche est fraîche. Il y a une belle fluidité en milieu de bouche. Le finale est un peu court. Le vin dégorgé en 2010 est d’une jeunesse folle et va gagner énormément avec le temps. Il a des fruits mûrs, des épices et des notes grillées.

Le Champagne Veuve Clicquot Carte Jaune magnum base 1995 comprend 55% de pinot noir, 16% de pinot meunier et 29% de chardonnay. Il y a 39% de vins de réserve s’étalant sur les années 1994 jusqu’à 1988. Il a été dégorgé en 2003. Le nez de ce vin est encore plus intense. Il est vineux, l’attaque est fraîche et le finale est d’une finesse rare. C’est un vin grandiose. Il y a les épices, le goût toasté, ce qui montre la constance du goût maison, et il est très tranchant ce qui fait qu’on ne sent pas le dosage.

Le Champagne Veuve Clicquot Carte Jaune magnum base 1990 comprend 57% de pinot noir, 13% de pinot meunier et 30% de chardonnay. Il y a 28% de vins de réserve s’étalant sur les années 1989 jusqu’à 1987. Il a été dégorgé en 2003. Le nez est follement toasté. L’attaque est fraîche encore une fois. Il y a du beurre, du toast et du fumé. Le finale est frais et noble, encore plus noble que l’attaque. C’est un vin de fraîcheur.

Dominique Demarville a voulu faire un cadeau pour les 10 ans du Grand Tasting et présente un vin mystère. La couleur est à peine plus dorée que les précédents mais le nez est incroyablement plus raffiné. Lui aussi a été dégorgé en 2003. Il y a des notes de citron, et une fraîcheur mentholée pour la première fois. Le style est boisé. On sent un peu de champignons, de belles épices, et c’est une bombe aromatique. Tout le monde se trompe d’année dans les réponses qui émanent de la salle ou de la table. Qui imaginerait que c’est un Champagne Veuve Clicquot Carte Jaune magnum base 1953 qui comprend 50% de pinot noir, 17% de pinot meunier et 33% de chardonnay ? Il y a 33% de vins de réserve. Ce vin est d’une grande jeunesse et d’une persistance aromatique extrême.

Quand on voit dans cette dégustation que chaque année plus ancienne est meilleure que les précédentes et quand on constate que la plus ancienne est de loin la plus spectaculaire, comment se fait-il qu’il n’y ait pas un appel pour que l’on boive les champagnes beaucoup plus tard. On sait que l’on en est dissuadé par des contraintes de stockage et des questions financières, mais quelle grande démonstration de l’apport inégalable de l’âge sur la valeur des grands champagnes.

Grand Tasting au Carrousel du Louvre débuts et déjeuner à l’hôtel Meurice vendredi, 4 décembre 2015

La séance de l’académie des vins anciens de fin d’année est traditionnellement placée la veille de l’ouverture du Grand Tasting, afin de permettre aux amateurs qui voudraient profiter des deux événements de le faire, même s’ils habitent en province.

C’est donc de bon matin, le lendemain de la 25ème séance de l’académie, que je me rends au Grand Tasting au Carrousel du Louvre. La générosité de Michel Bettane et Thierry Desseauve me permet de me rendre aux événements de mon choix. Une Master Class « le Génie du Champagne » offre de goûter des champagnes de plusieurs grandes maisons. Mais un déjeuner prévu de longue date ne me laisse que le temps de goûter deux des quatre présentés.

Le Champagne Louis Roederer Cuvée Cristal 2002 est l’assemblage de vins de 45 parcelles. Il a été dégorgé en 2008. Il a un nez de noix. En bouche on note la brioche, l’amande, et Jean-Baptiste Lecaillon, l’homme qui fait ce vin dit que l’on mâche la poudre de craie de la Champagne. Ce vin opulent est gratifiant.

Avant de m’éclipser, je goûte le Champagne Pol Roger Cuvée Winston Churchill 2004 qui contraste avec le précédent. Il a une vivacité extrême, vin qui fuse comme une balle de fusil alors que le Roederer est plus gentilhomme.

Je marche vite vers le restaurant gastronomique de l’Hôtel Meurice car j’ai rendez-vous avec un vigneron et son épouse à 12h30. Le cadre du restaurant est magique, avec des marbres blancs et gris de toute beauté et des peintures qui suggèrent les repas plaisants du 18ème siècle galant. Je suis reconnu par le maître d’hôtel, et comme mes SMS, Whatsapp et autres mails restent sans réponse, après 13 heures je décide de déjeuner seul, et à l’eau. Les prix à la carte sont dissuasifs aussi mon choix est-il le menu du déjeuner ainsi composé : huître, racine au gros sel / légumes et fruits / bar, fenouil, riquette / camembert / vacherin aux agrumes / fruits et sorbets / mignardises. Une fois la commande passée, un message me confirme que nous nous sommes mal compris sur le jour de notre rendez-vous.

La restauration étant gérée par Alain Ducasse, on retrouve son style, qui a tendance à surjouer. Par exemple, si on demande de l’eau à une charmante serveuse, elle retransmet au maître d’hôtel, qui retransmet au chef sommelier, qui retransmet à son adjoint. Je caricature bien sûr mais pendant ce repas à l’eau j’ai quémandé de l’eau au moins cinq fois avant d’en être servi. Il faut dire que selon une particularité que j’avais trouvée aussi au restaurant Paloma à Mougins, on pose sur table des verres à eau bariolés ou colorés qui font qu’aucun sommelier ne peut voir si le verre est plein ou vide. Ils ne sont pas les seuls restaurants dans ce cas. Alors, on passe son temps à faire des gestes pour que quelqu’un prenne conscience que l’on a envie d’être servi.

L’huître arrive quasiment tiède ce qui laisse l’impression que le plat a été stocké en attente dans un lieu trop chaud. Je le signale à la charmante serveuse qui me dit que c’est voulu. Je lui fais remarquer que si on me l’avait dit, mon appréhension du plat eût été toute autre. On me sert ensuite une autre préparation d’huître fraîche et bien iodée qui est un régal. L’attention est charmante.

Un deuxième amuse-bouche arrive dans une sorte de réchaud. Sur une clayette à mi-hauteur, entre des blocs compacts de sel d’Himalaya d’un joli rose, des légumes variés cuits à la vapeur sont disposés. On les prend avec une minuscule fourchette peu pratique et on peut les tremper dans un bol d’une délicieuse sauce. Ce plat me ravit car il est ingénieux. Quel dommage que les navets soient trop amers.

Vient ensuite une assiette de légumes qui sent fort bon. Je demande si l’on ne s’est pas trompé. Mais non, le premier service était un amuse-bouche et celui-ci est une entrée. Les légumes sont goûteux mais il y a ici ou là et dans la sauce une amertume qui vient parasiter le plat.

Le bar est délicieux, et la peau est croquante à souhait et je me réjouis, mais il y a dans les légumes une acidité et une amertume marquantes. Alors, est-ce un parti pris du chef d’imposer à chaque plat sa dose d’amertume et d’acidité. Si c’est le cas, là aussi, l’expliquer serait apprécié.

J’avais eu la chance de rencontrer il y a quelques mois le chef pâtissier de l’hôtel Meurice qui a un talent remarquable. M’étant signalé, il est venu me saluer et a ajouté un dessert supplémentaire. Les deux desserts subtils et gourmands, aux saveurs claires m’ont ravi.

Il est certain que lorsqu’on est seul à table, sans personne à qui parler, on remarque des détails qui passeraient inaperçus en temps normal. Dans un cadre aussi prestigieux, le service gagnerait à être moins pompeux et plus efficace. Pour la cuisine je ne me prononce pas, car j’aimerais savoir si ces amertumes sont voulues.

