un Chambertin Armand Rousseau 1938 de bas niveau dimanche, 12 avril 2015

Dans ma cave, une bouteille donne des signes de perte de volume. Il faut la boire vite. C’est avec mon fils que je tiens à boire ce vin emblématique. C’est un Chambertin Armand Rousseau 1938. Il arrive une chose étrange. Je peux lever le bouchon de quelques millimètres avec le tirebouchon limonadier qui fait levier. Et avec la longue mèche, il est impossible de le lever. Il est comme coincé et je suppose que le goulot de la bouteille est resserré en haut, ce qui empêche de le remonter. Alors j’émiette le bouchon et je tire de nouveau. Et malgré le raccourcissement du bouchon, je n’arrive toujours pas à l’extirper. Et cela va durer encore, presque jusqu’au bout. Ce qui est incompréhensible, c’est que je goulot n’est pas resserré, ce qui semble indiquer que le bouchon était comme collé au verre du goulot.

La première odeur est engageante et me laisse de l’espoir. Le vin est laissé tranquille pendant trois heures. Lorsque je le verse, la couleur n’est pas très belle, d’un brun clair. Le parfum est très agréable et n’indique aucun défaut. En bouche, on sent que le vin est déstructuré. Mon fils l’aime assez, beaucoup plus tolérant que moi. On peut s’imaginer des arômes et des saveurs, mais à aucun moment je n’éprouve du plaisir, même avec la lie plus concentrée.

On a parfois avec des bourgognes de bas niveaux des belles surprises, mais ce chambertin, bien que buvable, puisque nous avons fini la bouteille, ne m’a pas apporté ce qu’il pouvait représenter. C’est dommage et triste. Mais c’est quasiment inévitable quand on a une cave de vins anciens.

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Match entre deux Dom Pérignon, 1988 et 1985 au restaurant Pages dimanche, 12 avril 2015

A la suite d’un achat de champagnes Dom Pérignon, j’ai bu avec mon fils, il y a deux jours, un Dom Pérignon 1988 qui s’est montré glorieux. Devant dîner ce soir au restaurant Pages avec ma femme, ma fille aînée et mon fils, j’aimerais comparer deux Dom Pérignon, le 1988 et le 1985. J’ai un a priori favorable au 1988 et c’est une bonne occasion de vérifier.

Nous arrivons au restaurant et qui vois-je ? Un vigneron bourguignon pour lequel on pourra dire : « jamais deux sans trois ». Car il y a quelques années, allant avec mon fils et ses enfants déjeuner sur une plage de Miami, qui est là ? Ce vigneron. Et, lors d’un séjour à Casa del Mar en Corse, partant déjeuner dans un petit restaurant dans un coin perdu, loin de tout, c’est encore ce vigneron que je rencontre. La probabilité de se retrouver un samedi soir au restaurant Pages était infime. C’est la loi des hasards. Je le rencontrerai à nouveau dans deux jours lors de la présentation des vins des domaines familiaux de Bourgogne, mais là, le hasard ne jouera plus.

La salle est pleine et l’assistance semble composée d’amateurs de bonne chère et de vins. Comme d’habitude, nous allons vivre le menu « à l’aveugle », car nous ne connaissons pas le programme.

Le menu composé par Ryiuji Teshima est : dauphine d’agneau, crème au curry / pain soufflé, crème au chou Kale / tartare de lieu jaune façon ceviche / chips de légume // bœuf Ozaki poché, bouillon de racines / cromesquis de foie gras fumé au Bincho, purée de topinambour / asperge verte de Sylvain Erhardt, sabayon et ventrèche / turbot, jus de coque, yuzu et citron Meyer / poulette de Pascal Cosnet, jaune d’œuf, quinoa, petits pois, mousse à la reine des prés / bœuf : la normande 4 semaines et le Simmenthal 5 semaines de maturation, l’Ozaki grillé au charbon Bincho / Pina Colada, Panna Cotta au thé Hojicha, profiterole à la poire aux agrumes et chocolat / granité d’oseille / mi-cuit au chocolat, sablés aux amandes caramélisées.

