Je suis dans les 200 acteurs du vin selon la RVF !!! mercredi, 13 mars 2013

Jamais je n’aurais imaginé que je puisse figurer dans le classement des 200 acteurs qui comptent dans le monde du vin de la RVF !!!

Bon, je suis 191ème, donc, pas de quoi rouler des mécaniques. Mais jamais je n’y aurais pensé.

Je me bats pour qu’on ouvre les vins qui dorment dans les caves, mais ce secteur de consommation du vin, c’est epsilon !

Lors de ma visite à La Tour Blanche, j’ai posé la question suivante : « comment pourrait-on faire pour que les vins soient bus au moment le plus opportun, et ne soient pas bus trop tôt, quand ils ne représentent que moins d’un tiers du potentiel gustatif et émotionnel qu’ils ont ? ».
Ça paraît insoluble, mais ce serait si motivant si on arrivait à trouver les financements qui mettraient les vins à disposition des amateurs quand ils sont prêts à être bus !
Beaucoup de grands vignobles vendent à des prix qu’ils n’auraient jamais osé espérer il y a dix ans. S’ils mettaient une partie du bénéfice qu’ils n’espéraient pas dans le financement à moyen terme de leur vin, on aurait un progrès colossal dans l’image du grand vin auprès du public d’amateurs.
Voeu pieu ?

Pourquoi ne pas se battre pour ça ?

En tout cas, ça fait plaisir d’être cité.

LIEN RVF

un autre lien

 

un exemple à méditer mardi, 12 mars 2013

Lors de notre dégustation à Dijon, toutes les bouteilles de vins du domaine de la Romanée Conti ont été cassées à la fin de la dégustation. Aucun recyclage possible dans des faux.

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Dîner avec Vega Sicilia Unico 1989 dimanche, 10 mars 2013

Dîner chez des amis dans le sud. L’apéritif se prend sur des petits poissons fumés, une crème au petits pois et poivre rouge du Cambodge rapporté directement par mon ami, et de délicieux toasts aux oursins. C’est un Champagne Laurent Perrier sans année que je trouve très agréable jouant de façon juste sur une partition discrète faite de délicatesse.

Sur des huîtres puis une dorade cuite en papillote, le Champagne Cristal Roederer 2004 est merveilleux de complexité. Contrairement au Krug 2000 bu récemment dont on pense qu’on l’ouvre trop tôt, ce champagne plus jeune est d’une sérénité qui désarçonne. On ne se pose pas la question de savoir si on le boit trop tôt, car il est parfait tel qu’il est, épanoui et très complexe. C’est un grand champagne.

J’ai apporté aussi Vega Sicilia Unico 1989. Les amis se souviennent qu’ils ont un vin de 1989 et proposent de l’ouvrir. C’est Côtes de Provence Tibouren Clos Cibonne rouge 1989. Ce vin à la couleur déjà tuilée est passé. Il est dévié, l’alcool masquant un message non clair. Il n’y aura pas de compétition avec le sublime vin espagnol, à la couleur très foncée, au nez fort, qui donne en bouche un concert d’anis de fenouil, de menthe et de céleri. Le côté végétal est synonyme de fraîcheur et le lourd fruit noir apporte de la richesse. Je suis en admiration devant ce vin opulent, profond, intense et de grande fraîcheur. Il paraît indestructible.

Nous étions tellement heureux de nous revoir que les discussions ont continué tard dans la nuit.

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on note la face du bouchon qui est très inclinée par rapport à l’axe vertical

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Déjeuner au restaurant Michel Rostang jeudi, 7 mars 2013

Déjeuner au restaurant Michel Rostang. L’accueil est souriant et motivé. Je me sens en pays d’amitié. La carte des vins est imposante et riche. Avec Alain Ronzatti le sommelier, je discute des choix possibles. Mon choix final est approuvé. Lorsque mon invitée arrive, le vin est déjà ouvert et j’ai pu profiter de petits snacks à la sardine absolument délicieux. J’ai même fait le menu qu’elle approuve. Ce sera pommes de terre rattes chaudes à la truffe puis pigeon avec une purée à la truffe. La cuisine est chaleureuse et gourmande, on se sent bien. Le Chambertin Armand Rousseau 2007 joue sur la délicatesse et la subtilité. Comme il est bien fait, on en profite avec joie. Je savais qu’en prenant un 2007, tout allait se jouer en dentelle, j’étais prévenu. Mais j’ai quand même regretté un petit manque de corps. La remarque est à la marge, car boire un vin d’Armand Rousseau, avec une complexité et des arômes remarquables, c’est toujours un moment de grand bonheur. Le repas de qualité est un régal.