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pour la dégustation, la maison Roederer avait apporté ses propres verres ! Chapeau

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à l’hôtel Meurice, ma table, proche d’une fenêtre était inondée de soleil, ce qui fait des ombres sur les photos

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25ème séance de l’académie des vins anciens au restaurant Macéo jeudi, 3 décembre 2015

La 25ème séance de l’académie des vins anciens se tient au restaurant Macéo. Nous serons quarante académiciens et il y aura 57 vins apportés par les membres. Nous serons répartis en trois tables, chacune goûtant de 18 à 20 vins.

Dès 15h30 je suis à pied d’œuvre au restaurant pour ouvrir les vins . Ils ont été rangés dans ma cave après la séance de photos et classés dans six caisses. J’ai apporté par ailleurs huit paniers de 16 verres, soit 128 verres Riedel pour compléter l’apport du restaurant et avoir suffisamment de verres sur table. Au moment où j’ai fini de déballer les vins et de les ranger sur le comptoir du bar dans leur ordre de service, un ami, qui m’avait prévenu, arrive pour m’aider, mais aussi pour soutenir le moral du travailleur. Il sort de son sac, devinez quoi, un Champagne Dom Pérignon 1959. Voilà de quoi décupler mon énergie.

La bouteille de niveau bas est à peu près à moitié pleine, le bouchon sort facilement et sent bon. La couleur du vin est sans défaut. Le nez est avenant et le vin commence par être amer. Marc Williamson, le propriétaire du restaurant à qui je fais goûter le vin, n’est pas très convaincu. Mais le vin s’aère, s’étend, et devient splendide. Quel bonheur de goûter ce champagne à la fois doux et vif, velouté et profond, à la forte trace aromatique. Il y a des fruits un peu compotés et charmants.

Un autre ami nous rejoint assez vite et lui aussi a apporté le réconfort du soldat. C’est un Vin de Savoie Abymes Domaine de Termont probablement de 1968 car la bouteille correspond à celle qui fut utilisée pour les Jeux Olympiques de 1968. Il est assez difficile pour ce vin d’apparaître après le si joli Dom Pérignon. Le vin est buvable mais assez plat. C’est plus une évocation de vin de Savoie qu’un vrai plaisir.

Quelques bouteilles n’avaient pas été livrées et arrivent au dernier moment, ce qui ne devrait pas se produire. Elles sont ouvertes. Au cours de ces opérations de débouchage il y a classiquement des bouchons qui se brisent en mille morceaux et quelques uns qui plongent dans le liquide au moment où le tirebouchon veut se piquer. Il faut alors carafer le vin et enlever le bouchon pour que le vin reprenne sa place dans la bouteille.

L’apéritif se prend debout. Une bouteille de Champagne Charles Heidsieck mis en cave en 1997 n’a plus de bulle et le vin est passé. Deux autres sont superbes, leur vin agréable et fluide se buvant comme un vin de soif. Le Champagne François Giraux Brut sans Année est un peu plus dosé, plus carré. C’est un champagne sans histoire. A l’inverse, le Champagne Palmer & Cie Blanc de Blancs 1985 est d’un vivacité extrême. C’est un champagne qui exprime la joie de vivre, de belle facture.

Nous passons à table. La mienne est la table 1. Les vins sont listés ici, y compris les champagnes d’apéritif.

Groupe 1 : Champagne Charles Heidsieck mis en cave en 1997, Champagne Legras et Haas Exigence n° 8 Grand Cru Vieilles Vignes base 2009, Champagne Dom Pérignon 1966, domaine de la Trappe de Staouëli Grande Réserve vin fin rosé Alger 1957, Côtes du Jura Fruitière Vinicole de Voiteur 1959, Frédéric Lung blanc Algérie 1947, Château La Mission Haut-Brion 1936, Château Ducru Beaucaillou 1934, Château Léoville Poyferré 1929, Morgon Namun de Marcy 1961, Bogeda Lagarde Cabernet Sauvignon Reserve , Mendoza Argentine 1974, F. Lung Frédéric Lung rouge Alger 1942, Vin d’Inde York Shiraz 2012, Vin d’Inde Grover Vineyard cabernet Shiraz 2011, Cérons 1919, Chateau du Breuil Coteaux du Layon 1953, Sauternes 1931, Maury Grenache Fruitière Vinicole de Maury 1960 #, Maurydoré Paule de Volontat magnum 1948.

Groupe 2 : Champagne Charles Heidsieck mis en cave en 1997, Champagne Legras et Haas Chouilly Grand Cru Blanc de Blancs ss A, Champagne Palmer & Cie Blanc de Blancs 1985, Muscadet Sèvre et Maine Marcel Sautejeau 1961, Château Carbonnieux blanc Léognan 1961, Y d’Yquem Graves blanc 1966, Château Du Breuil Haut Médoc 1967, Château Moulin De Biguey St Emilion 1961, Château Pichon Longueville Baron 1/2 bt 1956, Château Pichon Longueville Baron 1/2 bt 1956, Château La Louvière 1ères Graves Léognan Daniel Sanders 1937, Château Pichon Longueville Baron 1985, Châteauneuf-du-Pape Léonce Amouroux Neg. 1969, Châteauneuf du Pape Armand Girardin 1953, Châteauneuf-du-Pape Château Fortia Tête de Cru 1985, Château Vannières Bandol 1985, Château Mayne Bert Haut Barsac 1939, Château Suduiraut 1924, Maurydoré Paule de Volontat magnum 1948.

Groupe 3 : Champagne Charles Heidsieck mis en cave en 1997, Champagne François Giraux Brut ss A, Champagne Pol Roger Chardonnay 1996, Muscadet Sèvre et Maine Marcel Sautejeau 1961, Batard-Montrachet Alexis Lichine Neg. 1969, Château Lynch Bages 1948, Château Lynch Bages 1978, Château Léoville Poyferré 1966, Château Léoville Las Cases 1922, Château Figeac 1967, Château Pichon Longueville Baron 1985, Château Pichon Longueville Comtesse de Lalande 1955, Domaine des Justices Bordeaux Supérieur René Médeville 1950, Monthélie 1er cru Roger Rossignol 1965, Clos vougeot Club français du Vin à Bordeaux année supposée 1949, Fleurie Albert Bichot 1949, Vouvray Moelleux Domaine Allias 1970, Château Climens 1973, Massandra 1945, Maurydoré Paule de Volontat magnum 1948.

Le menu composé par le chef du Macéo est : tartare de Saint-Jacques / déclinaison de carottes et gingembre / pavé de bar nacré à l’ail doux / bœuf du Bourbonnais confit au jus, mousseline de pommes de terre et sauce Périgueux / fromages apportés par des membres / millefeuille au chocolat tendre / clémentines caramélisées en vacherin.

Devant m’occuper de l’organisation de cet événement et faire honneur à mes convives de table, je n’ai pris aucune note. Les impressions seront donc sommaires. Ces écrits essaieront de retracer mes émotions.

Le Champagne Legras et Haas Exigence n° 8 Grand Cru Vieilles Vignes base 2009 est fait de huit millésimes différents. Il a un nez étonnamment puissant. Il est rond, solide et très convaincant.

Le Champagne Dom Pérignon 1966 est un bonheur. Celui qui l’a apporté savait que j’adore ce champagne, l’un des plus expressifs et émouvants des Dom Pérignon. Il y a dans ce 1966 toute la noblesse de Dom Pérignon, avec un beau fruit, une belle empreinte, une jolie amertume et une grande persistance. Je suis aux anges.

Le Domaine de la Trappe de Staouëli Grande Réserve vin fin rosé Alger 1957 est appelé rosé à cause de sa couleur ambrée mais ce pourrait être un vin blanc car rien n’est indiqué sur l’étiquette. Nous sommes sans repère devant ce goût un peu torréfié, riche en alcool, un peu muscaté et doucereux, qui étonnamment se marie bien avec les dés de Saint-Jacques crues.

