Déjeuner au Saint-James à Paris mercredi, 13 mai 2015

Il est entrepreneur, l’un des seuls avec lesquels j’ai encore des relations amicales de mon ancien monde professionnel. A l’époque il n’y avait pas de confusion de genre. Il s’est inscrit à l’académie des vins anciens dont il est un des fidèles. Il m’invite au Saint-James, hôtel et club dont il est membre depuis des lustres. L’hôtel particulier est cossu, avec son entrée où devaient s’approcher des carrosses, biges, berlingots et briskas dont s’échappaient des femmes en crinolines et vertugadins. L’entrée est magistrale et le bar habillé en bibliothèque est très second Empire sans clinquant. Alors que je suis en avance, mon ami est déjà là, lisant son journal en sirotant un chablis. Le maître d’hôtel me propose un champagne et je prends un Champagne Comtes de Champagne Taittinger 2005 au verre qui me montre s’il en était besoin combien Taittinger a réussi ce millésime. Le vin est opulent , conquérant, facile à lire, porteur de joie de vivre.

On nous apporte les menus et nous faisons le même choix : asperges blanches angevines, sauce savora, coulis de persil, chorizo ibérique et câpres / dos de cabillaud cuit au plat, légumes de saison, beurre citron mélisse.

Micaël Morais, sommelier du Saint-James me tend le livre de cave, à la demande de mon ami qui préfère le vin rouge. Dans ce livre il y a des prix lourds, mais il y a aussi de bonnes et intelligentes pioches. Je choisis un Coteaux du Languedoc Syrah Leone domaine Peyre Rose 2005 de Marlène Soria.

Les asperges sont belles et bien cuites, mais ce qui me gêne, c’est que le chorizo écrase tout sur son passage. J’en parlerai plus tard avec le chef. Nous buvons de nouvelles coupes du Comtes de Champagne 2005 qui confirme ses capacités d’adaptation.

Nous sommes gâtés, car on nous apporte un plat ajouté, un saumon de Cherbourg à la parisienne, macédoine de légumes au saumon fumé. Ce plat est splendide, le saumon étant fondant à souhait et joliment accompagné par la macédoine rafraîchissante.

Micaël nous apporte pour ce plat deux verres noirs dans lesquels il est impossible de reconnaître la couleur. Comme mon ami évoque un souvenir de dégustation de sakés, je remarque que l’aspect sucré de ce que je sens n’exclurait pas le saké, mais il y a au nez beaucoup plus d’alcool. Je risque l’hypothèse d’un Maury et en fait c’est un Porto blanc Niepoort. Le vin est agréable mais trop sucré et trop fort pour accompagner le saumon. Je suivrais plutôt la piste d’un Condrieu pour ce plat tout en finesse.

Le cabillaud est superbe, râpeux tout en étant délicat et magnifiquement cuit. J’aurais dû ne pas demander la sauce citronnée car le Coteaux du Languedoc Syrah Leone domaine Peyre Rose 2005 crée un accord superbe avec la chair du cabillaud, mâche sur mâche, râpe sur râpe, à condition que la sauce soit oubliée. Le vin est riche, incisif, percutant et il a un infini mérite c’est qu’il ne surjoue en rien. Il est boisé, il est puissant, mais sans jamais dépasser de limite. Il laisse en bouche une trace pure et profonde. Je l’aime beaucoup, la vigneronne Marlène Soria accomplissant des merveilles.

Le dessert au chocolat est excellent et frais. Tout en cette cuisine semble inspiré.

Nous avons la chance que Virginie Basselot, l’une des rares MOF de France (meilleur ouvrier de France 2015) s’asseye à notre table. Elle est jolie, d’abord aimable et nous discutons cuisine bien sûr. Elle est une valeur sure du saint-James, dotée d’une étoile.

Le décor est agréable, les hauts plafonds donnent un confort apprécié. On est bien au Saint-James, surtout lorsqu’on est en bonne compagnie, avec un service exemplaire et une cuisine solide et mature.