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La Dame de Pic à Paris mercredi, 6 mars 2013

Jonathan, ami français vivant en Australie est de passage en France. Nous le retrouvons, ma femme et moi au restaurant La Dame de Pic avec sa ravissante fiancée et une amie néozélandaise qui est cuisinière de son état. La décoration du lieu est très délicate et féminine. C’est très réussi. Les cartes des menus sont présentées comme des cartes à jouer, dame de pic oblige. Les menus sont conçus d’après des impressions olfactives que l’on peut figurer en sentant des petits cartons parfumés comme ceux que l’on trouve dans des parfumeries. J’avoue qu’en sentant ces cartons, ce n’est pas très convaincant. Nous sommes une majorité à prendre le menu de truffes, intitulé ainsi : les berlingots, chèvre frais, truffe noire, menthe et asperges vertes de Mallemort / les rougets de Méditerranée, safran, truffe, café Blue Mountain / la poularde de Bresse, fine farce à la truffe noire et foie gras légèrement fumé / le brie de Meaux truffé / la bière et le caramel, blanc mousseux à la truffe noire et cazette.

La carte des vins n’est pas facile d’emploi, car les cartes sont rivetées et doivent pivoter pour qu’on puisse les lire. Le choix est assez faible, avec une grande diversité de prix, parfois chers. Le Champagne Krug 2000 dont j’ai senti un court instant que le maître d’hôtel, qui a connu mes goûts en un autre endroit, voulait me déconseiller, est vraiment trop vert. C’est un Krug bien sûr, mais qui mange l’intérieur des joues. Il sera beaucoup plus rond sur la nourriture et notamment le délicieux et original plat de raviolis en berlingots.

L’Y d’Yquem 2008 est charmant. Il est lui aussi très vert, mais on lui pardonne, car il raconte des choses. Il est dans la jeunesse mais une jeunesse qui parle. Il est gastronomique. J’aime beaucoup sa sérénité aromatiques faite de citron vert et de fruits blancs.

Le vin phare du repas, c’est le Domaine de Trévallon 2009. Ce vin a tout pour lui, l’aisance, la joie de vivre, la plénitude d’un fruit magistral. Ce vin n’est que de plaisir et ne se pose pas de question, on en jouit. Le buvons nous trop tôt dans sa jeunesse, la question n’a pas d’intérêt car il est parfait comme cela. Il est délicieux avec le rouget, riche avec la poularde. C’est la vedette de ce dîner.

Que dire du restaurant ? J’avoue que je suis embarrassé pour exprimer un avis pertinent. Les menus se présentent de façon compliquée, comme les beurres que l’on peut tartiner sur des pains différents. Trop de complexité, c’est trop. Le service est prévenant, parfait lorsqu’on donne à choisir les verres pour le champagne, parfois pesant et parfois imparfait tant les serveurs sont capables de déambuler sans jamais regarder ce qui se passe autour d’eux. On peut cependant dire qu’il y a une grande motivation à bien faire. La cuisine est d’une grande dextérité et d’un haut niveau technique, mais ma poularde était trop lourde et saturante. Les deux plus beaux plats sont les raviolis très originaux et le dessert lui aussi original et bien exécuté. Si je suis embarrassé, c’est qu’il est difficile de juger un chef trois étoiles qui ne veut pas faire du trois étoiles. On est donc un peu en porte-à-faux. Ce restaurant est indéniablement agréable par son atmosphère, par la qualité d’exécution de la cuisine qui trouvera ses adeptes. Mais quand on connaît l’original, on a du mal à positionner la variante qui a visé plus bas. Ce que je recommande en tout cas, c’est d’en faire l’essai, car mon attitude vis-à-vis de ce restaurant est trop lié à l’admiration que je porte à Anne-Sophie Pic. J’ai eu beaucoup de mal à admettre quand Joël Robuchon ne faisait pas du Robuchon pur jus. J’ai aussi un peu de mal quand Anne-Sophie Pic ne fait pas du ASP pur jus. Ce sentiment n’appartient qu’à moi. D’autres gourmets n’auront pas les mêmes réactions. Qu’ils en fassent l’essai !