Le Côtes du Jura Fruitière Vinicole de Voiteur 1959 est glorieux. C’est un vin fantastique du fait de sa complexité et de la vigueur de sa vibration. Là aussi je suis aux anges.

Un ami m’avait demandé de le joindre, ce que j’ai fait, pour qu’il soit confronté au Frédéric Lung blanc Algérie 1947 d’une belle couleur claire. Le nez est imprégnant, le vin est carré, solide, indestructible. C’est un vin gratifiant qui est en dehors des repères habituels des blancs. La juxtaposition des deux vins algériens et du vin du Jura est un enchantement, du fait de leurs différences extrêmes. Il convient de signaler que deux académiciens, connaissant mon amour pour les vins d’Algérie des années quarante, se sont cotisés pour acheter ce vin, pour qu’il soit bu à l’académie. Quelle gentillesse !

J’avais annoncé que le Château La Mission Haut-Brion 1936 avait une odeur désagréable à l’ouverture et que son retour à la vie était improbable. Et je suis surpris qu’il ait amorcé un tel retour à la vie. Il est loin d’être parfait, mais loin de ce que j’avais imaginé. S’il n’y avait pas autant de vins, on se serait intéressé à lui, car un retour complet à la vie n’était plus exclu, mais la suite ne peut pas attendre.

Le Château Ducru Beaucaillou 1934 a une imprécision et une déviance qui limitent le plaisir alors qu’il a quasiment tout pour faire un grand vin. Il souffre d’un mauvais assemblage de ses saveurs.

Le Château Léoville Poyferré 1929 est une merveille absolue. Ce vin a atteint une forme de perfection. Ce qui me fascine, c’est son grain. La mâche de ce vin me ravit. De petites pointes de fruits noirs et de truffes sont exquises, mais c’est l’équilibre parfait du vin charnu qui emporte les suffrages.

Le Morgon Namun de Marcy 1961 venant après le 1929, je n’ai pas gardé de souvenir de ce vin.

Le Bogeda Lagarde Cabernet Sauvignon Reserve , Mendoza Argentine 1974 est une rareté. Comme pour le vin de la Trappe, nous n’avons pas de repère. Le vin est carré, peu expansif et peu vibrant, mais il est un beau témoignage d’une vinification sérieuse, sans excès. C’est un vin qui se boit avec plaisir. On aimerait que les vins argentins actuels aient cette pureté et cette intelligence.

On ne pourrait pas me faire plus de plaisir que d’apporter des vins comme ce F. Lung Frédéric Lung rouge Alger 1942. Il a de fortes traces de café qui sont la marque de fabrique de ces vins des côtes de Mascara. Le vin est fort, puissant, à l’alcool sensible, et dégage une sérénité que j’adore. Il est assez sec. Notre table est gâtée.

A notre table, une femme indienne que j’avais rencontrée à l’ambassade de l’Inde à Paris s’était inscrite pour l’académie. N’ayant aucun vin ancien elle m’a proposé deux vins indiens jeunes. On est complètement en dehors des critères de l’académie, mais j’ai accepté que les académiciens puissent découvrir ces vins.

Le Vin d’Inde York Shiraz 2012, et le Vin d’Inde Grover Vineyard cabernet Shiraz 2011 sont tellement hors du radar de l’académie que je ne leur ai pas porté l’attention que j’aurais dû, d’autant que j’étais abreuvé de vins des autres tables. Ces vins droits méritent de vieillir.

Le Cérons 1919 est pour moi un vin symbolique de l’académie. Aucun nom de domaine ne figure sur l’étiquette, la bouteille est splendide, au niveau superbe et à la couleur magiquement belle. Là où on attendrait d’un Cérons qu’il soit un peu frêle et plat, on se trompe, car la vigueur de ce Cérons si doux est surprenante. Le vin est vibrant, joyeux, séducteur, un régal. Anonymat et millésime mythique, c’est ce qu’on aime trouver à l’académie.

Comme pour le Mission 1936, j’avais annoncé la mort du Château du Breuil Coteaux du Layon 1953, surtout du fait de sa couleur passée. Mes prévisions sont déjouées, car ce vin, sans être flamboyant, a une belle rondeur et une sucrosité mesurée.

Comme le Cérons 1919 d’un académicien, le Sauternes 1931 de ma cave n’a aucune indication d’origine. Il est une divine surprise, car il a la grâce et la légèreté d’un sauternes bien fait. C’est un régal.

Un ami a ajouté à la liste des vins un Maury Grenache Fruitière Vinicole de Maury 1960 #
la datation se supposant grâce au graphisme de l’étiquette. C’est un beau Maury, avec de jolies évocations de pruneaux, mais il va y avoir mieux.

Le Maurydoré Paule de Volontat magnum 1948 est superbe. J’ai vu le tonneau dont il est tiré. Il y a des pruneaux et des cerises au kirsch et tout est suggéré et assemblé de la plus délicate façon. Ce vin est velours, terriblement gourmand.

Au fil du repas, des verres sont venus jusqu’à moi avec cette invite : « goûte-moi ça ! ». Je n’ai pas eu beaucoup de temps pour les analyser et mes impressions sont au lance-pierre de la dégustation.

Le Muscadet Sèvre et Maine Marcel Sautejeau 1961 est bien fluide et équilibré, beau vin sans signe d’âge.

Le Château Carbonnieux blanc Léognan 1961 est au sommet de sa gloire, un vin éblouissant.

L’Y d’Yquem Graves blanc 1966 a un soupçon de botrytis qui fait que l’on pense à Yquem en le goûtant, vin de belle mâche et de plaisir.

Le Château Du Breuil Haut Médoc 1967 est une belle surprise, vin inattendu à ce niveau.

Le Château La Louvière 1ères Graves Léognan Daniel Sanders 1937 est lui aussi une belle surprise. Tant d’équilibre et d’accomplissement est rare.

Le Château Léoville Poyferré 1966 est un bon vin, bien plein, mais se situe en dessous du 1929 qui m’a tant plu. On m’a dit qu’à sa table, certains l’ont préféré au 1929. Je maintiens ma position.

Le Fleurie Albert Bichot 1949 a le charme et la grâce des grands beaujolais de cette décennie. La sérénité de ce vin est fascinante.

Le Massandra 1945 est agréable, mais un peu trop modéré, car j’attendais un peu plus de coffre de ce vin.

Il convient de remarquer que la cuisine du Macéo a fait des prouesses ce soir. Le poisson et la viande ont été des plats très réussis. Le service est toujours attentionné et habitué aux exigences de ce type de dîner à plus de cinquante vins.

De ce que j’ai bu ce soir, je retiendrais, mais ce n’est pas limitatif, Le Léoville Poyferré 1929
exceptionnel, le Côtes du Jura 1959, le Dom Pérignon 1966, le Dom Pérignon 1959, Le Lung rouge 1942 et le Lung blanc 1947.

Au titre des curiosités, je retiendrais le vin de la Trappe 1957, le Cérons 1919 et le sauternes 1931.

