Dîner d’anniversaire au restaurant Laurent dimanche, 26 mai 2013

Changer de décennie, ça se fête. Le noyau dur des parents et amis se retrouve au restaurant Laurent, dans la salle du premier étage qui a accueilli de nombreuses fêtes qui jalonnent mes souvenirs. La forme utilisée pour ce dîner est celle des dîners de wine-dinners. Il portera donc le numéro 169, carré d’un nombre porte-bonheur.

Si le temps le permettait, l’apéritif aurait lieu sur la terrasse, préparée pour nous. Mais ce vilain mois de mai n’en finit pas de nous geler.

Dans un petit salon attenant à la grande salle à manger nous trinquons sur un Champagne Pommery « Cuvée Louise » Jéroboam 1990. Le bouchon résiste et se sectionne imposant de l’extirper au tirebouchon. Ce qui frappe instantanément, c’est le parfum généreux de ce champagne. Les fragrances sont riches, pénétrantes, de lourdes fleurs orangées. En bouche le champagne est d’une belle maturité et l’on sent l’effet du format de la bouteille, qui arrondit le vin d’une grande sérénité. Il emplit la bouche, s’élargit avec des notes de fruits exotiques. On le boit avec un infini plaisir. Les nems de gambas sont de pures délices.

Le menu conçu par Philippe Bourguignon et Alain Pégouret pour les vins est : mousseline citronnée et anguille fumée, asperges vertes / homard au beurre de sauge / jarret de veau de lait cuit doucement au jus, petits pois à la française / morilles farcies, lard fumé / pièce de bœuf poêlée, servie en aiguillettes, pommes soufflées « Laurent », jus aux herbes / saint-nectaire / soufflé chaud à la fleur de sureau

Le Champagne Krug Magnum 1989 est probablement l’une des formes les plus abouties du champagne racé. Ce vin a une tension extrême. Il claque comme un fouet mais il a aussi son gant de velours lié à l’épanouissement de son âge. C’est un très grand champagne à la longueur infinie et pénétrante, qui profite délicatement du picotement de l’acidité du plat. Il est à noter qu’en repassant sur le Cuvée Louise après une gorgée du Krug, le Pommery ne désarme pas et prouve sa pertinence, sur un registre plus posé.

Le Montrachet Roland Thévenin 1945 a une couleur légèrement ambrée qui me pousse à prévenir mes invités d’être attentif à la façon de le boire, car j’ai toujours peur qu’on pense qu’un vin est madérisé alors qu’il ne l’est pas. C’est la sauce du homard qui résout tous les éventuels problèmes, car elle propulse le Montrachet à des hauteurs qu’il n’aurait pas sans elle. Le vin est très original, car il est gracieux, légèrement fumé et tisané, et produit avec la sauce du homard l’un des plus grands accords de ce repas qui n’en manque pas.

Le Château Haut-Brion 1983 est la définition archétypale d’un Haut-Brion jeune. Il est d’une sensibilité extrême, avec une trame au point le plus fin. A côté de lui, le Château Calon-Ségur 1961 est la séduction même. Il est velouté et charmeur comme il est difficile d’imaginer. Pour toute la table, il est évident que le Calon-Ségur se place au dessus, mais plus le temps passera et plus je ressentirai la noblesse du Haut-Brion comme déterminante. Les deux vins sont dans un état de qualité proche de l’absolue perfection.

Les morilles sont probablement les meilleures que j’aie jamais mangées. Le Pétrus 1988 est d’une jeunesse folle, riche et émouvant. Pour mon goût, c’est la morille qui est dominante mais une chose est sûre, c’est que l’accord Pétrus et morille est le plus grand de ce repas.

