De gauche à droite : Didier Depond, Bérénice Lurton qui cache Louis-Michel Liger-Belair, Eric Rousseau, Sylvain Pitiot, Jean-Luc Pépin, Aubert de Villaine, Bipin Desai, Jean-Charles de la Morinière, François Audouze, Caroline Frey.
De gauche à droite : Didier Depond, Bérénice Lurton qui cache Louis-Michel Liger-Belair, Eric Rousseau, Sylvain Pitiot, Jean-Luc Pépin, Aubert de Villaine, Bipin Desai, Jean-Charles de la Morinière, François Audouze, Caroline Frey.
Le dîner annuel des vignerons amis de Bipin Desai se tient au restaurant Laurent. C’est le douzième que j’organise depuis 2001 et comme le format est celui de mes dîners, il sera comptabilisé comme 165ème dîner de wine-dinners. Ces douze dîners n’auraient pas existé sans Bipin Desai, grand amateur de vins et organisateur de dîners de prestige.
Les amis qui répondent à mon invitation sont : Didier Depond, Caroline Frey, Richard Geoffroy, Thomas Henriot, Louis Michel Liger-Belair, Bérénice Lurton, Jean-Charles de la Morinière, Jean-Luc Pépin, Sylvain Pitiot, Eric Rousseau, Aubert de Villaine. Hélas, la forte neige qui s’est abattue sur une partie de la France nous privera de la présence de Thomas Henriot et un contretemps de celle de Richard Geoffroy.
A 17 heures, j’ouvre les vins. J’aurais pu me reposer sur l’efficace équipe des sommeliers du restaurant Laurent, mais comme un médecin accoucheur, j’aime voir comment se passe la naissance de tous ces vins. J’ouvre donc toutes les bouteilles. La seule qui m’interpelle est celle du Chambertin 1983 que je trouve camphrée ou chimique. Il est probable que la mauvaise odeur disparaîtra, mais elle semble tenace.
Beaucoup de bouteilles ont été reconditionnées aux différents domaines. La Tâche 1971 l’a été en 1996, la Romanée 1970 l’a été en 1999, le Corton 1985 l’a été en 2003, l’Hermitage 1990 l’a été en 2008 et le Climens 1937 l’a été il y a peu de temps.
J’avais prévu de mettre en intermède au milieu des six vins rouges de Bourgogne le magnum de Dom Pérignon de Richard Geoffroy. Comme il ne viendra pas, nous convenons avec Patrick Lair de ne pas l’ouvrir. Le Clos de Tart 1978 le remplacera sur le risotto.
Les amis sont tous à l’heure et nous commençons l’apéritif d’un friture d’éperlans avec le Champagne Delamotte magnum 2002. Ce champagne est un joli blanc de blancs qui fait plaisir à boire mais nécessitera quelques années avant d’avoir la personnalité affirmée du Champagne Delamotte magnum 1970 de grande expression qui nous est servi à table avec la friture qu’accompagne une sauce crémée goûteuse. Le champagne a un nez extraordinaire de présence. En bouche, il est pénétrant, adjectif que j’utiliserai souvent tout au long du repas. Ce champagne d’une très grande personnalité est plus qu’une heureuse surprise, c’est un grand champagne.
Le menu créé par Alain Pégouret et Philippe Bourguignon est : coquilles Saint-Jacques marinées et champignons de couche / Pigeon à peine fumé, pommes soufflées « Laurent » / Risotto à la truffe blanche d’Alba / Rognon de veau de lait grilloté, poêlée de champignons sauvages / Pâtes farcies, sauce d’un lièvre à la Royale / Gaufrette aux poires et au poivre de Séchuan, crème de châtaignes / Palmiers.
Le Corton Charlemagne Bonneau du Martray magnum 1988 est d’une extrême élégance et d’une grande sensibilité. Le sucré de la coquille Saint-Jacques répond parfaitement à sa délicatesse, alors que le Musigny blanc Comte de Vogüé 1992, tout en puissance et en pénétration se marie beaucoup moins bien avec le plat, sauf peut-être avec les fines lamelles de champignons. Nous avons là deux expressions très différentes du blanc de Bourgogne, l’une dans l’élégance et le charme, et l’autre dans l’affirmation et la conviction. Le Musigny est d’une année éblouissante en blanc, ce que l’on constate sur ce vin qui appellerait un plat plus fort pour s’y confronter.