Il y a eu tant de surprises et de bons vins que l’on pourrait classer cette 25ème séance de l’académie parmi les toutes premières, mais c’est surtout l’ambiance festive, les joies et les échanges entre personnalités de tous horizons et la générosité générale, qui ont fait de cette académie un moment de bonheur au souvenir impérissable et pour tous les participants une occasion unique de pouvoir accéder à des vins chargés d’histoire. Il est à noter qu’en 25 réunions, plus de 1.100 vins anciens ont été partagés. Cette réunion est un encouragement à poursuivre dans cette voie.

les vins dans ma cave, pour former les groupes

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Champagne Dom Pérignon 1959 (on voit le niveau bas)

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Vin de Savoie Abymes Domaine de Termont # 1968

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VINS DU GROUPE 1

Champagne Charles Heidsieck mis en cave en 1997

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Champagne Legras et Haas Exigence n° 8 Grand Cru Vieilles Vignes base 2009

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Champagne Dom Pérignon 1966

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Domaine de la Trappe de Staouëli Grande Réserve vin fin rosé Alger 1957

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Côtes du Jura Fruitière Vinicole de Voiteur 1959

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Frédéric Lung blanc Algérie 1947

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Château La Mission Haut-Brion 1936

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Château Ducru Beaucaillou 1934

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Château Léoville Poyferré 1929

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Morgon Namun de Marcy 1961

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Bogeda Lagarde Cabernet Sauvignon Reserve , Mendoza Argentine 1974

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F. Lung Frédéric Lung rouge Alger 1942

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Vin d’Inde York Shiraz 2012

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Vin d’Inde Grover Vineyard cabernet Shiraz 2011

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Cérons 1919

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Château du Breuil Coteaux du Layon 1953

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Sauternes 1931

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Maury Grenache Fruitière Vinicole de Maury 1960 #

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Maurydoré Paule de Volontat magnum 1948

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les vins du groupe 1

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VINS DU GROUPE 2

Champagne Charles Heidsieck mis en cave en 1997

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Champagne Legras et Haas Chouilly Grand Cru Blanc de Blancs ss A

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Champagne Palmer & Cie Blanc de Blancs 1985

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Muscadet Sèvre et Maine Marcel Sautejeau 1961

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Château Carbonnieux blanc Léognan 1961

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Y d’Yquem Graves blanc 1966

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Château Du Breuil Haut Medoc 1967

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Château Moulin De Biguey St Emilion 1961

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Château Pichon Longueville Baron 1/2 bt 1956 / Château Pichon Longueville Baron 1/2 bt 1956

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Château La Louvière 1ères Graves Léognan Daniel Sanders 1937

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Château Pichon Longueville Baron 1985

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Chateauneuf-du-Pape Léonce Amouroux Neg. 1969

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Châteauneuf du Pape Armand Girardin 1953

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Chateauneuf-du-Pape Château Fortia Tête de Cru 1985

Château Vannières Bandol 1985

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Château Mayne Bert Haut Barsac 1939

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Château Suduiraut 1924

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Maurydoré Paule de Volontat magnum 1948

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les vins du groupe 2

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VINS DU GROUPE 3

Champagne Charles Heidsieck mis en cave en 1997

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Champagne François Giraux Brut ss A

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Champagne Pol Roger Chardonnay 1996

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Muscadet Sèvre et Maine Marcel Sautejeau 1961

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Batard-Montrachet Alexis Lichine Neg. 1969

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Château Lynch Bages 1948

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Château Lynch Bages 1978

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Château Léoville Poyferré 1966

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Château Léoville Las Cases 1922

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Château Figeac 1967

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Château Pichon Longueville Baron 1985

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Château Pichon Longueville Baron 1955

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Domaine des Justices Bx Supérieur René Médeville 1950

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Monthelie 1er cru Roger Rossignol 1965

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Clos Vougeot Club français du Vin à Bordeaux année supposée 1949

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Fleurie Albert Bichot 1949

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Vouvray Moelleux Domaine Allias 1970

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Château Climens 1973

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Massandra 1945

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Maurydoré Paule de Volontat magnum 1948

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les vins du groupe 3

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j’apporte les vins au restaurant. Voici les papiers d’emballage !

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les vins sont disposés sur le bar du 1er étage par groupe et dans l’ordre pour réaliser les ouvertures

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mes outils, en double pour partager

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Dîner au restaurant de Grains Nobles mercredi, 2 décembre 2015

A Grains Nobles comme au village d’Astérix, tout finit par un repas à quelques personnes, dont Pascal Marquet le maître des lieux, son prédécesseur qui a créé Grains Nobles en 1993, Bernard Burtschy et bien évidemment Aubert de Villaine. Nous sommes huit privilégiés. La charmante animatrice du restaurant logé en ces lieux nous fait essayer ce qui sera le repas de Noël. Il y a foie gras sur un lit de lentilles surmonté d’une figue éclatée, une superbe pièce de bœuf très tendre avec trois préparations complexes de champignons et un dessert léger aux fruits qui n’est probablement pas celui de Noël. Tout est délicieux.

Le Champagne Pierre Moncuit Vieilles Vignes Blanc de Blancs 2004 a un nez gourmand. Ce qui se retrouve en bouche. On le boit avec plaisir après ces rouges si jeunes. Il est un peu trop dosé mais il est de grand plaisir.

Le Meursault Domaine des Comtes Lafon 2000 est un peu plus qu’un simple « Villages ». Il y a du Premier Cru dans ce vin de belle acidité, très meursault.

Le Puligny Montrachet Les Combettes Domaine Leflaive 2000 joue un peu plus en dedans, un peu trop discret et manquant de vibration.

Le Gewurztraminer Grand Cru Hengst Josmeyer 2002 a beaucoup trop de sucre résiduel pour que le plaisir soit là. Il est un peu excessif.

La Brova Arbin Vin de Savoie Louis Magnin 2000 est un vin rouge très surprenant et qui me plait beaucoup car il a des accents de vins anciens. C’est un vin relativement frêle, avec des accents un peu fumés et de thé, mais qui ne me laisse pas indifférent. J’aime beaucoup cette mondeuse.

Le Château Bel Air Marquis d’Aligre Margaux 1982 a un nez glorieux, une bouche pleine et joyeuse, avec un grand talent. C’est un grand vin dont Bernard Burtschy est amoureux. J’ai trouvé un peu d’amertume et de torréfaction dans le finale qui ne limitent pas vraiment le plaisir.

Ce dîner « d’après match » qui suit une dégustation sérieuse me donne l’occasion de m’émerveiller de la science et de la connaissance de personnes comme Michel Bettane non présent ce soir et de Bernard Burtschy, tout aussi impressionnant. Partager ce repas avec eux et avec Aubert de Villaine est un vrai régal.

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Dégustation des 2012 de la Romanée Conti au siège de Grains Nobles mercredi, 2 décembre 2015

Pour la 23ème année consécutive, Aubert de Villaine présente les vins récents mis en bouteilles du Domaine de la Romanée Conti au siège de la société Grains Nobles. Aubert dit que c’est la seule présentation officielle qu’il accepte de faire et ceci est dû à l’amitié qu’il a pour le fondateur de Grains Nobles, école de dégustation et organisatrice d’évènements sur le vin.

Le millésime 2012 a été très chahuté. Mars fut très chaud et les trois mois suivants furent humides. Il y avait beaucoup trop d’herbe très humide dans les vignes. Le mildiou et l’oïdium sont apparus, avec des orages de grêle moins forts que ceux de la Côte de Beaune. Le montrachet fut à moitié grêlé. La floraison apparut un peu tôt et fut très longue : trois semaines contre trois jours en 2015. Il y eut de la coulure et du millerandage. On savait en juin que la récolte serait faible. Il y eut de la canicule fin juin et juillet très beau a permis de retrouver un travail normal en vignes. Août fut marqué par des orages et en septembre tout redevint normal. La récolte eut lieu fin septembre avec des raisins aux peaux très épaisses. La maturité s’accrut à toute vitesse. La vendange démarra le 21 septembre avec les cortons, puis à Vosne Romanée le 24. Le 26 une grosse pluie, et, divine surprise, cela n’eut aucune conséquence du fait de l’épaisseur des peaux ainsi que grâce au froid qui s’installa. La récolte fut belle au plan sanitaire. On a vu tout de suite que l’année ferait de grands vins, de belles couleurs. C’est un millésime plein de promesses.

Nous avinons nos verres avec un Beaujolais primeur vieilles vignes domaine de Vissoux 2015 dont l’odeur n’est pas noble, la bouche pâteuse. C’est un vin sans intérêt. Au passage je ressens la banane, assez discrète.

Il n’y a pas eu de Vosne Romanée premier cru cette année. Ce qui a été récolté est gardé pour les paulées et pour le personnel.