Le nez du Clos de Tart 1978, c’est un coup de tonnerre. On devrait l’imposer aux haltérophiles à la place de l’ammoniac, car ils relèveraient la gageure d’Archimède : « donnez-moi un point d’appui et je soulèverai le monde ». Ce parfum tenace est envoûtant. En bouche, le vin est aussi pénétrant, bourgogne conquérant, sans concession, envahisseur et d’une force peu commune. Il a des amers d’une grande noblesse et c’est pour moi une forme aboutie du vin de Bourgogne que j’adore.

A côté de lui, le Châteauneuf du Pape Domaine de Mont-Redon Magnum 1978 est d’une grande solidité et d’une grande lisibilité. Mais il ne peut pas lutter avec la complexité énigmatique du vin bourguignon même si, en une autre circonstance, on le trouverait de grand plaisir.

J’avais envisagé que les quatre vins rouges qui suivaient les bordeaux se répartiraient région par région. Et en fait j’ai osé ces accouplements canailles pour chaque service d’un bourgogne et d’un vin du Rhône. C’était prendre un risque puisque fatalement il y a un gagnant et un perdant. Pour le bœuf, le Clos de Tart est le gagnant et pour le fromage le gagnant est la Côte Rôtie « La Mordorée » Chapoutier 1990, petite merveille de sérénité, de joie de vivre et d’accomplissement. Ce vin est le George Clooney des arômes.

Ce qui m’étonne le plus, c’est que je n’ai pas réussi à capter La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1986. Son nez est superbe de subtilité, son goût a la grâce des vins du domaine, mais pour une raison que je n’explique pas, tenant peut-être à l’atmosphère rieuse et joyeuse du repas, l’étincelle de ce vin ne m’a pas touché. Et je n’ai aucun reproche à lui faire. C’est donc un grand étonnement.

A l’ouverture des vins, le grand gagnant des parfums, bien au dessus du Clos de Tart, c’était le Château Roumieu Barsac 1937. Il a gardé un parfum exceptionnel, mais moins puissant que celui du Clos de Tart. Ce vin est merveilleux, très marron foncé, évoquant le thé et une soupe de fruits délicats. Avec le soufflé à la fleur de sureau, l’accord est une merveille. Un tel vin est porteur d’une grande émotion, atypique et sensuel.

Ce n’est pas facile de trouver un vin ou un alcool qui ait juste cent ans lorsqu’il s’agit de 1913, car on ne trouve quasiment plus rien de ce millésime. J’ai toutefois trouvé dans ma cave un Marc de Bourgogne Chauvet 1913. Le liquide est très blanc, pâle, d’un aspect très jeune. Il est d’une complexité très rare pour un marc. Bien sûr il a le côté paysan en sabots fourrés de paille du marc traditionnel mais je trouve qu’il ajoute un supplément d’âme. Il est riche, complexe et séduisant. Je l’adore.

Le « greatest », qualificatif attribué à Mohamed Ali, c’est de loin la Bénédictine (vers 1940). J’indique cet âge, mais je ne serais pas étonné que la bouteille soit plus vieille. Le liquide blanc que l’on verse dans le verre coule comme une huile épaisse. En bouche on est envahi par une lave de sucre d’où éclosent des bouquets de fleurs de printemps inimaginables. Je suis envoûté par cette liqueur qui est de la qualité des plus belles Tarragone.

Nous sommes vingt-deux aussi est-ce impossible de faire voter tout le monde. Mon vote sera le seul à consigner dans les archives : 1 – Bénédictine (vers 1940), 2 – Clos de Tart 1978, 3 – Château Haut-Brion 1983, 4 – Château Calon-Ségur 1961, 5 – Champagne Krug magnum 1989. Plusieurs amis n’auraient pas mis Haut-Brion aussi haut et auraient mis le Château Roumieu juste après le Clos de Tart. Ces jugements sont pertinents.

Les accords les plus grands sont à mon goût : 1 – Pétrus et morilles, 2 – Montrachet et la sauce du homard, 3 – Château Roumieu et soufflé à la fleur de sureau.