Le pigeon est tout en douceur et subtilité. On pourrait presque se demander si le Corton Charlemagne ne lui eût pas convenu. Mais il a une belle brochette de vins à affronter. Bipin Desai est agacé du fait que l’ordre des vins qui lui sont servis n’est pas celui du menu. Il ne comprend pas et veut qu’on lui explique. En fait, comme j’ai fait déplacer le Clos de Tart pour accompagner le risotto, les vins servis ne sont pas dans l’ordre. C’est alors, qu’un quarteron de vignerons loin d’être en retraite, par un coup d’Etat imparable, m’ont contraint à faire ouvrir le Dom Pérignon, au prétexte fallacieux que Richard Geoffroy ne serait pas content qu’il ne fût pas bu. C’est donc à l’insu de mon plein gré que le Clos de Tart Mommessin 1978 a retrouvé sa place dans le déroulement du repas.
La Romanée Comte Liger-Belair 1970 est le plus doux des trois vins qui sont servis, d’un grand raffinement mais un peu moins long que les deux autres. Il est nettement plus agréable que celui que j’avais bu avec Louis-Michel dans l’impressionnante verticale de Romanée Liger-Belair faite en Autriche il y a six mois. Le vin convient bien au pigeon dont les pommes soufflées sont une bénédiction.
La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1971 est impressionnante. Son nez est d’une grande émotion et son parcours en bouche est infini. Quelle rémanence gustative ! Ce vin est un modèle de raffinement. Et il a tout de l’âme du domaine de la Romanée Conti que j’avais pu trouver à l’aveugle il y a peu de semaines sur le même vin. Celui de ce jour a une plus grande tension que le précédent.
Le Clos de Tart Mommessin 1978 dont j’ai découvert que la capsule avait été découpée avant que je ne la reçoive, a un parfum extrêmement riche de complexité. En bouche il est long, et finit sur une râpe très bourguignonne que j’apprécie énormément. La Tâche a aussi cette belle râpe, mais moins intense que le Clos de Tart que je trouve le plus approprié au plat, car La Tâche est un tel cadeau qu’on pourrait la boire seule. Ces trois vins ont beaucoup de points communs et je suis content de les avoir regroupés.
Le Champagne Dom Pérignon Rosé Œnothèque magnum 1982 est arrivé dans ma cave dans une magnifique boite laquée de noir et dotée d’une étiquette métallique indiquant : "Rosé Vintage 1982 / Chef de cave’s Private Cellar". Sur l’étiquette flashy de rose mauve figure sous le nom du champagne : "Altum Villare". C’est la première fois que je vois Hautvillers nommé ainsi. Après ces considérations sur l’enveloppe, voyons un peu le contenu. Le rose est d’une intensité rare et d’une jeunesse surprenante. Le parfum est intense. Le vin est pénétrant et l’accord qui se forme avec le risotto est d’une extrême sensualité. L’accord est l’un des deux plus brillants de ce repas.
Bien sûr, ce champagne ne laisse pas indifférent. C’est tout à l’honneur de la prestigieuse maison de champagne d’avoir imposé des codes de luxe et de luxure qui conditionnent l’émotion que l’on ressent. On est bien, mais force est de constater que le message est assez linéaire, même si la longueur est là. Cette impression s’est corrigée le lendemain, quand, buvant le fond de la bouteilles avec peu de bulles, j’ai pu constater la noblesse du vin de base de ce grand champagne, devenu plus ambré que rose.
Merci les vignerons rebelles qui m’ont imposé ce rapt du Dom Pérignon.
Le Corton Bouchard Père & Fils 1985 est le plus compact et le plus simple des trois bourgognes qui accompagnent le rognon de veau. Je suis sûr qu’il eût été meilleur si Thomas avait été présent.
Avec Eric Rousseau, nous constatons que l’attaque du Chambertin Clos de Bèze Domaine Armand Rousseau 1983 n’est pas totalement pure, même si l’on est proche de ce qu’on peut attendre. Et c’est le plat fort goûteux qui répare toutes les blessures, d’autant qu’elles sont légères. C’est un beau chambertin joyeux de vivre, mais ce n’est pas le plus grand que j’aie bu de cette emblématique domaine.
Le Musigny Vieilles Vignes rouge Comte de Vogüé 1991 est aussi pénétrant en rouge qu’il peut l’être en blanc. Il faut dire que l’année 1991 est superbe en ce moment. Ce vin puissant, tranchant, est un bon exemple du bourgogne conquérant. Il est à l’aise avec la plat qu’il est le seul à dompter, les deux autres vins jouant plus à l’apprivoiser.
J’ai beaucoup bavardé avec ma voisine Caroline Frey des mérites des différents millésimes de l’Hermitage La Chapelle. Et il nous est facile de tomber d’accord sur le fait que l’Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1990 fait partie des très grandes années de ce vin. Le vin est carré, cohérent, lisible, et l’apparente facilité de lecture n’exclut pas la complexité bien intégrée. La longueur est très belle, finissant en coup de fouet et l’accord avec les pâtes farcies, mais surtout avec la sauce d’un lièvre à la Royale est un accord de pure gourmandise. C’est un très joli vin. Et l’accord fait partie des deux plus beaux.