La dégustation commence par le Corton Grand Cru « Prince Florent de Mérode » Domaine de la Romanée Conti 2012. La couleur est assez foncée. Le nez est très délicat et racé. La bouche est gourmande, le vin est rond. Ce vin est l’assemblage de trois climats et Aubert de Villaine envisagerait bien de faire trois vins séparés quand le travail fait en vignes sera accompli dans ce domaine repris il y a peu en 2009. Il y a dans ce vin du poivre, du thé et une belle amertume. Il a tout pour bien vieillir. Je préfère l’attaque au finale, et de mémoire, je le sens plus noble que les cortons des précédentes années. On sent qu’il s’agit d’un grand vin.

L’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2012 a une couleur un peu plus rose, et un nez plus intense. L’attaque est très fraîche et épicée. Le finale claque. C’est un vin vif. Je l’adore. Le nez est fumé, profond. C’est un vin ciselé. Il y a une gourmandise particulière car elle se combine à la noblesse. C’est une belle surprise de voir ce premier vin à ce niveau. Aubert de Villaine dit que l’Echézeaux monte en puissance avec l’âge des vignes. Il en est très content.

Le Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2012 a un nez moins joyeux et soufré, trop soufré. La robe est plus sombre mais a encore du rose. Le vin ne se livre pas tout de suite. L’impression de soufre se ressent aussi dans le finale. Il est dur, amer, beaucoup moins immédiat. Il se réveille un peu et découvre du fruit rouge, mais le plaisir n’est pas là. Aubert de Villaine dit qu’en revenant sur l’Echézeaux, on voit combien le Grands Echézeaux est plus grand, mais du fait de l’amertume, je n’ai pas de plaisir.

La Romanée Saint Vivant Domaine de la Romanée Conti 2012 a une couleur très proche de celle du Grands Echézeaux, à peine plus sombre. Le nez est très élégant. Il pianote des élégances aromatiques fascinantes, presque doucereuses. En bouche il est un peu perlant et n’a pas beaucoup de charme. Il me semble fermé. Il pinote. Il a un beau fruit, mais je n’ai pas de plaisir car pour moi il est dans une phase ingrate, avec de l’amertume dans le finale. On le sent noble avec du fruit et de la rondeur qui apparaissent, mais je ne suis pas conquis. Il faudrait le revoir dans dix ans, car il est très sur la réserve. Bernard Burtschy dit qu’il est cristallin et c’est à ce moment que je me rends compte qu’Aubert de Villaine et les experts, habitués à goûter des vins de cette jeunesse, les jugent pour ce qu’ils deviendront et sont laudatifs. Alors que personnellement, je note ce que je ressens, et manifestement ces vins sont trop jeunes pour donner un plaisir gourmand. Je me suis donc tu pour ne pas donner un éclairage qui ne correspond pas à l’angle de vue de ces sommités du vin.

Le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 2012 a une robe très belle et plus rouge. Le nez est riche et conquérant. Intense, il montre un peu d’amertume. En bouche le vin est conquérant, même s’il a encore du perlant. Le fruit est beau mais un peu amer. Le final est assez dur et rêche. Là aussi le plaisir n’est pas là. C’est à se demander si la recherche de la perfection ne conduit pas à retrouver les pratiques des anciens, dont les vins étaient ingrats pendant au moins une décennie. Ce vin sera à essayer dans une dizaine d’année. Il est beaucoup plus puissant et conquérant que la Romanée Saint Vivant. Bernard Burtschy et Aubert de Villaine disent que c’est un vrai Richebourg vineux et le trouvent délicieux. Quelqu’un parle même de suavité. Nous n’avons donc pas la même approche, car ces sommités se projettent dans le futur.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 2012 a une robe très proche de celle du Richebourg. Le nez est extrêmement noble. La petite pointe de soufre est infime. L’attaque est très suave, et le vin montre charme et puissance. Le finale est amer. Le vin est très intéressant avec des épices. C’est un très grand vin, on sent qu’il a tout, avec une matière très riche. Le vin envahit la bouche mais limite le plaisir. Aubert de Villaine parle de verticalité du vin en pensant aux pentes de son terroir. Il y a du velours, de l’onctuosité, la longueur est impressionnante. La complexité est extrême et la palette aromatique très ample.

Il est à noter qu’après quelques minutes tous ces vins prennent de la rondeur et du fruit, au point qu’on se demande si l’on ne devrait pas servir les verres dix minutes avant chaque dégustation. Ce serait un gros problème de logistique.

La Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 2012 a une couleur plus rose. Le nez est très délicat, un peu réservé. Il y a de la douceur dans ce parfum. L’attaque est inouïe. Là, on est en face du sublime. C’est fou comme le déroulé du goût est complexe. Avec ce vin on côtoie la grandeur extrême. Le finale est très beau, avec un peu de groseille et de végétal suggéré. C’est une « vraie » Romanée Conti, faite de grâce et de légèreté. Elle est superbe et de grande complexité. On jouit de sa délicatesse la plus pure. Ce vin est magnifique et émouvant. Pour moi, les deux vins les plus gratifiants sont aux extrêmes de la gamme, l’Echézeaux et la Romanée Conti. La Romanée Conti est un vin de recueillement. Tout est vibrant dans ce vin. Si mon analyse différait jusqu’alors de celles de Bernard Burtschy et Aubert de Villaine, je suis totalement en phase sur ce vin formidable et déjà gourmand. Je n’ai trouvé en lui ni rose fanée ni sel. Ça viendra avec l’âge. En revenant sur La Tâche, je constate l’incroyable différence entre les deux.

Aubert de Villaine dit que les Romanée Conti actuelles n’ont rien à envier aux Romanée Conti préphylloxériques. Il signale l’étrangeté qui veut que les Romanée Conti de 1952 et suivantes jusqu’en 1956 issues de vignes très jeunes, se comportent aussi bien. La légende voudrait que des vieux ceps préphylloxériques aient été oubliés sur le sol et qu’ils aient influencé la complexité des jeunes ceps.

Le Montrachet Domaine de la Romanée Conti 2012 n’a donné que 1.172 bouteilles ce qui est moins du tiers d’une année normale. La grêle de juin avec le mildiou, l’oïdium et le botrytis a entraîné la nécessité d’un tri très sélectif. Le nez n’a pas de signe réel de botrytis. Le vin est clair et frais. On sent le miel d’acacia qui est selon Bernard Burtschy le signe distinctif du Montrachet. Le vin est gourmand et noble mais il n’est pas puissant. Il est aérien et cristallin, avec un peu de miel. Il est surprenant car il est à la fois moitié sec et moitié botrytisé. Je reconnais bien le montrachet, mais moins tonitruant. Il a de belles fleurs blanches et la puissance arrive progressivement. Il sera grand. Sa persistance aromatique est extrême. Il n’a pas la puissance habituelle.

Les propos d’Aubert de Villaine respirent la recherche de l’excellence dans chaque élément qui conduira au vin. C’est un régal de l’écouter. Je crois beaucoup en ces 2012 prometteurs, que l’on doit attendre avant de les aborder. La sublime Romanée Conti sera un vin de légende.

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« Singin’ in the Rain » et quelques huîtres samedi, 28 novembre 2015

Ma femme a toujours pensé que mon addiction aux comédies musicales américaines est une énigme. Mes sourires béats devant ces spectacles qui pour elle sont de guimauve et d’eau de rose provoquent parfois sarcasmes et soupirs. A l’occasion de mon anniversaire, ma fille aînée avait offert deux places, les meilleures, celles de la première rangée au centre, juste au-dessus du crâne du chef d’orchestre, pour la première soirée de reprise de « Singin’ in the Rain » au Théâtre du Châtelet.