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Moment d’éternité au restaurant Taillevent jeudi, 7 mai 2015

Il y a des moments d’éternité. J’imagine l’alpiniste qui plante son drapeau au sommet de l’Everest, le navigateur de la Vendée Globe qui arrive premier au port où des cris l’accueillent. A ce moment, le temps ne compte plus, le temps s’arrête, et la félicité crée une bulle de bonheur infini. Nous avons tutoyé un de ces moments magiques avec Tomo. Ça commence au téléphone. Moi : « veux-tu boire une grande bouteille ? ». Tomo : « difficile en ce moment, semaine prochaine dure ». Moi : « et pourquoi pas demain ? ». Tomo : « d’accord ». Nous ajustons nos apports, car l’alchimie et la compatibilité de nos facteurs rhésus est primordiale. Comme pour les navettes entre le Sénat et l’Assemblée, il faut ajuster les motions, et l’accord se fait.

A 13 heures nous sommes tous les deux au restaurant Taillevent et j’ouvre précautionneusement ma bouteille d’âge certain, sous les yeux curieux de la brigade. La bouteille de Tomo, plus jeune est ouverte par un sommelier.

Mon choix de menu est : langoustines des côtes bretonnes croustillantes, marmelade d’agrumes au thé vert / pigeon de Racan en croûte de sel.

Le Chevalier-Montrachet domaine d’Auvenay 2002 a un jaune déjà ambré. Le nez est puissant. En bouche, c’est l’opulence qui est frappante. Ce vin est plein, d’un botrytis sensible, qui lui donne une assise de fruits cuits. On nage dans l’opulence, la richesse, la structure présente. Mais si le vin est remarquablement fait, il ne dégage aucune émotion réelle. Il me fait penser à Bo Derek, dont son mari pensait qu’elle était la plus belle femme du monde, mais qui ne m’a jamais fait la moindre impression, avec un jeu d’actrice convenu. Le vin est bon, une bête à concours couronnée d’un 99/100 Parker, mais sans vibration réelle. Tomo est de mon avis.

Toutefois, la bête a du ressort, car avec les langoustines, elle crée un accord d’une rare justesse. Et Tomo vérifiera sur le ris de veau ce qu’il m’avait annoncé à savoir que ce Chevalier-Montrachet est le compagnon idéal du ris de veau, meilleur que le rouge. Le bon élève a bien tenu son rôle.

Le Chambertin Domaine Georges Roumier et ses Fils 1961 a un niveau assez bas, mais une couleur qui m’inspira quand je l’ai choisi en cave. A l’ouverture, le nez ne montrait aucun signe de torréfaction, ouf. Une légère acidité dans le parfum laissait penser qu’il faudrait du temps pour que le vin se mette en place, mais j’y croyais .

Au premier contact, je fais la grimace. Le nez est agréable, l’attaque est généreuse et prometteuse, puis ça se met à godiller, le vin manquant d’équilibre et de final. Déjà, je pense qu’il faudra que j’invite Tomo pour compenser mon apport, mais voilà que je mords dans le pigeon idéal, magique, le pigeon comme je l’aime, goûteux, incisif, tranchant et percutant. Et le miracle se produit en un instant. La troisième gorgée du chambertin, prise à la suite du contact avec le pigeon, illumine mon sourire. Je suis heureux car c’est gagné. Ce chambertin, en un temps de big-bang, devient « le » chambertin dans sa splendeur, follement bourguignon avec ce que ça comporte de râpe et d’amertume, mais d’une immense émotion. Et, cerise sur le gâteau, nous sommes totalement en phase Tomo et moi. Nous trouvons le blanc scolaire, grand mais aseptisé, alors que le chambertin, quels que soient ses défauts, représente le vin émouvant que nous souhaitons trouver.

L’année 1961 est impériale et le chambertin en a la gloire. Tomo ne retrouve pas le style Roumier. Je nage en plein dans le style chambertin que j’aime, fait de charme et de puissance. C’est un immense moment que nous vivons.

La langoustine est parfaite et croquante, de belle mâche. Un régal pour le vin car c’est un goût franc, comme le ris de veau, un peu trop cuit, qui s’accouple au blanc à merveille. Le pigeon est un idéal de pigeon rassurant, lisible, qui joue sa partition avec exactitude. Il n’y a rien à changer. Il a trouvé dans le 1961 un compagnon comme jamais il n’en pourrait rêver.

