Dégustation de dix millésimes de la Lanson Vintage Collection vendredi, 15 novembre 2013

Dans ma famille, il n’y avait aucune connaissance réelle du vin. Père et grand-père aimaient bien boire le dimanche, mais sans culture particulière. Je me souviens avoir entendu : « si tu veux boire un bon champagne, bois du Lanson ». La renommée de cette maison fondée il y a plus de 250 ans a marqué le pas dans les années 90, pour se renforcer dans les récentes années.

Lorsque l’occasion s’est présentée que je visite cette maison, par un message ainsi libellé :  » Jean-Paul Gandon et Hervé Dantan vous accueilleront et vous feront découvrir notre collection d’anciens millésimes, la Lanson Vintage Collection« , j’ai immédiatement dit oui.

Jean-Paul Gandon est le maître de chais de la maison Lanson et de plusieurs autres champagnes du groupe dirigé par Bruno Paillard et Hervé Dantan est son adjoint. Nous nous rendons en salle de dégustation. Les champagnes seront tous servis en magnums. Ils ne font pas de fermentation malolactique et la répartition habituelle des cépages est de 52% pinot et 48% chardonnay.

Le Champagne Lanson magnum 2002 évoque le caramel, la noix et les pâtisseries. Il est très équilibré, et on le sent déjà gastronomique.

Le Champagne Lanson magnum 1997 a une couleur plus dorée. Le nez est plus discret, plus minéral. Son attaque est franchement plaisante, avec des noisettes grillées. Son final est court. Il a une belle minéralité. Il a été dosé à trois grammes.

Le Champagne Lanson magnum 1995 a un nez discret et une approche timide. Mais le gentilhomme se civilise. S’il est un peu strict, il a quand même une belle noblesse et une aptitude gastronomique certaine.

Le Champagne Lanson magnum 1990 a une couleur d’un bel or. Le nez est minéral. Son attaque est superbe, marquée par le miel. C’est un champagne gourmand et de plaisir mais un peu trop envahi par le miel.

Le Champagne Lanson magnum 1988 a un nez un peu animal. Son attaque est très virile. Mais à côté de cela, il y a du floral et de la fraise subtile. C’est un champagne de grande fraîcheur, au final très beau. C’est un très grand champagne.

Le Champagne Lanson magnum 1985 a un nez noble et pur. Le plus beau à ce stade. Le champagne est très noble et gastronomique. Il a des fruits roses qui me pousseraient à l’associer à du gibier.

Le Champagne Lanson magnum 1983 a un nez très puissant et vineux. L’attaque est chaleureuse et le final est plus court. Il n’a pas la même cohérence que les deux précédents.

Le Champagne Lanson magnum 1979 sort tout juste de cave car il n’était pas prévu. Il est légèrement plus chaud. Il a des arômes de truffe et de gibier. C’est un vin superbe de belle longueur. Jean-Paul dit qu’il a l’esprit Lanson.

Le Champagne Lanson magnum 1976 a plus de chardonnay que les autres : 53%. Il est plus fluide, plus liquide. Il est très différent des autres et entre dans la catégorie des champagnes évolués. Il a des aspects mentholés ou anisés. Il s’est un peu relâché.

Le Champagne Lanson magnum 1964 se présente dans la très jolie bouteille traditionnelle de Lanson en forme de quille. Son vin a beaucoup de fruits jaunes, d’abricot et d’iode. Malgré l’absence de dosage, il a un côté doucereux plaisant. C’est un très beau vin, carré.

Mon classement de ces vins est : 1964, 1979, 1985, 1988, 2002, 1990. Ce voyage dans le temps permet d’essayer de mieux comprendre le style Lanson qui recherche la fraîcheur. Le mot « essayer » est mis comme un signe d’humilité, car la variation entre les millésimes est très importante. Dans les grandes années, Lanson est grand et très champagne, franc et généreux. Le caractère le plus fréquent est vers la pâtisserie, puis les noix et le mendiant et moins fréquemment vers les fleurs et les fruits.