C’est donc plus pour honorer le cadeau de sa fille que ma femme m’accompagne. La qualité de la musique de l’orchestre Pasdeloup, le talent des chanteurs, leur sens de la danse, les magnifiques costumes de couleurs exquises, tout a ravi ma femme. Quant à moi, je n’ai pas quitté une seule seconde mon sourire béat, emporté par la drôlerie et l’émotion des situations d’un scénario qui n’a d’autre prétention que de divertir. Bien sûr, quand on a vu des dizaines de fois le film, l’ombre de Gene Kelly plane comme une épée de Damoclès, mais le spectacle est réussi, sans la moindre réserve.

Venir à une comédie musicale américaine juste deux semaines après le terrible drame du Bataclan ne laisse pas indifférent, aussi, en sortant du théâtre, l’envie de croquer des huîtres est impérative. Nous allons à la Brasserie l’Européen, juste en face de la Gare de Lyon, où la décoration aurait tout à envier aux décors du Châtelet. Les gens qui ont agencé le lieu ne devraient jamais avoir le droit de s’appeler décorateurs. Mais peu importe, l’ambiance est très brasserie, le service est attentif et compétent. Nous goûtons de belles huîtres, ma femme prend une sole et je fais une folie en prenant une choucroute royale. Le Champagne Dom Pérignon 2004
n’a pas le niveau que je connais. Il est assez plat. Est-ce le lieu, est-ce l’atmosphère, est-ce la bouteille ? C’est probablement la troisième hypothèse. Le champagne se réveillera un peu avec des moments où il ressemble à ce que j’attendrais. Très gentiment le serveur me donne un bouchon et un petit sac pour que je puisse vérifier demain si le champagne se retrouve.

Vivre à Paris d’un beau spectacle et d’une brasserie typiquement française, qu’y a-t-il de plus beau, à protéger coûte que coûte pour que les générations futures puissent aussi en profiter ?

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nous surplombons l’orchestre et le pupitre du chef

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Livre « L’ADN du Vin » de l’Académie Amorim et colloque samedi, 28 novembre 2015

L’Académie Amorim fête ses vingt-cinq ans. Cette académie, fondée par Jacques Puisais et quelques autres personnalités du vin avec le soutien de la famille Amorim, propriétaire du plus grand bouchonnier mondial, a pour but de soutenir l’œnologie et de contribuer à une meilleure connaissance du vin et de son environnement. A l’occasion de cet anniversaire, un livre, ouvrage collectif a été publié aux éditions « France Agricole », sous le nom « L’ADN du Vin » et sous-titre « Science, marché, loi et culture ».

J’avais eu la chance qu’une étude que j’avais faite sur les bouchons des vins anciens soit couronnée d’un prix de l’Académie Amorim en 2006. C’est sans doute la raison pour laquelle j’ai eu l’honneur qu’on me demande de contribuer à cet ouvrage dans l’un des trois chapitres, « Vin et Culture ».

Le jour du lancement, un colloque est organisé par l’Académie Amorim dans l’un des salons du Sénat avec trois tables rondes, donnant lieu à débat. C’est toujours passionnant d’écouter des experts disserter sur des aspects du vin qui sont assez loin de mes préoccupations d’hédoniste du vin, tels que l’influence du réchauffement climatique sur les choix de cépages, la législation des appellations et la protection des marques, etc. Écouter cet aréopage de savants est d’un grand intérêt.

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la couverture du livre et la première page de mon article

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Académie des Vins Anciens (AVA) – 25ème séance du 3 décembre 2015 vendredi, 27 novembre 2015

Académie des Vins Anciens (AVA) –  25ème séance du 3 décembre 2015
Règles et informations  (à lire avec attention)
Date et heure : 3 décembre 2015 à 19h30
Lieu :
RESTAURANT MACEO 15 r Petits Champs 75001 PARIS 01 42 97 53 85
Participation financière :
120 € par personne si l’inscrit apporte une bouteille de vin ancien (1) agréé par François Audouze
240 € par personne si l’inscrit vient sans bouteille
(1) si l’inscrit n’a pas de vin assez ancien, un « troc » est possible avec François Audouze, qui mettra au programme un vin ancien, contre une (ou plusieurs) bouteille de vin jeune qui présente un intérêt pour lui.
Paiement :
Aucun chèque ne sera remis en banque avant le 20 novembre 2015. Il n’y a donc aucune raison de retarder l’envoi du chèque de paiement. On peut l’envoyer des maintenant.
Le chèque doit être remis avant le 2 novembre à François Audouze. L’ordre du chèque est : « François Audouze AVA »
Chèque à envoyer à François Audouze Société ACIPAR, 44 rue André Sakharov 93140 BONDY (attention, cette adresse est nouvelle)
Livraison des vins :
Les vins doivent être proposés et agréés par François Audouze. Les bouteilles sont à déposer chez Henriot 5 rue la Boétie 75008 Paris – 2ème étage – 01.47.42.18.06. Notre contact sur place est Martine Finat : mfinat@champagne-henriot.com . Aucune bouteille ne devrait être livrée après le 15 novembre. Merci d’attendre le 15 octobre pour commencer à remettre votre bouteille chez Henriot sauf en me prévenant avant envoi.
Une variante est de m’envoyer par la poste la bouteille à l’adresse : François Audouze Société ACIPAR, 44 rue André Sakharov 93140 BONDY

Pour que l’organisation de cet événement soit fluide, il est recommandé de ne pas attendre avant de proposer les vins, les livrer et payer.
Remarque sur les niveaux des vins :
On peut envisager qu’un académicien propose une bouteille de bas niveau, à la condition que cette bouteille soit une bouteille supplémentaire et non pas la bouteille principale.
Veillez à la qualité de vos apports. Les groupes de dégustation seront créés en fonction de la qualité des apports.

A l’hôtel du Marc de Veuve-Clicquot, préparatifs d’un futur dîner vendredi, 27 novembre 2015

Dans trois semaines aura lieu un dîner de wine-dinners où j’ouvrirai une relique, un champagne Veuve-Clicquot, daté par des recoupements solides autour de 1840, qui a été trouvé dans un bateau naufragé dans la mer Baltique il y a plus d’un siècle et demi. Les bouchons se désagrégeaient après leur sortie de l’eau. Les bouteilles ont été reconditionnées dans des conditions optimales et vérifiées par Richard Juhlin, le suédois grand spécialiste mondial du champagne. Cette bouteille que j’ai achetée en 2012 était la plus appréciée des bouteilles vendues.

La maison Veuve Clicquot en a acheté une autre, qu’elle n’ouvrira probablement jamais, considérant que c’est un totem de la célèbre maison de champagne. Il était tentant que j’organise le dîner dans les locaux de Veuve Clicquot. Je viens donc apporter les bouteilles de vins prévues pour le dîner, dont cette bouteille sous-marine, pour qu’elles reposent pendant un temps suffisant dans la cave de l’Hôtel du Marc, demeure de réception de Veuve Clicquot.

Les bouteilles sont mises en place dans la jolie cave de l’hôtel du Marc et dans le beau salon délicieusement décoré je discute avec Christophe Pannetier, chef de cuisine, des plats qui pourraient accompagner les vins du dîner. Nicolas, le sommelier, me sert une coupe de Champagne veuve Clicquot 2006 qui est d’une facilité d’accès extrême. C’est un champagne généreux, précis, accueillant. On ne peut pas lui donner d’âge tant il est à l’aise dans sa jeunesse. Des petits amuse-bouche sont facilement acceptés par lui et c’est le toast à la truffe noire qui est le plus grand multiplicateur des jolis fruits jaunes de ce champagne. Dominique Demarville, le directeur de Veuve-Clicquot nous rejoint et participe à la discussion sur les plats, facilitée par la compréhension qu’a Christophe Pannetier des accords mets et vins et des nécessités de simplifier les recettes et de s’appuyer sur les produits purs.

