déjeuner au restaurant Epicure de l’hôtel Bristol jeudi, 5 décembre 2013

Bipin Desai, le célèbre collectionneur américain pour qui j’organise chaque année un dîner de vignerons arrive à Paris. Il me donne rendez-vous à déjeuner au restaurant Epicure de l’hôtel Bristol. Etant arrivé en avance, j’ai le temps d’examiner la carte des vins dont les prix font frémir. On arrive à des aberrations extrêmes comme de facturer les premiers grands crus classés de 1982 au dessus de dix mille euros. Marco Pelletier, le très compétent sommelier du restaurant explique qu’il est obligé de ne pas faire figurer certains vins emblématiques sur la carte, car s’il les mettait, même à cent fois leur prix d’achat, ils seraient commandés dans la semaine qui suit. On peut comprendre son dilemme mais aussi penser que cela côtoie la folie.

Le menu composé par Bipin pour notre déjeuner est : langoustines royales et caviar juste raidies, servies froides, goût céleri-branche et jus de yuzu /châtaignes de mer en coque, langues et écume d’oursin, fine brouillade d’œuf de poule / poireau d’Ile de France cuit entier au gril, beurre aux algues, tartare d’huîtres « perle blanche », cébette et citron / noix de coquilles Saint-Jacques, gnocchis de truffe blanche d’Alba, jus de cresson de fontaine au beurre noisette.

Le Champagne Dizy Le Clos Jacquesson 2002 est une cuvée rare dont il n’a été fait que 946 bouteilles exclusivement en pinot meunier. Si Marco nous l’a suggéré, c’est pour que nous buvions quelque chose d’unique. Le vin est riche, complexe, original, d’autant plus que j’ai peu de repères sur les champagnes qui sont à 100% de ce cépage. Il a des côtés lactés plaisants et une acidité extrêmement bien dosée. Il se marie à la langoustine croquante et goûteuse et se place parfaitement au côté de l’oursin, plat d’une justesse de ton à signaler.

Le vin qui accompagnera les coquilles est le Corton Grand Cru rouge Bonneau du Martray 1999. La précision ciselée de ce vin est absolument remarquable. Tout en ce vin est dosé, mesuré, élégant et noble. C’est un vin d’un immense plaisir, au fruit juteux et de belle joie. Un bonheur.

La cuisine d’Eric Fréchon est d’une maturité remarquable. Le poireau à l’huître est d’une originalité extrême, l’huître explosant ses saveurs au contact du cœur du poireau. L’oursin est divin. C’est une belle table.

Je quitte Bipin rapidement, le laissant poursuivre son déjeuner, car j’ai maintenant une quarantaine de vins à ouvrir pour l’académie des vins anciens.

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Académie des Vins Anciens (AVA) – 21ème séance du 5 décembre 2013 – les règles jeudi, 5 décembre 2013

Académie des Vins Anciens (AVA) –  21ème séance du 5 décembre 2013

Règles et informations mises à jour au    moment du lancement (à lire avec attention)

Date et heure : 05 décembre 2013 à 19h00

Lieu : Restaurant Macéo 15 r Petits Champs 75001 PARIS – 01 42 97 53 85

Participation financière :

120 € par personne si l’inscrit apporte une bouteille de vin ancien (1) agréé par François Audouze

240 € par personne si l’inscrit vient sans bouteille

(1) si l’inscrit n’a pas de vin assez ancien, un « troc » est possible avec François Audouze, qui mettra au programme un vin ancien, contre une (ou plusieurs) bouteille de vin jeune qui présente un intérêt pour lui.

Paiement :

Aucun chèque ne sera remis en banque avant le 1er décembre 2013. Il n’y a donc aucune raison de retarder l’envoi du chèque de paiement. On peut l’envoyer des maintenant.

Le chèque doit être remis avant le 15 novembre à François Audouze. L’ordre du chèque est : « François Audouze AVA »

Chèque à envoyer à François Audouze 18 rue de Paris 93130 NOISY LE SEC

Livraison des vins :

Les vins doivent être proposés et agréés par François Audouze. Les bouteilles sont à déposer chez Henriot 5 rue la Boétie 75008 Paris – 2ème étage – 01.47.42.18.06. Notre contact sur place est Martine Finat : mfinat@champagne-henriot.com . Aucune bouteille ne devrait être livrée après le 20 novembre. Merci d’attendre le 1er novembre pour commencer à remettre votre bouteille chez Henriot.

Une variante est de m’envoyer par la poste la bouteille à l’adresse : François Audouze société ACIPAR 18 rue de Paris 93130 NOISY LE SEC

Pour que l’organisation de cet événement soit fluide, il est recommandé de ne pas attendre avant de proposer les vins, les livrer et payer.

Remarque sur les niveaux des vins :

On peut envisager qu’un académicien propose une bouteille de bas niveau, à la condition que cette bouteille soit une bouteille supplémentaire et pas la bouteille principale.