Nous quittons la salle de dégustation avec quelques munitions car nous allons déjeuner au restaurant des Crayères.

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Dîner de conscrits au restaurant Taillevent mercredi, 13 novembre 2013

Nous ne pouvions pas finir l’année 2013 sans fêter nos communs 70 ans, puisque nous sommes tous conscrits, sauf un benjamin qui a rejoint notre groupe. Mille plans avaient été échafaudés qui achoppaient au dernier moment sur des détails. Lassé de l’inefficacité de ces valses hésitations, j’ai proposé que nous nous retrouvions dans le beau salon du restaurant Taillevent et pour enlever la décision j’ai ajouté : « j’apporterai des vins de 1943″.

Habitué de dîners aux restaurant Taillevent, il m’était facile d’organiser ce dîner comme un dîner de wine-dinners, aussi, même si ce n’est pas son exacte philosophie, il sera classé comme le 172ème dîner de wine-dinners, les vins étant prélevés sur la cave du restaurant, sauf les 1943 de ma cave.

A 17h30, les vins de 1943 sont ouverts et ne donnent que de bonnes surprises olfactives. L’attente qui suit est peuplée par une étude de la carte des vins où l’on peut trouver beaucoup de bonnes pioches. Elles sont notées pour que les amis approuvent ma sélection.

Deux champagnes sont prévus pour l’apéritif. J’hésite un instant sur l’ordre de passage. Nous commençons par un Champagne Egly-Ouriet Blanc de Noirs Vieilles Vignes sans année dégorgé en février 2011. Le champagne est très vineux, très tendu. Il claque comme un fouet, ce qui ne l’empêche pas d’avoir beaucoup de persuasion. De solide structure, il diffère fondamentalement des champagnes de chardonnay.

Mon choix de l’ordre de passage était le bon car le Champagne Dom Pérignon 2002 est une bombe de luxure. Comment fait-il pour être aussi séducteur ? Il expose des fruits blancs et des fleurs légères. Il nous ravit au point que nous doublons la mise. Jean-Marie Ancher a prévu un délicieux jambon qui excite bien le champagne.

Le menu de notre dîner de huit personnes est : huîtres David Hervé en gelée / noix de coquille Saint-Jacques, beurre salé, pomme reinette et cidre / noix de ris de veau croustillante, oignons des Cévennes et truffe noire / noisettes de chevreuil sauce Grand Veneur, panais rôtis et betteraves confites / stilton / chocolat Nyangbo aux noisettes du Piémont.

Le Riesling Clos Sainte-Hune Trimbach 1997 a la précision du riesling dont je suis toujours admiratif. Il n’a pas l’ampleur des grandes années solaires de ce Clos, mais il a une telle distinction qu’on le boit religieusement. L’accord avec les délicieuses huîtres est naturel. C’est un beau vin classique dont la précision m’enchante.

Le Bâtard-Montrachet domaine Leflaive 1996 est une explosion de joie. Voilà un vin juteux, épanoui, sensuel. Son nez pétrole encore comme s’il était un bambin alors qu’il a 17 ans le bougre. Vin dominant, il se marie bien aux coquilles mais surtout au beurre salé. C’est un vin de charme et de puissance conquérante.

J’avais repéré sur la carte le Chateau Nénin Pomerol 1971 vin que j’ai maintes fois bu et adoré dans ce millésime. Il est conforme à la mémoire que j’en ai gardée et crée avec la truffe noire un accord absolument naturel. Car le vin devient truffe. Il est riche, opulent comme la sauce lourde de la truffe. Ce vin est un régal, sans doute d’une des années les plus réussies de Nénin.