Le Château Climens 1937 est d’une robe presque noire. C’est le plus foncé des 1937 que j’ai rencontrés. Son parfum est d’une séduction extrême mais surtout d’une pureté sans égale. Et ce qui est intéressant avec les sauternes de ce calibre, c’est qu’on ne peut pas se poser la question : "pourrait-il être meilleur ?". Il est parfait profond, long en bouche , distillant un plaisir infini.
Le repas se finit sur le vin que j’ai apporté, un Bastardino Setubal Fonseca 1912. J’explique la raison de cet apport. Deux jours après ce dîner, ma mère, si elle était toujours vivante aurait eu juste cent ans. N’ayant pas de repas familial prévu pour cet anniversaire, j’ai pensé, que boire ce vin de cent ans avec des vignerons que j’apprécie et dont certains sont des amis, serait rendre à ma mère un bel hommage. Mes amis y ont été sensibles et surtout les deux jeunes femmes présentes, mères elles aussi.
Je suis content de constater que tout le monde plébiscite ce vin extraordinaire. A l’ouverture, en le sentant, je savais qu’il serait grand. Il est plus grand encore que mon attente. Le nez est pénétrant, de pruneaux et de douceurs. En bouche, c’est beaucoup plus qu’un porto. Car il y a un fort café et même du goudron. Il a la force d’un Pedro Ximenez et la douceur d’un porto. Bipin Desai m’en complimente, ce qui n’est pas rien. Ce vin est d’un intense plaisir, quasi infini.
L’usage dans ces dîners est de ne pas voter, puisque les vignerons sont présents. Pour mémoire, je noterai mes quatre préférés, qui correspondent à mon goût : 1 – Bastardino Setubal Fonseca 1912, 2 – Château Climens 1937, 3 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1971 et en 4 ex aequo : Corton Charlemagne Bonneau du Martray magnum 1988 et Champagne Delamotte magnum 1970. Ce n’est pas un jugement qualitatif mais un jugement de goût.
L’ambiance de ce repas a été d’une convivialité extrême, et d’une grande amitié. Chacun était heureux d’être là. Bipin a essayé d’imposer que chacun présente et commente son vin. Les premiers s’en sont acquittés avec grâce, mais les conversations spontanées ont progressivement pris le dessus.
Lors de tels repas, on ne veut pas se quitter. J’avais apporté dans ma musette Un Château Caillou Haut-Barsac 1934 qui, lors de mes rangements, avait attiré mon attention par son niveau bas qui n’avait pas altéré sa belle couleur. Je propose de l’ouvrir avec ceux qui restent, dans le salon de l’entrée du restaurant. Il aurait fallu filmer la grimace de Bérénice Lurton lorsqu’elle a approché le verre de son nez ! Il est évident que si ce vin avait été ouvert en même temps que les autres, cette odeur aurait disparu depuis longtemps. Or elle est là et se dissipe d’ailleurs assez vite. Ce Barsac doré, infiniment plus clair que le Climens ne pouvait pas nous passionner longtemps, aussi Didier Depond fait ouvrir un Champagne Salon 1996, d’autant plus magnifique qu’il fait suite au sauternes, qui signe de façon remarquable par sa belle maturité et son opulence un moment d’intense amitié.
Nous avons lancé des pistes pour fêter de belle façon les 40 ans de l’un et les 50 ans d’un autre. L’envie est évidente de se revoir pour partager des moments d’une aussi grande intensité.
le bouchon de La Tâche est couvert par une petite cire. Sa qualité est superbe
le bouchon de l’Hermitage a eu un curieux parcours
Aubert de Villaine avec Bipin Desai et Bérénice Lurton
la table en fin de soirée
The annual dinner of Bipin Desai’s winemaker friends dinner takes place at the restaurant Laurent. This is the twelfth edition of an event that I have been organising since 2001 and, since the format is the same as that of my dinners, it will be counted as the 165th edition of my wine-dinners. These twelve events would not have existed without Bipin Desai, a great wine aficionado and an organiser of prestigious dinners.
The friends answering my call are: Didier Depond, Caroline Frey, Richard Geoffroy, Thomas Henriot, Louis Michel Liger-Belair, Bérénice Lurton, Jean-Charles de la Morinière, Jean-Luc Pépin, Sylvain Pitiot, Eric Rousseau and Aubert de Villaine. Unfortunately, the heavy snow falling over a good part of France will prevent us from enjoying the company of Thomas Henriot and, unexpectedly, Richard Geoffroy will not join us either.