Je suis extrêmement favorable à cette belle cuisine raffinée et délicate, sur de beaux produits. Les plats sont si différents qu’il est difficile de les hiérarchiser. J’ai un faible pour la poulette, tendre et fondante, surtout à cause de l’œuf qui apporte une touche très gourmande. Ensuite il y a les trois viandes, dont la magnifique viande d’Ozaki. L’asperge est splendide, croquante à souhait. Les autres plats sont superbes, dont le délicieux granité d’oseille ou le turbot, mais les trois plats qui émergent sont poulette, trois viandes de bœuf et asperge.

Lorsque le sommelier verse les deux champagnes, nous avons deux magnifiques couleurs légèrement ambrées et des bulles très actives sur les deux. En les buvant, je me dis que les différencier ne va pas être facile, car ils ont beaucoup de similitudes, sentiment que partage le sommelier. Il faut bien les différencier. Mes deux enfants placent en premier le Champagne Dom Pérignon 1988. Alors que j’avais un a priori en faveur de ce 1988, je mets en premier le Champagne Dom Pérignon 1985.

Tout d’abord, le 1988 que nous buvons, même grand, n’a pas la même splendeur que celui que j’ai bu il y a deux jours avec mon fils. Ensuite, ce qui différencie les deux, c’est que le 1988 a un parcours très linéaire en bouche, tranchant, alors que le 1985 s’élargit en bouche avec une belle plénitude. Le 1988 est plus vif et le 1985 est plus charmeur. Mais ces différences sont tellement à la marge que lorsque l’on boit les deux champagnes à la suite, c’est le plus souvent le second qui semble meilleur, renforcé par la trace du premier bu qui, lui, a la mémoire du plat.

Comme ma fille n’est pas très champagne, nous prenons un Pommard 1er Cru Les Pézerolles domaine de Montille 2008. J’adore ce vin délicat, subtil, tout en suggestions et très bourguignon dans ses complexités. Il convient aux trois tranches de bœuf pour notre plus grand plaisir. Le 2008 atteint déjà un joli niveau de maturité.

J’ai fait porter des verres des deux champagnes aussi bien au chef qu’à mon ami vigneron. Le consensus est en faveur du Dom Pérignon 1985. Plus généreux, plus charmeur, il n’a peut-être pas la richesse vineuse du 1988, mais il gagne par sa flexibilité et son adaptabilité. Force est de constater que les deux sont de magnifiques champagnes, avec des évocations de miel, de noisettes, et à l’acidité superbe qui amplifie l’effet de la bulle. Les meilleurs accords des deux ont été avec l’asperge et avec le turbot.

Comme nous avons fini les deux champagnes, nous avons pris chacun un verre de Champagne 738 Jacquesson extra-brut. Ce champagne apporte la preuve que les deux Dom Pérignon sont au sommet du champagne que le Jacquesson, très agréable, n’est qu’au niveau des humains.

Le service est charmant et attentionné, le ballet des cuisiniers, dans un silence total, est comme chorégraphié. On se sent bien au restaurant Pages.

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le chef me fait signe

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Dîner avec mon fils et Krug années 50 et Hermitage 1929 vendredi, 10 avril 2015

Mon fils fait sa visite habituelle à Paris pour gérer l’entreprise industrielle que j’ai gardée. Je lui demande : « veux-tu que ce soir on ouvre du grand ?». L’avantage de ces questions, c’est qu’elles n’ont qu’une seule réponse. Ma femme et mon fils ont fait chacun de leur côté des emplettes aussi est-ce un repas où l’on va picorer plus qu’un repas à menu.

Il y aura des crevettes grises, des queues d’écrevisses, du jambon Pata Negra, du foie gras et de nombreux fromages. Mon choix de vin n’a pas été concerté.

J’ai pris en cave un Krug Private Cuvée probablement années 50. Pour dater, j’ai croisé ce que je peux observer de la couleur des étiquettes, de la couleur de la capsule et de la forme du bouchon et ces indices suggèrent que ce vin pourrait être des années 60 ou 50, mais plus probablement des années 50.

Le pschitt est faible mais la bulle est là. La couleur m’étonne, car le vin n’est quasiment pas ambré. En bouche, ce champagne est colossal. Car il y a une myriade de fruits, entre des jaunes et des rouges, et surtout, une combinaison entre fruits frais et fruits confits. Le vin est vif, incroyablement vivant et complexe, avec en plus une rondeur et une cohérence que seul l’âge peut donner. Fascinant, envoûtant, c’est un champagne de haute volée. Un vrai bonheur.

