L’Académie du Vin de France tient son assemblée en son siège, le restaurant Laurent. Avant le dîner de Gala, à 19 heures, une paulée est organisée au premier étage du restaurant dont le principe est simple : chaque vigneron fait goûter l’un de ses vins de la dernière année qui vient d’être mise en bouteilles. Ce sera, selon les régions ou les maisons, 2012 ou 2011. On peut goûter Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 2011 à la subtilité pleine de grâce, Vosne Romanée 1er Cru aux Malconsorts domaine Dujac 2012 de belle construction et de bel équilibre, Morey-Saint-Denis domaine Dujac 2012 un peu plus dur et jeune que le Vosne Romanée, Volnay-Santenot du Milieu 1er Cru domaine des Comtes Lafon 2011 d’une très forte personnalité dans la séduction, Crozes-Hermitage Alain Graillot 2012 aussi souriant et convaincant que l’académicien qui l’a fait, Côte-Rôtie Maison Rouge domaine Georges Vernay 2011 très plaisante, L’Hermitage domaine Jean-Louis Chave 2011 éblouissant de pétulance, Château Gazin Pomerol 2012 superbe de construction, Château Corbin-Michotte Saint-Emilion 2012 que je trouve absolument superbe, Château Calon Saint-Georges Saint-Emilion 2012
qui se cherche encore un peu, Château Montrose Saint-Estèphe 2012 très prometteur, Mas Jullien Terrasses du Larzac 2011 de grande gourmandise et charnu, Châteauneuf-du-Pape Château de Beaucastel famille Perrin 2011 très bien construit et chaleureux, Château Simone Vin de Provence 2011 brillant au possible. Beaucoup d’autres rouges étaient présentés.
J’ai pu me souvenir des millésimes grâce aux photos que j’avais prises. Les blancs étant dans des seaux, je n’ai pas de photos permettant de signaler les années. Dans ce que j’ai goûté, les plus grands blancs sont l’Hermitage Chave, le Riesling Clos Saint-Hune de Trimbach, le Riesling Rangen de Thann de Zind-Humbrecht, le Condrieu du domaine Georges Vernay et le Beaucastel. Mais il y en avait beaucoup d’autres. Pour les liquoreux, seulement deux vins, le Jurançon Quintessence du Petit-Manseng Cauhapé au final incroyable de longueur et de charme et le Château de Fargues 2009 royal et imposant.
Bien sûr on pense plus à bavarder avec les vignerons présents qu’à analyser en détail ces vins, mais comme chaque fois, on est favorablement impressionné par la qualité des vins des académiciens. On redescend de l’étage pour l’apéritif. Le Champagne Pol Roger Brut Réserve sans année
est agréable à boire, gentiment titillé par des toasts à l’anguille, au foie gras et au pied de porc.
Malgré les appels pressants du personnel du restaurant, personne ne passe à table, tant il est agréable de discuter avec les uns et les autres, Eric Orsenna, Bernard Pivot, le président de l’académie Jean-Robert Pitte, Michel Bettane et tant d’autres.
A la table où je suis placé, il y a, entre autres, Anne et Jean Charles de la Morinière du domaine Bonneau du Martray, venus avec un couple d’amis bourguignons, Monsieur Delmas, l’homme qui a fait Haut-Brion pendant tant d’années, Pierre Trimbach, Anne de Laguiche. Antoine Pétrus est venu rejoindre notre table un peu plus tard, rattrapant les plats qu’il n’avait pas eus.
Le menu du dîner de gala de l’académie du vin de France, préparé par un groupe d’académiciens pour coller aux vins, avec la collaboration de Philippe Bourguignon et du chef Alain Pégouret
est : huîtres spéciales n°3 David Hervé, gelée iodée et salicornes / queues d’écrevisses, mousseline de brochet et bisque légère / caille dorée en cocotte, rôtie aux abats, pommes soufflées « Laurent » / Saint-nectaire / marron Mont-Blanc, litchis.
Les vins du repas sont ceux des vignerons les plus récemment entrés à l’académie. Le Riesling Clos Sainte-Hune maison Trimbach 2005 n’a pas l’ampleur du magnifique 2002 que j’avais bu la veille mais il a comme lui une incomparable précision. Le riesling est brillant et l’accord avec les huîtres mais surtout la gelée iodée est magique. C’est à mon sens le plus bel accord du dîner car la continuité gustative est parfaite, rafraîchissante.
Le Condrieu « Coteau de Vernon » domaine Georges Vernay 2011 est un solide gaillard avec une belle mâche gourmande et un peu de fumé. Avec le plat, il prend encore plus de coffre. Les queues d’écrevisse sont goûteuses, la mousseline de brochet apporte sa douceur face à la bisque divine qui excite le vin par ses épices joyeuses. Le plat est pour moi le plus beau et l’accord sur la bisque est exaltant.
La Côte Rôtie Maison Rouge domaine Georges Vernay 2007 a un nez d’une générosité extrême. Il promet des bonheurs gourmands. Mon avis va différer de celui d’autres convives dont Philippe Bourguignon à qui j’en ai parlé, car une amertume un peu prononcée sur la fin de bouche limite mon plaisir. Philippe est au contraire enthousiaste pour ce vin. La caille est belle et c’est surtout la sauce qui donne des ailes non pas à la caille mais au vin.
Le Mas Jullien Coteaux du Languedoc 2007 est joli dans sa simplicité généreuse, main de fer dans un gant de velours, droit et expressif. Du fait de sa jeunesse, j’ai trouvé une impression de granulé dans sa matière. C’est un beau vin qui devrait vieillir avant que l’on n’y touche.
Le Gewurztraminer Sélection de Grains Nobles Hors Choix maison Trimbach 2007 est une merveille de fraîcheur et de glisse. Il se boit si facilement ! Pierre Trimbach nous explique que « Hors Choix » a été inscrit pour exprimer que dans ce vin, il y a non seulement la sélection des grains nobles, mais la crème de la crème des raisins. On le croit sur parole tant le vin au fruit infini est bon. Le litchi lui va bien , comme l’ensemble du dessert.
Dans ce repas, mon classement serait : 1 – Gewurztraminer, 2 – Riesling, 3 – Condrieu. Tous les accords ont été réussis, ce qui veut dire que la commission nommée pour préparer le repas de l’académie a contribué à un réel succès. L’accord de la gelée iodée avec le riesling est magique. La bisque avec le Condrieu n’en est pas loin.
Comme chaque année Jacques Puisais a décrit les vins du repas avec une audace dalinienne. Qui d’autre que lui pourrait digresser ainsi ? Il a été applaudi, comme Philippe Bourguignon à qui l’on doit ce superbe repas et un service impeccable. Tous les plats ont été d’une réalisation parfaite. Quand le Michelin s’en apercevra-t-il ?
Après le repas les discussions allaient bon train. J’avais raté à l’apéritif le Champagne Billecart-Salmon cuvée François Billecart 1999 aussi ai-je rattrapé cette erreur au moment du café. Le champagne est guerrier, solide, campé sur ses assises fortes. C’est un très bon champagne puissant, idéal pour finir agréablement cette belle soirée d’amitié avec de grands vignerons et leurs amis.
Quelques vins présentés à la « paulée » :
les vins du repas (préparés par un sommelier du Laurent, il y a une erreur de millésime pour le Sainte-Hune qui est un 2005 au dîner et non 2009)