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13 millésimes de La Tour Blanche de 2012 à 1943 mercredi, 6 mars 2013

La Tour Blanche est un sauternes que j’apprécie pour son goût, mais aussi pour la fabuleuse histoire d’Osiris, mécène comme on n’en faisait qu’au 19ème siècle. Banquier, il a acquis La Tour Blanche en 1876 et en a fait don à l’Etat à la condition qu’on y construise une école de viticulture et de vinification. Elle accueille aujourd’hui 140 élèves par an. Osiris a créé l’ancêtre des restos du cœur, a été le plus généreux donateur de l’Institut Pasteur, a restauré pour en faire don à l’Etat la Malmaison. Bien sûr, il y avait dans cette générosité un intense besoin de reconnaissance, mais les dons sont concrets et d’une ampleur impressionnante. Alors, en buvant La Tour Blanche, je trinque à cet homme atypique, controversé peut-être, mais diablement généreux.

Didier Fréchinet responsable commercial, m’accueille à l’aéroport et me conduit au château La Tour Blanche. Nous faisons une petite visite du site de l’école d’où l’on a une vue qui s’étend à l’infini et surplombe le Ciron, le fameux cours d’eau qui est responsable de l’apparition du trésor du sauternais, la pourriture noble. Nous visitons les chais puis nous nous rendons dans une salle de dégustation très cosy où se regroupent Alex Barrau, directeur du château, Didier, Philippe Pélicano maître de chai qui travaille au château depuis 2001 et dont le premier millésime géré seul est le 2012. Se joint aussi Adeline, jeune stagiaire dont c’est le dernier jour de stage.

Château La Tour Blanche 2012 est un vin dont l’assemblage vient d’être fait hier, en vue de la semaine des primeurs du début avril. La couleur est d’un jaune vert et le vin est un peu trouble. Le nez est très pur, très frais, de très grand niveau. La bouche est lourde au sucre fort et dominant. Le vin est gourmand, mais il faudrait que le sucre se calme. Le goût qui reste en bouche, c’est le sucre. Aux experts de dire ce que ce bambin aux yeux à peine éveillés deviendra. Son nez est un signe positif de grandeur.

Château La Tour Blanche 2009 est fortement bouchonné. Elle est remplacée par une deuxième bouteille. Le nez est discret mais on sent un vin intense. La bouche est superbe, suave, d’un vin riche, sucré mais beau. Sa fraîcheur est invraisemblable et il est diablement bon. Quel dommage ! Car il est si goûteux que les amateurs vont le boire trop tôt, alors qu’avec quelques décennies de plus il sera immense. Tout est réuni pour faire un vin d’anthologie.

Château La Tour Blanche 2001 a un nez qui n’est pas parfait, d’iode, de camphre et si l’attaque est belle, le final est trop marqué. Aussi, Philippe va chercher une deuxième bouteille au nez un peu marqué, mais nettement meilleur. En bouche l’attaque est belle de caramel, de crème de lait et le final est sur les fruits confits. Il y a une belle fraîcheur mais je préfère le 2009. Ce 2001 n’est pas un vin de plaisir. Il faut le garder en cave pour qu’il trouve sa voie. Le 2009 donne une plus grande impression de fraîcheur. Et son final claque.

Château La Tour Blanche 1986 a une couleur claire, peu évoluée. Son nez a aussi une pointe de camphre. La bouche est très douce, raffinée, avec des fruits jaune clair. Le parcours en bouche est beau mais le final n’est pas assez précis, trop rêche.

Château La Tour Blanche 1983 a une couleur plus foncée, d’un bel or intense. Le nez a un soupçon d’animal et le pain d’épices est plus nettement marqué. Le vin est opulent, frais, de belle ampleur en bouche. Il est équilibré, au final un peu en dedans mais beau. Le 1986 s’améliore par l’aération, le 1983 est vaillant, solide sur ses jambes, au final court mais solide aussi. Il y a beaucoup de similitudes entre le 1986 et le 2001. Le 1983 devient nettement meilleur et son final s’allonge. Il convient de signaler que chacun des vins que nous buvons est ouvert au moment même. Il aurait beaucoup plus d’ampleur avec quelques heures d’aération lente.