J’ai été submergé de cadeaux. L’atmosphère était aux rires. Le service du restaurant Laurent est remarquable et la cuisine d’une pertinence rare. Ce fut un grand repas.

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Déjeuner au restaurant Kei dimanche, 26 mai 2013

Déjeuner au restaurant Kei où un jeune chef japonais a repris les locaux de la rue du Coq Héron où Gérard Besson offrait une cuisine traditionnelle de grande qualité. Le virage est à 180°. Car Kei (prononcez quai) réalise une cuisine de haute qualité où l’esthétique des plats est très japonisante et où tout est complexité et subtilité. Le menu n’est pas communiqué aussi n’ai-je pas noté ce qui est proposé. Il y a eu dix services avant les mignardises. Cette cuisine est d’une grande délicatesse, mais lors d’un déjeuner de travail, on n’a pas l’attention suffisante pour essayer de percer tous les secrets de la créativité du chef. L’exécution des plats est de haut niveau. C’est incontestablement une grande table de Paris. Le Champagne Substance de Selosse dégorgé en octobre 2011 est de forte personnalité, typé, profond, de grande rémanence en bouche. C’est le compagnon idéal d’une cuisine de ce niveau de sophistication.

Il faut de l’attention pour profiter comme il convient du talent de ce grand chef.

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BIRTHDAY DINNER AT RESTAURANT LAURENT samedi, 25 mai 2013

Changing decades is worth celebrating. The core members of my family and friend circles get together at Restaurant Laurent, in the first-floor room that has hosted so many memorable receptions. This dinner has the same organisation as my wine-dinners, so it becomes number 169—the square of a lucky number.

If only the weather allowed it, we would have had the aperitif outside on the terrasse, which has been set for us. But this horrible month of May keeps on freezing us.

In a small lounge next to the large dining room we celebrate with a jeroboam of 1990 Champagne Pommery « Cuvée Louise ». The cork resists and breaks, and has to be pulled out with a corkscrew. And immediately, we are impressed by the generous aromas of this champagne—rich, penetrating, with a heady whiff of orange flowers. In the mouth, it has a lovely maturity and the effect of the size of the bottle can clearly be felt, contributing a certain roundness to this wine of great serenity. It fills the mouth, and gets more voluminous with notes of exotic fruits, producing an infinite drinking pleasure. The shrimp-based spring rolls are a pure delight.

The menu designed by Philippe Bourguignon and Alain Pégouret to complement the wines includes: light lemon mousse and smoked eel, green asparagus / lobster with sage butter sauce / veal shank cooked slowly in its juices, French-style peas / Stuffed morels, smoked bacon / Pan-fried piece of beef, served in strips, homemade puff potatoes, herbal jus / Saint-Nectaire cheese / hot elderflower soufflé.

The Magnum of 1989 Champagne Krug is probably one of the most state-of-the-art expressions of stylish champagne. This wine has an extreme tension. It cracks like a whip but it also has a soft side thanks to its maturity. This is a great champagne of penetrating and infinite length, which delicately benefits from the tingling acidity of the dish. It should be noted that when going back to the Cuvée Louise after a sip of the Krug, the Pommery is undeterred and proves its relevance, simply playing a calmer score.

The 1945 Montrachet Roland Thevenin has a light amber colour which leads me to suggest to my guests that they should taste it carefully, because I am always afraid that people think a wine is maderised when it is actually not. The lobster sauce wipes away any possible misunderstanding, since it propels the Montrachet to heights that the wine would not have reached without it. It is very original, being graceful, slightly smoky and reminiscent of herbal tea, and it creates with the lobster sauce one of the greatest of the many great pairings of this meal.

The 1983 Château Haut-Brion is the epitome of young Haut-Brions. It is of extreme sensitivity, and of the finest texture. Beside it, the 1961 Château Calon-Ségur is seduction incarnate. It is hard to picture such smoothness and charm in a wine. For the whole party, it is clear that the Calon-Ségur dominates, but as time goes by, I come to reckon that the nobility of the Haut-Brion is actually decisive. Both wines are in a quality state of near absolute perfection.

