Dîner d’amis mardi, 23 juillet 2013

Dîner d’amis à la maison. Nous commençons avec le Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1996. Il commence à prendre du coffre et de l’ampleur que permet cette belle année. Nous croquons des tranches de Cécina de Léon, de jambon ibérique et d’un saucisson redoutable de densité et fort curieusement, c’est la poutargue qui gagne, donnant au champagne une vivacité que les charcuteries ne lui apportent pas. Carré, facile à vivre, c’est toujours un champagne agréable à boire.

Le saut qualitatif que crée le Champagne Salon 1996 est assez spectaculaire. Dans tous les compartiments du jeu, il apporte quelque chose de plus. Il a des fruits blancs mais aussi des fruits confits charnus, il a une longueur extrême, une complexité sans égale, mais c’est surtout le fait qu’il change à chaque gorgée qui lui donne du punch et retient notre intérêt. Sur une crème de fèves avec des fèves entières et des lardons, il est très à son aise.

La Côte Rôtie La Turque Guigal 1992 a un nez d’une rare profondeur. Il est fringant et signerait volontiers un vin de moins de dix ans. La fraîcheur des arômes est impressionnante. En bouche, il est beaucoup plus plein que ce qu’on attendrait de ce millésime. Riche de fruits rouges et noirs, c’est un vin jouisseur. Il épate tout de suite et ne cherche pas à avoir une longueur particulière. C’est un vin d’attaque mais aussi de fraîcheur. Sur un poulet au curry et flans de courgettes, il sait ne pas écraser le plat et l’accompagner. C’est un vin outrageusement jeune, qui a plus d’avenir que ce que l’on penserait.

La pleine lune et les discussions nous ont entraînés plus de deux heures au-delà du moment où les carrosses redeviennent citrouilles.

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Ecole d’hôtellerie ou pas ? lundi, 22 juillet 2013

Le sujet est anodin mais il peut aussi être plus important qu’on ne le croit.

Un hôtel offre les services d’un restaurant gastronomique deux étoiles et d’un restaurant de bord de piscine qui jouit de la qualité des produits achetés par le chef, cuisinés d’une façon simple mais plus que correcte.

Les tables sont mises à l’extérieur ou à couvert et le vent est assez fréquent. Les tables sont dressées avec deux couteaux et deux fourchettes de tailles différentes à chaque place. Comme il y a du vent, on a protégé les serviettes en glissant l’un des couteaux dans le rond de serviette en papier, ce qui leste la serviette.

Nous nous mettons à table, passons les commandes et les entrées sont servies.

Ma femme a enlevé le petit couteau de son rond de serviette mais elle s’est servi du grand couteau pour l’entrée.

Que fait la serveuse lorsqu’elle débarrasse l’assiette de l’entrée ?

Elle voit qu’il y a eu erreur de couteau aussi elle enlève le couteau utilisé de l’assiette, le pose là où il aurait dû être. Puis elle prend le bon couteau, qui est propre, le pose dans l’assiette qu’elle ramasse et repart en cuisine.

Voyant cela, je fais le pari qu’elle ne reviendra pas avec un couteau propre et laissera ma femme utiliser le même couteau pour deux plats.

J’ai gagné mon pari.

Alors ? Est-ce que cette jeune serveuse est issue d’une école hôtelière ?

Si oui, c’est assez inquiétant.

Si la réponse est non, est-ce qu’un hôtel Relais et Château peut se permettre d’utiliser du personnel non formé ?

Ces petits détails sont plus importants qu’on ne le croit.

Dîner chez des amis du sud dimanche, 21 juillet 2013

Notre amie cuisine en s’inspirant de recettes de chefs, dont celles du Thuriès magasine. Son carré d’agneau est un bonheur. A notre arrivée, c’est un Champagne Mumm Blanc de Blancs de Cramant sans année qui se présente. Son final est poussiéreux et il n’arrive pas à communiquer d’émotion. Le Champagne Jacquesson 2002 fait de blancs et de noirs a été dégorgé en décembre 2011 et dosé à 3,5 gr. Il est nettement plus présent, mais j’en attendais un peu plus de vivacité. C’est un beau champagne auquel il manque un petit coup de fouet.