Jean-Marie Ancher, qui a suivi les rebondissements de cette aventure, nous dirige vers le « 70 de chocolat » dessert fait de 70% de chocolat à 70% de cacao. Pas de quoi faire une majorité cacaotière. Le dessert est lui aussi d’une précision biblique. Deux verres de vin nous sont apportés à déguster à l’aveugle. Sans sentir, juste en tournant le verre, je dis Pedro Ximenez, ce qui n’est pas compliqué car les traces grasses et vertes que laisse le vin sur le verre n’appartiennent qu’à ce vin. Le premier est un Rasteau Grenat domaine de Beaurenard 2012 vin doux naturel de la famille Coulon. Il est tout pruneau et colle au mieux dans sa belle fougue juvénile au chocolat. Il est léger comme un cœur.

Le Pedro Ximenez Montilla Moriles 1985 est lourd comme le plomb mais il finit par une fraîcheur mentholée qui le rend presque aussi léger que le précédent. Les deux vins forment un accord parfait avec le dessert.

Comme si Jean-Marie avait pour mission de nous envoyer au ciel sans passer par le septième, il nous fait verser à chacun un verre d’un Bas-Armagnac Château de Lassalle-Maupas, Baronne H. de Pampelonne 1946 de l’année de création du Taillevent, solide Armagnac et généreux qui met un point final à ce moment de rêve.

Que retenir de saillant ? Le retour à la vie d’un chambertin qui devient l’idéal du vin de Bourgogne dans une année de haute plénitude, le pigeon exceptionnel de pertinence, faisant exactement ce qu’il doit faire, le dessert et ses deux jolis accords, un service attentif, chaleureux, amical , qui nous donne l’impression que nous sommes chez nous et puis la grâce immatérielle d’un moment où tout s’assemble pour forger un moment d’éternité.

Lancé moins de vingt heures avant de se produire, ce repas fait partie des souvenirs d’une vie.

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la bouteille que nous avons bue du chambertin :

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autres photos de bouteilles plus lisibles du même vin

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Déjeuner au restaurant Pic à Valence lundi, 4 mai 2015

Après un sommeil bien nécessaire, tant le dîner avait été arrosé, le petit-déjeuner dont j’aurais volontiers fait l’impasse fait du bien. J’avais des petits déjeuners de Pic un souvenir d’exception. Est-ce la fatigue, je ne sais, mais il n’a pas l’exception que j’avais en mémoire. Bon, mais sans la petite touche de génie que l’on a eue avec le petit dessert à notre arrivée.

Nous allons déjeuner dans la salle à manger du restaurant Pic trois étoiles et nous sommes conduits par la gentillesse de l’excellent Denis Bertrand, sommelier ami. Au menu on a le choix entre trois formules, « Découverte », « Harmonie » ou « Essentiel ». Nous allons être plus raisonnables en nous limitant à deux plats. Pour moi ce sera : l’asperge de Roques-Hautes marinée à l’anis vert, sorbet verveine réglisse, citron Meyer / le pigeonneau de la Drôme mariné au saké et géranium rosat, grué de cacao, petits navets et radis primeurs.

Les petites bouchées d’amuse-bouche sont intéressantes, mais n’ont pas la vibration que j’attendrais. C’est bon, notamment le cromesquis d’escargot, mais ce n’est pas l’Anne-Sophie Pic dont je me souviens. Les asperges sont absolument divines, et la valeur ajoutée du sorbet est d’une pertinence invraisemblable. On imagine les heures et les heures qu’il a fallu pour arriver à ce dosage divin. C’est un plat d’anthologie mêlant profondeur et fraîcheur, avec une permanence de goût indélébile. Le pigeon est bon, mais à mon goût, il est un peu noyé dans sa sauce. Mais, comme je le dis, c’est « à mon goût », qui ne prétend pas à l’universalité.

Si je me permets ces remarques, c’est que je suis un adorateur inconditionnel de la cuisine d’Anne-Sophie Pic et que cet amour ne sera en aucun cas remis en cause, car c’est certainement l’un des plus grands cuisiniers de notre gastronomie française.

Je n’aurai que des compliments superlatifs pour le pâtissier de ce restaurant. Nous n’avons pas pris de dessert, mais grâce à Denis, nous en avons eu des esquisses. Et c’est tout simplement génial de légèreté et de justesse.

Denis m’a fait goûter au verre deux champagnes. Le Champagne Delamotte blanc de blancs brut sans année servi de magnum est franc, facile, gouleyant, agréable complice de gastronomie.