Château La Tour Blanche 1967 a une couleur d’un ambre très clair. Le nez est frais, de fruits confits. Le vin est noble. Il est doux, élégant, au beau final. C’est un grand vin. Si son final est un peu sec, c’est à cause de sa minéralité. Alex évoque deux cailloux que l’on frotte. De ce vin de grande fluidité on aimerait ne garder que l’attaque pour oublier le final et ne rester que sur la première impression.

Château La Tour Blanche 1962 est plus sombre d’un très bel or foncé. Le nez est minéral. En bouche, c’est une merveille. Le sucre affleure, mais sur un nuage de bonheur. Riche, à la forte impression sucrée, à l’alcool marqué, il dégage une impression de luxure. Le final de ce vin voluptueux est beau. Le caramel et le zeste d’orange sont là, sur un alcool présent. Il y a dans le 1962 un infime côté liégeux que Philippe avait remarqué mais n’osait exprimer pour nous laisser libres de le découvrir. J’aime son côté atypique.

Château La Tour Blanche 1957 a un nez très Tour Blanche. Comme dirait Audiard, la bouche, elle cause. J’adore ce vin qui n’est pas orthodoxe. Il a un final magique. On sent les pomelos, le vin est légèrement acidulé, marqué par une forte tension. Son final rebondit sans cesse. Il est vivant, vibrant et claque comme un fouet. Ce vin de fraîcheur a le plus beau final.

Château La Tour Blanche 1950 a une couleur qui va plus vers le thé. Le nez est discret, retenu. Le vin est de grande pureté, très équilibré et très intégré. C’est un vin noble, serein, calme, avec un beau final. C’est le bon élève, droit dans la définition d’un sauternes accompli. Il a une très grande fraîcheur même si on sent un peu l’alcool. Le 2001 est nettement meilleur maintenant et devient ce que 2001 doit être.

Voici nos classements. Alex : 50 62 57 67 83 86 09 01 12. Didier : 62 83 50 57 67 86. Philippe : 57 62 83 67 50 86. Adeline : 62 50 83 57 67 86. Mon classement : 57 50 62 83 67 86 09 01 12.

Nous sommes unanimes pour mettre le 1986 en dernier des anciens, mais avant cela, nos préférences divergent. C’est le goût de chacun. Alors que nous avons adoré le 2009 si agréable à boire, lorsqu’on le boit après les 1957 et 1950, il paraît dénué de toute complexité ! L’avenir est au sauternes vieux. Ce devrait être un dogme.

Nous nous rendons au restaurant le Saprien à Sauternes, qui a changé de propriétaire depuis ma dernière visite. Le menu que nous sommes plusieurs à prendre est un duo de foies gras, puis un ris de veau et une variation sur le thème de fromages à pâte persillée.

Château La Tour Blanche 1990 est d’un équilibre rare. Il évoque le 1950 par son côté très archétypal. Il n’a pas l’ombre d’un défaut. C’est un splendide sauternes.

Château La Tour Blanche 1948 est d’un bel or. Le nez est d’orange amère. La bouche est éblouissante. C’est vraiment le plus grand de tous. C’est le seul à avoir un final mentholé. Le nez est de menthe et d’anis. Le vin est merveilleux. Il est beaucoup plus puissant que ce qu’on imaginerait d’une année qui souffre de sa proximité avec des années de légende. En fait il est magique d’équilibre et de sérénité. Il a beaucoup d’émotion et de plénitude. Il est orange confite, avec une grande pureté d’expression et beaucoup de cohérence.

Château La Tour Blanche 1947 est très café. Il a plus de fraîcheur mais aussi plus d’amertume. Il est très complexe et moins charmeur que le 1948. Le 1947 fait penser au 1957 et crée un accord magique avec le ris de veau.