Philippe a ouvert, « pour voir » et sans illusion un Domaine de Font Alba Côtes du Ventoux 2000. C’est un vin de Tour de France, ce qui est d’actualité, et comme le propriétaire est Xavier-Louis Vuitton, on pourrait dire qu’il a plus d’un tour dans son sac. Plus sérieusement, c’est une très agréable surprise, car ce vin brille par un final que l’on n’imaginerait jamais aussi long et aussi complexe. Je me régale avec ce vin qui fleure bon les garrigues, avec des évocations de romarin.

Le Château de Mont-Redon Chateauneuf-du-Pape 2007 est exactement ce qu’on peut attendre d’un Châteauneuf d’une grande année. Il est droit, solide, carré, et joyeux à boire, avec une belle subtilité.

Nous passons maintenant aux vins qui ont du muscle. Le R de Rimauresq 2004 titre 15°. Sur l’étiquette d’une grande pureté puisqu’il y a une seule lettre, on voit une oie dessinée au dessus d’un bandeau sur lequel est écrit : »JE PENSE ». J’adore. Ce vin a tout les atouts de la Provence, avec ces évocations de truffe d’été, d’olive noire et d’épices provençales. C’est un vin d’été de bonheur. Mais à côté de lui arrive un véritable rouleau compresseur de senteurs et de saveurs. Le Vega Sicilia Unico 2003 est une bombe de cassis et de fenouil sur une trame de jus de raisin. Il écrase toute compétition tant il occupe l’espace. Ce qui me fascine, c’est qu’il est d’une grande fraîcheur combinée à une puissance infinie. Même si le vin espagnol est d’une pureté et d’une grandeur sans égales, le « R » se tient bien et on peut y revenir sans que son message n’en soit altéré.

Il restait une petite soif étanchée par un R de Rimauresq 2011 qui titre 14,5°. J’ai préféré finir le Vega et je n’ai pas gardé le souvenir de ce vin. La soirée était particulièrement agréable, une vraie soirée d’été, et la divine surprise, c’est ce vin du Ventoux auquel j’aurais volontiers donné 15 ans de plus si l’on ne m’avait pas indiqué l’année.

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Krug GC, Krug 1982 et un impressionnant VSU 2003 mardi, 16 juillet 2013

Il y a toujours un anniversaire qui passe à proximité. C’est un prétexte à trinquer. Le Champagne Krug Grande Cuvée sans année dont l’étiquette est ancienne est une merveille. Son attaque est douce, peu dérangeante, et le message est floral, féminin, de grande délicatesse. Un saucisson non gras au Pata Negra et de fines tranches de Cecina de Léon le titillent gentiment.

Le Champagne Krug 1982 a une couleur légèrement plus foncée. Ce champagne est une bombe. Il a des fruits confits comme l’abricot ou la mangue qui envahissent le palais et sa profondeur est invraisemblable. Les deux champagnes sont totalement opposés mais ce qui fascine, c’est qu’ils se ressemblent. La matière vineuse des deux champagnes a un ADN qui ne trompe pas. Après, tout les sépare, chacun trouvant sa voie. Le sans année est un champagne de séduction, le 1982 est un guerrier. C’est évidemment le 1982 qui conquiert mon cœur, du fait de sa profondeur et de sa complexité, même si le Grande Cuvée me ferait vaciller.

Collectionneurs mes frères, attendez quinze ans avant de toucher à vos Grande Cuvée.

Le tajine de pintade aux abricots et frites de céleri accueille le Vega Sicilia Unico 2003, millésime qui est mis cette année sur le marché et dont je viens de recevoir la livraison. Le nez est intense, profond, une vraie promesse de bonheur. Alors que je suis un ardent défenseur des vins anciens, ce vin pourrait me faire évanouir. Il a la fougue d’un mustang et la grâce d’un coquelicot de printemps.

S’il est puissant, avec ses 14°, il a une fraîcheur incomparable, faite de menthe et de fenouil. Chaque gorgée est une coulée de lave de bonheur. Je ne vois rien qui pourrait surpasser ce Gérard Philippe jouant Fanfan la Tulipe.