The morels are probably the best I have ever eaten. The 1988 Pétrus is insanely young, rich and moving. The morel is dominant for me but one thing is certain: the Pétrus and morel pairing is the greatest of this meal.

The smell of the 1978 Clos de Tart is like a thunderbolt. It should be given to weightlifters instead of ammonia, to help them face the challenge of Archimedes: « Give me a lever and a place to stand, and I will move the earth! » This lingering fragrance is enchanting. In the mouth, the wine is also penetrating—a true conqueror from Burgundy, an uncompromising invader of unusual strength. It has great noble bitterness and for me it is an accomplished version of these Burgundy wines I adore.

Beside it, the magnum of 1978 Châteauneuf du Pape Domaine de Mont-Redon is of great substance and clarity. But it cannot compete with the enigmatic complexity of the Burgundian wine though, in another context, it would be highly enjoyable.

After the wine from Burgundy, I originally intended to divide the next four reds according to regions. And in the end I dare create raffish pairings for each service and partner a Burgundy wine with one from the Rhône. I am taking a risk because there is, inevitably, a winner and a loser. With the beef, the Clos de Tart is the winner; for the cheese, the 1990 Côte Rôtie « La Mordorée » Chapoutier triumphs. This wine is the George Clooney of aromas: a small miracle of serenity, joie de vivre and completion.

What amazes me most is that I have not managed to encapsulate the 1986 La Tâche Domaine de la Romanée Conti. Its aromas are of great subtlety, and its taste showcases the gracefulness of the wines from the domaine. But for some reason I cannot explain—maybe because of the jolly and cheerful atmosphere of the meal—I do not see a spark in this wine. And yet there is nothing wrong with it. This is quite a surprise.

When I opened the wines, the overall olfactory winner—well ahead of the Clos de Tart—was the 1937 Château Roumieu Barsac. Now its aromas are still exceptional, though less powerful than the Clos de Tart’s. It is a wonder of a wine, of a dark brown colour, with hints of tea and of delicate fruit soup. It pairs wonderfully with the elderflower soufflé. There is great emotion in such an unusual and sensual wine.

It is not easy to find a wine or alcohol which is a hundred years old when you look for the 1913 vintage, because it is now extremely hard to come by. However, I have found in my basement a 1913 Marc de Bourgogne Chauvet. The liquid is very white, pale—very youthful. It is of extremely rare complexity for a marc. Of course it has straw-filled-clogs, a peasant side of traditional marc, but with a little something extra. It is rich, complex and appealing. I love it.

The « greatest »—a term used to describe Muhammad Ali—is by far the Bénédictine spirit (circa 1940). I indicate this age, but I would not be surprised if the bottle is actually older. The white liquid that is poured into the glass flows like thick oil. It invades the mouth like a sugary lava flow, bursting with unimaginable myriads of spring flowers. I am mesmerised by this alcohol which reminds me of the finest Tarragone spirits.

Twenty-two people are reunited for this dinner, which makes it impossible to get a vote from everybody. My vote is therefore the only one recorded: 1 – Bénédictine (circa 1940), 2 – 1978 Clos de Tart, 3 – 1983 Château Haut-Brion, 4 – 1961 Château Calon-Ségur, 5 – 1989 Champagne Krug Magnum. Several friends would never have ranked Haut-Brion that high, and would have placed Château Roumieu immediately behind the Clos de Tart—both relevant suggestions.

The best pairings, according to my taste, are: 1 – Pétrus and morels; 2 – The Montrachet and the lobster sauce; 3 – Château Roumieu and the elderflower soufflé.

Amidst a cheerful atmosphere, I am inundated with a flood of gifts. The service of restaurant Laurent is outstanding, the cooking of rare precision. It is a great meal.