Veillez à la qualité de vos apports. Les groupes de dégustation seront créés en fonction de la qualité des apports.

Au plaisir de vous accueillir pour une réunion aussi brillante que les précédentes.

21ème séance de l’académie des vins anciens – les vins jeudi, 5 décembre 2013

Vins marqués de ** : vins de la cave de François Audouze

Groupe 1 :

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Champagne le Brun de Neuville Millésimé 2003

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Champagne Chauvet magnum 1914

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Champagne Dom Pérignon Oenothèque 1969

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Macon Viré André Bonhomme 1971

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**Château Palmer très probable 1900

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**Cos d’Estournel 1928

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Château Margaux 1923

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**Château Lagrange Saint-Julien années 50

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Château Bel Air-Marquis d’Aligre 1961

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Chambolle Musigny Pasquier Desvignes   1934

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Corton Clos du Roi  Camille Chandesais  1957

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Chapelle-Chambertin Louis Trapet 1974

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Moulin a Vent René Guyenet 1947

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Inglenook Cabernet Sauvignon Napa Valley 1978

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**Château Lafaurie Peyraguey 1926

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**Marc de Bourgogne L’Héritier-Guyot magnum 1970#

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Groupe 2 :

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Champagne le Brun de Neuville Millésimé 2003

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Champagne Chauvet magnum 1914

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**Champagne Napoléon Ch. & A. Prieur à Vertus # 1970

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Moët & Chandon Grand Vintage Collection 1993

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Hermitage blanc Chave 1983

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**Vin de Margaux de négoce années 60

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**Château Haut-Brion années 20 ou plus vieux André Gibert propriétaire

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**Château Lagrange Saint-Julien 1933

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**Château Bellefond-Belcier Saint-Emilion Commandant Gilard 1926

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**Château Palmer 1966

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Gevrey Chambertin Pierre Bourrée Fils 1931

Gevrey Chambertin 1931

**Château Canon Saint-Emilion magnum 1955

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**Côtes de Nuits Village Champy & Fils 1945

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Fixin Clos du Chapitre Bouchard P&F 1961

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Barolo Riserva Giacomo Borgogno & Figli 1955

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**Barsac Latrille-Ginestet 1926

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**Marc de Bourgogne L’Héritier-Guyot magnum 1970

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Groupe 3 :

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Champagne le Brun de Neuville Millésimé 2003

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**Champagne Napoléon Ch. & A. Prieur à Vertus # 1970

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Champagne Drappier Carte d’Or 1995 dégorgé en mai 2012

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**Sancerre Sauvignon G. Leschemelle 1949

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Château La Louvière Graves 1975

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**Château Brane-Cantenac 1970

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**Château Montrose 1921

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**Château Talbot 1934

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**Château Canon Saint-Emilion magnum 1955

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Château Pichon Longueville Baron 1964

Vosne Romanée Roland Thévenin 1955

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**Clos des Lambrays 1943

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**Pommard Naigeon-Chauveau 1961

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Chateauneuf-du-Pape Montredon 1967

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Château Haut Bergeron sauternes 1978

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Château Climens 1979

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**Marc de Bourgogne L’Héritier-Guyot magnum 1970#

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Présentation des 2010 du domaine de la Romanée Conti mercredi, 4 décembre 2013

Comme chaque année Aubert de Villaine vient présenter les vins du domaine de la Romanée Conti vieux de trois ans au siège de la société Grains Nobles et comme il aime à le rappeler, c’est la seule invitation qu’il honore en France, de présenter les vins de son domaine. Dans la cave médiévale au cœur de Paris, il est entouré de Bernard Burtschy et de Michel Bettane.

Il commence à rappeler trois faits marquants de l’année 2010. Après un printemps au début favorable, la floraison s’est faite par un temps difficile. Il y a eu de la coulure et une inégalité de floraison. Il y a eu des raisins dits « millerands » qui ont des grains très petits, en grand nombre, et dépourvus de pépins, ce qui pour Aubert de Villaine va apporter de la qualité. Août a été très mauvais, humide et froid. Mais le raisin a développé des armes pour se défendre : les peaux sont devenues épaisses. Septembre a connu une belle période de chaleur donnant un mûrissement très rapide. Le botrytis n’a pas progressé sauf à partir du 15 septembre sur les chardonnays. Le 22 on a vendangé le Corton et le Montrachet et à partir du 24 dans l’ordre Richebourg, Romanée Conti, La Tâche, Romanée Saint-Vivant, Grands Echézeaux et Echézeaux. Le Vosne Romanée n’a pas été fait en 2010 car jugé peu satisfaisant. Il y a eu environ 20% d’éraflage, ce qui n’avait pas été le cas en 2009.