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(le Beaucastel n’a pas été bu)

Dîner chez des amis mardi, 16 juillet 2013

Des amis nous invitent dans leur maison qui surplombe la baie de Hyères et la baie de Giens sur presque la totalité du panorama. Katia nous a préparé des amuse-bouche qui sont d’une imagination débridée, mêlant épices et douceurs. Le Champagne Laurent-Perrier magnum sans année est très facile à boire, champagne de large soif. Le Champagne rosé Alfred Rothschild sans année est en manque d’imagination.

A table, le Corton Charlemagne Domaine Gaston & Pierre Ravaut 2003 est fort agréable, même s’il ne crée pas l’émotion que l’on pourrait attendre. Je n’ai pas retenu l’année du Clos de Vougeot Grand Cru Michel Picard. Le Corton Grand Cru Les Chaumes Reine Pédauque tasteviné 2009 est plus charnu que le Clos de Vougeot très aimable. Ces deux vins suivent bien la cuisine sophistiquée.

La vedette des rouges, c’est le Mas de Daumas Gassac rouge 2005 vin d’une rare intelligence et d’une belle expression convaincante. Il est riche, profond et intelligent.

La vedette de la soirée, c’est la cuisine de notre amie, dont la tourte à la viande et à la compote de céleri pèse lourd dans la balance, au propre et au figuré.

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La coriandre dimanche, 14 juillet 2013

La théorie du genre, le « gender » est probablement le coup le plus tordu qui pourrait être porté à nos civilisations.

Les mots de la langue française se positionnent par rapport à cette théorie.

Le mot « gens » a choisi d’être transsexuel puisqu’il est féminin pour tout ce qui le précède, et masculin pour ce qui le suit : « les bonnes gens sont intelligents ».

D’autres ont choisi d’être masculins quand ils sont tout seuls et féminins quand ils sont plusieurs. Ce sont amour, délice et orgue : « de grandes délices aux grandes orgues ne valent pas le délice d’un grand amour ».

Ces mots sont « bi », à leur façon.

Il en est un qui a choisi de mettre une robe aux garçons et de donner des mécanos aux filles, c’est le mot coriandre. Il applique la théorie du genre en bon garçon ou bonne fille.

On dit la coriandre, ce qui est paradoxal pour une terminaison en « andre », même si Andromaque n’était pas proxénète.

La coriandre est un délice en cuisine, propice à de folles amours pour de gentilles gens, au son d’un orgue magistral.

L’hôtel Les Lodges au Tholonet ouvert le 1er juillet vendredi, 12 juillet 2013

L’ hôtel Les Lodges de Sainte-Victoire vient d’ouvrir le 1er juillet 2013 au Tholonet, à l’est d’Aix en Provence. La route Cézanne a été classée par André Malraux aussi la signalisation est-elle quasi inexistante, car on ne doit pas toucher à cet environnement préservé. Le lieu est luxueux et la décoration est de belle qualité. Les chambres sont spacieuses. Il y a un spa. Cette halte en pleine nature plaira aux amoureux des beaux sites de Provence. Le restaurant s’appelle Le Saint-Estève et Mathias Dandine en est le chef et l’associé. Nous le retrouvons avec plaisir depuis qu’il avait quitté l’hôtel des Roches au Lavandou, vendu pour travaux.

La salle de restaurant est très joliment décorée, avec des couleurs raffinées. Il y a trois possibilités de combinaisons d’un menu et un menu signature est à six plats. Mon choix est à la carte : cèpes d’été, risotto Aquarello, riquette et févette, jus à la truffe / homard bleu, pommes de terre ratte au jus, ail confit et cébettes / bœuf de race Angus, pommes de terre boulangères, girolles, réduction d’un braisage. Du fait de la chaleur et du trajet en voiture, le repas sera sans vin.

La cuisine de Mathias Dandine est fondée sur des produits de grande qualité et des cuissons exactes. C’est une cuisine bourgeoise généreuse. Son homard est superbe ainsi que les cèpes et sa cuisson des pommes de terre est un régal. Le chef a maintenant un outil de très haut niveau. A lui de laisser s’exprimer son talent sans le forcer pour gravir progressivement les étoiles.