At 5pm, I proceed to the opening of the wines. I could just have let the restaurant’s very efficient team of sommeliers do their job but, like a physician delivering a baby, I like to see how all those wines are brought to life. I therefore open all the bottles. The only one that I am slightly concerned about is the 1983 Chambertin, which smells camphorated or chemical. It is likely that this will disappear, but it seems quite persistent.
Many wines have been rebottled and/or recorked at the various domaines. The 1971 La Tâche followed this process in 1996, as did the 1970 Romanée in 1999, the 1985 Corton in 2003, the 1990 Hermitage in 2008. The 1937 Climens also recently went through this process.
I had scheduled, as an interlude in the middle of this concert of six Burgundy red wines, to serve Richard Geoffroy’s magnum of Dom Pérignon. Since he eventually does not take part in this dinner, we agree with Patrick Lair that we will not open it. It will be replaced by the 1978 Clos de Tart which will be paired with the risotto.
Our friends are all on time and we start the apéritif with deep-fried sprats and the 2002 magnum of Champagne Delamotte. This is a beautiful, pleasant to drink blanc de blancs, but will need a couple more years to obtain the strong personality of the 1970 magnum of Champagne Delamotte which is served at the table with the sprats and a very tasty creamy sauce. This second champagne has an extraordinarily assertive nose. In the mouth, it is quite penetrating, and I will use this adjective quite a lot during this dinner. This champagne with a great personality is more than a good surprise; it really is a great champagne.
The menu created by Alain Pégouret and Philippe Bourguignon is as follows: marinated scallops and layers of mushrooms / Lightly smoked pigeon, pommes soufflées Laurent-style / Risotto with white truffle from Alba / Lightly grilled veal kidneys, sautéed wild mushrooms / Stuffed pasta, sauce from a Hare à la royale / Delicate wafers with pears and Sichuan pepper, chestnut cream / Palmier cookies.
The 1988 Corton Charlemagne Bonneau du Martray is extremely elegant and highly delicate. The sweetness of the scallop is paired perfectly with its delicacy, whereas the 1992 Musigny blanc Comte de Vogüé, which is all power and penetration, does not pair so well with the dish, except maybe with the thin slices of mushrooms. These are two very different expressions of Burgundy whites, one being all about elegance and charm, the other being about assertiveness and conviction. The Musigny comes from a fantastic vintage for whites, which is easily confirmed by this wine which calls for a match with stronger dish.
The pigeon is all softness and subtlety. Once can wonder if the Corton Charlemagne could actually have been a good pairing here. But there is a beautiful range of wines to try out. Bipin Desai is annoyed by the fact that the order in which the wines are served to him does not correspond to the order established for the menu. He doesn’t understand why, and wants explanations. Actually, since I moved the Clos de Tart to be paired with the risotto, the wines are not served in the correct order. And then suddenly, a handful of the winemakers, far from staying in the background, attempt a coup d’état and force me to open the Dom Perignon, on the fallacious pretext that Richard Geoffroy would not be happy if it ended up not being served. And just like that, the 1978 Clos de Tart Mommessin is magically back to its original spot in the wine list schedule.
The 1970 Romanée Comte Liger-Belair is the most delicate of the three wines that are served, of great refinement but slightly shorter in the mouth than the other two. It is much more pleasant that the one I drank with Louis-Michel during the impressive vertical flight of 41 vintages of Romanée Liger-Belair that took place in Austria six months ago. The wine pairs well with the pigeon and its divine pommes soufflées.
The 1971 La Tâche Domaine de la Romanée Conti is impressive. It has a profoundly moving nose, and the way it runs its course in your mouth makes you wonder when it will stop. What persistence! It is refinement incarnate. It is the expression of the soul of the Domaine de la Romanée Conti, which I was able to identify during a blind tasting of the same wine a couple of weeks ago. Today’s wine has even more tension than the previous one.
The 1978 Clos de Tart Mommessin, for which I had discovered that the cap had been cut off before I received the bottle, is extremely rich in complex aromas. In the mouth, it is long, and finishes on this typical Burgundy roughness which I like a lot. The La Tâche also has this beautiful roughness, but less intensely so, and I find the Clos de Tart’s more appropriate to the dish, because the La Tâche is such a gift that it could be drunk by itself. These three wines have a lot in common and I am glad that I grouped them together.
The 1982 Champagne Dom Pérignon Rosé Œnothèque magnum arrived in my cellar in a splendid black-laquered box, with a metallic label that reads: « Rosé Vintage 1982 / Chef de cave’s Private Cellar ». Under a flashy, purple-pink label, one can read under the name of the champagne, « Altum Villare ». It is the first time that I have seen Hautvillers spelt this way. After these musings about the packaging, let’s tackle what is inside: the pink colour is unusually intense and surprisingly young. The aromas are intense. It is a penetrating wine, and the pairing with the risotto is extremely sensual. It is one of the two most brilliant pairings of the dinner.
