Déjeuner au restaurant David Toutain lundi, 27 janvier 2014

David Toutain m’avait surpris à l’Agapé Substance par son talent. Quand il a quitté ce lieu, de nombreuses pistes s’offraient à lui et j’étais tenu informé de certaines. La gestation dura plusieurs mois et enfin la nouvelle tomba : il s’installe à son compte et à son nom dans le 7ème arrondissement. N’ayant pu assister au dîner d’ouverture, pour de stupides erreurs de communication, j’ai attendu un mois pour me présenter au restaurant David Toutain avec mon épouse et des amis. Le menu est à choisir entre trois options d’herbes des montagnes. Nous choisissons le menu « Reine des Prés », sans l’option accord mets et vins, les femmes ne prenant pas le menu truffé contrairement aux hommes. Ce sont les stéréotypes du genre.

Ne sachant pas le contenu du menu, c’est vers le champagne que nous nous sommes tournés, le Champagne Billecart-Salmon Cuvée Nicolas François Billecart 1999. Ce champagne est tellement confortable qu’il est presque inutile de le décrire. Il est là, il tient sa place, accueillant à chaque plat. Rond, fait de légers fruits bruns, il est calme et serein. Il a tenu sa place au point qu’à deux buveurs, nous avons étanché deux bouteilles. Sa franchise est admirable.

Le menu est comme un discours de Fidel Castro, sans fin. Mais à la différence du Lider Maximo, David Toutain ne nous lasse jamais. Jugez plutôt : purée de panais, chocolat blanc, carottes, poudre de sésame / chips de crabe, guacamole avocat banane / brioche / fenouil des mers, coques et couteaux / huître, Yuzu, kiwi / Gnocchi parmesan noisettes, Yuba / Saint-Jacques, truffe / Œuf, ail doux, verveine / Saint-Jacques mélisse citron / choux de Bruxelles, foie gras, consommé pomme de terre / féra, seiche, Kale / seiche, citronnelle, brocoli / anguille, sésame noir, pomme verte / agneau, oignons, bleu des Causses / fromage comté longue garde Bernard Anthony / choux-fleurs chocolat blanc noix de coco / topinambour pralin / clémentine au thé, cake cacahuète, sorbet orange sanguine et Campari.

Il y a des moments de grâce. Quand on présente le fenouil des mers avec des coques et des couteaux, la forme de la coupelle nous fait penser qu’un bouillon va suivre. Or en fait on mange le contenu du plat et le bouillon de couteaux n’est versé que lorsqu’on a fini. Et c’est un régal de goûter ce bouillon pur.

L’impression générale est celle d’un immense talent qui représente une sorte de synthèse des tendances culinaires actuelles. Il y a un peu de René Redzepi de Noma, car certains des plats évoquent les recherches du brillant chef danois. Il y a beaucoup de Pascal Barbot de l’Astrance, dans la recherche de pureté et de lisibilité des plats. J’ai retrouvé des directions qu’empruntent les jeunes chefs belges qui foisonnent de créativité. Mais il y a aussi de beaux emprunts à la cuisine classique et traditionnelle sophistiquée à la Christian Le Squer comme la féra et l’anguille.

Le gnocchi est le plat le plus original à mon goût, le plus goûteux est celui de coque et de couteau, le plus gourmand est celui de l’anguille et je ne vois pas un seul plat que je critiquerais. Je suis frappé par la sérénité de cette cuisine, David Toutain exposant son talent avec justesse sans jamais le forcer. Ce chef va progresser encore et les trois étoiles me semblent faire partie de son paquetage dans la prochaine promotion.

L’équipe est sympathique, présente bien les plats, le service est agréable sauf celui des vins, à la traîne. Il y a deux ou trois points que j’ai signalés à David qui ne sont que des réglages de démarrage. Ce restaurant est promis à un grand avenir. Il évoluera forcément avec sa notoriété. A ce sujet, j’aurais mieux fait de le critiquer sauvagement, car il y a déjà deux mois d’attente pour le dîner. Si je veux revenir en ce lieu, je ferais mieux de le critiquer.