Le Champagne Krug Grande Cuvée fait prendre conscience que l’on franchit une étape gustative significative. Car si j’aime Delamotte, magnifique champagne de Mesnil-sur-Oger, ma Mecque du champagne, le Krug a une opulence et une sérénité qui emporte sur d’autres nuages de bonheur. Il a trouvé un bel écho avec le pigeon et aussi sa sauce. Il laisse une trace en bouche qui est de plomb et de bonheur.

Le service chez Pic est extrêmement attentionné et mérite tous les compliments. Denis Bertrand est plus qu’un sommelier, c’est un ami et un complice. Chaque halte au restaurant et à l’hôtel est un moment mémorable. Tout ici sent l’excellence française.

Maintenant, cap vers le sud !

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Dîner à Valence sur le thème des Hermitage de Chave dimanche, 3 mai 2015

Notre voisine et amie du sud et son mari avaient réuni il y a deux ans quelques amis amateurs de vin sur le thème de Haut-Brion. L’un des participants proposa de nous inviter chez lui à Valence avec pour thème les Hermitage de Chave. Le TGV met Valence a portée quasi immédiate. De ma banlieue est, il est plus rapide d’arriver à Valence que d’aller à la Défense en voiture. Nos amis viennent nous chercher à la gare TGV et nous nous rendons chez eux pour trinquer au futur dîner sur un Champagne Cristal Roederer 2004 servi avec des cannelés puisque nous sommes en début d’après-midi.

Le champagne est une vraie réussite, arborant une belle maturité malgré son jeune âge. C’est un champagne plein, large, serein, très agréable. Et les cannelés servis tièdes sont idéaux avec le champagne. La maison d’Isabelle et Olivier est une merveille de décoration, d’un raffinement remarquable. A 16h30, je descends avec Olivier dans sa belle cave pour choisir les vins et ouvrir les bouteilles. Des amis ont apporté Cristal Roederer 2002 et Dom Pérignon rosé 1993, d’autres un Chave blanc 1989, j’ai apporté Chave rouge 1998 et 1985, plus un Maury Chabert de Barbera 1983. Olivier prend de sa cave Chave rouge 1996 et la fameuse cuvée Cathelin 2009.

J’ouvre les rouges et Olivier les blancs. Les parfums sont sympathiques. Celui du 1985 me semble excitant car c’est le plus mûr de tous. Olivier conduit ma femme et moi à l’hôtel Pic à Valence, où nous sommes accueillis avec le sourire. Denis le célèbre sommelier du lieu, qui devrait depuis longtemps être à la retraite mais rempile pour son bonheur et celui de sa patronne, nous accueille avec joie. Il a prévu pour nous une demi-bouteille de Champagne Billecart-Salmon Brut rosé qui est magnifié de façon extraordinaire par un petit dessert à la rose qui m’émerveille. Etre si goûteux et en même temps si aérien et léger, il n’y a qu’avec Anne Sophie Pic
qu’on peut trouver de telles délices. J’exagère sans doute un peu, mais c’est pour marquer le plaisir de me trouver dans cette maison où j’ai de grands et beaux souvenirs depuis quarante ans, aussi bien professionnels que personnels.

Une bonne sieste et une bonne douche et nous voilà d’attaque pour le dîner sur le thème de Chave.

Le Champagne Dom Pérignon rosé 1993 accompagne des gougères et diverses sortes de jambons, jambon blanc truffé et Pata Negra Bellota. Le champagne est délicieux, plein de charme, mais aussi très affirmé. Il profite bien de ses 22 ans. On le sent gastronomique. Ce doit être un champagne de table, pour susciter des accords couleur sur couleur comme le pigeon. Ses tons de roses sont charmants.

Le Champagne Cristal Roederer 2002 est très différent du 2004 que nous avions bu en début d’après-midi. Le 2004 est carré, solide, le 2002 est plus droit et plus romantique. Les deux sont intéressants. J’ai un petit faible pour le 2004. Le 2002 réagit bien au jambon blanc truffé.

Nous passons à table. Le menu d’Isabelle, notre hôtesse, est : langoustines et velouté de petits pois / filet de bœuf, sauce et morilles fraîches, pommes de terre rattes / fromages / salade de fraises, framboises et chantilly / cosy chocolat de Debroas / meringues et cannelés.