Of course, this champagne cannot leave one indifferent. It is to this prestigious champagne house’s credit to have imposed codes luxury and lust which affect the emotion that one experiences. It is indeed pleasant, but one cannot but notice that the message is quite linear, even if the length is there. This impression is modified the next day, when I drink what is left in the bottle; the bubbles have dissipated, and I can taste the nobility of the base wine of this great champagne, which has become more amber-coloured than pink.
I would like to thank the group of rebellious winemakers who forced me to steal the Dom Pérignon.
The 1985 Corton Bouchard Père & Fils is the most compact and the simplest of the three Burgundy wines that are paired with the veal kidney. I am pretty sure that it would have been better if Thomas had been able to join us.
With Éric Rousseau, we observe that the attack on the palate of the 1983 Chambertin Clos de Bèze Domaine Armand Rousseau is not completely frank, even if it is quite close to what could have been expected from this wine. And this wine’s wounds are healed by the extremely tasty dish with which it is paired, all the more so since these wounds are, in the end, superficial. It is a beautiful Chambertin, full of life, but it is not the greatest that I have had from that archetypal domaine.
The 1991 Musigny Vieilles Vignes rouge Comte de Vogüé is as penetrating in its red version as it can be in white. The 1991 vintage is indeed superb at the moment. This powerful, sharp wine is a good example of a triumphant Burgundy. It pairs easily with the dish that it is the only one to tame, while the two other wines are simply trying to domesticate it.
I have long discussions with Caroline Frey, who sits next to me at the table; we exchange views on the various vintages of the Hermitage La Chapelle. And we easily agree that the 1990 Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné is among the very best vintages of this wine. It is a square wine, coherent, apparently easily readable, which does not preclude a very well integrated complexity. The length is beautiful, finishing like a whiplash, and the pairing with the stuffed pasta, especially with the sauce of the hare “à la Royale”, is pure gluttony. This is a very beautiful wine. And the pairing is one of the most seductive.
The 1937 Château Climens is of an almost black colour. It has the deepest colour of all the 1937 I have tasted so far. Its aromas are extremely seductive but, more importantly, of supreme purity. And what is interesting about the Sauternes of this level is that you cannot wonder if it could be better, because it is indeed perfect, deep, very long, providing you with infinite pleasure.
The meal ends with my wine contribution, a 1912 Bastardino Setubal Fonseca. I need to explain why I brought this wine. Two days after this dinner, my mother, had she still been alive, would have been 100 years old. Since I have no family meal scheduled to celebrate this anniversary, I thought that to drink this 100-year-old wine with winemakers that I appreciate, some of who even being friends of mine, would be a beautiful way to pay tribute to my mother. My friends note this particular attention, especially the two young women present tonight, who are mothers also.
I am pleased to realise that everyone praises this extraordinary wine. When I opened it, and smelled it, I knew it was going to be a great wine. And it exceeds my expectations. The nose is penetrating, smelling of prunes and sweets. In the mouth, it is so much more than a port. For it tastes of strong coffee, even of tar. It has the strength of a Pedro Ximenez and the delicacy of a Port. Bipin Desai congratulates me on my choice, which is no small feat. This is an intensely, almost infinitely pleasurable wine.
The tradition in those dinners is not to vote, since the winemakers take part in them. For memory, I will give points to my four favourite wines, which correspond to my taste:1 – 1912 Bastardino Setubal Fonseca, 2 – 1937 Château Climens, 3 – 1971 La Tâche Domaine de la Romanée Conti and tied for fourth place:1988 Corton Charlemagne Bonneau du Martray magnum and 1970 Champagne Delamotte magnum. This is not a qualitative judgment, but a judgment based on personal taste.
The mood of this dinner is extremely friendly, and the guests share great friendships. Everyone is happy to be present. Bipin tries to force everyone to present and comment his or her wine. The first winemakers were happy to oblige, but spontaneous conversations progressively take over.
During dinners such as these, one is loath to bring it to an end. I had brought one more trick up my sleeve: a 1934 Château Caillou Haut-Barsac which, while I was reorganising my cellars, had caught my eye because of its low level but pristine and beautiful colour. I suggest opening it with those of us still there, in the lounge at the entrance of the restaurant. One should have captured on film the expression on Bérénice Lurton’s face when she put her nose to the glass! It is quite obvious that if that wine had been opened at the same time as the others, the smell would have long since dissipated. But it is quite present, yet vanishing rather quickly. This golden Barsac, infinitely more clear than the Climens, could not keep us entertained for long, so Didier Depond offers a 1996 Champagne Salon, made even more magnificent for being served after the Sauternes, marking in a remarkable way, with opulence and maturity, an intense moment of friendship.