Le Vosne Romanée Marey & Comte Liger-Belair 1943 a une couleur d’un rose délicat. Le nez est d’une rare séduction, très féminin. En bouche le vin est tout en suggestion. Il y a des fruits rouges comme la framboise et une présence qui étonne mes amis. Car le vin est vivace, complexe, avec de jolies amertumes bourguignonnes, des fruits roses subtils et une longueur surprenante pour l’âge. Etant servi du fond de bouteille beaucoup plus noir, je profite de la richesse vineuse de ce grand vin. C’est une belle émotion. La chair fondante et merveilleuse du chevreuil crée un accord rose sur rose avec le vin.

Le Chateauneuf-du-Pape Réserve des Célestins Henri Bonneau 1999 est un solide gaillard qui contraste avec le précédent. Car s’il est serein et équilibré, il est beaucoup moins complexe. Il est assez monolithique et à ce stade du repas, je n’en profite pas autant qu’il le mérite. Ce n’était pas le jour de ce grand vin que j’apprécie habituellement.

Le Sainte-Croix-du-Mont G. M. Dumons 1943 est une divine surprise. A l’ouverture j’avais été frappé par la richesse de son parfum, fou d’agrumes. Dans nos verres il a ce parfum riche. Sa sucrosité est bien contenue et il forme avec un stilton de compétition dont Jean-Marie Ancher nous dit qu’il a dix ans (est-ce possible ?), un accord absolument exceptionnel. Le stilton est crémeux et le vin l’enrobe de son charme. Quel plaisir !

Le Tokaji Tremeloï Mintapance 1943 se présente dans une demi-bouteille élégante de forme. Le vin est de couleur un peu trouble dans des tons de prunes. Le parfum est subtil et langoureux. En bouche, tout est douceur. Ce vin est une odalisque de bains turcs. Doucereux, il joue sur la sensualité raffinée des vins doux dont rien n’est excessif. On le boit comme on sucerait un bonbon. Il est tellement énigmatique qu’il charme par son étrange séduction. Il va remarquablement avec le dessert au chocolat.

Jean-Marie Ancher nous fait servir le Bas Armagnac domaine de Jouanda 1943 qu’il avait déjà offert à ma table il y a quelques mois lorsque j’avais fêté en ce lieu mon anniversaire. Cet alcool d’une joie franche et généreuse ponctue remarquablement un dîner de fête.

Il n’y a pas eu de vote, mais il faut bien pour les archives de ces dîners. Ce sera : 1 – Vosne Romanée Marey & Comte Liger-Belair 1943, 2- Tokaji Tremeloï Mintapance 1943, 3 – Bâtard-Montrachet domaine Leflaive 1996, 4 – Champagne Dom Pérignon 2002. Le vote consacre en priorité des vins inhabituels qui furent de très belles surprises.

Tous les accords ont été pertinents. Le plus percutant est celui du stilton et du Sainte-Croix-du-Mont. Le plus subtil est celui de la chair du chevreuil avec le Vosne-Romanée. Le plus profond est celui de la truffe avec le Nénin. Tout a été parfait mais on sait qu’au Taillevent, c’est une habitude.

Il nous reste trente ans pour devenir centenaires. Nous nous sommes promis de bien les utiliser.

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Déjeuner au restaurant Hiramatsu mercredi, 13 novembre 2013

Déjeuner au restaurant Hiramatsu. L’accueil est souriant et sympathique. Etant arrivé en avance, je me plonge avec envie dans la carte des vins qui est une des plus intelligentes que je connaisse. Sans attendre l’avis de mon invitée, je jette mon dévolu sur un vin. Dans le menu du jour que je consulte ensuite, des plats permettront de créer de beaux accords.

Pour tromper mon attente, le sommelier m’offre un verre de Viré-Clessé Denis Jeandeau 2011. C’est un vin assez court, aux accents torréfiés et confits qui m’évoquent de vieilles roussannes. Le vin n’est pas déplaisant pour un apéritif, mais quand même très simplifié. La truffe blanche de l’amuse-bouche exhale un parfum démoniaque.