Il n’a peut-être pas la tension de certains champagnes plus vifs, mais sa rondeur et sa complexité extrême en font un champagne mémorable, dans le club très fermé des très grands champagnes.

Mon deuxième choix est un vin qui m’émeut car il est très peu probable que je retrouve un jour sur ma route un autre Hermitage Marquise de la Tourette Audibert et Delas rouge 1929. J’ouvre la bouteille qui a un niveau un peu bas. Le bouchon se brise en de nombreux morceaux, le bas du bouchon étant gras et noir. En l’ouvrant au dernier moment avant qu’on la boive, je sais que l’on prend un risque. Le premier nez est un peu torréfié. Et puis, c’est comme le soleil qui se lève à l’aube, nous allons vivre une éclosion ahurissante.

Le vin se caractérise par une densité de trame extraordinaire. C’est un vin lourd, charpenté, mais aussi ciselé. Et c’est cela qui est remarquable. Mais il y aussi une chose qui me fascine, c’est que malgré sa densité, le vin est d’une grande fraîcheur. Et cela signe un grand vin. Il a du fruit, de la truffe, et c’est sa richesse en bouche qui est hallucinante. Quand je me suis versé le fond de la bouteille, presque noir, je n’ai quasiment pas eu de lie et le vin gardait une grande pureté.

A l’analyse on pourrait chercher tel ou tel défaut, mais la densité de la trame, plus la fraîcheur, conduisent à se dire que l’on est face à un immense 1929. C’est vraiment une année exemplaire, l’année que je chéris le plus avec 1900.

Ouvrir ces raretés avec mon fils est un accomplissement. C’est la récompense de ma passion.

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un bon fromage superbe sur le Krug

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Dîner avec Dom Pérignon 1988 vendredi, 10 avril 2015

Le lendemain, le programme du dîner promet d’être sage. Ma femme a voulu un repas tout orange : des tomates oranges avec des petites écrevisses nichées dans des feuilles d’endives et une fleur comestible et bio, une pensée orange, du saumon presque cru en dés, et une salade de mangues avec des kumquats confits. Le thème de l’orange est brisé deux fois, pour la salade roquette puis pour les fromages. L’eau est au programme mais j’ouvre un Champagne Dom Pérignon 1988. Dans ma mémoire vive, l’année 1988 est une immense année en champagne. Et ce n’est pas ce champagne qui me fera dire le contraire, car il est exceptionnel. Il est une forme quasi idéale d’un rêve de champagne. Il a un dosage que l’on ressent mais en même temps il a une acidité rafraîchissante et pénétrante. Il a aussi bien du miel que du beurre, des agrumes, mais ce n’est pas la peine de chercher car on est conquis par sa structure glorieuse. Richard Geoffroy a récemment créé le concept de « plénitude » qui s’applique à des Dom Pérignon qui sont dégorgés à un moment de leur vie qui est un pic d’excellence. Alors que ce concept concerne des dégorgements tardifs, le mot plénitude s’impose pour ce 1988 au sommet de son art. J’aurais volontiers tendance à dire que ce 1988 est un Dom Pérignon idéal, comme on parle de « gendre idéal ». Deux heures après le repas, j’ai encore l’empreinte indélébile en bouche d’une magnifique acidité et de beaux agrumes.

C’est un champagne emblématique, au sommet de son art, glorieux et idéal. Une forme ultime du champagne dans le registre des champagnes chaleureux.

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symphonie d’orange

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Déjeuner au restaurant Garance vendredi, 10 avril 2015

Un déjeuner doit avoir pour thème le luxe et l’excellence, et plus particulièrement au Japon. D’instinct, je choisis le restaurant Garance de mon ami Tomo.

Je n’ai pas noté les intitulé des plats. L’entrée de spaghettis de pommes de terre, d’herbes, de calamars et de jambon bien gras, est un régal de saveurs délicates. Le plat principal un poulet, est d’une tendreté de rêve. La cuisine de Guillaume Iskandar cherche à rester modeste mais sa qualité d’exécution est exemplaire. Le dessert au chocolat, avec un sorbet à la betterave réussi, est agréable.