Deux blancs sont servis ensemble, un peu trop frais, ce qui va changer l’approche lorsque les vins seront plus chauds. Au début c’est l’Hermitage Chave blanc 1989 qui est d’une ampleur extrême et surclasse l’Hermitage Chave blanc 1999. La palme est au plus ancien, avec un vin plus rond, plus profond, plus mûr et plus charmeur. Le 1999 est tranchant mais souffre de sa jeunesse. Et progressivement, c’est la longueur infinie du 1999 et sa vivacité riche d’arômes complexes qui emporte la faveur de la majorité d’entre nous. Le 1999 est vif, cinglant, fait de beaux fruits jaunes juteux et surclasse le 1989. J’ai longtemps hésité car le 1989 est très plaisant, mais le vivacité du 1999 a fait pencher le fléau de la balance en sa faveur.

Sur la belle viande rose à souhait, nous buvons les deux plus jeunes rouges. L’Hermitage Chave rouge 1998 est glorieux. Quelle belle vivacité et quelle richesse ! Ce vin est de plaisir, joyeux, plein en bouche. Un bonheur. J’avais suggéré à Olivier qui a une belle collection de Chave que l’on mette le 1996 en comparaison du 1998 que j’avais apporté. Mais l’Hermitage Chave rouge 1996 a un certain manque d’équilibre, avec un petit côté brûlé, qui empêche toute comparaison. Le 1998 est magnifique, vibrant, un bonheur, comme le 1999 pour les blancs.

L’Hermitage Chave rouge 1985 a un nez que j’adore, montrant la jolie maturité du vin. J’en attendais un peu plus. Il est agréable, subtil, mais comme pour les blancs, pour lesquels le 1989 avait du mal à lutter contre la fougue du 1999, le 1985 rouge a du mal à s’imposer face à l’impérieuse vivacité du 1998.

L’Hermitage Chave rouge Cuvée Cathelin 2009 est un immense cadeau d’Olivier. Le vin est noir lorsqu’il est servi dans le verre. Le nez est de cassis fort. En bouche le vin est d’une richesse folle, emportant tout sur son passage. Ce sont évidemment les fruits noirs qui abondent, mais il y a une fraîcheur, une élégance qui apportent de la noblesse à ce grand vin. Il y a six mois, j’avais jugé ce 2009 beaucoup trop jeune. Force est de reconnaître que celui-ci est beaucoup plus civilisé et accessible. C’est un très grand vin.

Nous avons fini les Chave, aussi sans attendre le dessert et le vin qui l’accompagne, je suggère que nous votions, car il y a un grand tableau noir où je peux marquer à la craie les votes de chacun. Nous sommes huit à voter pour neuf vins, en incluant le Cristal Roederer de l’après-midi, mais sans compter le Maury et les chartreuses qui vont suivre. Sept vins sur neuf ont des votes, les exclus étant curieusement les deux Roederer, peut-être parce que les votants se sont concentrés sur le thème des Chave. Trois vins concentrent les votes de premier, le Chave 2009 quatre fois premier, le Dom Pérignon rosé 1993 et le Chave blanc 1999 ayant chacun deux votes de premier.

Le vote du consensus serait : 1 : Hermitage Chave cuvée Cathelin 2009, 2 – Champagne Dom Pérignon rosé 1993, 3 – Hermitage Chave blanc 1999, 4 – Hermitage Chave blanc 1989, 5 – Hermitage Chave rouge 1998.

Mon vote est : 1 – Hermitage Chave blanc 1999, 2 – Hermitage Chave rouge 1998, 3 – Hermitage Chave rouge 1985, 4 – Hermitage Chave cuvee Cathelin 2009.

J’ai mis le Cathelin en quatrième de mon vote car je pense qu’il a encore tant de potentiel qu’il s’exprimera beaucoup mieux dans quelques années, alors que les 1999 et 1998 sont à un beau sommet de leur art. Je regrette d’avoir suscité les votes aussi tôt dans le repas, car j’aurais mis volontiers le Maury Chabert de Barbera 1983 en tête de mon classement. Ce Maury est merveilleux. Il est fou, car il combine pruneau, café, caramel avec un bonheur rare et sur le délicieux dessert au chocolat, il crée un accord d’une luxure extrême. J’adore ce Maury que je considère comme l’un des plus grands qui soient.