Château La Tour Blanche 1943 a été ajouté parce que c’est le vin de mon anniversaire. J’apprécie cette délicate attention. Il est d’un bel or. Le nez est calme. Le vin est sec et j’explique à mes hôtes que je suis habitué aux sauternes qui ont mangé leur sucre et que j’apprécie leurs charmes particuliers. On sent que la « matière vineuse » de ce sauternes sec est magnifique. C’est un très grand vin noble.

Des quatre vins de ce déjeuner, ce sont les 1990 et 1948 qui sont les plus équilibrés. Le 1990 a des saveurs exotiques. Je classe les vins ainsi : 1948, 1990, 1947 et 1943. Et ces quatre vins se classeraient en tête, si l’on combinait les deux séries, le 1957 pouvant se situer presque à égalité avec le 1943.

Quels commentaires ajouter ? Nous avons rencontré sur quelques vins de la dégustation du matin des imperfections olfactives ou dans le final alors que les quatre vins du déjeuner frappent par leur absolue pureté. Dans chaque décennie, les écarts entre les vins présentés sont importants, sauf pour la décennie 40 où les vins sont beaucoup plus proches et cohérents. Les 1947 et 1948 sont deux vins magistraux et proches.

Cette verticale de treize vins de la Tour Blanche est un honneur pour moi dont je suis reconnaissant. Ce fut un exercice apprécié par mes hôtes car ce fut pour eux une belle occasion de revisiter l’histoire de leur grand vin. Ce grand moment a apporté de l’eau au moulin de mes convictions : plus un sauternes est ancien, meilleur il est. Longue vie à La Tour Blanche, un grand sauternes.

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le 2012 est dans un flacon de 2007, à gauche ci-dessus

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déjeuner au Saprien

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Déjeuner de 29 vins dont 22 du domaine de la Romanée Conti samedi, 2 mars 2013

Décidément, les vins de la Romanée Conti ne me quittent plus. Sébastien, un fou de vin dijonnais, lance une invitation dont le thème est la Romanée Conti. Il coordonne les apports de chacun et l’ordre du jour est à la générosité. Le repas devant se tenir à Dijon, j’ai apporté il y a plus de deux semaines mes deux bouteilles au domaine de la Romanée Conti où Sébastien en a pris possession.

La veille de l’événement, Sébastien m’envoie un mail où il déclare que pendant la séance des photos des bouteilles apportées, il a pu constater que le Richebourg 1942 que j’ai fourni est considéré par lui-même et un ami comme un faux. Instantanément j’envoie un mail de réponse avec des extraits des bulletins 89 et 216 dans lesquels j’ai raconté les bouteilles sœurs de celle-ci. L’une était fatiguée, l’autre splendide, mais aucune ne m’avait donné le moindre doute sur son authenticité. Il est vrai que sur l’étiquette il n’y a pas la mention des propriétaires, ce qui paraît étrange et sur lequel je reviendrai après la dégustation du vin.

Après ce mail qui me froisse un peu, je choisis une bouteille de complément, « pour le cas où ». Le lendemain matin, jour de la dégustation, j’arrive au restaurant La Dame d’Aquitaine à Dijon, et je descends des marches pour me trouver dans une magnifique salle d’architecture gothique aux nombreux piliers qui soutiennent d’élégantes voûtes. La hauteur de plafond est très grande et l’atmosphère du lieu est engageante. Sébastien est en train d’aligner les bouteilles présentes pour des photos. Ma bouteille de La Tâche 1974 est alignée avec les autres mais la bouteille de 1942 est dans un casier de réserve. Je dis à Sébastien qu’il me paraît opportun de boire la 1942, ne serait-ce que pour un intérêt pédagogique : si elle est vraie, que conclure et si elle est fausse, que peut-on en dire ? Je sens Sébastien réticent et je lui réitère mon opinion sur les deux précédentes que j’ai bues, d’un lot que j’ai dû acheter il y a une vingtaine d’années.

Un de ses amis arrive, qui avait questionné le domaine sur la 1942. Il dit que dans une dégustation qui se veut sérieuse, on ne devrait pas l’ouvrir. Un peu agacé par cette réaction, je décide d’offrir à la dégustation un Richebourg 1953 de beau niveau, d’une année de grande réussite ce qui fait que mon apport sera : La Tâche 1974, Richebourg 1953 et Richebourg 1942 que je tiens à goûter au sein des autres vins.