J’ai choisi un Champagne Egly-Ouriet 2002 dégorgé en novembre 2011 à la couleur déjà ambrée, riche, plein en bouche et seigneurial. Il est là, il s’impose avec une évidence absolue. Plus on le boit, plus on l’aime, gourmand, généreux, riche de complexités. Ce sont des fruits jaunes de fin d’été qui traversent l’esprit.

Le Château Rayas Châteauneuf-du-Pape 1998 a un nez agréable aussi j’approuve le vin sans l’avoir goûté. Mais en bouche le vin est torréfié, cuit, comme après un passage en cave chaude. Or Guillaume Muller
me dit que le vin vient directement de la propriété. Pourquoi est-il aussi plat et limité, je ne peux le dire, mais le vin, où l’on sent que la matière est présente, avec des accents bourguignons que l’on retrouve souvent chez Rayas, est anesthésié par ce coup de chaleur indéterminé.

Pour compenser cette contreperformance, Guillaume Muller nous fait servir à chacun un verre de Château Prieuré Lichine Margaux 1981. L’attaque beaucoup plus fraîche met encore plus la lumière sur la torréfaction du Rayas, mais le vin est court, très court, ce qui ne pansera pas nos plaies. J’eus l’heureuse surprise d’être invité. Le principal cadeau fut l’agrément des conversations.

La cuisine de Guillaume Iskandar me séduit de plus en plus.

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casual Friday au restaurant Hiramatsu vendredi, 10 avril 2015

Jamais je n’ai vu un casual Friday avec autant de rebondissements. Cette fois-ci il est un vendredi, ce qui devrait nous porter chance. Mais suivons le fil de sa gestation. Nous sommes cinq à postuler pour ce déjeuner. J’ai en outre une candidate potentielle qui pourrait venir avec une bouteille de haute volée qui me fait particulièrement envie, un Côtes du Jura que l’on peut dater autour de 1850. Je n’en parle pas à mes amis et j’attends leurs propositions. Aucune ne m’excite vraiment, car je vise haut, et je commence à dire que je préférerais reporter notre rendez-vous. Mais les mails amicaux qui me sont adressés m’indiquent que je ne devrais pas annuler. Je demande à nouveau les apports de chacun et faute de grives, ma proposition personnelle est plus de merles que d’ortolans. Et les désistements arrivent un à un, tous ayant des raisons qui se justifient. Si bien qu’à la veille du repas, nous nous retrouvons à deux. Le fidèle qui reste du groupe initial est un des plus généreux. Je lui dis : « comme nous sommes deux, visons plus haut, oublions nos vins déjà livrés au restaurant et lâchons-nous ». Nous passons l’un et l’autre des coups de fils et nous sommes trois, puis quatre. L’un des amis du groupe initial qui annonçait sa possible absence revient dans le groupe ce qui fait qu’après avoir été 5 puis 4 puis 3 puis 2 nous avons fait le chemin inverse en remontant jusqu’à 5 avec une distribution de vins très différente et deux convives nouveaux.

Benoit Vayssade, le sommelier du restaurant Hiramatsu, a suivi ces valses ou plutôt ces pas de tango avec une compréhension exemplaire. Il a proposé un menu sans tenir compte des vins, puisqu’il ne les connaissait pas, qui est le menu du déjeuner où, au lieu de choisir entre deux options par plat, nous aurons des demi-portions de chaque plat possible, ce qui donne : noix de Saint-Jacques à la plancha, beurre blanc au yuzu et légumes de saison / ris de veau poêlé, purée de topinambours et capuccino de champignons sauce madère / barbue à la plancha, mousseline d’oignons rose rôti et sauce matelote / cochon ibérique rôti, déclinaison de carotte et jus de citron / tarte tatin, pomme royale gala et feuilleté caramélisé, glace romarin.

Nous commençons sur des gougères et des pistaches grillées par un Champagne Bollinger Grande Année 1985 dégorgé en 2003. Décidément, je n’ai pas beaucoup de chance avec les 1985 pris de la cave d’Hiramatsu, car le dernier 1985 que j’ai bu ici n’était pas parfait, et celui-ci, tout en étant agréable, donne une impression de pomme surette qui neutralise la vivacité. On le boit bien, mais il ne procure pas le plaisir attendu.