We have exchanged suggestions for celebrating in a fitting way the 40th birthday of one of the guests, and the 50th of another. We are obviously delighted with the prospect of seeing one another again to share such intense moments.
Il se confirmera une fois de plus que je ne sais jamais dire non. Lorsque Bipin Desai est arrivé à Paris, il m’appelle pour confirmer notre dîner au Bristol, la veille du dîner de vignerons, et il me dit : "je dois déjeuner demain au restaurant Guy Savoy. Mon convive m’a fait faux bond. Voulez-vous venir ?". Contre toute raison, j’ai dit oui. Vive la déraison !
Arrivé en avance, j’étudie la carte des vins. Il y a quelques belles niches, mais le fond de cave est dans un Himalaya tarifaire. Un vin qui se vendait 600 francs en primeurs il y a dix ans se trouve à 5.600 €. Même Serguei Bubka n’aurait jamais demandé que l’on mette la barre à une telle hauteur. Il est vrai que j’ai choisi le pire exemple. Bipin arrive et il prend les choses en main sans me demander. Il décide même du menu.
Ce sera : saumon figé sur glace, consommé brûlant, perles de citron / colors of caviar / soupe d’artichaut à la truffe noire, brioche feuilletée aux champignons et truffes / bar en écailles grillées aux épices douces.
Caroline Frey participera au dîner ce soir aussi Bipin commande un Champagne Billecart-Salmon Grande Cuvée Brut 1996. Le champagne a une extrême personnalité et une longueur remarquable. Très typé, profond, il est remarquable en tout point. C’est une belle découverte pour moi, car je ne suis pas très familier des champagnes de cette maison. Il y a un fumé racé, un peu comme cemlui que l’on trouve dans Substance de Selosse.
L’amuse-buche est un bouillon chaud très frais en bouche avec ce que je crois reconnaître comme de la citronnelle et du citron vert. Sous une tasse yin et yang, car elle a toujours une moitié retournée, il y a une petite bouchée dont le fond de betterave rouge est d’une rare délicatesse.
Un chef qui s’appelle Solivérès mais n’est pas parent avec le chef du Taillevent vient préparer devant nous le saumon cru. Il est gelé sur glace, ce qui cuit la face qui est au contact, on ajoute des ingrédients dont des perles de citron rose et des carrés de cerfeuil, et l’on couvre le tout d’un bouillon chaud. Ce plat est d’une créativité extrême, d’inspiration japonisante. Le champagne est un bon compagnon de ce plat. J’essaie avec le rouge et, à condition de savoir y faire, des ricochets gustatifs se créent entre le plat et le vin.
Le décor est planté : Guy Savoy, c’est de la création pure.
Le vin que Bipin a choisi sur la suggestion provocatrice de Sylvain, c’est le Clos Saint-Denis domaine Dujac 1998. Provocatrice, car Sylvain pense que le 1996 que nous avons bu hier n’est pas parfait, alors que le 1998 le serait. Voilà le thème d’un beau match. Vite, il faut vérifier.
Lorsque le vin est servi, on sent que le vin servi par Marco dégageait des arômes infiniment plus puissants que celui servi par Sylvain. Sylvain ouvre à l’espagnolette alors que Marco ouvrait au grand air. La puissance olfactive était hier. La suggestion est aujourd’hui. C’est fou ce que les deux parfums ont en commun.
En bouche le 1998 est plus rond, plus consensuel que le 1996, plus gourmand aussi. Mais il a moins de tension et de longueur. Alors, que dire ? Ce sont deux styles différents. Pour le plaisir pur et immédiat, c’est le 1998 qui gagne. Sur la personnalité et la profondeur, c’est le 1996 qui gagne. Il y en a pour tous les goûts.
Bipin s’étonne que le "colors of caviar" me soit inconnu. C’est peut-être la barrière tarifaire qui n’est pas la même pour lui et pour moi. Le plat est délicieux et le caviar prend une longueur extraordinaire avec son sabayon au caviar. La mâche est un régal et le caviar a une longueur en bouche irréelle.
Le champagne n’est pas le meilleur ami de ce plat. C’est un Dom Pérignon qu’il faudrait pour le dompter.
La soupe d’artichaut, plat emblématique, est superbe. Le Dujac réagit à la perfection, surtout avec la brioche. Le bar est délicieux mais la vanille est un peu trop prononcée pour s’acoquiner avec le champagne ou le vin.