Mais ce serait malhonnête car il est déjà l’un des plus grands de Paris.

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Dîner au restaurant Laurent avec La Tâche 1947 et deux beaux 1919 samedi, 25 janvier 2014

Au départ, il s’agit d’un Casual Friday. Alors que ces repas sont généralement très spontanés, les choses s’organisent et se structurent au point que je peux considérer qu’il s’agit du 175ème dîner de wine-dinners. Il se tient au restaurant Laurent. Nous sommes cinq et chacun a apporté de deux à trois vins, ce qui veut dire que nous allons « affronter » douze vins au cours de ce repas.

Vers 17h30 je commence l’ouverture des vins. Quelle n’est pas ma surprise de voir que le bouchon du Grand Cru Altenberg De Bergheim Marcel Deiss 1997 se désagrège en mille morceaux tant il est indécollable du verre du goulot. Il m’a fallu près de vingt minutes pour extirper ces miettes et je n’ai pas pu empêcher que des débris résiduels restent en suspension dans le vin. Lorsque La Romanée Monopole Marey & Liger-Belair 1919 est ouverte, je fais grise mine, car mon vin a toutes les chances de ne jamais revenir à la vie. L’odeur est fade, pas désagréable, mais d’une fatigue qui interdira probablement un retour en grâce. La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1947 de Lionel paraît aussi fatiguée, mais le sursaut vital semble possible. Le Vosne-Romanée Cros Parantoux Emmanuel Rouget 1990 de Didier a une odeur bien pâlotte et la demi-bouteille du Château Ausone 1962 de Lionel semble la plus accueillante de toutes le bouteilles. Le Château d’Yquem 1913 de Tomo a une jolie couleur, le vin est de belle transparence, mais le vin semble manquer d’ampleur. Nous verrons. Le constat n’étant pas extraordinaire je me mets à penser aux opérations d’ouverture que je fais depuis plus de trente ans. Les vins que j’ouvrais il y a trente ans avaient meilleure mine que ceux d’aujourd’hui. Une explication possible est que les vins changent de propriétaire beaucoup plus souvent que dans le passé. Il ne faut pas généraliser, mais c’est probable.

Nous prenons l’apéritif dans la rotonde avec des tuiles au parmesan. Le Champagne Le Mesnil 1959 de Didier est un blanc de blancs fait par une union de propriétaires récoltants. Sa couleur est relativement sombre, mais n’est trahi d’aucun défaut. Le nez est celui d’un champagne âgé. En bouche, ce qui me frappe, c’est sa pureté. Il porte ses 54 ans encore très bien. Tomo est un peu gêné par son acidité mais celle-ci s’estompe au fil de la dégustation. Si le vin est très simple, cela ne m’empêche pas de l’apprécier, sans doute plus que mes compères, un peu plus critiques. Je trouve que ce champagne tient son rôle.

Le menu créé par Alain Pégouret et Philippe Bourguignon est ainsi rédigé : pâté en croûte de volaille et foie gras / cuisses de grenouilles aux épices tandoori, veloutine au haddock / noix de ris de veau panée à la truffe, « perline » à la carbonara / pièce de bœuf rôtie, servie en aiguillettes, pommes soufflées « Laurent », jus aux herbes / glace vanille minute huile d’olive toscane.

Le Champagne Krug Clos du Mesnil 1982 de ma cave est une perfection absolue. Le vin est clair, la bulle est belle, le nez n’est pas ce qui compte, car tout se joue en bouche. Quelle complexité ! Ce champagne dépasse de la tête et des épaules tout ce que l’on peut goûter comme champagne. Je suis aux anges. Il est tellement complexe qu’il se suffit à lui-même, le pâté en croûte n’arrivant pas à lui donner un supplément d’âme. Comme Alain Delon, il se suffit à lui-même.