Nous commençons la dégustation par le Corton Grand Cru Prince Florent de Mérode 2010 dont le domaine de la Romanée Conti est le fermier. La robe est profonde, presque noire. Le nez est riche et l’alcool se sent. La bouche est gourmande, épaisse presque sucrée. Il y a un beau final tannique. C’est un vin costaud, profond. Lorsqu’Aubert de Villaine dit que le vin est aérien, je suis étonné. Aubert de Villaine explique qu’il ne travaille que les vieilles vignes qui sont implantées sur trois climats. Pour l’instant, on regroupe les vins des trois climats et dans dix à quinze ans on vinifiera séparément le Clos du Roi, les Bressandes et les Renardes. Le Corton a moins de fûts neufs que les vins du domaine. Un tiers est éraflé. Dès le reprise en 2008 la démarche bio a démarré.

Avec l’Echézeaux domaine de la Romanée Conti 2010 on change de monde, car on entre vraiment dans le domaine. Le nez est élégant, le vin est beaucoup plus clair que le Corton. La subtilité du parfum est extrême. L’attaque est élégante, joyeuse, fruitée, séduisante. Le final est élégant, raffiné, poivré. Le vin est gourmand et plein de charme.

Le Grands Echézeaux domaine de la Romanée Conti 2010 a un nez plus vineux, plus cerise. Mais il annonce du velours. Le vin est plus strict, très poivré. Il a beaucoup de fluidité, de fruité et de richesse. Il a plus de matière mais il est encore strict quand l’Echezeaux est déjà ouvert. Sa persistance en bouche est forte. Michel Bettane dit que la qualité du raisin est exceptionnelle.

La Romanée Saint-Vivant domaine de la Romanée Conti 2010 a un nez beaucoup plus profond et plus riche. La couleur est très intense et belle, d’un rose sombre. La bouche est très belle, très caractéristique, avec une belle râpe. Il y a beaucoup de délicatesse. Il est plus romantique que le Grands Echézeaux qui est plus puissant. Sa délicatesse est remarquable. Michel Bettane insiste sur le fait que le vin n’est pas réduit et cela vient de la qualité de la mise en bouteille, faite au bon moment, en lune descendante mais surtout avec de hautes pressions atmosphériques. Le vin est élégant, d’agréable densité. C’est un aristocrate. Il est à un moment de sa vie qui est charmant. Aubert de Villaine utilise deux mots : féminin et monastique. Les vignes de Marey-Monge ont été reprises en fermage en 1966 puis achetées plus tard.

Le Richebourg domaine de la Romanée Conti 2010 a un nez moins facile à comprendre. Le vin est très complexe et fort. Le rose d’un rubis clair est très beau. Le vin est fort, puissant, ouvert, épicé, plus fonceur et en même temps très fluide. Il se cherche un peu, il est moins équilibré que la Saint-Vivant. Il est plus nerveux et l’on sent un potentiel qui ne demande qu’à s’exprimer. Il y a deux climats dans le Richebourg, un qui fait les deux tiers et qui s’appelle simplement Richebourg et les Veroilles qui fait le troisième tiers.

La Tâche domaine de la Romanée Conti 2010 a une robe plus profonde. Le nez est relativement peu précis. En bouche, on est loin de l’idéal, avec de l’acidité, de l’amertume. Le vin est assez ingrat, d’un plaisir limité. Le vin est « crunché », réduit. En remuant fortement le verre, on voit apparaître la profondeur d’un fruit noir bien riche. Même s’il est rigide, on voit la promesse et la persistance extrême. Nous apprenons que notre bouteille est nettement moins bonne que l’autre servie.

La Romanée Conti domaine de la Romanée Conti 2010 n’en apparaît que plus grande, tant le contraste est sensible. Le nez est vraiment Romanée Conti. Tout ici est dosé à la perfection. Tout est suggéré. Michel Bettane dit que cette Romanée Conti est parfaite. Il signale le poivron dans le final qui pour lui est une signature. Le final est salin et c’est le seul des rouges dégustés qui a cette trace saline. Il est parfait car tout ici est assemblé et cohérent. C’est l’équilibre. Il est soyeux, velours, porteur d’extase. Il est subtil et de belle râpe.

J’en profite de faire un nouveau round de verres mieux aérés. La Romanée Saint-Vivant est superbe de rondeur et de charme, le Richebourg est très en force et poivré, La Tâche s’est ouverte mais a une signature de réduction. La Romanée Conti enfin est formidable, offrant l’équilibre mais aussi le mystère. Elle est grandiose et de grande pureté. Michel Bettane suggère l’églantine et c’est vrai. C’est l’églantine plus que la rose et un sel tout frais.

Le Montrachet domaine de la Romanée Conti 2010 a été très touché par le botrytis. Il a donc été vendangé très tôt. Le nez est difficile à apprécier. Le vin est étonnamment léger et s’affirme assez peu, mais on sent qu’il est sur le frein à main, car il est servi froid. Michel Bettane signale l’élégance de son boisé. Il y a du miel, de la poire et des fruits blancs, un peu de lactique. C’est un grand vin dont l’élevage est fait en deux temps égaux, en fûts neufs et en fûts d’un vin, c’est-à-dire ayant servi déjà, mais une seule fois. En comparaison selon Aubert de Villaine, le 2008 est plus dans le miel et plus sensuel et le 2010 a plus de vivacité. La persistance du 2010 est belle. Je sens un peu de miel et de fruit confit. Il y a un grand équilibre de fraîcheur et de vivacité.