Le menu est : ris de veau, coulis de trompettes de la mort et émincé de cèpes, croquant de cerfeuil tubéreux et topinambour / Cannette de Challans rôtie, navet de Nancy et de boulle d’or, radis rose au miel, poireau jaune et sauce au vin (cognac, porto et vin rouge).

Le Clos de la Roche Cuvée William domaine Ponsot 1988 est un vin clairet au rose raffiné. Le nez est plus que discret. La bouche est distinguée, discrète. Il n’y a aucune affirmation excessive. On est entre gens bien élevés avec ce vin-là. Les cerises griottes sont présentes, ce qui permet un accord absolument pertinent avec les champignons qui accompagnent le ris de veau. Sans être vraiment charnu, le vin est gouleyant. L’année n’est pas flamboyante, mais cela lui va bien.

La cannette anime le vin qui est extrêmement plaisant, avec une belle râpe en bouche. Je ne peux pas dire que je suis chaviré par ce vin qui est un peu en retenue, mais c’est un compagnon gastronomique très pertinent.

Alors que j’ai un dîner important le même jour, je me laisse séduire par le dessert marrons et noix fraîches, croustillant de quatre-quarts et mousseline de chocolat blanc ivoire. C’est délicieux. Tout se complique lorsque l’on apporte des boules de chocolat fondant, véritable Attila des régimes.

Le restaurant Hiramatsu est un restaurant où l’on se sent bien, et qui pousse à commander de grands vins.

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La maison Bichot présente ses vins de 2011 dimanche, 10 novembre 2013

La maison Bichot présente ses vins de 2011 dans un joli salon de l’hôtel George V. Je n’avais pas le souvenir qu’il y en eût autant, tant leurs gammes sont étendues. Contrairement aux professionnels, je ne fais pas une analyse détaillée de chaque cru. Je « butine », bavardant avec les visiteurs que je connais. Ce qui me frappe, pour la maison Bichot comme pour plusieurs autres maisons, c’est l’extrême précision des vins jeunes. Mon impression est que le travail à la vigne et sur les grains récoltés est de plus en plus efficace, donnant une pureté de jus extrême.

Les 2011 sont dans une période de félicité, plusieurs d’entre eux se montrant gourmands. Les vins de Bourgogne ont une place importante dans mon amour du vin.

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Déjeuner au restaurant l’Essentiel à Deauville dimanche, 10 novembre 2013

Le soleil brille un dimanche de novembre à Deauville. Avec ma fille et mes petites-filles, nous allons au restaurant « L’Essentiel ». Décidément, les noms communs sont tendance. La décoration est sobre mais plaisante. L’accueil et le service sont attentionnés. La carte des vins est petite mais bien fournie. Je commande un Château Rayas Chateauneuf-du-Pape 1998 avant que nous ne passions la commande des plats. La couleur du vin est anormalement tuilée, et le vin est comme torréfié, ce qui indique un probable problème de chaleur en cave. La serveuse me propose de le changer et je refuse, car je n’ai aucune intention de créer des problèmes éventuellement liés à une différence d’interprétation.

Le chef vient, propose le changement, goûte le premier Rayas puis le second et convient qu’il y a un écart sensible de qualité entre les deux vins. Ouf !

Mon menu est : Saint-Jacques grillées, pommes de terre vitelotte, fumet au curcuma / Bœuf Wagyu, légumes grillés, condiment samsang. Tout est bien cuisiné et la viande Wagyu est délicieuse, riche et goûteuse.

Le Château Rayas Chateauneuf-du-Pape 1998 non carafé met un peu de temps à s’ébrouer, mais quand il est ouvert, il impose sa forte personnalité. Son amertume de fruits bruns se domestique bien. L’intensité du vin et sa persistance sont fortes. C’est un grand vin qui trouve un écho de belle exactitude avec le gras un peu chocolaté de la viande épaisse. L’accord est beau.

Ce restaurant de Deauville est à recommander car l’accueil est sympathique, le service efficace, la cuisine excellente et l’on peut trouver quelques vins de qualité.