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Belles verticales de blancs et de rouges au domaine d’Ott vendredi, 12 juillet 2013

Frédéric Rouzaud, dirigeant des champagnes Louis Roederer a créé un lien avec Christian Ott, qui dirige avec son cousin Jean-François le vignoble éponyme. Par une chaude journée d’été, Christian m’accueille au Clos Mireille l’une des trois implantations du domaine d’Ott, qui fait un célèbre Blanc de Blancs. Nous visitons le domaine de 175 hectares constitué par son arrière-grand-père en 1896 qui possède l’insigne avantage d’avancer jusqu’à la mer, sur une jolie plage de sable fin. Christian a des souvenirs d’enfance dans ce petit paradis. Il ne doit pas être difficile de faire des embauches, car au moment de la pause déjeuner, l’hôtesse de la salle de dégustation et une autre employée partent à pied pour se baigner dans l’anse de Brégançon.

Nous visitons les installations techniques et nous rejoignons une ravissante maison de réception flanquée d’une chapelle, dont la décoration a été faite avec un goût certain. Des chambres de grand confort peuvent accueillir des hôtes de passage.

Dans la très spacieuse salle à manger un buffet d’été a été dressé, avec saumon mariné, purée de courgette, divers carpaccios, tarte aux asperges et tarte aux poivrons ainsi que quelques fromages et d’autres salades.

Nous délaissons pour l’instant ces plats tentateurs pour faire la dégustation de quelques blancs. Il s’agit des Clos Mireille Blanc de Blancs domaine d’Ott 2012, 2009, 2005, 1994 et 1980. Les trois premiers sont à 70% sémillon et 30% rolle alors que les deux plus anciens sont à 60% sémillon et 40% ugni blanc. Les vins étant alignés dans l’ordre croissant des âges on peut constater que les couleurs suivent le même ordre, le 1980 étant joliment doré.

Le 2012 a un parfum qui m’évoque immédiatement Ott. Christian me demande en quoi ce vin m’évoque Ott et je lui réponds que je serais bien incapable de dire pourquoi, mais pour chaque vin ou chaque domaine, je me fais une représentation dans ma mémoire et lorsque ce que je ressens colle exactement avec ce que j’attends, j’ai l’impression que je suis dans le cœur du domaine que je bois. Par comparaison le 1980 ne me donnera pas cette sensation d’être Ott. Le 2012 en bouche a une belle acidité et il est déjà buvable, mais il est encore trop jeune et n’est pas assez assemblé. C’est un patchwork de promesses de grand vin.

Le 2009 a un nez plus discret, plus cohérent. Le vin s’est assemblé, il est plus fluide. Il a du charme et le finale est très imprégnant. L’acidité est bien intégrée. C’est un joli vin.

Le 2005 a un nez discret un peu timide. La bouche a de beaux fruits comme la groseille à maquereaux ou la groseille blanche. Il est un peu plus discret, plus féminin, délicat et subtil. C’est au moment du repas qu’il affirmera sa forte personnalité. Il combine jeunesse et maturité. C’est un vin de gastronomie.

Le 1994 est trop bouchonné pour être essayé et Christian part en cave pour le remplacer, mais il revient aussi avec une rareté. Le second 1994 a aussi un léger goût de bouchon qui ne gâche pas trop la dégustation, même si l’amertume de fin de bouche signe le vin bouchonné. On peut quand même imaginer qu’il serait très gastronomique.

Le 1980 a un nez époustouflant. Il est miraculeux et je sens le pomelos. Il est gourmand. Il lui faudrait du veau ou du ris de veau car il appelle une belle cuisine. Equilibré, serein, glorieux, c’est de loin le gagnant de cette série des Clos Mireille dont mon classement suivrait exactement l’ordre des années si le 1994 n’avait pas son petit défaut : plus il est âgé, meilleur est Clos Mireille. Ce 1980 est tellement excitant que j’ai envie de le confronter à l’Yquem que j’ai apporté. Nous le ferons en fin de repas.

Le Château de la Selle domaine d’Ott blanc 1968 a une belle couleur dorée. Le nez sent un peu la terre. En bouche il est voluptueux. Il est intéressant à découvrir, même si le finale est marqué par un peu de poussière et de terre. C’est un joli vin car il raconte des histoires.

Les blancs sont repris à table en accompagnement des plats du buffet et le 2005 s’étoffe. Quand on revient au 2012, c’est un peu dur, car il est vraiment trop jeune, même si beaucoup d’amateurs l’aimeraient déjà.