Avec Sébastien, j’ouvre les bouteilles et lorsque je sors le bouchon du Richebourg 1942, il apparaît que le bouchon est bien de cette époque, qu’il a 1942 imprimé clairement visible et le mot « Richebourg » écrit comme on l’écrit au domaine. Voilà un élément qui conforte ma bouteille et Sébastien en convient.

A onze heures débute dans la belle salle voûtée une dégustation verticale d’Echézeaux du domaine. Un ami signale que si cette dégustation démarre à onze heures, c’est qu’à ce moment précis nous entrons dans un jour fleur. Nous rions de cet à-propos. Sabine, propriétaire avec son mari du restaurant fait le service du vin en annonçant à haute voix celui qu’elle répartit. Elle aura accompagné notre parcours et nos facéties avec une bonne humeur digne d’éloges.

Christian, l’ami qui voulait refuser ma 1942 remet à tout le monde un document où nous devons marquer trois notes pour chaque vin : d’abord celle que nous donnerions, sur 20, sans avoir bu, en fonction de ce que nous attendons. La seconde note est celle du vin dégusté et la troisième est le classement du vin dans l’ensemble des vins de la journée. Nous sommes douze et il y a 29 vins à boire. Aurons nous la force de noter au final ? L’avenir le dira mais l’idée est intéressante.

L’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1989 a une couleur trouble assez évoluée. Le nez est un peu dévié, amer. La bouche est opulente. Le vin est plus riche que ce que je pensais. Il est nettement meilleur que ce que le nez annonce. Il a une belle acidité, mais il commence à décliner. On note une torréfaction. Il est beaucoup plus évolué qu’il ne devrait et lorsqu’on y revient plus tard, le vin décline.

L’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2003 a un nez très fenouil, très végétal. Le vin est jeune, gourmand. Il est généreux, au final poivré. Ce vin tue le pauvre 1989 qui est trop évolué. Tout au long de cette dégustation des Echézeaux, des amis vont signaler le côté gibier des vins, pour presque tous. Je ne partage pas cette analyse pour le 2003 que je trouve végétal, au final de cassis.

L’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2005 a une couleur assez claire. Le nez est de menthe et d’anis. Avec lui je perçois le côté gibier suggéré par les amis. La bouche est assez dure et marquée par une certaine sécheresse, mais ce vin a un gros potentiel. Il faut qu’il devienne moins rugueux et il sera grand.

L’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2006 a une couleur grenat. Le nez de ce vin est absolument magique. Il est élégant, velouté, capiteux. Une merveille de nez. En bouche, le vin est élégant avec un léger manque de puissance. C’est un vin de plaisir que j’adore. Il est vraiment DRC.

L’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2007 a une couleur très claire et le nez laisse apparaître le gibier. La bouche est agréable, un peu modeste. On sent ses limites. C’est un vin qui ne me parle pas et je suis gêné par son côté gibier.

L’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2008 a un nez jeune qui sent le soufre. La bouche est goûteuse, gourmande. C’est bon. Le vin est jeune et minéral, pas encore positionné, mais c’est un vin de plaisir. Il est agréable à boire maintenant et c’est assez difficile de prédire son futur. Il me semble gourmand et gastronomique.

L’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2009 a une couleur plus sombre. Le vin est plus dense. On sent le cassis et le poivre. La bouche est puissante, envahissante. Le final est plus discret. Il a la sécheresse du 2005 mais il est plus élégant. Il est beau mais son final est un peu court.

Plutôt que de noter ces sept vins au sein des 29 vins, j’ai jugé plus prudent de les classer entre eux et ce sera dans l’ordre de préférence : 2006, 2008, 2009, 2005, 2003, 2007, 1989. J’ai pu constater que mes amis ont des votes différents entre eux.