Dans ma première proposition j’avais inclus un Chablis Caves Prunier 1955 au niveau en vidange, en l’annonçant sans illusion. Quand je l’ai ouvert, le bouchon est tombé dans la bouteille ce qui m’a obligé à le carafer. Et cette oxydation rapide a empêché un retour à la vie qui n’aurait de toute façon pas eu lieu. Nul d’entre nous n’en a bu. Il m’a suffi de le sentir pour l’écarter.

Le cinquième larron avait fait livrer un Château Grillet mais nous n’allions pas le boire sans lui aussi avons-nous commandé un Champagne Delamotte Blanc de Blancs 2004 toujours aussi civilisé et agréable. Le champagne est à l’aise en toute circonstance. Mais le cinquième larron arrive. On ouvre vite son vin.

Le Château Grillet 1992 a une jolie couleur et un nez plutôt agréable. J’aime les Château Grillet car ils sont toujours étonnants, offrant à chaque millésime un profil différent. Mais ici, même en cherchant ce qui fait la grâce de ce vin, je bute sur des sensations de cire, de glycérine, qui paralysent le palais. Il y a des réminiscences, quelques allusions, mais le déclic ne se fait pas.

Le Clos de Tart 1989 de Tim, invité de la dernière heure, avait un parfum qui m’avait fait peur à l’ouverture et maintenant il est glorieux. C’est fou ce qu’il est bourguignon. Il a une belle richesse et ce qui fait le charme des vins bourguignons bien nés, où tout est suggestion, subtilité, élégance. Mais il y ajoute une richesse de fruits, une puissance remarquable. C’est un grand Clos de Tart.

Le vin que j’ai substitué à ma première proposition est une Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 2002. A l’ouverture, le parfum était une magnifique promesse avec une intensité et une profondeur remarquable. A table, le vin va passer par deux phases. La première est toute de fruits. Des fruits rouges et noirs, en fruits et en compotes. Avec un bouquet de complexité. Le fruit est noble, mais on est sur le fruit. Puis, tout-à-coup, arrive la signature de la Romanée Conti. On sent le sel typique du domaine et le romantisme propre à la Romanée Saint-Vivant. Du fait de la jeunesse de ce vin, on est plus sur l’affirmation que sur la suggestion. Nous buvons un vin de très grande élégance et de magnifique subtilité.

Le vin de Bruno est un Vega Sicilia Unico 1960. Le nez évoque le café, caractéristique de ce vin, quel que soit l’âge. Le vin est riche, franc, et la cohabitation avec les deux excellents autres rouges se fait sans difficulté. On peut passer de l’un à l’autre sans problème. Le vin espagnol est serein, facile à vivre, pas extrêmement long mais tellement riche et franc. On est sur de belles notes de café, d’automne, et la richesse triomphe.

Pour le dessert nous avons le choix entre plusieurs vins mais la curiosité nous pousse vers une demi-bouteille de Cabernet Sauvignon Vendanges Tardives Van der Heyden Vineyards Napa Valley 1997 qui titre 14,5°. Le vin est très curieux car il n’est en rien doucereux. Il est extrêmement fruité, avec de la cerise, du pruneau, il habille bien la bouche et convient bien au dessert, surtout la glace au romarin. C’est une découverte de goûts inhabituels.

Ce qui est remarquable, c’est la performance des trois vins rouges. Le Clos de Tart 1989 est très bourguignon, avec une complexité enthousiasmante. La Romanée Saint-Vivant est romantique, toute en séduction élégante et le Vega Sicilia Unico est riche, pénétrant, intense. Ce serait bien difficile de hiérarchiser ces vins si différents et aussi grands les uns que les autres. Mon classement sera : 1 – Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 2002, 2 – Vega Sicilia Unico 1960, 3 – Clos de Tart 1989, mais on pourrait tout aussi bien les mettre ex-aequo.

Le menu n’a pas été conçu pour les vins, mais cela s’est bien passé, la cuisine étant franche et agréable. L’accord de la barbue avec la Romanée Saint-Vivant a été le plus intéressant. Le service du restaurant Hiramatsu est attentionné et plaisant. Ce fut un casual Friday à rebondissements, mais ce fut un vrai succès.