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Déjeuner au restaurant Beaucoup dimanche, 10 novembre 2013

Après « Table », voici le restaurant « Beaucoup ». C’est curieux ces noms d’une totale neutralité. L’espace est imposant. Il s’agit sans doute d’une ancienne entreprise industrielle. L’atmosphère est agréable. Le service et la clientèle sont majoritairement féminins. Les plats sont convenables. Ma fille prend un verre de vin bio. Je bois de l’eau. On ne sait pas quelle était l’intention dans le nom, mais des endroits de ce niveau, il y en a beaucoup.

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Dîner au restaurant Table avec de beaux vins jeudi, 31 octobre 2013

Nous avions prévu de bavarder avec un ami de sujets de vins. Nous sommes trois au restaurant Table, ouvert il y a environ cinq mois par un habitué du restaurant d’Alain Passard qui a eu envie de créer un restaurant selon ses goûts. Le restaurant est petit, mais par une disposition astucieuse des tables, en se serrant un peu, trente couverts ou plus peuvent être servis. On est assis sur des tabourets, la cuisine est ouverte sur la salle et il faut accepter une pénurie de verres à vins lorsque la soirée s’avance.

Cédric a apporté beaucoup de vins. Le blanc est incontournable et il me demande de choisir un rouge entre Cheval Blanc 1973, Haut-Brion 1975 et Château Margaux 1998. Le plus gouleyant sera sans doute le margaux, le plus solide le Graves et le plus incertain le saint-émilion. Le niveau du 1973 est dans le goulot, la bouteille paraît saine, alors, même si l’année fait partie des années très faibles, j’opte pour le Cheval Blanc.

Bruno Verjus, maître des lieux, nous entraîne dans le menu qu’il imagine pour nos vins. L’apéritif se fait avec du foie gras frais sur un Champagne V.O. Jacques Selosse non millésimé. Le champagne est un peu dur et plus court que d’autres « Version Originale » que j’ai déjà bus.

Le Château Carbonnieux blanc 1949 a un niveau haute épaule. Sa couleur est d’un bel or qui ne montre aucun signe d’âge. Il n’y a pas d’ambre dans cet or. Le nez est racé. Au premier contact, le plaisir n’est pas complet mais très vite, le vin va s’animer et devenir généreux, voire glorieux. Il n’a pas d’âge et si l’on disait qu’il est des années 80, personne ne critiquerait cette assertion. Il emplit bien la bouche avec de beaux fruits gorgés de soleil et se montre gastronomique. Sur un tartare de poisson il est très droit. Sur des coquilles Saint-Jacques à la truffe blanche il est voluptueux et d’une rare longueur.

Le Château Cheval Blanc 1973 est une immense surprise. Son nez est intense comme celui d’un vin d’une grande année. En bouche, il a une subtilité qui dépasse tout ce qu’on pourrait imaginer de cette année. Le vin a la noblesse de Cheval Blanc et ce qu’il n’a pas en puissance – et encore en a-t-il suffisamment – il l’a en complexité et subtilité. A l’aveugle, jamais personne ne citerait 1973. Il a une très belle matière, tramée et truffée comme celle d’un vin noble. Et ce qui est étonnant, c’est que le vin est assez trouble et d’une couleur peu rassurante. Une preuve de plus de la magie du vin.

J’ai prévu que les ormeaux seraient accompagnés par le rouge et c’est un choix judicieux. Les ormeaux en lamelle sont superbes. Sur la lotte le rouge est agréable, mais le Carbonnieux est plus pertinent.

Le niveau du 1973 baisse si vite que Cédric me demande d’ouvrir un autre rouge. Je choisis le Château Margaux 1998 car je connais le Haut-Brion par cœur. Le premier nez est riche mais coincé. En bouche, le vin est désespérément trop jeune. Alors qu’il a déjà quinze ans, il est coincé comme un puceau. Il a tous les attributs d’un futur grand adulte, mais ne dégage aucune émotion. Pourtant, le délicieux pigeon rose à souhait aimerait que le vin vibre avec lui.