Travail accompli, nous faisons un détour par la cave où Dominique Demarville prélève deux bouteilles qui lui semblent appropriées et nous passons à table. Nous sommes deux, Dominique et moi. Le menu préparé par le chef est : mi- cuit de saumon fumé, cresson et crème d’huîtres / pigeons de Racan, salsifis aux épices, jus foie gras / fromages affinés / sablé vanille, clémentine rôtie, marron glacé.

Le Champagne veuve Clicquot 2006 de l’apéritif accompagne le saumon et confirme sa capacité gastronomique développée. La chair du saumon est superbe. Les crosnes et les huîtres vont bien. Seul le cresson serait à éviter avec un champagne ancien.

Le pigeon est délicieux au point que j’ai envie de l’ajouter au futur menu déjà composé. Le Champagne Veuve-Clicquot rosé 1970 a une couleur qui rappelle l’orange de l’étiquette de Veuve-Clicquot. On est plus dans l’orange que dans le rose. Le nez évoque tous les fruits jaunes et blancs de début d’été. La bouche est extrêmement racée et vive. Il y a une acidité certaine dans ce vin mais c’est la noblesse, l’ampleur et la fluidité qui me conquièrent. Il est très minéral, comme de l’eau qui coule sur des pierres de rivière, et il s’adapte au plat. Il a un léger goût métallique mais qui ne gêne en rien le charme du champagne évolué. Pour ce vin vif, je verrais un pigeon un peu plus rose que celui servi, qui est gourmand mais appellerait plus un rouge. Curieusement, ce sont les légumes de la même couleur que le champagne qui ne constituent pas un apport à l’accord du pigeon et du champagne rosé.

Nous buvons maintenant un Bouzy rouge Veuve-Clicquot 1980 qui se présente dans un joli flacon fin et élégant. Il n’a pas d’étiquette. L’année est écrite à la main sur une petite étiquette. Ce vin a le charme des vins anciens. Déroutant, car on n’a plus l’habitude de ces rouges fluets et aigrelets, il a beaucoup d’intérêt gustatif. Il faut un palais formé pour l’aimer et ses arômes un peu fumés, de thé, de vin cuit, procurent beaucoup de plaisir. C’est un autre vin qui était prévu pour les fromages, et l’accord avec le Bouzy ne se trouve pas.

Le dessert est accompagné d’un Champagne Veuve-Clicquot demi-sec sans année qui a été carafé avant le repas. Il est fait de vins qui sont en majorité de 2011. Je suis étonné que le dosage ne se sente pratiquement pas. Le champagne est frais, fluide, élégant, parfait compagnon du dessert varié aux goûts précis.

La cuisine du chef est goûteuse, avec de beaux produits et une belle intelligence dans l’exécution. Il faudra l’adapter aux vins anciens, ce qui justifie ce rendez-vous à Reims. Cette visite amicale à Reims, et ce beau repas laissent présager un grand dîner avec le Veuve-Clicquot de la Baltique.

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194ème dîner de wine-dinners au restaurant Patrick Pignol mercredi, 25 novembre 2015

Le 194ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Patrick Pignol. Voulant faire lors de ce dîner une expérience inédite de juxtaposer sur des plats des vins de mes dîners traditionnels avec ceux de Pingus, j’ai souhaité que le menu soit mis au point par un amoureux et connaisseur des vins, Patrick Pignol. De plus, Patrick Pignol a une particularité qui me plaît et m’impressionne : c’est lui qui va la nuit acheter à Rungis les produits qu’il va cuisiner le jour-même. Cet amour du produit est dans la logique des dîners de vins anciens puisque les vins anciens aiment trouver des goûts lisibles appuyés sur de bons produits.

Le midi, pendant la présentation des vins de Pingus, Patrick Pignol m’appelle pour me dire qu’il n’a pas pu trouver à Rungis les rougets qui devaient composer un des plats. Il me propose une solution avec du homard, puis me rappelle pour proposer des encornets, ce qui paraît le plus adapté aux vins prévus.

A 17h30, je me présente au restaurant pour ouvrir les vins du dîner. Les bouchons ne posent pas trop de problème sauf celui de l’Yquem 1955, qui, dès que je pique la pointe du tirebouchon, glisse dangereusement vers le bas. Il descend si bas qu’il touche le liquide. J’arrive néanmoins à le remonter et s’exhale alors un parfum délicieux qui est tellement capiteux que je vais le faire sentir à l’équipe de cuisine qui est en train de dîner. Ils constatent que le parfum du vin va s’accorder au dessert que Patrick m’a proposé et que je trouvais osé sur le papier.

L’odeur du Haut-Bailly 1964 me déplaît fortement. Et ce qui me contrarie, c’est qu’après quelques minutes, je trouve très peu d’évolution. Nicolas, le sommelier très compétent du lieu, qui a accompagné beaucoup de dîners, est plus optimiste que moi et pense que le vin va s’améliorer.

Les vins de Pingus ont des odeurs joyeuses et superbes, la Romanée Saint-Vivant du Domaine de la Romanée Conti 1995 a un parfum d’un raffinement rare. A 18h30, tout est prêt. Il ne me reste plus qu’à attendre mes convives.

Les convives du 194ème dîner de wine-dinners arrivent au restaurant Patrick Pignol. Il y a Peter Sisseck, le propriétaire de Pingus, dont nous goûterons trois vins, un couple d’habitués dont la femme est d’origine chinoise, deux journalistes japonais spécialisés dans la gastronomie et le vin, une journaliste productrice d’émissions et de reportages pour la télévision, le directeur d’une grande maison de négoce de vins, un haut fonctionnaire amateur de vins et le gestionnaire des caves de deux prestigieux clubs huppés parisiens. C’est une assemblée particulièrement éclectique.

Le menu préparé par Patrick Pignol est : noix de Saint-Jacques poêlées avec la truffe de nos régions / encornets farcis aux oignons doux des Cévennes et senteur de Speck / ris de veau rissolé au beurre de cardamome, parfum d’oseille / canard sauvage rôti en cocotte, sauce pilée aux baies de genièvre / Etivaz, 2 ans d’affinage des Préalpes vaudoises / dattes Medjoul farcies d’une crème citronnée sur son biscuit sablé.

Le Champagne Salon magnum 1995 est une agréable façon de commencer le repas. C’est un champagne convivial, facile à vivre et à comprendre tout en ayant une structure solide et un fruit jaune plaisant. Le format du magnum lui donne une belle largeur et une sérénité motivante. De petites huîtres sont servies emmaillotées dans des feuilles vertes dont je n’ai pas retenu le nom, qui brident un peu leur iode. Mais l’accord se trouve. Nous notons que ce champagne a vingt ans, ce qui le mettrait dans les champagnes mûrs, alors qu’on ne lui trouve aucune trace d’âge. Les champagnes Salon sont faits pour vieillir.

Le Champagne Krug 1988 claque comme un fouet. Si le Salon se veut accueillant, le Krug se veut guerrier. Il dégaine son Excalibur pour fendre nos papilles. Ce Krug 1988 est au sommet de sa gloire. L’accord avec le sucré de la coquille et avec la truffe est un des piliers de la gastronomie. Nous nous régalons d’un champagne très typé, profond, vif et racé, avec une légère pointe de fumé mais aucune trace d’âge.

Nous allons maintenant entrer dans le vif du sujet de l’expérience que je veux faire : associer des vins de Pingus, modernes, lourds en alcool, avec des vins qui sont au cœur de mes dîners habituels. Sur chacun des trois plats à venir, un Pingus sera associé à un autre vin, un bordelais, un bourguignon et un vin du Rhône. Les trois Pingus sont de 2008, 1999 et 1998. J’avais créé les paires de vins à l’instinct et Peter Sisseck m’avait suggéré de permuter deux des vins. Mais la mauvaise surprise du Haut-Bailly à l’odeur incertaine m’a poussé à garder mon choix initial.