Avec mon fils, je bois des pépites découvertes dans les recoins de ma cave samedi, 25 mai 2013

Depuis deux ans, j’ai décidé de déménager ma cave et de profiter du transfert pour en faire un inventaire exhaustif et raisonné. Cela fait dix ans que mes vins se sont installés dans la cave actuelle, maintes fois filmée ou photographiée par divers médias. Il y règne une atmosphère pleine d’émotion et de vie.

En dix ans, j’ai suivi mon instinct pour prélever des bouteilles à boire, mais comme tout être humain, j’ai mes chemins privilégiés et des coins entiers ont échappé à ma vigilance. Si le hasard a ses charmes, le temps qui passe impose de mettre un peu de raison dans mes prélèvements. Il y a des milliers de vins qui supplient qu’on les boive vite, et je ne les écoute pas tous. J’attends de ce transfert un peu plus de cohérence. C’est ainsi que j’ai découvert un Dom Pérignon 1929, vin rarissime que je ne pensais pas avoir. Il était plus que temps de le boire. Il a été partagé avec Richard Geoffroy, l’homme qui fait Dom Pérignon, au début de cette année.

En emballant les vins, je me demande comment j’ai pu les acheter. Quelle raison m’a poussé à acquérir des vins qui aujourd’hui me sont inconnus ? Mais j’ai la chance aussi de faire de belles découvertes.

Pour chaque bouteille, je décris le niveau, j’indique si la couleur est un signe de danger et j’évalue le risque que l’on prendra en la buvant. Comme pour les diamantaires, l’expérience m’a permis d’en apprécier l’orient avec une probabilité suffisante de ne pas me tromper.

Mon fils revient en France. Je vais piocher dans un stock de vieux bourgognes que je sais indestructibles, comme ce fut le cas pour les Nuits Cailles Morin 1915 qui ne m’ont jamais trahis, ou les Echézeaux 1947 de Joseph Drouhin. Je prélève deux bouteilles illisibles, sans étiquette et sans indication d’année. Les niveaux sont superbes et la couleur très caractéristique des capsules m’indique que les vins doivent être des années entre 1945 et 1955. Il s’agit plus que sûrement de grandes années – je me souviens un peu de mes achats – c’est-à-dire 1945, 1947, 1949, 1953 ou 1955 puisque les vins de cette époque sont très verlainiens :  » De la musique avant toute chose, Et pour cela préfère l’Impair ».

La seule indication précise, si l’on peut dire, c’est qu’ils proviennent de la cave du restaurant La Bourgogne, puisque c’est expressément gravé sur le haut de la capsule de chacune.

Mon fils visite la nouvelle cave qui a beaucoup progressé depuis sa dernière visite et nous rentrons ensemble pour dîner. J’ouvre au dernier moment les bouteilles. C’est bien dommage car les vins vont évoluer et s’améliorer de façon saisissante tout au long du repas.

Ma femme a prévu une terrine de foie gras et un agneau de lait fondant. Le premier Vin de Bourgogne inconnu vers 1950 a un nez délicat et racé. Sa couleur est d’un beau rouge vif. En bouche, ce vin est d’un velouté envoûtant. Il est tout en douceur, mais il a une longueur en bouche qui lui donne de la profondeur. Il est extrêmement féminin et ce vin m’évoque un chambertin.

Le deuxième Vin de Bourgogne inconnu vers 1950 est un Clos de la Roche inconnu vers 1950 puisqu’on arrive à déchiffrer plusieurs lettres de l’étiquette. Et le blason pourrait être celui d’un vin du domaine Armand Rousseau. Le vin est ouvert assez longtemps après le premier qui s’est déjà largement épanoui. Le nez m’indique un vin plus riche et plus profond que le premier, mais la dégustation n’est pas encore à son avantage, car il est rugueux, brut de forge, sans concession.