Olivier collectionne les Chartreuses aussi veut-il nous entraîner dans sa passion. Nous commençons avec une Chartreuse jaune titrant 43° d’une bouteille déjà ouverte depuis longtemps, agréable mais un peu éventée. Olivier ouvre une bouteille de Chartreuse Tarragone années 50 absolument délicieuse, riche comme un bouquet de fleurs de printemps. Cette liqueur est intense, d’une densité particulièrement sensible. Les délicieuses meringues, très pures et onctueuses se mangent avec bonheur sur ces liqueurs.

Isabelle est une maîtresse de maison qui nous a reçus avec de belles recettes et des milliers de petites attentions qui font plaisir comme les cannelés, les meringues et tant d’autres choses. Olivier est un hôte généreux, lui aussi attentif à nos moindres plaisirs.

Alors qu’il était plus de deux heures du matin, à notre grande surprise, Denis Bertrand le fidèle sommelier était là pour nous accueillir. Chez Pic, on sait recevoir !

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les votes sur le tableau noir

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tableau final

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Que faire de 2 carafes d’Yquem 1858 ? jeudi, 30 avril 2015

Un américain a acquis deux magnifiques carafes en cristal qui ont contenu de l’Yquem 1858. Elles sont marquées à l’encre de la mention Yquem et aussi de Schröder & Schÿler. Nous avions conversé par email car il a vu que je possède un Yquem 1858 et que je connais les maisons concernées par ces inscriptions. Il aimerait soit vendre ces flacons, soit les donner aux acteurs concernés, à la condition que ce don ait un sens. Ses démarches auprès des deux maisons n’ont pas eu de succès, ainsi qu’auprès de la maison Baccarat, aussi est-il embarrassé. Nous avons prévu de nous rencontrer à son hôtel à Paris, avec les deux flacons dont je n’ai vu que des photos, mais lorsque je le rejoins ainsi que son ami, il n’y a pas de flacon.

Qu’à cela ne tienne, j’offre de partager une bouteille de Champagne Dom Pérignon 2004, élégant champagne qui joue sur son côté floral, discret et raffiné. Il joue sur un registre de délicatesse.

Nous avons énuméré des pistes possibles d’usage de ses carafes. Ça ne me déplait pas d’aider à ce que ces reliques trouvent le meilleur usage.

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Hommage à Joseph Henriot jeudi, 30 avril 2015

Joseph Henriot est un vigneron visionnaire avec lequel j’ai partagé des moments inoubliables.

Je l’ai connu grâce à Bernard Hervet qui m’a permis de goûter les flacons les plus extraordinaires de la cave de Bouchard Père & Fils.

Grâce à Joseph, nous avons pu organiser un repas d’anthologie où les six derniers vins avaient au moins 140 ans, dont le mythique Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus 1865, l’un des fleurons de la maison Bouchard.

Toutes mes condoléances vont à sa femme et ses enfants, aux maisons qu’il dirigeait.

Le texte rédigé par Michel Bettane et Thierry Desseauve rejoint mes propres pensées, aussi je le joins à mon propre texte :

Mille mercis Joseph pour tout ce que vous avez fait et pour l’amitié dont vous m’avez gratifié.

Conférence dégustation à Sup de Luxe mercredi, 29 avril 2015

Une nouvelle fois, je suis invité à faire une conférence dégustation pour des élèves de l’Institut Supérieur du Marketing du Luxe qui a une liaison étroite avec la Maison Cartier. C’est d’ailleurs au siège de la fondation que se tient la conférence. Je parle devant huit élèves et deux dirigeants de l’école. On peut difficilement imaginer plus cosmopolite car j’ai devant moi : une espagnole, une suissesse, une hongroise, une turque, deux indiennes, une brésilienne et un zimbabwéen. Tous ces élèves qui ont déjà une expérience professionnelle dans le domaine du luxe se destinent à de brillantes carrières dans leurs pays ou à l’international. Thibaut de la Rivière, le directeur de l’école, voit en eux des ambassadeurs de l’excellence française. C’est donc une bonne occasion de parler de ce patrimoine français unique, celui des vins anciens.

Rien ne vaut une expérience ludique, aussi nous allons comparer deux vins du Jura, un jeune et un vieux, puis deux Maury.