Christian tient à ce que nous goûtions un rosé avant les rouges et c’est le Clos Mireille domaine d’Ott rosé 2009 qui se présente maintenant. Le nez est très fluide, de galet mouillé avec des zestes de citron. La bouche est très gourmande, riche et joyeuse. Le vin est d’une grande fraîcheur, signe de qualité. Je le placerais volontiers juste après le blanc de 1980 dans mon classement. C’est une belle surprise et Christian est content qu’il me plaise, car j’avais avoué être un amoureux peu transi des vins rosés.

C’est le tour des rouges Domaine d’Ott rouge Bandol 2008, 2001, 1993, 1985 et 1967. A l’examen des nez, c’est le 1985 qui est de loin le plus brillant, comme l’était le 1980 pour les blancs.

Le 2008 a beaucoup d’énergie mais manque un peu de volume. C’est un vin extrêmement plaisant. Le 2001 est un peu frustrant, car même s’il est bon, on sent qu’il manque quelque chose pour qu’il fasse passer de l’émotion. Christian a une jolie expression : c’est de la confiture de vieux garçon.

Le 1993 est déjà plus mûr. Il raconte des choses, mais lui aussi manque de quelque chose pour faire un grand vin. Il faut dire que par cette chaleur qui avoisine les trente degrés, les vins font ressortir leur alcool ce qui gêne la dégustation.

Le 1985 est superbe. Il a tout pour lui. Il est soyeux, presque sucré, avec une belle acidité. Le 1967 est un peu affaibli, mais nous aimons tous son témoignage, car il a du raffinement et une belle vivacité malgré l’âge qui se sent un peu. Des rouges, je classe 1985, 2008, 2001 et 1967, mais par cette chaleur, c’est le 2008 qui est le plus adapté au repas.

Nous passons alors à la confrontation entre le Clos Mireille 1980 et le Château d’Yquem 1991. Je découpe des tranches d’abricot pour que l’on puisse passer d’un vin à l’autre. Et c’est très intéressant de créer un pont entre ces deux vins. Car l’Ott met en valeur l’immense longueur du vin chatoyant qu’est Yquem. Mais l’Yquem renvoie l’ascenseur en donnant à l’Ott une largeur et une opulence plus marquée. J’adore ces correspondances. Dans ce contexte, ce 1991 brille beaucoup plus que ce qu’on attendrait de son année.

Christian et Jean-François sont des hôtes charmants, heureux de travailler pour un domaine familial repris par le groupe Roederer qui leur fait confiance. Ils œuvrent à la qualité de leurs vins et ils peuvent en être fiers. Cette exploration de leurs vins est passionnante et instructive. Il faut absolument promouvoir la dégustation tardive de ces vins qui gagnent tant avec les années. Les deux vins de la décennie 80, le 80 blanc et le 85 rouge en ont été la démonstration brillante en surclassant les plus jeunes. Ce domaine est non seulement un paradis, mais il porte des fruits, ses vins, qui sont de haute qualité.

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les formes historiques des bouteilles

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Bel Air Marquis d’Aligre « défendu d’en laisser » vendredi, 12 juillet 2013

J’ai été contacté il y a quelques temps à propos d’ un travail de recherche historique sur l’ensemble des crus classés de Saint-Emilion et plus précisément d’un Grand-Corbin blanc de 1924.

Cette fois, Sylvain Torchet s’intéresse aux historiques des crus bourgeois de 1932 et m’a contacté à propos de la bouteille du château Bel-Air marquis d’Aligre dont j’ai mis plusieurs photos sur mon blog et sur le site de lapassionduvin.

Il m’envoie ce texte très intéressant :

L’histoire de cette bouteille est la suivante : Le marquis Étienne Jean François d’Aligre (1770-1847) réservait la production du château Bel-Air uniquement pour son usage personnel.

De 1825 à 1847, il a fait fabriquer des bouteilles portant son nom et cette mention Défendu d’en laisser, il s’agit d’une des premières bouteilles de forme bordelaises (celles de Latour de la fin du 18ème sont larges d’épaules).

Ces bouteilles furent stockées au domaine et dans son hôtel particulier de la rue d’Anjou-Saint-Honoré.