Le Pingus Ribeira del Duero 1999 est associé au Château Haut-Bailly 1964. L’odeur du Pingus est toute douce et en bouche le vin est tout velours. Le Haut-Bailly a un parfum acceptable et alors que j’avais de multiples fois annoncé un vin défait, toute la table s’insurge et apprécie ce vin. Ils corroborent ce que Nicolas le sommelier m’avait annoncé à l’ouverture, mais je persiste et signe. Même si le vin s’est effectivement reconstitué, il reste une blessure d’amertume qui limite le plaisir que le vin pourrait donner. Mais je donne acte au fait qu’il est très buvable.

Ce qui est passionnant, c’est qu’au fil de la dégustation, le Pingus devient de plus en plus bordeaux, se civilise, très velours et très frais malgré ses 14,5° d’alcool. Peter Sisseck est frappé par le résultat de l’oxygénation lente, qui gomme les aspérités, donne de la rondeur et de la civilité au vin. Le rapprochement entre les deux vins est étonnant. Le Haut-Bailly a encore un fruit rouge présent. Le Pingus 1999 est calme et accueillant. La juxtaposition devient naturelle et les encornets créent un accord d’une belle pertinence. Lorsque j’étais arrivé, j’avais fait part à Patrick Pignol de ma peur pour les oignons confits. Patrick m’avait fait goûter deux versions qui n’avaient pas totalement apaisé ma crainte. Mais le résultat final du plat est parfait car le dosage a été judicieusement réalisé et l’accord est superbe avec les deux vins. A ce stade, j’entrevois que l’association d’un Pingus calme avec un bordeaux est possible.

Le Pingus Ribeira del Duero 1998 est associé à la Romanée Saint-Vivant domaine de la Romanée Conti 1995. Le ris de veau est bon mais un peu trop cuit à mon goût, ou plutôt trop croquant, ce qui va limiter l’accord. Et contrairement aux deux vins précédents, les vins ne vont pas se parler. Chacun joue sa partition sans tendre la main à l’autre. Le Pingus est puissant et prend des accents du Rhône tout en étant espagnol dans l’âme. La Romanée Saint-Vivant est d’un invraisemblable charme, délicieusement féminine et signant son passage de roses et de sel selon la tradition des vins du domaine. Cette Romanée Saint-Vivant pianote ses subtilités avec une élégance rare. Le Pingus est puissant mais a mis des gants de velours. Chaque vin est superbe, l’espagnol direct et accueillant, le bourguignon virevoltant comme un danseur-étoile.

Le Pingus Ribeira del Duero 2008 va faire un bout de chemin avec le Châteauneuf-du-Pape Henri Bonneau Réserve des Célestins 1988. Les deux vins sont superbes. Le Pingus est puissant mais d’une précision et d’une finesse qui sont époustouflantes. C’est un grand vin généreux qui explose de fruit mais sait garder une juste mesure. Quel grand vin ! A côté de lui le Châteauneuf a la bonhommie et la simplicité du vigneron Henri Bonneau, et son bon sens paysan. C’est un vin à l’équilibre indestructible. Il est comme le trait épuré d’un dessin de Picasso ou les notes ciselées d’Erik Satie. Et ce qui s’était passé pour la première association se renouvelle, les deux vins se rapprochent comme s’ils voulaient se confondre. Le Pingus devient rhodanien. Ils sont brillants et cohabitent à merveille, et le canard crée un agréable lien entre les deux.

Les trois Pingus se sont montrés civilisés, charmants, accueillants malgré les gros muscles que représentent les 14,5° d’alcool. Et c’est intéressant de voir comme ils jouent sur leur finesse et leur précision, surtout pour le 2008. La cohabitation s’est faite avec deux des trois vins. Seule la Romanée Saint-Vivant d’une grâce extrême n’a pas tendu la main au Pingus. Le challenge que j’envisageais a donné des résultats supérieurs à mes attentes, et Pingus s’est montré si sociable que l’un des journalistes japonais m’a écrit le lendemain pour me dire que cette expérience a changé sa vision sur Pingus. Peter Sisseck lui-même a été étonné de voir à quel point l’oxygénation lente donnait à ses vins un velours et une douceur qu’il n’imaginait pas à ce point.

Le repas continue avec un Château Chalon Jean Bourdy 1955 qui est un vin extrêmement accessible. Comme les Pingus, il joue sur la douceur et l’accessibilité. Le délicieux fromage l’accompagne pour un accord classique mais toujours réussi.

Le Château d’Yquem 1955 est d’une couleur fortement ambrée. Son parfum à l’ouverture était déjà éblouissant et avait plus de fruit que le caramel qui s’impose maintenant, même s’il préexistait. Patrick Pignol a des intuitions de génie car le dessert à la datte convient parfaitement à ce bel Yquem au charme profond. C’est un vin intense, inextinguible dans son finale. On voit à quel point l’âge sourit aux liquoreux.

Il est temps de voter. Nous sommes dix à voter. Le vote porte sur quatre vins préférés parmi les dix du repas. Une constatation me réjouit, chacun des dix vins figure au moins une fois dans un des votes, ce qui veut dire que chaque vin a pu être jugé digne de figurer parmi les quatre premiers pour au moins un convive. Quatre vins ont eu les honneurs d’une place de premier, l’Yquem quatre fois, la Romanée Saint-Vivant quatre fois aussi, le Pingus 1999 et le Pingus 1998 recueillant chacun une place de premier.

Le vote du consensus serait : 1 – Château d’Yquem 1955, 2 – Romanée Saint-Vivant domaine de la Romanée Conti 1995 , 3 – Pingus Ribeira del Duero 2008, 4 – Pingus Ribeira del Duero 1999, 5 – Châteauneuf-du-Pape Henri Bonneau Réserve des Célestins 1988.

Mon vote est : 1 – Château d’Yquem 1955, 2 – Romanée Saint-Vivant domaine de la Romanée Conti 1995 , 3 – Pingus Ribeira del Duero 2008, 4 – Champagne Krug 1988.

En ce qui concerne les paires de vins rouges, nous avons classé les trois mariages de vins, selon des critères libres, pouvant associer ou non les plats aux votes des accords de vins. Contrairement à ce que je pensais le deuxième groupe de vins a été classé comme deuxième accord, sans doute à cause de la valeur des vins, puisque j’ai dit plus haut que les deux vins se sont moins rejoints.

Le vote du consensus serait : 1 – Pingus Ribeira del Duero 2008 avec Châteauneuf-du-Pape Henri Bonneau Réserve des Célestins 1988, 2 – Pingus Ribeira del Duero 1998 avec Romanée Saint-Vivant domaine de la Romanée Conti 1995, 3 – Pingus Ribeira del Duero 1999 avec Château Haut-Bailly 1964.

Mon vote est : 1 – Pingus Ribeira del Duero 2008 avec Châteauneuf-du-Pape Henri Bonneau Réserve des Célestins 1988, 2 – Pingus Ribeira del Duero 1999 avec Château Haut-Bailly 1964, 3 -Pingus Ribeira del Duero 1998 avec Romanée Saint-Vivant domaine de la Romanée Conti 1995.

Patrick Pignol, grand amateur de vins, a eu la préscience des plats qui conviendraient aux vins. Certaines cuissons ont été un peu supérieures à ce que je souhaiterais, mais cela n’a gêné en rien la pertinence des accords, la palme revenant aux encornets avec Pingus 1999 et Haut-Bailly 1964, suivi de l’accord de la datte avec l’Yquem 1955.

C’est un plaisir pour moi d’avoir osé cette association d’un vin lourd espagnol avec des vins de trois régions, et aussi d’avoir vérifié à quel point l’oxygénation lente donne de bons résultats, y compris pour les jeunes Pingus. Retrouver Peter Sisseck était le cadeau complémentaire ainsi que la satisfaction de mes convives. Ce fut un grand repas.

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La table, avant et après

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les votes

CLASSEMENT DINER 151124