Plus le temps va passer et plus le Clos de la Roche va surpasser le « peut-être » chambertin. Le premier est langoureux, romantique, d’une séduction folle. Le second est guerrier, matamore, avec, pour mon goût des accents d’Echézeaux alors qu’il est Clos de la Roche. Il devient brillant, grand, profond, d’une trame d’une noblesse rare.

Ces deux vins sont des cartes gagnantes. Je sais en les ouvrant qu’ils seront au sommet. Furieusement bourguignons, ils ont offert la rose fanée pour le premier et le salin pour le second.

Je propose à mon fils de finir sur une bouteille à risque. Lors d’une récente journée harassante de rangement, j’ai trouvé une bouteille de Champagne Comtes de Champagne Taittinger 1961 qui a perdu la moitié de son volume. Fatigué, je décide qu’elle fera mon ordinaire du dîner que je prendrai seul puisque mon épouse est dans le sud. Je cherche à l’ouvrir mais à la torsion, le bas du bouchon se casse et reste collé à l’intérieur du goulot. Cordonnier est très mal chaussé, car je n’ai aucun tirebouchon à la maison. Qui le croirait ? Mes ustensiles sont dans l’une des caves. Je décide de laisser la bouteille dans le réfrigérateur.

Hélas, la bouteille couchée a perdu son bouchon qui s’est rétréci par le froid, et maintenant c’est seulement un tiers qui reste. Finissons-le avec mon fils. La robe est d’un rose pâle un peu grisé. Le nez est d’une rare pureté. Aucun défaut n’est apparent. La bulle a évidemment disparu et en bouche la surprise est grande. Car il n’y a aucun défaut ou peut-être un seul, c’est que ce que nous buvons n’a plus grand-chose à voir avec le destin initial de ce Comtes de Champagne. Le champagne évoque les fruits rouges et roses, les bonbons désaltérants et ces bonbons qui pétillent en bouche. C’est très agréable, mais en version « hors piste ». Paix à l’âme de ce vin que j’aurais aimé boire avant qu’il ne dévie.

Des bourgognes de ce calibre, indestructibles et percutants, il m’en reste beaucoup. Voilà de quoi alimenter l’académie des vins anciens avec des pépites qu’il faut boire, car elles ne gagneront rien à ce que l’on attende de les consommer.

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Dîner au restaurant Le Chiberta vendredi, 24 mai 2013

Lors de la visite au champagne Louis Roederer, le directeur du restaurant Le Chiberta nous a donné envie d’aller dîner chez lui. L’accueil est sympathique, les plats sont d’une belle exactitude. Le chef fait une cuisine plaisante et rassurante. C’est une halte solide de l’écurie de Guy Savoy.

La Côte Rôtie La Turque Guigal 2004 est aussi rassurante que la cuisine du lieu. Coquilles Saint-Jacques aux asperges, turbot, pièce de bœuf Rossini : de quoi passer une belle soirée.

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Déjeuner provençal au Yacht Club de France vendredi, 24 mai 2013

Une nouvelle réunion de notre club de conscrits se tient au Yacht Club de France. L’ami en charge du repas a choisi pour thème les produits de Provence.

Les champagnes se prennent avec de la tapenade verte ou noire. Il s’agit du Champagne Reflets d’Antan Bérèche & Fils dégorgé en juin 2010 un peu amer à mon goût et du Champagne Grand Cellier d’Or Vilmart & Cie 2004, plus accessible.

Le menu préparé par l’équipe du Yacht Club est : tarte provençale, aumônière de Chavroux, mini poivrons farcis, anchoïade / agneau de Provence maison Mazard & Roux de Tarascon, tian de légumes et ratatouille / fromages de Provence affinés par Alléosse / café gourmand provençal. Comme toujours Thierry Leluc a soigné les approvisionnements, et l’agneau est délicieusement fondant.

Le Château Simone Grand Cru blanc 2010 est d’une richesse et d’une précision qui portent le plaisir. Ce vin est gourmand. La Brûlade Domaine de la Bégude 2005 est un Bandol puissant, riche en tannins, à la forte empreinte et conquérant. Il passe en force.