Le Margaux ne se comporte pas mal avec la délicieuse viande rouge, mais il est temps que je sorte ma botte secrète. Cédric avait tenu à fournir tous les vins mais j’avais dans ma musette un Tokaji 3 Puttonyos de probablement un siècle ou plus. Pourquoi cette datation ? Parce que j’ai acheté ce vin dans un lot de Tokaji hongrois dont la plus vieille bouteille est de 1924 et la plus récente de 1943, mais dont d’autres sont non datées. J’aurais volontiers dit 1930 mais le bouchon dont le bas a pris une forme de béret de travers ne peut pas correspondre à 1930. Il est nettement plus vieux et me rappelle les bouchons des vins de Chypre 1845.

Le liquide est très foncé et un peu trouble, tendance lie de vin. Le nez est exceptionnel car il ya des évocations de noix, un peu de vin de paille, mais il y a surtout une intense réglisse. Le goût est surprenant car il se présente en vagues successives. Il est d’une longueur infinie. Il est doucereux mais très peu. C’est ainsi qu’il fait bonne figure sur la viande rouge qui ne le contredit pas.

Comme nous avons ouvert beaucoup de bouteilles, nous les faisons goûter à Bruno et je propose du Tokaji à une table sympathique. Ceux qui en goûtent sont subjugués par sa longueur.

Le Tokaji est difficile à cerner et à définir à cause de ces vagues qui traversent le palais. Je suis content d’avoir pris un trois puttonyos qui est moins sucré et plus gastronomique.

Cédric donne son verdict que j’approuve : 1 – Château Carbonnieux blanc 1949, 2 – Tokaji 3 Puttonyos # 1910/1920, 3 – Château Cheval Blanc 1973.

En partant, je félicite Bruno Verjus pour la qualité des « à-côtés » des plats, pour la cuisson exacte des légumes bien croquants, Bruno m’a regardé en souriant et a dit : « c’est du Alain Passard bien sûr ».

Ce restaurant est sympathique, le propriétaire est aux fourneaux et travaille de beaux produits. Je ne suis pas un grand fan des tabourets, mais c’est un endroit où je reviendrai volontiers, car il est dynamique et offre de beaux plats.

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Gault et Millau lance son guide 2014 mardi, 29 octobre 2013

Gault et Millau lance son guide 2014 et fête ses quarante ans. Une foule immense se presse au théâtre du Trianon. Ce qui est impressionnant, c’est que 80 chefs lourdement toqués sont venus supporter le guide et tous ceux qui feront partie des palmarès.

Alain Passard est le parrain d’une école Gault & Millau qui insufflera aux élèves le respect de la nature : « les tomates, on doit n’y penser que trois mois par an ». Le rythme des saisons, ce doit être sacré. Michel Guérard fait un discours lyrique qui valorise le travail des chefs.

Ce qui frappe, c’est le dynamisme du guide, mis en avant par son directeur général Côme de Chérisey. L’intérêt de cette réunion, et sans doute l’intérêt du guide, c’est de faire apparaître des jeunes talents, des grands chefs de demain, et de nouvelles institutions disséminées aux quatre coins de l’Hexagone. On nous a présenté 27 jeunes talents de moins de trente ans, six grands de demain, trois nouveaux 4 toques, un nouveau 5 toques, Christian Le Squer, puis les trois nominés pour le titre de cuisinier de l’année, dont le vainqueur est Arnaud Lallement, le chef de l’Assiette Champenoise.

Le Gault & Millau met en valeur la cuisine qui bouge, qui invente et qui excelle. Dans la patrie historique de la gastronomie, on n’est pas chauvin puisque c’est un cuisinier belge, Piet Huysentruyt qui est nommé découverte de l’année. Et c’est tant mieux, car la cuisine aujourd’hui est planétaire.