Le Champagne Heidsieck Dry Monopole 1915 de Florent a une couleur légèrement opaque et terreuse. Il nous emporte dans l’inconnu. Chacun de nous ressent des évocations différentes. Je ressens du caramel et de la réglisse. Les puristes, les orthodoxes rejetteraient un tel vin. Mais nous sommes des passionnés. Nous voulons explorer ce que raconte l’histoire. Et ce champagne hors norme, hors de sentiers battus nous raconte des saveurs quasi inconnues. Nous avons ainsi goûté à trois champagnes radicalement différents, dont le Clos du Mesnil émerge évidemment mais dont chacun de deux autres raconte des histoires étranges qu’il faut écouter.

Les cuisses de grenouilles accueillent deux vins blancs rares qui conviennent bien à ce plat. Mais je ne trouve pas ces vins d’exception particulièrement convaincants. Le Grand Cru Altenberg De Bergheim Marcel Deiss 1997 de Lionel, d’une vigne complantée de tous des cépages traditionnels, manque un peu de persuasion et de pep. C’est un grand vin mais qui joue un peu en dedans. Et le Pouilly Fumé Astéroïde Didier Dagueneau 2008 de Tomo, vin issu de vignes franches de pied, qui évoque des agrumes légers, n’apporte pas un saut qualitatif majeur par rapport aux autres cuvées de ce grand vigneron regretté.

Le Château Ausone demi-bouteille 1962 de Lionel a une couleur magnifique. Il est dense et évoque la truffe. Riche, il a une belle personnalité. Il était prévu dans le menu que ce vin serait un intermède sans plat. Mais j’aurais volontiers croqué une truffe pour accompagner ce beau Saint-Emilion.

Sur les délicieux ris de veau nous avons deux vins de 1919. Je suis bien inquiet au moment où l’on sert le premier et l’odeur ne me rassure pas. Mais le miracle se produit en bouche. La Romanée Monopole Marey & Liger-Belair 1919 a le charme d’une grande Romanée. Le soulagement est grand. Je revis. A côté de lui, le Clos Vougeot Château de La Tour 1919 de Florent, qui avait un beau niveau alors que la Romanée était basse est très vivant, guerrier, solide, structuré. La Romanée est féminine et pleine de charme quand le Clos Vougeot est masculin et viril. On ne s’étonnera pas que Florent préfère le Clos Vougeot et que je préfère la Romanée, car tous les amateurs de vins anciens ont les yeux de Chimène pour leurs enfants. Je n’en reviens que la Romanée nous ait donné une véritable émotion avec une réelle profondeur et une mâche veloutée, pleine de séduction. Ces deux 1919 se sont montrés plus que convaincants. Le ris de veau les a accompagnés avec beaucoup de justesse et de gourmandise.

Quel choc lorsque l’on me fait goûter en premier La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1947 de Lionel ! Je souris d’un sourire béat et ravi. Il n’y aura aucune difficulté à désigner le meilleur vin de la soirée, car cette Tâche est divine et tellement DRC. Elle a tout pour elle, plénitude, charme, élégance, fluidité en bouche. C’est une très grande Tâche, malgré un niveau bas, meilleur que celui de la Romanée. Cette bouteille porte une collerette de la maison Drouhin qui devait en être le distributeur.

Alors, le compagnon de plat de La Tâche a bien fort à faire. Le Vosne-Romanée Cros Parantoux Emmanuel Rouget 1990 de Didier manque d’à peu près tout. Le nez est faible, le vin n’a pas de puissance, pas beaucoup de caractère. En une autre occasion, on le trouverait plaisant, mais après ces trois ancêtres, il est plat. Les aiguillettes de bœuf sont magistrales.

Le Château d’Yquem 1913 de Tomo a lui aussi beaucoup de mal à se positionner. Il est plutôt sec, et manque de vibration et de coffre. Il a de la personnalité, une complexité évidente, mais il n’arrive pas à accrocher nos cœurs. Le dessert, que j’avais tant aimé sur un Fargues 2005 ne convient pas aux sauternes anciens.