Nous faisons une pause pendant que notre table se prépare pour le déjeuner. Mon ami Florent a apporté deux champagnes et le sauternes. Il me sert le Champagne Dom Pérignon rosé 1985 et ma réaction est instantanée : ce vin sent le Paris-brest. Et tout le monde en convient. C’est incroyable que ce champagne soit aussi nettement Paris-brest. Mais il l’est aussi en bouche ce qui est encore plus incroyable. Alors mon cerveau est totalement possédé par cette image. Plus tard, je sentirai de la truffe blanche. Nous allons différer Florent et moi, car je pense que ce goût atypique est une déviation de ce que devrait être ce rosé. Florent n’est pas d’accord. Mes amis ont aimé ce champagne plus que je ne l’ai aimé. Le champagne réagit bien à un amuse-bouche au ris de veau.

Le Champagne Krug 1989 de Clément a beaucoup plus de tension et de précision. Il est très agréable, à la bulle forte. Le Champagne Henriot Brut Souverain magnum 1949 est absolument délicieux. Il a la perfection de l’année 1949, une des plus belles en Champagne, et il a le charme fou des champagnes anciens. Sa bulle est discrète mais le perlant est là. Sa force vient de sa conservation en magnum. La douceur est d’une élégance rare. C’est un pur régal.

Le menu conçu par Laurent Perriguey est : tartare de Saint-Jacques à l’huile de truffe, copeaux de parmesan et mesclun / foie gras de canard poêlé aux légumes oubliés / barrette de thon mi-cuit, crumble de chorizo et grué de cacao / déclinaison de porcelet, la côte en juste température, le carré confit et le pied en cromesquis / crépinette de queue de bœuf et joue de bœuf, purée de rattes / plateau de fromages / assortiment de sorbets poire Williams, pêche de vigne, yuzu et mirabelle.

Le Bourgogne Hautes Côtes de Nuits blanc mis en bouteille par DRC 2009 a un nez de vin très jeune. On sent le beurre et le toast, voire un peu de noisette. C’est un vin un peu limité.

Le Montrachet Domaine de la Romanée Conti 2001 a un nez diabolique de richesse et d’évocation. Ce nez est à se damner. Ce montrachet n’est pas très puissant par rapport à d’autres du domaine et ça lui va bien, car il joue sur l’élégance et la discrétion. Dans le brouhaha, car notre joyeuse équipe est assez dissipée, j’essaie de me recueillir sur un accord de première grandeur, voire de folie. Car l’huile des coquilles est parfumée à la truffe blanche et trouve un écho incroyable dans ce vin splendide. C’est un moment merveilleux de ce repas. C’est totalement sublime.

Le Corton Prince Florent de Mérode Domaine de la Romanée Conti 2009 a un nez de vin jeune, un peu imprécis. Mais en bouche, c’est une belle surprise, car il est beaucoup plus riche que ce qu’on attendrait. J’ai une bonne relation avec ce vin. Le Vosne-Romanée 1er cru Cuvée Duvault-Blochet Domaine de la Romanée Conti 2002 servi en même temps que le Corton fait beaucoup plus faible. Toutefois, et c’est cela la magie de la gastronomie, il trouve une alchimie avec le goûteux foie gras qui crée un accord fabuleux.

Sébastien, par prudence, fait servir maintenant les deux 1961 pour que nous ayons toute notre lucidité pour les apprécier. Les deux vins sont noirs et donneront des sensations un peu torréfiées. La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1961 est très vivante et la Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1961 est magique de complexité. Le côté torréfié est commun aux deux. Nous sommes face à deux très grands vins, car toutes les complexités sont là, mais en revenant sur eux après la série des Richebourg, j’ai noté dans mes verres une fatigue qui ne devrait pas exister.

La Romanée Saint-Vivant Marey-Monge Domaine de la Romanée Conti 2004 est superbe et très étonnante après les deux 1961, car elle les snobe de sa jeunesse. J’aime beaucoup sa subtilité. Le Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1997 est beaucoup plus vieux que ce que son année devrait donner. Il n’est pas très intéressant.