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pas de photo du Clos de Tart, sauf le bouchon

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dîner chez des amis dans le sud samedi, 4 avril 2015

Nous allons dîner chez des amis dans le sud. L’apéritif se prendra avec du saucisson et du pâté de tête. Nous aurons ensuite un carpaccio de saumon, puis de la lotte avec une sauce vierge et une belle et complexe purée de tomates pour finir sur des fromages.

Le Champagne Substance Jacques Selosse a été dégorgé un jour de printemps, le 20 mars 2007. Sa couleur est très ambrée. Il est très surprenant, car son acidité est très prononcée, avec des fruits jaunes un peu surets. Ce n’est pas un champagne confortable, c’est un champagne de méditation. Sur le pâté de tête, l’accord arrondit le champagne qui montre une force certaine. Il faut se concentrer pour essayer de le comprendre et lorsqu’on y arrive, on se rend compte de sa force, de sa complexité et d’une matière vineuse de grande distinction.

La bouteille étant finie au cours du long apéritif, il faut ouvrir un Champagne Mumm Cordon Rouge de mise récente qui est, lui, très confortable et lisible, et se boit bien. Il fait prendre conscience encore plus du raffinement du Substance, mais le Mumm tient bien sa place, court mais sans problème.

La Côte Rôtie La Mouline Guigal 1997 est un vin comme je les aime. Car l’année, plus frêle que d’autres, met en valeur la délicatesse des qualités de ce vin. Tout est en finesse, en raffinement. Il convient bien à la lotte, puis aux fromages, et c’est un régal. Contrairement à une année puissante comme 1996 qui laisse exploser le fruit glorieux, on est ici sur le terrain de l’élégance et de la courtoisie. Bien sûr, le vin a aussi de la puissance, mais ce vin m’évoque les gymnopédies d’Erik Satie.

Par une nuit de pleine lune qui argente la mer, nos discussions nous ont gardés éveillés très tard, avec en bouche le goût de cette belle Côte Rôtie.

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Déjeuner au restaurant Paloma à Mougins jeudi, 2 avril 2015

Cela fait presque douze ans qu’un journaliste, Patrick Flet, avait fait un article sur l’un de mes dîners auquel il avait participé et qu’il avait apprécié. Entre autres activités, il travaille avec l’office de tourisme de Mougins pour l’organisation d’une grande fête populaire : « les Etoiles de Mougins, festival international de la gastronomie ». Pendant trois jours, Mougins devient une capitale de la gastronomie, avec des animations, des événements, des stands de dégustation à tous les coins de rue et la présence de nombreux grands chefs. Par certains côtés, cela ressemble à la Percée du Vin Jaune, fête populaire que j’adore, mais centrée ici sur les mets, les saveurs et la gastronomie.

L’idée est née que j’organise un dîner à Mougins pendant « les Etoiles de Mougins » qui se tiendra les 18, 19 et 20 septembre 2015.

Considérant cela comme une nouvelle aventure, je me rends à Mougins pour rencontrer les responsables de l’office de tourisme de Mougins et étudier avec eux la cuisine du chef du restaurant Paloma, où devrait se tenir l’un de mes dîners le vendredi 18 septembre. Nicolas Decherchi, jeune chef de 32 ans, a été très rapidement couronné d’une étoile.

J’arrive dans la vieille ville de Mougins par un beau soleil et le panorama est saisissant, car d’un côté on peut voir la baie de Cannes et de l’autre les Alpes aux sommets encore couverts de neige.

Je choisis trois plats différents pour juger non pas le talent du chef, car je ne suis pas là pour ça, mais pour vérifier que sa cuisine peut être compatible avec les vins anciens. Il y aura : langoustines en deux façons, tartare de langoustines à l’orange et citron vert accompagné d’une langoustine rôtie au kumquat et carpaccio d’orange au poivre / noix de coquilles Saint-Jacques label rouge rôties au beurre demi-sel fumé, saupoudré d’orange confite, accompagnées d’une fine mousseline de topinambour à la truffe et gnocchi de pomme ratte / pomme de ris de veau du Sud-Ouest surmontée d’un craquelin de parmesan, accompagnée d’une mijotée de riz aux olives vertes et speck fumé et de sa pomme de terre confite aux oignons caramélisés et reblochon fermier / tarte citron yuzu, tartelette sablée garnie d’une dacquoise amande et d’un confit citron, rehaussée d’une mousse au yuzu..