La Liqueur Suc Simon que l’on peut situer dans les années 40 ou début des années 50 est l’enfant chéri de Didier. Cette liqueur de Chalon-sur-Saône est un clone de la Chartreuse. C’est un joli bouquet d’herbes et de fleurs qui se boit avec plaisir, sans atteindre cependant le niveau des grandes chartreuses très anciennes.

Nous avons été très sélectifs dans nos votes. Comme nous ne sommes que cinq et cinq amis, les votes se sont concentrés et ceux qui n’ont eu aucun vote sont Le Mesnil 1959, l’Astéroïde 2008, le Cros Parantoux 1990, l’Yquem 1913 et le Suc Simon. Deux vins ont été nommés premiers, La Tâche quatre fois et la Romanée une fois.

Le vote du consensus serait : 1 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1947 (Lionel), 2 – Champagne Krug Clos du Mesnil 1982 (François), 3 – La Romanée Monopole Marey & Liger-Belair 1919 (François), 4 – Clos Vougeot Château de La Tour 1919 (Florent), 5 – Château Ausone 1962 demie (Lionel).

Mon vote a été : 1 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1947 (Lionel), 2 – Champagne Krug Clos du Mesnil 1982 (François), 3 – La Romanée Monopole Marey & Liger-Belair 1919 (François), 4 – Château Ausone 1962 demie (Lionel).

Les quatre premiers vins nommés par le consensus suffisent à faire de ce dîner un dîner exceptionnel. La Tâche toute seule assure le succès de la soirée. Les deux premiers plats ont été relativement discrets par rapport aux vins, alors que les deux suivants ont été remarquables. Des vins ont ressuscité de façon inouïe et je suis sûr que la Romanée aurait été jetée par des amateurs ignorants ou impatients.

Nous avons passé une merveilleuse soirée dans un cadre amical et généreux. Les vins moins présents ne nous attristent pas, car il faut ouvrir sans cesse de nouveaux flacons pour avoir la chance de trouver sur notre route d’aussi glorieuses pépites. Dans la chaude atmosphère de ce dîner, nous avons esquissé de futures aventures de folie.

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Sur la photo des vins il n’y a pas ceux de Florent, le champagne 1915 et le Clos Vougeot 1919

Sur le menu ci-dessous, les deux 1919 ont été en fait servis ensemble.

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Déjeuner au restaurant Pierre Gagnaire jeudi, 23 janvier 2014

Déjeuner au restaurant Pierre Gagnaire. La décoration a changé depuis ma dernière visite. On est dans des tons d’automne. Nous choisissons l’un des menus de déjeuner, avec une profusion de plats. L’intitulé des plats ne révèle qu’une partie des complexités : Corolle de haddock, crevettes grises, couteaux et bigorneaux, huître n° 3 David Hervé, thon rouge / mousseline de brocoli au wasabi, amandes, coquillages et salicornes / velouté de châtaigne au café, rognonnade de veau aux cornes d’abondance, bouquet de champignons de Paris à la noix / consommé d’oignons brûlés à la mélasse de ginseng / castelfranco, artichaut maco, Ossau / déclinaison de betteraves, blanche sucrière, crapaudine, gold, chioggia, bigarreau / noisette de biche rôtie parfumée de poivre du Vietnam et de cannelle / quetsches à la lie de vin, feuille de vigne croustillante, patate douce / cigarette chocolat au colonnata, figue sèche, bulagna, salsifis / quelques desserts Pierre Gagnaire.

J’ai compté dix-sept assiettes, coupes ou coupelles servies à chacun, dont sept pour les seuls desserts. Il y a tellement de complexités et de saveurs différentes qu’après avoir essayé de reconnaître des goûts, on se laisse porter par une créativité sans limite. J’imaginerais volontiers que si l’on comptait les ingrédients du repas d’un restaurant trois étoiles, ce menu en compte cinq à dix fois plus que ce que serait la moyenne. C’est inventif et c’est bon. Il y a ici ou là une amertume plus difficile à accepter, mais c’est une poussière à côté de la jouissance de goûter des saveurs inattendues. J’ai adoré l’entrée très marine du début, le velouté de châtaigne et surtout la noisette de biche remarquable.