A côté de lui le Domaine de Trévallon vin des Alpilles 2009 est une merveille de délicatesse et de subtilité. C’est un vin ensoleillé aux contours précis. Un régal.

Le thème du repas était bien choisi, car il a apporté un peu de soleil dans un Paris qui ne s’en sort pas de ses déluges de pluie.

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Déjeuner de travail au restaurant Alain Senderens vendredi, 24 mai 2013

Déjeuner de travail au restaurant Alain Senderens. Les après-midis seront studieux, aussi sommes-nous sérieux.

Le repas est sans vin.

Je prends les asperges vertes du Vaucluse avec une émulsion froide aux truffes noires et un turbot rôti, artichaut poivrade et olives Taffiasche.

La cuisine est d’une exécution remarquable. Les produits sont de toute première qualité. Le service est attentionné.

C’est une belle table de Paris.

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Déjeuner au restaurant Michel Rostang avec un exquis chambertin vendredi, 24 mai 2013

Je propose à un ami de déjeuner pour papoter. Nous nous retrouvons au restaurant Michel Rostang. Les suggestions sont toujours tentantes mais nous nous en tenons aux alléchantes propositions du menu du déjeuner au budget hollandien, c’est-à-dire normal. Ce sera asperges vertes et maquereau mariné, coulis de poivron rouge et agrumes confits pour l’entrée et épaule de cochon de lait confite au beurre, grenaille « Mitraille » et artichauts poivrade rôtis pour le plat principal. Le Champagne Charles Heidsieck Blanc des Millénaires 1995 est une petite merveille de champagne. Il frisote, il tintinnabule, il est l’expression romantique frissonnante du champagne. Il est totalement champagne et c’est assumé. C’est comme le French Cancan que des générations successives découvrent identique à lui-même. On est bien avec ce champagne droit, solide, carré, mais délicat comme l’oscillation incessante et tentatrice des jupes des méduses.

C’est Alain qui nous suggère le Chambertin domaine Denis Mortet 1999 dont il est amoureux. Ce vin est redoutable. C’est l’exacerbation du pinot noir. Vin sans concession, aux amers redoutables qui claquent comme des fouets, il m’envoûte par sa volonté de ne pas plaire. Il n’en est que plus redoutable. Chaque gorgée est pour moi un divin plaisir, celui de l’initié, membre d’une secte, celle des amateurs qui savent que le pinot noir est grand quand il ne veut pas plaire. Je frissonne à chaque gorgée tant le vin surjoue son authenticité. Un vrai bonheur. Le cochon de lait est tellement fondant qu’il pourrait accompagner tout grand vin, qu’il soit rouge, blanc, voire même liquoreux. Il met en valeur le soyeux du chambertin.

Le service chez Michel Rostang est un plaisir. On se sent membre d’un club d’amis quand on s’assied. Alain fait un travail de sommellerie remarquable. Le directeur de salle est tentateur, et c’est son rôle. L’asperge et le maquereau sont bons, chacun dans son registre mais ne créent pas une copulation gustative évidente. En revanche, le cochon de lait est un morceau majeur de la gastronomie française. Quand on passe l’huis du restaurant après ces agapes, on sait que l’on a passé un grand moment.

(les photos prises avec mon nouveau téléphone portable sont de piètre qualité)

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Deux chefs étoilés cuisinent avec des élèves internationaux de l’école Ferrandi mercredi, 15 mai 2013

Atteignant l’hôtel à Reims après la belle soirée Roederer, je trouve un mail de Jean-Philippe qui me dit : « Alexandre Couillon, le nouveau 2 étoiles de Noirmoutier, est à Paris demain pour un dîner à 4 mains avec Nicolas Masse (1 étoile aux Sources de Caudalie)« . Il me propose d’y aller avec lui. Sans réfléchir, je dis oui.