Le Vin Jaune d’Arbois le grand Curoulet Robert Aviet 1992 a un nez de marc ou de grappa tant l’alcool paraît fort. Le nez évoque la noix. En bouche, il est fort, assez percutant, porté par sa noix.

Le Vin de l’Etoile Coopérative Vinicole de l’Etoile 1955 paraît beaucoup plus doux. Son nez floral est d’un charme rare. Ce vin est romantique. On lui trouvera des fruits rouges et des fleurs fraîches.

L’exercice qui vient ensuite est de voir comment les vins changent lorsqu’on les associe à un comté affiné de 18 mois. Le vin jaune resplendit avec le fromage. Il gagne en séduction, au point que l’on ne sait plus si la trace en bouche vient du vin ou du fromage. Le vin perd sa sensation d’alcool fort et se domestique.

L’association du 1955 avec le 1992 ne profite pas tant au 1955 plus frêle et dont la discrétion est accentuée par ce voisinage. Et le vin ne profite pas tant que cela de l’association avec le comté. En fait, pour le comté, il faut un vin qui a de la râpe, un vin jaune vif. Lorsque le 1955 est bu sans comté, on retrouve son romantisme et le côté fruit-fleur. Il est charmant, printanier. En fin de dégustation, le 1992 s’est considérablement assagi. Il n’y a pas de gagnant entre les deux vins, mais la combinaison gagnante est avec le 1992.

Le deuxième exercice est de goûter deux Maury puis de les associer avec trois chocolats.

Le Maury Cuvée Agnès, domaine de la Coume du Roy 1998 est d’une couleur très foncée. Le nez est profond, incisif et ce vin évoque le pruneau. Il est riche, juteux, joyeux.

Le Maury domaine de la Coume du Roy 1939 vieilli en foudres de chêne est beaucoup plus clair. Il est délicieusement doux. J’adore ce vin délicat où l’on retrouve des traces de café. La cohabitation des deux est intéressante car aucun ne nuit à l’autre. Le 1998 a la fougue de la jeunesse, le 1939 a la jouissance sensuelle et discrète.

Nous avons devant nous un chocolat Quito, ganache au chocolat noir mi-amer, un chocolat Akosombo ganache au chocolat noir avec un cacao du Ghana et l’Extrême Chocolat, ganache au chocolat noir de cacao pur.

Tout le monde constate que le chocolat apporte beaucoup au Maury, et beaucoup plus au 1998 qui s’assouplit qu’au 1939 qui varie peu de sa trajectoire. Chacun a ses préférences. J’ai trouvé que c’est l’Extrême qui convient le mieux au 1998 et l’Akosombo qui se marie le mieux au 1939.

Ce qui est intéressant dans ces deux expériences, c’est que l’influence du mets est beaucoup plus grande sur le vin le plus jeune, en le rendant beaucoup plus civilisé et en l’arrondissant. Le plus vieux vin est moins influencé, car il a déjà trouvé son équilibre. Et ce que je retiens, c’est que jeune et vieux ont chacun leur intérêt dans les accords.

J’ai répondu à mille questions posées par ces élèves très motivés. Certains feront de belles carrières. Ils en montrent tous les signes.

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Ci-dessus dans l’ordre au deuxième plan : Zimbabwéen, hongroise/allemande, indienne, indienne, brésilienne, espagnole, suissesse, français (Michel Guten), turque. Au premier plan Thibaut de la Rivière.

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Trois semaines avant l’ouverture du restaurant Guy Savoy mardi, 28 avril 2015

Trois semaines avant la date officielle d’ouverture du restaurant Guy Savoy au Palais de la Monnaie Quai Conti, les fidèles sont invités à une visite des lieux ce jour à 20 heures. Un escalier majestueux permet d’accéder au premier étage. Il y a quatre salles à manger de tailles différentes dont les fenêtres donnent sur le Louvre, la Samaritaine et la Seine. La dernière a une double orientation, sur la Seine et sur l’Institut, dont l’architecture est à mes yeux la plus élégante de tout Paris. Les murs sont gris foncé avec nettement moins de cinquante nuances. Les peintures et œuvres d’art sont résolument modernes, et cela va bien. La vaisselle et la décoration de table ont été conservées de la rue Troyon.