Le feu d’artifice, ce sont les desserts. Ils sont extraordinaires. Quel talent ! C’est probablement ce qui se fait de meilleur dans tout ce que je connais. Là aussi, l’imagination n’a pas de limite.

Le service est impeccable et les serveurs sont capables d’expliquer toutes les composantes des plats sans la moindre hésitation. C’est à signaler. En plus, on comprend ce qu’ils disent.

Pour accompagner ce festival de saveurs j’ai choisi le Champagne Pierre Péters, blanc de blancs Cuvée Spéciale Les Chétillons 2002. Ce champagne d’une grande pureté montre une adaptabilité et une flexibilité qui sont exceptionnelles. Il est beaucoup plus serein que les nombreux Chétillons 2002 que j’ai déjà bus mais peut-être s’est-il mis spontanément au diapason de cette cuisine brillante.

Ce fut un beau repas, avec du talent et de l’imagination, un accueil hors pair et des desserts qui m’ont enthousiasmé.

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l’émission « Encore heureux » d’Arthur Dreyfus sur France Inter de 17 à 18h le 23 janvier mercredi, 22 janvier 2014

L’émission du jeudi 23 janvier sera consacrée à un débat autour de la question suivante: « peut-on rater sa vie?« . 

Je serai en plateau avec le philosophe Yann Dall’Aglio (auteur notamment de « Une Rolex à 50 ans. A-t-on le droit de rater sa vie? », Flammarion 2011) 

et le romancier Dominique Noguez (qui a signé entre autres en 2003 « Comment rater complètement sa vie en onze leçons » chez Rivages).

On peut rater sa vie, mais on ne peut pas rater cette émission !

quand on range les bouteilles vides ! lundi, 20 janvier 2014

ça donne l’impression d’une armée en marche. Au centre, le bataillon des sauternes

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On fait une photo de classe. ici, ils sont tous disciplinés, tous du domaine de la Romanée Conti

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Ceux du Clos du Mesnil sont moins disciplinés. L’un d’entre eux est sorti du rang !

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Me voici encerclé par ces bouteilles vides !

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vite, un petit remontant (La Tâche 1990 en magnum)

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Vins du prochain dîner de wine-dinners samedi, 18 janvier 2014

Les vins du dîner N° 188 selon la numérotation sur le site wine-dinners : https://www.wine-dinners.com/prochains_diners.htm

Champagne Alfred Rothschild 1966

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Champagne Bollinger Grande Année 1979

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Château Olivier 1949

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Bâtard Montrachet Fontaine & Vion 1990

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Chateau Ausone 1953

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Aloxe Corton Moingeon Ropiteaux 1938

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Chambolle Musigny A. Rossigneux & Fils 1947

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Château Chalon Fruitière Vinicole de Voiteur 1959

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Château Caillou Barsac 1943

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Château Coutet 1922

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Déjeuner au Yacht Club de France jeudi, 16 janvier 2014

Le Yacht Club de France, en la personne de Thierry Le Luc, son directeur de restauration, est assez fascinant. Car nous y tenons assez souvent notre repas de club de conscrits, et chaque séance est un enchantement. Un ami, membre influent du YCF nous y reçoit et le thème est le cochon. Qu’on ne cherche là aucun érotisme, c’est de bonne chère qu’il s’agit.

Pour l’apéritif, c’est un Champagne Veuve Clicquot magnum qui se marie à une profusion de cochonnaille. Alors bien sûr, on picore, et le champagne fort amène ne s’en ressent que mieux.

Le menu conçu par Thierry Le Luc et son chef est : brouillade d’œufs bio aux médaillons de homard breton / grosse côte de porc de la ferme de Bosc Renard à Heudicourt, brochette de fines rattes du Touquet et cèpes / fromages affinés d’Eric Lefebvre MOF / tarte fine aux pommes, glace cannelle artisanale, flambée au Rhum Vieux maison Clément.