Après les inévitables discours, suffisamment courts pour qu’on ne se lasse pas, sept chefs pleins d’avenir dont David Toutain et Guillaume Iskandar ont donné à goûter d’excellents petits plats raffinés, arrosés par le champagne Mumm, le Château La Louvière et d’autres vins, sponsors de cette manifestation.

L’atmosphère créée par le guide et par des chefs de grand talent a fait de cet anniversaire une soirée de chaude amitié et de grand plaisir.

Les 80 chefs venus fêter 40 ans de Gault & Millau

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Alain Passard présente l’école Gault & Millau

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Christian le Squer obtient 5 toques

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Michel Guérard fait un discours à côté du plus jeune « toqué »

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les jeunes espoirs de moins de 30 ans dont Guillaume Iskandar de Garance

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les trois nominés au titre de meilleur cuisinier de l’année, dont le vainqueur, Arnaud Lallement est en blanc

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j’aime beaucoup cette photo d’Arnaud Lallement, qui semble seul face à son brillant destin

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Déjeuner au restaurant Taillevent mardi, 29 octobre 2013

Déjeuner au restaurant Taillevent. Un participant d’un forum américain souhaite partager un repas avec moi. Je ne peux pas déjeuner avec tous les « forumeurs » américains qui viennent en France, mais je dis oui. Michael est amoureux des vins de Bourgogne et travaille comme gestionnaire de cave pour trois américains très riches. Il a donc un pouvoir d’achat de vins très élevé. Il a apporté un vin et j’ai fourni le reste, déjà ouvert avant mon arrivée.

Le menu choisi avec l’aide de Jean-Marie Ancher est : saint-pierre en filet doré, écrevisses et potiron / noix de ris de veau croustillante, oignons des Cévennes et truffe noire / pomme reinette en Arlette croustillante, sorbet coing.

Le Bâtard-Montrachet Guy Fontaine et Jacky Vion 1990 est de viticulteurs que je ne connais pas, mais je l’avais déjà bu et apprécié. Son parfum est très agréable. Ce qui est impressionnant dans ce vin, c’est son équilibre et son confort. Il n’a pas la puissance des plus grands Bâtards mais il est probablement plus équilibré et gastronomique. Ce sont de beaux fruits jaunes que l’on sent le plus, avec un beau gouleyant. Il forme avec le saint-pierre un accord absolument exact. Je suis heureux que ce vin brille ainsi.

Le Corton-Charlemagne domaine Leroy 1991 a une couleur plus claire que celle du Bâtard. Le vin de Michael a une odeur incompréhensible. Il sent le soufre (ou quelque chose qui m’évoque le soufre), exactement comme un vin de l’année. Or ce vin n’a pas été débouché et rebouché. Son bouchon est d’origine. Et cette impression de soufre gêne la dégustation. En bouche le vin est déséquilibré. On sent qu’il a tout pour faire un grand vin, mais il est coincé, et n’arrive pas à s’ouvrir. Il n’est pas désagréable, mais il ne délivre aucune émotion. Le ris de veau est copieux, et malgré le conseil de Jean-Marie Ancher d’associer l’oignon à la truffe pour coller au vin, ça ne marche pas.

Il reste assez de vin pour le fromage et le meilleur accord, paradoxalement, est celui du saint-nectaire, fromage traditionnellement associé aux vieux vins rouges, avec le Corton Charlemagne. Pour un instant, il quitte sont manteau de soufre pour gagner une tension que jusqu’alors il ne voulait pas exposer. Fromage fini, il se referme dans sa coquille de vin coincé.

Le Vouvray Clos du Bourg moelleux le Haut Lieu Huet 1959 a un joli or clair de vin très jeune. Le nez est délicat, assez discret. En bouche, le vin est très difficile à cerner. L’attaque est doucereuse, joyeuse, séduisante, alors que le finale est celui d’un vin sec. Le message est assez simple, mais j’aime beaucoup son caractère énigmatique et troublant. J’aime qu’il me surprenne. Je le sens gastronomique, probablement avec du gibier à plumes à chair blanche. Sa fluidité est belle.