Les cuisines sont immenses, elles toutes de blanc. Et l’on s’y presse, on joue des coudes, car à chaque endroit il y a des merveilles à grignoter. Guy a invité ses fournisseurs, fiers d’exposer leurs produits, et toute la brigade prépare des mets simples, faciles à prendre à la main et goûteux.

J’essaie plusieurs sortes d’huîtres de toutes origines, et c’est un peu logique puisque la rue Troyon accueille maintenant l’Huîtrade, vendant des huîtres sur place ou à emporter. Le Pata Negra est de parfaite qualité, les légumes sont bons, et la petite coupelle avec une purée de petit pois et un œuf de caille mollet est délicieuse. Ensuite tout s’accélère car on est assailli par des propositions de petites portions de tout ce qu’on peut imaginer, des bricks, des blinis à l’oursin ou à la truffe, de la côte de bœuf, de la caillette, une tourte à je ne sais plus quoi, légère comme il n’est pas permis, des fromages et les fruits les meilleurs qui soient, fraises, raisins, et tant d’autres. Alors, on se fraie un passage comme on peut, on bavarde avec des amis ou connaissances de bonne chère, on revient se faire resservir du Champagne Moët & Chandon 2004
qui est une vraie réussite de cette grande maison et convient à ce genre d’exercice.

Au moment de sortir, trois jéroboams de Charteuse nous tendent leurs cols. J’ai goûté la Chartreuse MOF de 45°, mélange de jaune et de verte, puis la verte qui titre 55°. Visiter Guy Savoy demande du courage et une bonne santé.

Guy Savoy dispose d’un endroit exceptionnel qui pourrait rivaliser avec l’hôtel de la Marine de la place de la Concorde en termes de prestige. Il a là l’outil pour devenir « la » table française, la référence, comme le mètre étalon du pavillon de Breteuil. Tout en gardant son talent chaleureux, il faut peut-être passer de la table de copains de Bourgoin-Jallieu à la table qui va éclairer la gastronomie française, étendard que Guy mérite de porter haut et fort.

Longue vie à ce qui pourrait devenir la table institutionnelle absolue du goût français.

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photos prises du Pont des Arts. La Palais de la Monnaie est sur la droite de la photo. Du 1er étage, on voit le Pont Neuf si les feuilles des arbres ne gênent pas.

Déjeuner au restaurant la Cagouille lundi, 27 avril 2015

Déjeuner au restaurant la Cagouille est toujours un plaisir. Je n’ai pas la chance qu’André Robert, le truculent propriétaire, soit là, mais l’équipe est attentive et me chouchoute. Etant en avance, j’ai le temps d’étudier la carte des vins sympathique de cette maison où se retrouvent les amoureux du vin.

J’ai l’habitude de prendre de grands vins de Coche Dury mais il me semble opportun de choisir un vin du domaine Leflaive pour porter un toast à la mémoire d’Anne-Claude Leflaive, vigneronne de talent partie bien trop tôt. Pour attendre mon invité de prends une coupe de Champagne Laurent Perrier ultra brut qui trouve un écho absolument charmant avec les petites coques qui sont un rite auquel on échappe pas. La coque est un geste de bienvenue. Un ultra brut est toujours un peu strict. La sauce légèrement crémée arrondit les angles du champagne et accentue son charme.

Mon invité a le temps de profiter aussi de l’association coques et Laurent Perrier. Nous choisissons le menu en fonction du vin : coques dont nous reprenons une deuxième coupelle / couteaux grillés et beurre citronné / flan de daurade en un bouillon de coques.

Le Bienvenues-Bâtard-Montrachet domaine Leflaive 2000 a un bel or encore très citronné. Le nez est puissant. En bouche, le vin est un rêve d’équilibre et de convivialité. Il est précis, cohérent et chaleureux. Gorgé de soleil, il joue tout en mesure. Contrairement au Chevalier-Montrachet Bouchard 1985 bu à Londres qui était une bombe, ce vin fait rimer puissance et nuance. Les notes beurrées des trois mets que nous avons choisis mettent en relief le gras de ce vin très long et son côté crémeux qui accompagne un beau fruité. J’aime qu’il joue aussi juste sur le contraste entre force et mesure.

La cuisine de La Cagouille est simple mais fondée sur des produits de qualité. Avec des grands vins, on est sûr de jouer gagnant.

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