Le Sancerre Thirot 2012 est fort agréable, mais j’ai apporté la deuxième bouteille de Château Haut-Brion blanc 1996 de la veille qui a profité de l’oxygénation en bouteille et se révèle profond, joyeux, lourd et percutant. C’est un grand vin que le homard apprécie.

Le Château Smith Haut-Lafitte 1998 est un vin très agréable, judicieusement proportionné. Il a un équilibre parfait, sans pousser à l’extrême ni le bois, ni l’acidité ni les épices. On le boit avec plaisir. J’ai apporté aussi la moitié du magnum de l’Hermitage la Chapelle 1990 qui est redevenu ce qu’il doit être, vigoureux profond, incisif. Un vin de grand plaisir.

La tarte aux pommes a été suivi d’un calvados, puisque nous étions dans la déraison. La passion de Thierry Le Luc pour les produits de qualité nous inspire. Vive le Yacht Club de France.

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Visite et dégustation au siège de Laurent-Perrier mardi, 14 janvier 2014

Au siège de Laurent-Perrier à Tours-sur-Marne, je suis reçu par Alexandra Pereyre de Nonancourt qui m’a invité. Nicole Snozzi qui connait la maison depuis 22 ans me fait faire la visite des lieux. Je mesure pourquoi les architectes sont sollicités par les grandes propriétés viticoles lorsque je visite une salle de maturation. C’est une véritable œuvre d’art, créée par Jean-Michel Wilmotte. Les proportions sont d’un immense raffinement ainsi que le choix des couleurs. Dans les interminables galeries de la cave, je rencontre José, qui tourne de l’ordre de 60.000 bouteilles par jour et m’explique les cycles de rotation du remuage. C’est impressionnant. Nous remontons en salle de dégustation pour goûter quelques rosés.

Le Champagne Laurent-Perrier rosé 2008 est fait de pinot noir. La couleur de pêche est très élégante. La bulle est forte. Les fruits sont très présents et multiples. Il y a une petite amertume dans le final. Quand le vin s’élargit dans le verre, le fruit est plus compoté. C’est un vin gastronomique, qui serait plus plaisant à table qu’en apéritif.

Le Champagne Laurent-Perrier rosé 2006 a la même jolie couleur de pêche. Le nez est plus vineux. L’attaque est plus belle mais la matière est un peu moins consistante. Le final est plus enjoué. Il y a un peu de bonbon anglais. Je préfère le 2008 dans sa rigueur.

Nous sommes rejoints par Jordi Vinyals, Directeur Général Commercial. Le Champagne Laurent-Perrier Cuvée Alexandra rosé 2004 a beaucoup plus de fruit que les précédents, et beaucoup plus de richesse et d’opulence. Il marque un saut gustatif majeur. Il est plus doux et plus voluptueux, fait de chardonnay.

Le Champagne Laurent-Perrier Cuvée Alexandra rosé 1998 a beaucoup de charme. Il est plus assis, avec des fruits plus compotés et confits. Il est plus noble, mais je préfère le 2004, à la vivacité plus nette.

Nous nous rendons au château de Louvois pour déjeuner. La décoration est raffinée. Dans le joli salon, face à la cheminée, j’ouvre le vin que j’ai apporté dont j’espère qu’il créera des fécondations réciproques avec les champagnes que nous allons partager.

Le Champagne Laurent-Perrier Cuvée Grand Siècle magnum fait de 1999, 1997 et 1996 a été dégorgé au 1er trimestre 2012. Il est d’une grande vivacité et d’une grande tension. Je l’aime beaucoup et il correspond à l’image que j’ai de ce grand champagne. Frais, il se boit avec envie.

Le menu est ainsi conçu : fines lamelles de Saint-Jacques aux noisettes torréfiées / joue, jarret et ris de veau braisés, pomme duchesse / parmesan 24 mois, gouda 48 mois et Moliterno aux truffes / chartreuse aux poires.

Le Champagne Laurent-Perrier Cuvée Grand Siècle magnum fait de 1999, 1997 et 1996 a été dégorgé au 2ème trimestre 2010. Alors qu’il s’agit du même champagne, il y a une très grande différence. Le second est plus complexe, plus raffiné, et je serais bien en peine de les départager, même si j’ai un petit faible pour le plus vif servi en premier.