Les intitulés indiquent que chaque plat est une addition de saveurs qui pourraient se contrarier, d’où l’intérêt de vérifier.

Les trois beurres Bordier sont une invitation à la gourmandise ! L’amuse-bouche commence par une barbe à papa de foie gras (si ma mémoire est bonne) qui est ludique, amusante et évocatrice de souvenirs d’enfance, revisités. C’est bon. Les trois petits amuse-bouche sont délicieux et goûteux. Comme dans tous les restaurants, cela plante le décor et permet de se dire qu’on va se régaler.

La mise en bouche est une agréable gelée très cohérente, qui conviendrait parfaitement lors d’un dîner de vins anciens.

Le tartare de langoustine ne met pas assez en valeur la chair, masquée par ce qui l’entoure. La langoustine est superbement cuite et de grande qualité, mais la sauce au kumquat, généreusement servie, étouffe la chair brillante. Il faudrait ne garder que la langoustine, avec une suggestion infime de l’agrume.

Les Saint-Jacques sont de grande qualité et le plat est excellent. La purée de topinambour est cohérente avec le plat mais devrait être un peu plus discrète. Voici un plat que les vins anciens comprendraient.

Le ris de veau apporte la troisième preuve que le chef se fournit de produits de qualité. Il faudrait alléger la lourde sauce et les à-côtés qui ont, comme pour le premier plat, un peu tendance à étouffer le produit principal.

Le dessert est très bon, et pourrait convenir à d’antiques liquoreux.

Le Champagne Bollinger Grande Année 2004 est toujours aussi solide, brillant, confortable et sans problème. Il n’a aucune difficulté de message, car il est franc, emplit bien la bouche et se boit avec plaisir.

J’avais lu sur la carte des vins que l’on propose un Beaucastel Œnothèque 2000. Je connais le Beaucastel normal et le fameux hommage à Jacques Perrin, mais d’œnothèque, je n’en ai aucune idée. En fait l’étiquette porte la mention « Œnothèque famille Perrin » mais qui ne correspond à aucune différence par rapport au Châteauneuf-du-Pape traditionnel. Le Châteauneuf-du-Pape Château de Beaucastel 2000 est une magnifique surprise. Je n’aurais pas imaginé qu’il ait atteint un tel stade de maturité. Il est riche. Tout en lui est brillant, l’équilibre, la mâche, la persuasion, la longueur. C’est un vin de grand caractère, et pour mon goût, c’est sa sérénité qui est son atout de séduction. Avec le ris de veau, c’est une merveille. C’est un très grand Châteauneuf-du-Pape.

Pour les desserts un verre de Champagne rosé de blancs Pierre Gimonnet & Fils Brut est franc, superbe, goûteux comme il convient.

Le repas est superbe et j’ai félicité le chef. Mais les plats tels qu’ils sont, doivent être retravaillés pour des dîners de vins anciens. Le chef a parfaitement compris ma demande et nous trouverons sans difficulté les plats qui feront apprécier son talent tout en se montrant « à l’écoute » des vins anciens.

La vue de la salle du restaurant est magnifique. La décoration est chargée mais elle a un style. Le service est attentionné mais commet de petites erreurs comme de carafer le vin sans me l’avoir demandé. On sent une équipe qui veut bien faire et un chef talentueux et ambitieux. Ce sera un plaisir de faire un de mes dîners dans ce bel écrin.

la barbe à papa

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les beurres Bordier

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Magie de vins anciens au restaurant l’Oustau de Baumanière mercredi, 1 avril 2015

Par échange de mails, j’ai acheté des vins à un amateur qui vit dans le Gard. Pour en prendre livraison une idée me vient : se rejoindre aux Baux de Provence lorsque je serai dans le sud. Ce qui me donnerait l’occasion de déjeuner à l’Oustau de Baumanière.

Nous nous présentons au restaurant l’Oustau de Baumanière, ma femme, une amie et moi, par un beau soleil et un grand vent. Le personnel nous accueille avec le sourire, se souvenant de beaux repas que j’ai eu l’occasion de faire en ce lieu.