L’accord du jour, c’est celui du saint-pierre à la sauce épaisse qui a soutenu le Bâtard Montrachet de vignerons inconnus.

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Jacques Berthomeau viendra à l’académie des vins anciens du 5 décembre dimanche, 27 octobre 2013

Jacques Berthomeau est un serial-blogueur qui s’impose d’écrire deux sujets par jour sur son blog. C’est un pari difficile à tenir mais Jacques est pugnace.

Et il jouit d’une audience qui est grande parmi tous les blogueurs du vin.

Ancien haut fonctionnaire (il nous le rappelle assez souvent !), il a des idées sur tout, l’un n’étant pas forcément lié à l’autre.

Je vais de temps en temps sur son blog, car il a le sens du titre et de l’accroche comme peu de gens.

On ne peut pas dire que nous partageons les mêmes idées, mais j’aime assez la façon dont il les exprime, surtout par les voies détournées qu’il utilise pour arriver au sujet sur lequel il donne un avis.

Ce n’est pas le fond mais la manière qui m’attire vers son blog. Car il y a beaucoup d’invention.

Son blog est un peu l’antipode du mien puisque je raconte quasiment uniquement des événements où le vin est l’acteur principal, alors que Jacques donne son avis sur des sujets dans l’air du temps. Il faut de tout sur la Toile.

Lors d’une de ses missives j’ai fait un commentaire, comme cela m’arrive de temps à autre, et j’ai lancé une invitation à Jacques pour la prochaine séance de l’académie.

Il l’a saisie. Je m’en réjouis car il est bon que l’on se connaisse et que l’on parle entre acteurs ou spectateurs du monde qui peuple notre passion.

Je ne me souviens plus du tout du sujet qui m’a poussé à lancer cette invitation, mais Jacques me le rappellera.

Puisqu’il me fait le plaisir de venir, j’en profite pour rappeler comment est née l’académie des vins anciens et quels sont ses objectifs.

Ma cave a commencé en 1970 quand j’ai acheté une maison qui avait un sous-sol. La nature a horreur du vide. Il « fallait » que j’entre du vin par la trappe qui jadis servait à l’écoulement du charbon en sacs.

Cette cave a trouvé ensuite plusieurs lieux pour favoriser son expansion et en 2000, j’ai lancé wine-dinners.com pour permettre à des amateurs de profiter des vins que j’avais frénétiquement acheté sur trente ans.

Pour faire connaître mes dîners, il fallait communiquer. J’avais de bonnes relations avec les organisateurs du « Salon des Grands Vins » qui est devenu plus tard le « Grand Tasting ».

J’ai exposé des bouteilles vides très anciennes dans les allées du salon, discutant avec les passants curieux de ces bouteilles.

Un jour, l’un d’entre eux, probablement septuagénaire, me dit : « monsieur, j’ai dans ma cave une seule bouteille vraiment ancienne et c’est un Haut-Brion 1949. Et cette bouteille, savez-vous, je mourrai avec ».

Je lui ai dit qu’il fallait absolument la boire et il me répondit : « je ne connais personne avec qui la partager ».

Cette remarque a été un déclic. Il fallait créer une structure qui permette à des gens qui ont des bouteilles et ne savent pas avec qui ou comment les boire de les partager avec d’autres amateurs. L’idée est celle du partage.

Pour permettre au plus grand nombre de participer, l’académie a été créée sous la forme d’une activité non lucrative, fonctionnant à prix bas, très bas par rapport au prix de mes dîners.

C’est un travail énorme de rassembler les réponses, les paiements, les choix de bouteilles et la livraison des bouteilles, mais la récompense, c’est de voir des amateurs heureux que leurs vins trouvent enfin leur destination : « être bus avec des amateurs en bonne compagnie ».

Jacques va venir le 5 décembre. J’en suis heureux.