Le Champagne Laurent-Perrier Les Réserves Cuvée Grand Siècle magnum fait de 1995, 1993 et 1990 est strict, précis, noble. Il est à mon goût moins « Grand Siècle » que les deux premiers et Alexandra Pereyre n’est pas de mon avis, car son cœur penche pour celui-ci. Il est servi en même temps que le Côte du Jura Chardonnay 1959 d’Emile Bourguignon à la couleur d’un jaune profond. Le nez de ce vin est une bombe de fruits. En bouche il est d’une invraisemblable longueur. Je suis aux anges et il propulse le champagne, lui donnant plus d’ampleur. Alexandra est plus favorable à boire ses champagnes sans cet accouplement, mais elle convient que la cohabitation est intéressante. Je suis heureux que ce vin du Jura soit aussi grand et s’accorde bien au beau champagne.

Le Champagne Laurent-Perrier Cuvée Grand Siècle Lumière du Millénaire magnum 1990 est un champagne de grande qualité, opulent, riche et complexe et je suis honoré que l’on m’ait fait goûter ces deux champagnes rares. Mais ma préférence ira vers le premier Grand Siècle fait de 99, 97 et 96 dégorgé en 2012, car il est le plus conforme au goût que j’ai acquis du Grand Siècle.

Tous ces champagnes sont grands, frais floraux, nobles et rafraîchissants. Ce sont de « vrais » champagnes.

David a fait un service de grande classe. La charmante cuisinière a réalisé un repas de grande qualité et nous avons bavardé avec elle de cuisine et d’accords mets et vins. Dans une ambiance amicale et généreuse, j’ai pu mesurer toute la grandeur du Grand Siècle, que je connais bien sûr, mais qui se boit encore mieux « en famille », avec ceux qui en ont la responsabilité.

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des bouteilles anciennes

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stock de bouteilles et le responsable du remuage

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dégorgement des rosés

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au château de Louvois

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Des vins merveilleux chez Tomo dimanche, 12 janvier 2014

Avec Tomo, nous avons envie d’ouvrir des bouteilles qui ont marqué l’histoire et justifient l’aura qu’elles ont acquises dans les livres. Nous avons commencé et sur les deux ou trois dernières expériences, les bouteilles de Tomo n’avaient pas la qualité qu’elles auraient dû avoir. Cela m’a contrarié et a aussi contrarié Tomo. Il a envie de rattraper son retard, même si l’on ne pourra jamais avoir une stricte égalité.

Ce dimanche midi nous sommes invités, ma femme et moi, dans le nouvel appartement que Tomo et son épouse viennent d’acquérir. Tout ici est beau. Tomo vient avec deux verres pour que nous trinquions. Le liquide est légèrement ambré, le nez est profond. Il n’y a pas une trace de bulle, mais je sens qu’il s’agit d’un champagne et d’un champagne noble. Au nez je pense à Krug, mais sans certitude. En bouche, je songe à une grande année, qui pourrait être des années 60, mais j’annonce 1959. Il s’agit en fait d’un Champagne Dom Pérignon Œnothèque 1962. Ce qui m’étonne, c’est que le champagne fait son âge, puisqu’il a perdu sa bulle et a des arômes légèrement fumés, de citron et de fruit orange comme l’abricot. Il doit s’agir d’un dégorgement ancien, puisque l’on n’a pas la vigueur des Œnothèques. Tomo me montre la bouteille et je vois un dégorgement de 2002.

Ce qui m’étonne, c’est que le champagne ait pu perdre toute sa bulle alors qu’il n’a que 11 ans depuis son dégorgement. Il a donc rattrapé le chemin de vie des mises d’origine. C’est un grand champagne, avec des évocations qui changent tout le temps. Sur de la rosette, c’est un régal. La saucisse de Morteau servie chaude crée une amertume peu plaisante pour le champagne.