Que dire de ce repas ? D’abord que c’est un excès de folie quand on sait ce qui nous attend ce soir. Ensuite que Guy Savoy est le chef le plus créatif de tout Paris. Que ceci ne me fâche pas avec ses pairs, car je suis dans l’enthousiasme. Le service est de haute précision, Sylvain a été à nos côtés avec talent. J’ai été fou d’accepter ce déjeuner. Mais que je suis heureux !
le chef montre la préparation du saumon à une table voisine
Bipin Desai, grand collectionneur américain fait son voyage traditionnel en France autour de Thanksgiving. Je suis en charge pour la douzième année consécutive d’organiser un dîner avec des vignerons amis. A peine arrivé de son avion, Bipin me rejoint pour un dîner à deux au restaurant de l’hôtel Bristol. Le restaurant gastronomique s’appelle Epicure et a pris ses quartiers non pas d’hiver mais de toutes saisons dans ce qui était naguère la salle à manger d’été. Notre table est tournée vers le jardin avec une vue sur l’imposant sapin de Noël dont on se demande comment il a pu arriver dans cette cour fermée, tant sa hauteur est impressionnante. Malgré la cheminée et d’amusants canapés profonds, on est loin de la classe de la salle lambrissée de la salle à manger d’hiver.
Etant arrivé en avance, Marco Pelletier, chef sommelier m’offre un verre de Champagne Comtes de Champagne Taittinger 2004. C’est fou comme l’année 2004 est confortable. Il ajoute des petits amuse-bouche d’une dextérité extrême et d’un goût qui donne envie d’applaudir le talent du chef. Le champagne est riche, goûteux, crémeux à souhait. On en boirait sans s’arrêter tant il appelle la gourmandise, et, comme dirait Pierre-Emmanuel Taittinger, l’amour, mais pour ce dîner, ce n’est pas au programme.
Choisir dans la carte des vins extrêmement complète du Bristol est un exercice difficile pour deux raisons : elle est copieuse, donc longue à appréhender et par ailleurs on cherche en vain de bonnes pioches, tant les prix sont élevés. Nous avons partagé avec Bipin la note de restaurant, aussi quand il a proposé le vin rouge, j’ai acquiescé, mais jamais je n’aurais pris ce vin à ce prix si j’avais été seul décideur. Par chance il est exceptionnel.
Le menu que j’ai choisi est : châtaignes de mer en coque, langues et écume d’oursin, fine brouillade d’œuf de poule / demi-portion de macaronis farcis truffe noire, artichaut et foie gras de canard, gratinés au vieux parmesan / lièvre à la royale, ravioles de topinambour, céleri et châtaignes au raifort.
Disons-le tout de suite, celui qui a illuminé ce repas, c’est Marco Pelletier. Il nous a conseillés, a expliqué les vins d’une manière qui est celle d’un très grand sommelier. Il nous connaît tous les deux aussi sommes-nous en terrain de connaissance. Il a été remarquable. Pour l’oursin, j’ai suggéré un champagne de Diebolt-Vallois puis l’idée m’est venue de prendre un vin de Philippe Foreau. L’idée a plu a Marco qui a proposé un Vouvray sec Clos Naudin Foreau 2010. L’oursin est goûteux et le vouvray, même sec a suffisamment de douceur pour répondre à la douceur sucrée de l’oursin. Le vin est charmeur, très complexe dans ses arpèges de saveurs. Il y a des fruits blancs, une acidité d’une justesse rare. Ce n’est pas un vin encore abouti, mais c’est exactement ce qui convient aussi bien à l’oursin qu’à la brouillade.
Le vin suivant est le Clos Saint-Denis domaine Dujac 1996. Servi dans des verres aux pentes très recourbées vers le centre, le vin exhale des parfums à se damner. Qui pourrait résister à une telle tentation. C’est d’abord un bouquet de fleurs que l’on jette à mes narines. C’est ensuite un tombereau de fruits mûrs et une élégance qui me prend comme au lasso. Ce parfum est diabolique et vraiment, je pense que certains sommeliers ont l’art d’apporter un vin dans un état de perfection que je me sentirais bien incapable de trouver. La bouche est moins tonitruante que le nez. Le vin est grand, avec un équilibre entre les jolis fruits frais, l’acidité, les tannins et avec une élégance extrême. Ne cherchons pas le passage en force, car tout ici est en séduction. Avec le macaroni, l’accord est une évidence. On pourrait imaginer que ce vin sans biscotos subirait en se soumettant au choc du lièvre, mais pas du tout. Il s’adapte et ne perd rien de son message. Bipin a commandé un fromage et un dessert. Je ne l’ai pas suivi, car demain est autre jour.