Les trois vins qui ressortent nettement de cette dégustation sont la Romanée Conti, très grande, la Romanée Saint-Vivant particulièrement réussie et le Montrachet pour ses qualités intrinsèques mais non encore totalement exprimées. Goûter les vins du domaine avec les explications d’Aubert de Villaine et les commentaires avisés de Michel Bettane, c’est un plaisir et un privilège.

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La quintessence irréelle de la dégustation à l’aveugle mercredi, 4 décembre 2013

Il faut en être témoin pour le croire. Je suis assis entre Bernard Burtschy et Michel Bettane lors d’un dîner dont Aubert de Villaine est l’invité de marque. Un ami nous verse un vin sous étui, dont il est impossible de lire le nom.

Le vin est trouble, sans doute remué, d’un rouge sang coupé de rose. Il est beaucoup trop froid. Bernard et Michel annoncent tout de suite pinot noir et à la question de la région, c’est Bernard qui lance le premier la région Bourgogne. Michel est le premier à lancer Côtes de Beaune et Bernard acquiesce. Michel a en tête Volnay. Le premier à lancer une année – et il n’y en aura pas deux – c’est Bernard qui dit 1985 et c’est 1985. On lui demande pourquoi et il répond : « parce que 1985 est la seule année équilibrée des années 80″. Bien. On s’égare un peu vers Pommard, sans y croire, et le tir se rapproche de Corton et l’ami approuve. Michel dit : je verrais bien Chandon de Briailles et ça doit être un Bresssandes.

Bernard dit Clos du Roi et l’ami confirme à Bernard : « c’est effectivement Clos du Roi Chandon de Briailles « . Michel dit : « c’est curieux, parce que pour moi, c’est le style d’un Bressandes ». Et l’ami pour détromper Michel soulève le cylindre qui cachait l’étiquette, regarde et pousse un cri de stupeur : « oh, ça alors, je croyais avoir pris un Corton Clos du Roi, car je voulais faire un clin d’œil à Aubert de Villaine qui fait un Corton sur les terres de Mérode dont une partie est en Clos du Roi et je me suis trompé en la prenant ».

Si on me racontait cette histoire, j’aurais du mal à la croire. Assis entre ces deux géants de la dégustation, je hochais la tête de droite à gauche comme le spectateur d’un match de tennis et j’allais d’émerveillement en émerveillement quand ces deux sommités expliquaient les raisons de leurs choix. Le vin est un Corton Grand Cru Les Bressandes domaine Chandon de Briailles 1985 à la couleur trouble et servi trop froid, découvert à l’aveugle en additionnant ces deux talents. Très doucereux, presque parfois sucré, il était bien vivant et velouté. Un vin au fruit rose ou rouge bien dessiné, frappé d’une infime trace de TCA.

On mesure le fossé himalayesque qui sépare un amateur de vin de ces deux génies, dotés d’une culture qui m’époustoufle en chaque occasion où j’ai la chance de déguster à leurs côtés.

Dîner qui suit la présentation des 2010 de la Romanée Conti mercredi, 4 décembre 2013

Selon la tradition, après la présentation des vins de la Romanée Conti, Pascal Marquet, dirigeant de Grains Nobles retient à dîner Aubert de Villaine, Bernard Burtschy et Michel Bettane, plus deux ou trois amis, dans les locaux de son restaurant tenu par un couple chaleureux et authentique.

Nous commençons par un Champagne Brut Grand Cru Egly-Ouriet millésime 1999 qui a passé 109 mois en cave et a été dégorgé en août 2009, issu de vieilles vignes d’Ambonnay. Je suis stupéfait par la complexité de ce champagne riche, prenant possession du palais. On a un irrésistible besoin d’y revenir tant il est gourmand. C’est une petite merveille.

Le vin suivant est un vin de garage, ce qui est inhabituel en Californie. C’est un La Côte, santa Rita Hills Pinot Noir Domaine de La Côte Lompoc Californie 2011. Il n’a été fait que 99 caisses de ce vin confidentiel. Il est des moments où je me félicite de ne pas être dégustateur professionnel, car ça me permet d’éviter de tels vins qui, pour moi, n’ont absolument aucun intérêt. Il n’y a aucun bord d’attaque qui permettrait d’y trouver du plaisir.