Après son décès, son gendre Michel Marie de POMEREU (1779-1863) et/ou son petit fils, Étienne-Marie-Charles de Pomereu-d’Aligre (1813-1889), marquis de Riceys et marquis d’Aligre, héritier du marquis d’Aligre bénéficiant du titre par une ordonnance du 21 décembre 1825, ont perpétué cette tradition en faisant inscrire le nom de Pomereu d’Aligre sur les bouteilles suivantes.

Il a donc existé un nombre important de ces bouteilles et la production a pu continuer au moins jusqu’en 1889 et le décès de l’héritier du marquis d’Aligre, voir 1897.

 

Il existe une histoire sur la diffusion de ces bouteilles que beaucoup d’auteurs ont repris à partir d’un texte paru dans Le Monde Illustré de 1857.

Quelqu’un sur la passion du vin avait repris le texte suivant qui n’est pas la copie exacte du texte original mais s’en approche :

« On l’appelle le Margaux défendu. Pourquoi défendu? L’affaire va vous être expliquée. Les bouteilles qui le contiennent ont été fondues expressément en verre olive, forme bordelaise, et l’épaule est flanquée de deux médaillons en haut relief et opposés. Sur l’un on lit : Margaux Bel-Air Marquis d’Aligre et sur l’autre dans un feston, cet ordre impératif et excessivement agréable à recevoir : « Défendu d’en Laisser ».

Vous voyez maintenant d’où vient ce nom, ce surnom, ce défendu. Le marquis d’Aligre, alors qu’il était propriétaire du Château de Bel-Air en plein cru Margaux, ne souffrait point que ce vin allât dans le commerce. Tout entrait dans ses caves et n’en ressortait que pour la table, ou pour quelques cadeaux de loin en loin. A sa mort, deux amateurs qui connaissaient et appréciaient cette liqueur exquise, se disputèrent ce qui restait dans les catacombes de l’hôtel célèbre de la rue d’Anjou : l’un était M. Frédéric Gaillardat, dont le nom est inséparable du plus grand succès dramatique de notre temps (La Tour de Nesles), aujourd’hui écrivain politique de premier ordre et amateur de vins rares, pour les offrir à ses amis. L’autre acquéreur était le Comte d’Ignenville, mort l’an dernier en laissant une petite cave de trois mille bouteilles ! Ses bouteilles de château Aligre furent partagées par un agent d’une grande maison bordelaise entre deux restaurateurs.

A la mort du marquis, le Château de Bel-Air a été acheté par M. Viguerie, banquier et président du tribunal de commerce de Toulouse. Il paraît que cet heureux propriétaire suit l’égoïste tradition du marquis et ne vend pas son vin! Chez lui il n’est pas défendu d’en laisser, il est défendu d’en prendre ! Les deux restaurateurs, quant à eux, avouent n’en avoir plus que trente trois bouteilles… le reste est dans la cave à porte de fer de M. Frédéric Gaillardat. Quelqu’un, un spéculateur, qui a su l’affaire, a essayé d’obtenir les fameuses bouteilles vides du vin incomparable, évidemment pour les remplir d’un autre vin de choix et profiter frauduleusement de la tradition d’Aligre et des légendes du verre. Mais l’honorable écrivain informé de la tentative, fait briser toutes les bouteilles à mesure que son hospitalité les épuise, étendant ainsi la curieuse inscription, non pas seulement au délicieux contenu, mais au contenant même. Une de ces bouteilles authentiquement pleine, sera donc sous peu une curiosité digne d’un musée. »

Malheureusement, je ne peux confirmer l’exactitude des informations portées et citées un peu partout.

Tout d’abord, je n’ai pas réussi à retrouver de comte d’Ignenville (ou avec un nom approchant) mais surtout le château Bel-Air est resté la propriété de la famille du marquis d’Aligre au moins jusqu’en 1897, année où le domaine serait devenu la propriété d’Ernest Rosset. Nulle part, on ne trouve trace d’un Joseph Viguerie dans les livres consacrés au vin de cette période.

La fiche historique sera disponible sur le site de Sylvain Torchet en septembre.

 

Photos sur mon blog à

https://www.academiedesvinsanciens.com/galerie-1848/

https://www.academiedesvinsanciens.com/defendu-den-laisser/

sur LPV une discussion a commencé par ce message : https://lapassionduvin.com/phorum/read.php?3,844,715025#msg-715025