C’est maintenant qu’apparaissent les trois Richebourg dont un est affirmé faux par Sébastien et Christian. La surprise n’en est que plus agréable, car le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1942 a le nez d’un vin du domaine et d’un vin de cette époque. Il est très conforme à ce qu’on attend d’un Richebourg du domaine. Le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1953 est lui aussi très DRC, et j’en jouis avec plaisir, heureux de l’avoir rajouté pour qu’il serve de témoin au 1942. Et le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1975 ajouté par Sébastien est nettement meilleur que ce qu’on peut imaginer de cette année faible. Je l’aime beaucoup. Ces trois Richebourg sont superbes, très DRC et je classe pour moi : 1942, 1953 et 1975.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1997 est un très beau vin que je trouve un peu conventionnel, surtout après les émouvants Richebourg, qui surclassent à mon sens les deux 1961.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1974 est aussi un très beau vin du domaine. Il n’a pas de signe de fatigue. Il est quand même en dessous des deux Richebourg que j’ai aussi apportées. La Tâche Domaine de la Romanée Conti 2007 est un vin agréable mais qui donne relativement peu d’émotion après les vins plus canoniques.

Nous buvons un vin mystère de Sébastien et j’avoue que « Le Vin le plus simplement » domaine Van Berg à Meursault 2006 n’a pas laissé de trace dans ma mémoire tant une myriade d’étoiles des vins du domaines valsaient dans mon cerveau.

Le Champagne Heidsieck Monopole « Red Top », goût américain vers 1930 est superbe, plus sec que ce que suppose le goût américain. Il est très beau mais nettement moins vibrant que le Heidsieck 1907 gardé cent ans dans des eaux de la mer du Nord. Mais c’est un grand vin.

Le Château Suduiraut Sauternes 1928 est comme toujours une merveille de précision. C’est un de mes chouchous du sauternais et c’est pour cela que Florent l’a apporté. D’une couleur acajou, bien gras, c’est un vin de bonheur.

Le Marc de Bourgogne Domaine de la Romanée Conti 1991 est à la Fine de Bourgogne Domaine de la Romanée Conti 1991 ce que le vin jaune du Jura est au vin blanc de Bourgogne. Le côté interlope, canaille du marc est un bonheur coupable, car il fauche comme des blés nos restes de lucidité.

L’ambiance du repas a été joyeuse, parfois estudiantine. Sabine a été une hôtesse parfaite et son mari Laurent a fait une cuisine remarquable. Si je classe ce qui n’est pas vin rouge, ce sera : 1 – Montrachet DRC 2001, 2 – Champagne Henriot 1949, 3 – Suduiraut 1928, 4 – Marc 1991.

Si je classe les vins rouges, ce sera 1 – Richebourg 1942, 2 – Richebourg 1953, 3 – La Tâche 1961, 4 – Romanée Conti 1961. Le fait de classer premiers deux de mes vins peut paraître puéril ou provocateur, car souvent, je regarde mes vins avec les yeux de Chimène. C’est indéniablement pour le goût que je fais ce classement et cela donne l’occasion de réfléchir au problème des faux. Si l’on est capable de faire un faux 1942 (grands dieux, pourquoi cette année) avec la typographie exacte du domaine, pourquoi oublierait-on d’indiquer les noms des propriétaires. Comme le bouchon est d’origine, comme le goût est celui d’un Richebourg du domaine (personne n’a crié au faux en le goûtant et je n’ai eu que des compliments), je m’entretiendrai avec le domaine sur une hypothèse que je risque : c’est en 1942 qu’Henri Leroy achète les parts des Chambon dans la société civile du domaine, selon ce que j’ai lu. Quelqu’un au domaine aurait pu demander à l’imprimeur d’étiqueter des bouteilles sans que les noms des propriétaires n’apparaissent, puisqu’ils changeaient. C’est peut-être une hypothèse fausse. Mais elle a plus de consistance pour moi qu’un faux, qui pourrait se mesurer à égalité avec deux Richebourg du domaine, dont on ne voit pas l’objet quand il a été fait.

Plutôt que d’envisager un faux dont la logique n’est pas évidente je préfère, pour cette époque, croire à une initiative dont on n’aura pas gardé la trace, puisque les archives n’ont pas été conservées. C’est peut-être de l’optimisme, mais fondé sur les résultats de la dégustation.

Ceci étant mis à part, ce fut un moment extraordinaire, grâce à Sébastien et à la générosité de tous. Nous avons bu des grands vins, émouvants, avec une cuisine exacte en un lieu prestigieux. Mon compteur a maintenant une marque de 350 vins du DRC bus depuis 12 ans, en 74 millésimes. Même si je ne peux pas me prétendre expert des vins du domaine, j’en ai maintenant une certaine accoutumance.