(l’épisode qui suit est aussi raconté dans un autre message. Il est ici en italique)

Le vin suivant est découvert à l’aveugle. Il faut en être témoin pour le croire. Le vin est trouble, sans doute remué, d’un rouge sang coupé de rose. Il est beaucoup trop froid. Bernard et Michel annoncent tout de suite pinot noir et à la question de la région, c’est Bernard qui lance le premier la région Bourgogne. Michel est le premier à lancer Côtes de Beaune et Bernard acquiesce. Michel a en tête Volnay. Le premier à lancer une année – et il n’y en aura pas deux – c’est Bernard qui dit 1985 et c’est 1985. On lui demande pourquoi et il répond : « parce que 1985 est la seule année équilibrée des années 80″. Bien. On s’égare un peu vers Pommard, sans y croire, et le tir se rapproche de Corton et l’ami approuve. Michel dit : je verrais bien Chandon de Briailles et ça doit être un Bresssandes.

Bernard dit Clos du Roi et l’ami confirme à Bernard : « c’est effectivement Clos du Roi Chandon de Briailles « . Michel dit : « c’est curieux, parce que pour moi, c’est le style d’un Bressandes ». Et l’ami pour détromper Michel soulève le cylindre qui cachait l’étiquette, regarde et pousse un cri de stupeur : « oh, ça alors, je croyais avoir pris un Corton Clos du Roi, car je voulais faire un clin d’œil à Aubert de Villaine qui fait un Corton sur les terres de Mérode dont une partie est en Clos du Roi et je me suis trompé en la prenant ».

Si on me racontait cette histoire, j’aurais du mal à la croire. Assis entre ces deux géants de la dégustation, je hochais la tête de droite à gauche comme le spectateur d’un match de tennis et j’allais d’émerveillement en émerveillement quand ces deux sommités expliquaient les raisons de leurs choix. Le vin est un Corton Grand Cru Les Bressandes domaine Chandon de Briailles 1985 à la couleur trouble et servi trop froid, découvert à l’aveugle en additionnant ces deux talents. Très doucereux, parfois presque sucré, il était bien vivant et velouté. Un vin au fruit rose ou rouge bien dessiné, frappé d’une infime trace de TCA.

On mesure le fossé himalayesque qui sépare un amateur de vin de ces deux génies, dotés d’une culture qui m’époustoufle en chaque occasion où j’ai la chance de déguster à leurs côtés.

Nous avions commencé le repas sur une délicieuse soupe aux champignons et maintenant, c’est un morceau très tendre de bœuf avec une purée qui accueille un Château Bel Air Marquis d’Aligre magnum 1985 château dont je sais que Bernard et Michel sont deux fanas inconditionnels. Le vin est magnifique de précision, goulu et de bonne mâche.

J’ai envie de quitter la table car j’ai demain un programme très lourd, mais on me retient en disant que je ne peux pas ne pas goûter un Mâcon-Pierreclos « Le Chavigne » domaine Guffens-Heynen 2004. Force est de dire qu’on a bien fait de me retenir, car ce vin est particulièrement généreux et joyeux.

L’ambiance après la dégustation des vins de la Romanée Conti est amicale et décontractée. C’est un plaisir de dîner avec des personnes de si bonne compagnie.

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Dîner à quatre mains au restaurant Kei mardi, 3 décembre 2013

Je ne sais pas comment j’ai appris la nouvelle, mais je l’ai retenue. Le chef Kei Kobayashi a eu l’heureuse idée d’inviter son prédécesseur de la rue du Coq Héron, le grand chef Gérard Besson, pour faire pendant une courte période des dîners à quatre mains.

Il faut à Kei une belle dose d’ouverture d’esprit pour faire revenir Gérard aux fourneaux qu’il a pratiqués pendant tant d’années. Lorsque nous arrivons au restaurant Kei, les deux chefs nous saluent avec de grands sourires. On sent qu’ils sont heureux de cette expérience.

Le menu qu’ils ont concocté est : amuse-bouche / soupe de lentilles et foie gras / terrine de lièvre, légumes crus et cuits / Saint-Jacques snackées, oseille et sabayon agrumes / biche, condiment pomme et poire, sauce poivrades / interprétation de l’oreiller de la belle Aurore / consommé de gibier / tarte aux agrumes, mousseux chocolat et son sorbet.

La décoration du lieu a été rajeunie par Kei. Le service de table, épuré, est de grand raffinement. Et les deux cuisines cohabitent bien. Kei, c’est l’exploration de saveurs pointillistes, suggérées et protéiformes, proposant des rêveries et des variations infinies. Gérard, c’est le raffinement de la cuisine bourgeoise, solide et de dextérité.

La biche est superbe, la terrine est une madeleine de Proust et l’oreiller de la belle Aurore, traité en petites portions pour deux, plus coussinet qu’oreiller, est emblématique. Je m’y sens bien, emporté par les saveurs multiples des cinq ou six composantes goûteuses du plat.

Avec Gilles Josso, pilier du restaurant, j’ai choisi un Chambertin domaine Ponsot 2000. Le nez est très subtil et bourguignon. Gilles m’avait dit que le vin serait très fruité. Or en bouche, c’est une forte râpe doublée d’une amertume qui envahit mon palais. J’attends que le vin s’élargisse, mais c’est bien lent. Il devient ce qu’il pourrait être, mais ce ne sont que des confidences, sur l’oreiller. Au total, ce vin n’est pas porteur de plaisir. Bien sûr les grappes sont entières, ce qui donne des tons rêches de rafle que j’accepte volontiers, mais le vin manque de vivacité et reste sur des notes beaucoup trop strictes.