La carte des vins est très riche et comprend des vins anciens sagement gardés depuis des décennies. C’est donc une invitation à casser sa tirelire et à rendre hommage à la gestion de cave remarquable de cette maison. Jean-André Charial n’est pas présent car il s’occupe de ses autres restaurants. Je demande qu’on lui transmette mes amitiés. Le sommelier Gilles Ozello accompagnera avec talent notre dégustation.

Trois petites mises en bouche nous proposent palourde, dé de saumon et une crème de rouget délicieuse. L’amuse-bouche consiste en des pâtes en ravioli trempant dans un bouillon délicieux.

Mon repas sera : foie gras de canard, fine gelée d’agrumes / pigeon des Costières, viennoise aux olives vertes, céleri et salade d’abats / saint-nectaire / millefeuille.

Le Champagne Moët & Chandon 1914 se présente dans une bouteille qui paraît saine. Le niveau a un peu baissé mais pas trop. A travers le verre assez sale et coloré, la couleur est difficile à deviner mais paraît ambrée. On imagine qu’il n’y a plus de bulle, mais je confirme ma commande. Le bouchon sort sans effort et sans pschitt. Le vin dans le verre est très ambré. Le nez est assez joli. En bouche, le vin est riche, sans aucun pétillant, ce que je regrette un peu. Des agrumes forts apparaissent comme des zestes d’oranges ou de pomelos. Le vin est assez court, manquant un peu d’équilibre et j’attendais sans doute un peu mieux de ce vin que je souhaiterais adorer tant car je considère Moët 1914 comme l’un des plus grands Moët qui ait été fait, au-dessus même du mythique 1911.

Le vin avait besoin de s’aérer car tout-à coup, au moment où je reçois le foie gras, le nez du champagne devient vibrant, sensuel et riche, évoquant de lourds fruits exotiques. Et en bouche, la transformation est spectaculaire. Le champagne prend de l’ampleur et surtout de la longueur. Il est riche, profond, complexe, jouant sur un registre de fruits confits, tantôt agrumes rouges, tantôt prunes gorgées de soleil. On sait que nous ne sommes plus sur le terrain des champagnes et plus sur celui des liquoreux légers, mais plus encore sur une combinaison des deux, et je suis pris d’un grand amour pour ce 1914 qui n’est pas le plus grands de ceux que j’ai bus, mais qui est d’une émotion extrême.

J’ai choisi sur la carte le Corton rouge Bonneau du Martray 1961 car je n’ai jamais rencontré ni bu des cortons de ce prestigieux domaine de cet âge. Le niveau est assez bas mais c’est la dernière bouteille du restaurant. Je décide de la prendre malgré une couleur que je suppose non parfaite. Gilles ouvre la bouteille et le bouchon noir vient en mille miettes. Le nez du vin est relativement neutre. La couleur est tuilée et peu engageante. A la dégustation, les promesses sont beaucoup plus grandes. Et, comme pour le champagne, il faut attendre le réveil du vin.

Il évoque la truffe, la mine de crayon et sa matière est riche et épaisse. Sa plénitude, sa construction bien assemblée, son équilibre vont me conduire à l’adorer car, en plus, le pigeon est probablement le meilleur de ceux que j’ai mangés depuis quelques années. La chair est exceptionnelle et le pigeon se confond avec le vin car l’olive rejoint son goût truffé. Je suis sur un petit nuage, car la fusion entre pigeon et le vin les soude comme l’on soude les plaques d’acier de la carène d’un bateau. Mon plaisir est inextinguible.

Je fais verser dans un autre verre la lie qui est noire d’encre et superbement goûteuse, accompagnée du saint-nectaire.

Le service est parfait, le sommelier est d’une attention permanente et c’est un plaisir de discuter avec lui, la nourriture est superbe et le pigeon m’a enthousiasmé ainsi que les fruits confits extraordinaires que j’ai choisis de la même couleur que le champagne, melon, abricot, kumquat, pour qu’ils forment avec le reste du Moët un accord couleur sur couleur du plus bel effet.

C’eût été un péché de ne pas choisir des vins dans la caverne d’Ali Baba de l’Oustau de Baumanière, étape indispensable des amateurs de bonne chère et de grands vins.

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ma femme a pris un cochon de lait dont les pommes de terre sont cuites dans un rouleau de graisse découpé devant nous

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