Il joint le menu proposé ainsi rédigé : Amuse-bouches : couteaux de mer, saveurs de soupe de poisson de roche (NM) – – crème glacée aux petits pois, fraise (AC) / Entrée : tartare de bar aux épices douces, sorbet de poivrons rouges grillés, raviole de betterave (NM) – – grosses asperges verte française, crème de moule, salicorne et ail des ours (AC) / Poisson : dos de cabillaud en feuille végétale, asperge blanche des landes viennoise, jus chlorophylle (NM) – – lieu jaune de ligne basse température, crème de poivrons rouge râpé de choux fleur (AC) / Viandes : poitrine de pigeon en peau d’artichauts blanc, agria fondantes aux abattis, jus a la cardamome (NM) – – suprêmes de volaille fermière jaunes, melon et poireau grillé, lait d’étrille (AC) / dessert : au printemps de saveurs des douceurs : pistache, fruits rouges, coco, chocolat.

Il est évident que cela a influencé ma décision. Le lieu du rendez-vous est le restaurant « Le Premier » de l’école Ferrandi, la prestigieuse école française de gastronomie qui forme de futurs chefs du monde entier. L’invitation est lancée par les départements « développement international » et « restauration et Arts de la Table ». Le menu est signé et réalisé par Alexandre Couillon de La Marine à Noirmoutier et par Nicolas Masse de La Grand’Vigne du château Smith Haut-Lafitte.

Les plats sont réalisés par les étudiants internationaux, encadrés par leurs chefs formateurs, sur les conseils des deux chefs invités. Le service est assuré par les étudiants BTS restauration et arts de la table.

Lorsqu’on entre à l’école, on est face à une architecture froide, où l’idée que l’on puisse faire du beau a été limée par les contraintes budgétaires. La salle à manger est passe-partout mais on note que les tables ont des nappes, ce qui, à l’évidence, fait partie de la formation des jeunes serveurs. Le jeune garçon et la jeune fille qui nous ont servis ont fait un travail digne d’éloges.

La carte des vins du lieu est très chiche. Il est probable que des vignerons seraient heureux de sponsoriser l’enrichissement de cette carte. En attendant la charmante blogueuse que Jean-Philippe avait conviée, nous buvons un Champagne Taittinger Brut sans année bien agréable à boire et sans histoire. La surprise est que chacun n’a droit qu’à l’un des deux plats proposés pour chaque étape. Et l’école suggère que le nombre de plats commandés de chaque branche de l’alternative soit le même, car les jeunes chefs feront strictement le même nombre d’assiettes de chaque plat. Trois n’est pas divisible par deux aussi nous décidons de commander quatre repas, soit deux plats de chaque chef que nous partagerons au gré de nos envies.

Les plats que j’ai aimés, sans chercher à savoir qui les a faits sont le couteau, particulièrement goûteux, le tartare de bar et aussi les asperges vertes, le lieu jaune et le pigeon. L’exécution de ces plats par les élèves a été de grande qualité. Le Beaune blanc Bouchard Père & Fils 2005 au nez puissant et fort goûteux et très imprégnant en bouche a remarquablement suivi le repas, y compris le pigeon !

Mais l’important de ce repas, c’est le travail en commun. Deux chefs étoilés sont venus pour motiver des étudiants de tous les pays. Ils ont poussé les élèves à se dépasser, mais aussi les chefs instructeurs. C’est cette ambiance de générosité (Alexandre s’était levé à quatre heures le matin même pour venir de Noirmoutier), d’émulation et de gentillesse qui fait la valeur de cette expérience. Jean-Philippe a retrouvé beaucoup de blogueurs de la gastronomie avec lesquels nous avons bavardé assez tard. Décidément, les expériences de dîners à quatre mains, et ici plus de quatre puisqu’il y a les élèves, sont de belles aventures humaines. Bravo à l’école Ferrandi qui porte très haut les valeurs de l’art culinaire et de la gastronomie.

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