Ce n’était pas suffisant pour brider le grand bonheur d’avoir vu ces deux chefs travailler ensemble. En sortant, nous les avons félicités pour cette idée d’une grande fécondité. Bravo aux deux chefs d’avoir aussi facilement additionné leurs talents. Ils nous ont dédicacé notre menu.

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Déjeuner au restaurant Thoumieux mardi, 3 décembre 2013

Déjeuner au restaurant Thoumieux. C’est la quinzaine des grands crus à prix coûtants organisé par le marchand Duclot qui appartient à la famille Moueix. Il y a de belles pioches dans des crus normalement inaccessibles, mais nous avons envie de pouvoir travailler l’après-midi aussi ce sera un Champagne Pol Roger Cuvée Winston Churchill 1996 qui fera notre déjeuner. Et c’est une très grande « pioche ». Le champagne est extrêmement fruité, plein, varié dans sa palette d’arômes où les fruits sont rouges, ou jaunes ou d’agrumes. Il est riche et très équilibré. Ce qui charme, c’est qu’il est racé, claquant sur la langue.

Le menu peut être composé d’une ou de deux suggestions dans six propositions. J’ai choisi : Maltagliati à la farine de châtaigne, beurre noisette, parmesans et une râpée de Tartufi di Alba / chevreuil de chasse cuit sur des marrons grillés, réduction d’une poivrade.

A peine avons-nous fini de commander, qui vois-je arriver : Richard Geoffroy, le metteur en scène de Dom Pérignon. Nous nous étreignons de mâles embrassades, souriant que le hasard nous ait permis de nous retrouver ici.

Les hors d’œuvre sont complexes, compliqués et interminables. Des miettes de tourteau se veulent glacées, mais on ne retient que le « trop froid ». La présentation des plats est assez ampoulée, marquée d’hommages appuyés au génie du chef.

Quand c’est Jean-François Piège qui vient lui-même râper la truffe blanche, on est évidemment conquis. Les produits sont bons, le chef a un grand talent, mais tout est beaucoup trop compliqué. Avec mon café arrive une boule chocolatée. Le serveur demande « voulez-vous la casser vous-même ou voulez-vous que je le fasse ? ». Je réponds « oui ». Il prend alors la boule posée dans un coquetier dont le pied est une patte de poule en céramique. Il la lance avec force sur la table et les morceaux de chocolat s’éparpillent sur la nappe. On a vu mieux comme mise en scène.

Richard Geoffroy me fait servir un verre de Champagne Dom Pérignon rosé 2002. Le vin est bien construit mais il est assez orthodoxe. Bien charnu, de belle couleur, il occupe bien le palais, mais on se plaît à rêver qu’il ait dix ans de plus, car une maturité supplémentaire va le rendre beaucoup plus excitant. Il a tout pour devenir grand. Laissons-lui le temps.

Le chef a du talent, les produits sont bons. Il faudrait un peu moins de sophistication et de complication pour que le plaisir soit total. Le gagnant de ce repas, c’est le Pol Roger d’une rare plénitude et d’une immense complexité. Et l’autre gagnant, c’est le plaisir inattendu d’avoir rencontré un grand vigneron, que je retrouverai dans une semaine dans ce qui sera sans doute le plus grand dîner de mon année.

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Le restaurant L’Arôme et Substance de Selosse jeudi, 28 novembre 2013

Le restaurant L’Arôme est accueillant. L’espace est aéré, les tables ne se chevauchent pas, les nappes sont bien blanches et le personnel est souriant et très professionnel. Dès l’entrée on se sent bien.

Le choix du menu est facilité par le chef charmant et enthousiaste qui vient glisser quelques conseils. Thomas Boullault a travaillé longtemps avec Philippe Legendre et en a retenu la volonté de faire des plats francs et lisibles. De plus, et ça ne trompe pas, il aura la main lourde lorsqu’il viendra trancher la truffe blanche pour recouvrir les assiettes. De telles attentions sont appréciables.

Le menu : crème de butternut à la truffe blanche / langoustines avec un velouté de cresson / cabillaud sauvage et palourdes al pilpil, fregola Sarda toute rouge, tagete lucida, Pedro Ximenez / poêlée de sot-l’y-laisse de volaille de Bresse, risetto à la truffe blanche d’Alba, émulsion au vin d’Arbois / soufflé chaud à la pistache, sorbet fromage blanc et coulis de griotte.

Ce menu est intelligent, les produits sont excellents. Le velouté de cresson est une merveille, le vinaigre de Pedro Ximenez étouffe un peu le cabillaud. Le plat merveilleux, c’est la poêlée de sot-l’y-laisse, d’une rare gourmandise et qui sublime la truffe blanche.