C’est à table que le Dom Pérignon va montrer ses belles qualités. Le chef qui officie en cuisine est Tsuyoshi Miyazaki, second du célèbre restaurant « Passage 53″. Il a écrit pour lui-même les principaux ingrédients du menu sur un papier où se mêlent le japonais, le français et l’anglais. Par malheur, j’ai perdu toutes les photos du repas, par une manipulation que je n’arrive pas à comprendre, aussi ce menu, seul élément que j’ai conservé, est-il approximatif, car non corrigé par les photos, supports de mémoire :

cerfeuil, tubéreuse en croquette avec sauce à la truffe / foie gras, clémentine, vanille brioche / brandade de morue, pomme de terre, fleurs, ciboulette thaï / huître, mascarpone, algues, émulsion, sauce « cristomarine », mini-oseille / pasta d’aubergine, caviar, pois chiche, jus haddock, huile noisette / maquereau, noisette muscade, pachoi fromage blanc, raifort, cresson moutarde / endive braisée, épices, sauce abricot séché, huile de menthe / lotte, crème, panais en purée, huile, épinard, orange / topinambour fumé, ravioli, bouillon de peau de topinambour, truffe noire / canard colvert, sauce salmis, Tatin de pomme, poivre noir / tourte de colvert, truffe noire, oignon, sauce truffe / biscuit fourré à la truffe, glace à la truffe.

Ce menu est un chef d’œuvre de délicatesse mise au service d’une profusion frisant l’excès de produits rares. Le chef s’en est sorti avec une remarquable élégance. Les plats les plus extraordinaires sont le cromesquis à la chaude sauce de truffe, l’huître très iodée, le maquereau et le colvert. Le dessert fait aussi partie des merveilles.

Le Dom Pérignon 1962 prend de plus en plus d’étoffe, devient pulpeux avec de belles notes de crème de citron. Comme il s’est asséché assez vite, il faut ouvrir un Champagne Krug Grande Cuvée demi-bouteille très jeune. Ce champagne est agréable, mais on mesure l’extrême distance qui le sépare d’un champagne ancien qui a développé des complexités qu’il n’aurait qu’avec plus de quarante ans.

Tomo apporte un verre de vin rouge et sans hésiter j’affirme par le seul parfum, bourgogne et j’ajoute domaine de la Romanée Conti. Un tel parfum, ça ne s’invente pas. En bouche, je pense années 80. Situer le vin du domaine est plus difficile. Il s’agit de La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1978. Le vin est absolument superbe. Il a tout ce que j’aime des vins de la Romanée Conti, le sel intense, une personnalité raffinée. Il s’accorde très bien avec le maquereau, le colvert et la truffe en croûte, mais aucun plat n’apporte réellement un supplément d’âme car il vogue au sommet. Il est loin de La Tâche 1962 légendaire que j’ai bue avec Tomo, mais il boxe dans une belle catégorie. Son élégance et sa subtilité sont spectaculaires.

Assez rapidement, nous avons aussi essayé les différents plats avec le Château d’Yquem 1949. Sa couleur est d’un or orangé. Son nez est riche et évocateur de milliers d’arômes. En bouche le vin est lourd, riche, d’une plénitude absolue. Dans toutes les associations, il est trop puissant pour les plats qu’il domine. Il faut le boire seul et ce qui me frappe, c’est que ce vin est totalement parfait, impression que j’ai souvent avec les très vieux Yquem de grandes années. On pourrait critiquer tel ou tel aspect du champagne ou du bourgogne, mais avec Yquem, c’est impossible. Il a atteint une telle cohérence qu’il paraît d’une solidité indestructible et irréprochable.

Ce repas est impressionnant. Tomo a voulu compenser de récentes expériences et il l’a fait plus que brillamment. Tout fut raffiné. Classer les vins serait difficile mais je ne peux m’empêcher d’avoir un petit faible pour La Tâche. Tomo a été brillant et généreux. Ouvrons vite d’autres merveilles.

le seul témoignage (hélas) de ce repas de rêve

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