Le Champagne Substance Jacques Selosse dégorgé en décembre 2009 se présente très ambré, d’une force extrême, très intransigeant. Il devait faire seulement l’apéritif, mais sa force risque de faire pâlir tout autre vin. Après mûre réflexion avec le sympathique et compétent sommelier il est prévu de doubler le même champagne.

Le Champagne Substance Jacques Selosse dégorgé en août 2010 est l’opposé du précédent. Il est beaucoup plus clair, sans ton ambré et infiniment plus civilisé. Il serait même presque charmeur comparativement à l’absence totale de concession du premier, très oxydatif.

Alors, existe-t-il une durée limite entre le dégorgement et la consommation des Substance ? Il est probable qu’un dégorgement de trois ans serait plus adapté à ce champagne extrêmement tendu et puissant.

Le service est extrêmement sympathique, les plats sont gourmands et donnent envie de les dévorer. La première étoile du lieu est justifiée. Voilà une table où il est naturel de se sentir bien.

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173ème dîner de wine-dinners au restaurant Taillevent jeudi, 28 novembre 2013

Le 173ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Taillevent, dans le somptueux salon lambrissé du premier étage. Vers 17h30 je viens ouvrir les vins. Le bouchon du Beychevelle 1928 se déchire en mille morceaux tant le liège colle fortement au verre. Je suis obligé d’aller à la pêche aux morceaux avec mon épuisette miraculeuse. Tout rentre dans l’ordre. Le parfum du 1928 est très prometteur. Les deux parfums les plus nobles sont ceux du Pétrus 1985 et de la Romanée Conti 1993, à la subtilité incroyable. Alain Solivérès, le chef brillant vient bavarder avec moi et peut sentir cette immense Romanée Conti. Le parfum du Vega Sicilia Unico 1957 est si riche de fruits lourds que ce serait dommage de cantonner ce vin au Saint-nectaire. Je demande au chef et à Jean-Marie Ancher si l’on peut prévoir un deuxième service du chevreuil. L’accord m’est donné. Le parfum du muscat 1935 évoque le café aussi fais-je la demande que l’on suggère le café dans le dessert au chocolat. Là aussi, mes demandes sont favorablement reçues.

Nous sommes dix et les convives sont d’une ponctualité exemplaire : quand sonne vingt heures, nous sommes au complet. C’est à signaler.

Le premier vin se prend d’abord debout. C’est un Champagne Charles Heidsieck 1955 qui s’entend comme larron en foire avec les fondantes gougères. Le champagne est ancien, a perdu sa bulle, mais il offre une complexité et des fruits jaunes dorés très plaisants. Sa complexité et son équilibre sont des modèles. Nous passons à table et un jambon délicieux se marie bien à ce beau champagne à la belle trace en bouche. 1955 est une grande année et ce champagne à de beaux restes.

Le menu mis au point par Alain Solivérès est : noix de coquilles Saint-Jacques marinées et caviar osciètre / saint-pierre en filet doré, écrevisses / perdreau « patte-rouge » rôti, polenta et romarin / noisettes de chevreuil sauce grand veneur, panais rôtis et betteraves confites / saint-nectaire fermier / mangue rafraîchie / chocolat Taïnori en feuillet craquant.

Après le 1955, le Champagne Krug Clos du Mesnil 1983 paraît d’une folle jeunesse alors qu’il a trente ans. Il est brillantissime, d’une tension extrême et d’une précision diabolique. On ne peut pas concevoir un champagne plus précis que celui-là. Je le consacrerai dans mon vote. Le caviar trouve en lui une résonnance idéale.

Le Montrachet Bouchard Père & Fils 2003 est d’une opulence totalement sécurisante. C’est comme si l’on chaussait ses charentaises, s’asseyait dans un fauteuil profond pour lire du Stendhal. Car ce montrachet est facile à vivre, riche et généreux. Il est plein en bouche et l’on n’a pas d’état d’âme. On est heureux.

Le Château Beychevelle Saint Julien 1928 me stupéfie par sa couleur qui est sang de pigeon, de la même tenue que son voisin qui affiche 57 ans de moins ! Il est beau, profond, et soutient la comparaison avec le Pétrus Pomerol 1985 qui est beaucoup plus complexe, très truffe noire, mais ne rabaisse pas le talent du 1928. Ma grande surprise, c’est que ces vins séparés de plus d’un demi-siècle puissent avoir les mêmes couleurs. Le 1928 est serein. Le 1985 est brillant et complexe, incisif et profond. Avec le perdreau dont la farce est très riche et intense, chacun des vins trouve sa place avec un grand confort, le 1928 étant un peu plus sensuel sur le plat.

Associer sur un même plat deux vins aussi dissemblables, c’est la philosophie de mes dîners. C’est mon plaisir, voire ma coquetterie. Le Cahors Clos de Gamot 1937, sur les premiers verres versés, révèle un léger goût de bouchon. Plusieurs minutes plus tard, tout a disparu, et ce Cahors montre des qualités que je ne soupçonnais pas, même si j’ai déjà bu des vins anciens de ce domaine, comme 1929, 1937, 1942 et 1961. Il est assez simple de construction mais s’en tire par son équilibre. Lui non plus n’a aucune trace de tuilé dans sa robe.

La Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1993 servie en même temps n’a plus un nez aussi diabolique que celui que j’avais senti il y a cinq heures à l’ouverture. Je suis étonné que le fruit soit aussi affirmé. Un ami familier de la Romanée Conti retrouve la rose et le sel qui sont la signature de ce vin, mais je ne trouve pas ces caractéristiques avec la même acuité. Le vin est grand et va recueillir les votes les plus flatteurs, mais je ne me sens pas dans le cœur de ce vin comme je l’ai déjà été. Le vin est riche, convaincant, persuasif, mais il manque – pour moi – ce petit « je ne sais quoi » de romantisme qu’il pourrait avoir. Et à côté de lui, le Cahors trace sa route avec une solidité et une sureté qui font plaisir à boire. Le chevreuil est délicieux, et les deux vins en profitent.

J’ai eu raison de demander un deuxième service du chevreuil, car les médaillons sont tendres et propulsent le Vega Sicilia Unico 1957 à des hauteurs extrêmes. Le vin a un parfum riche et lourd. Le vin n’a pas la complexité du vin de la Romanée Conti, mais il a cette aisance qui fait un peu penser aux vins de Guigal. Il est gouleyant, facilement lisible, généreux et je l’adore. Le sang de la sauce du chevreuil est son miroir. Mon ami Tomo est moins fan que moi de ce vin. Cela m’étonne car nous avons des goûts très proches. Je suis conquis par ce 1957 d’un équilibre rare, sans trace d’âge.

Le Château d’Yquem Sauternes 1976 est d’un bel acajou clair. Le nez est pénétrant. C’est un vin d’une grande année pour Yquem, absolument réussi. Il a la longueur infinie que l’on attend d’Yquem. Il est tellement équilibré que ça paraît presque facile et naturel. Un vin de jouissance.

Le Muscat rosé Gurzuf Collection Massandra 1935 avait à l’ouverture un nez de café. Ce nez s’est complexifié. Le vin est frêle comme les jeunes filles photographiées par David Hamilton. Il n’écrase pas le palais mais au contraire le rafraîchit malgré sa charge alcoolique. Tout en délicatesse, c’est une gourmandise raffinée. Enigmatique si l’on a en tête un muscat puissant qu’il n’est pas, il m’enchante.

Voter dans ces conditions, c’est un exercice extrêmement difficile. Tous les votes sont différents et c’est bien compréhensible tant les vins étaient grands. Imaginez une chose : il y a dix votants pour dix vins. Chacun ne vote que pour quatre vins et en oublie donc six. Le résultat est qu’aucun vin n’a eu moins de deux votes. C’est-à-dire qu’aucun vin n’a été considéré comme ne devant pas être dans le quarté. On imagine aisément ma fierté de voir que mes vins brillent à ce point.

Cinq vins ont eu des votes de premier, la Romanée Conti truste six places de premier et le Krug, le Beychevelle, le Pétrus et le Vega Sicilia Unico ont chacun recueilli un vote de premier.

La Romanée Conti a obtenu 9 votes (je suis le seul à ne pas l’avoir mise sur la feuille de vote) et le Vega Sicilia Unico a eu aussi 9 votes, Tomo étant le seul à ne pas l’avoir inclus.

Le vote du consensus serait : 1 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1993 – 2 – Vega Sicilia Unico 1957 – 3 – Château Beychevelle Saint Julien 1928 – 4 – Pétrus Pomerol 1985 – 5 – Champagne Krug Clos du Mesnil 1983 – 6 – Château d’Yquem Sauternes 1976.

Mon vote est : 1 – Champagne Krug Clos du Mesnil 1983, 2 – Vega Sicilia Unico 1957, 3 – Muscat rosé Gurzuf Collection Massandra 1935, 4 – Château Beychevelle Saint Julien 1928.

J’avais voulu dans ce dîner mettre les vins les plus emblématiques : Romanée Conti, Pétrus, Yquem, Krug Clos du Mesnil, Vega Sicilia, un Montrachet, un vin de la collection Massandra et des vins plus originaux comme le Heidsieck 1955, le Cahors 1937 ou le Beychevelle 1928. Tous ces vins ont été présents au rendez-vous qui leur était donné.

La cuisine d’Alain Solivérès est d’une maturité qui s’affirme de plus en plus avec des plats lisibles, goûteux, parfaits pour les vins. Le plus beau plat pour moi est le médaillon de chevreuil juste cuit dans son jus, servi en deuxième service du chevreuil. Le perdreau traité en gibier est aussi un grand moment. Rajoutons à cela un service exemplaire et des convives chaleureux et souriants. Tout cela donne un 173ème dîner de réussite totale.

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