La cuisine est de grande dextérité. J’ai choisi le lièvre à la royale car j’avais le souvenir qu’Eric Fréchon faisait l’un des tout meilleurs de Paris. Je n’ai pas retrouvé l’étincelle de génie de la dernière expérience, même si c’est très bon. Il faudrait que l’on m’explique si c’est ce que l’on apprend en école hôtelière, mais je remarque de plus en plus souvent qu’à partir du début du troisième tiers du repas, les serveurs sont aux abonnés absents. Un serveur est capable de traverser quinze fois la salle sans jamais remarquer ce qui s’y passe et si une table a un besoin. J’ai éprouvé cela au Meurice, au Lasserre et ici ce soir, mais pas que là. Un convive ferait comme dans un match de foot la traversée de la salle tout nu, il est à peu près sûr que les dix serveurs présents ne remarqueraient rien. Et ce ne sont pas les trois seuls restaurants dans ce cas. Il y a une sorte de trou noir au moment du dessert, comme si le client n’avait plus besoin de rien, ce qui rend inutile de regarder autour de soi. Cette remarque est à la marge, car le héros du jour, c’est Marco Pelletier, d’une justesse de conseils absolument remarquable.
Le rangement en cave continue avec un ami fidèle. A la pause du midi, il faut soutenir le moral du combattant. Des bouteilles à niveau bas ou à incident grave ont été mises de côté. Je repère une bouteille d’Arbois à la jolie étiquette, dont le volume a baissé de moitié. Pourquoi de pas essayer quand on est sans illusion ? Dès que je décapsule le Vin d’Arbois Emile Nevers 1947, le bouchon glisse. Je tente de le rattraper mais il va plus vite que moi et plonge. Je verse deux verres et à ma grande surprise les arômes sont purs. Le vin n’est pas désagréable mais je conseille quand même à Emmanuel de cracher ce qu’il boit. Les trois ou quatre gorgées sont vivantes d’un vin qui a des intonations de vin rouge, mais il lasse vite.
J’ouvre alors une demi-bouteille de Mazy-Chambertin Maison Thomas Bassot 1945 au niveau très bas. Le bouchon résiste car il a aussi la volonté de plonger, mais je l’extrais. Le cri du bébé accouché est une puanteur que je connais, car elle disparaîtrait si nous avions quatre heures devant nous. Comme nous n’avons pas le temps, ce vin possible est aussi écarté. Je fais une nouvelle tentative avec une demi-bouteille de Château Longueville Baron 1956 qui est basse épaule mais dont le bouchon nage depuis un temps indéterminé. Là, le verdict est sans appel, nous sommes au rayon des vinaigres.
Ma patience ayant des limites, je prélève un Hermitage rouge Jean Louis Chave 2001 qui a au moins le mérite d’être du vin. Si j’avais mis cette bouteille de côté c’est que la baisse de volume, de cinq ou six centimètres est tout-à-fait anormale pour un 2001. Le bouchon ne montre aucun signe de faiblesse et n’apporte aucune explication. Le vin n’en souffre pas, plein de vitalité, avec de beaux fruits rouge foncé et de beaux tannins. La longueur est belle et joyeuse. Après trois cadavres, notre plaisir de revenir dans le monde des vivants n’en est que plus grand. Bien sûr, si l’on pousse l’analyse, il y a un léger goût torréfié qui signerait peut-être un coup de chaud avant l’arrivée dans ma cave, mais le bilan de ce vin est tout à son avantage.
Fort heureusement le nombre de bouteilles abîmées est faible, mais c’est toujours dommage de constater que l’on n’est jamais à l’abri de déconvenues. Le rangement de ma cave aidera à diminuer ce risque. Tant mieux.
La demeure de réception de la maison de champagne Veuve Clicquot est au centre de Reims. C’est un bel hôtel particulier récemment restauré, décoré avec beaucoup de goût, avec un délicat mélange entre classicisme et modernisme et d’audacieux choix de couleurs judicieuses. Je suis reçu par Fabienne Moreau qui est la mémoire de Veuve Clicquot, gardienne de l’histoire. Nous sommes rejoints par Dominique de Marville, l’homme qui fait Veuve Clicquot. On nous verse un verre de Champagne Veuve Clicquot La Grande Dame 2004, champagne chaleureux d’une année qui va compter dans l’histoire. C’est assez rare qu’un champagne aussi jeune puisse être aussi décontracté, facile à vivre, tout en étant riche et enveloppé. Nous gardons nos verres à la main pour visiter les caves de l’hôtel du Marc. Dominique me dit : "ici c’est la cave du jour" et mon rire éclate quand je vois une pile imposante de Bouzy 1943. Je lui réponds : "c’est vrai que boire du Bouzy 1943 c’est ce qu’on fait tous les jours". Nous allons ensuite dans la cave aux trésors. Dominique me montre des reliques et j’estime que c’est le moment opportun de lui parler du vin que j’ai apporté. C’est un Vin Blanc Vieux d’Arlay Bourdy 1934. Dominique réagit avec classe et décide que nous boirons un Veuve Clicquot 1934. Je vois une bouteille de la Baltique identique à celle que j’ai acquise. Nous visitons aussi la cave des rouges, mis en cave pour des repas au château.
Nous remontons de cave et j’ouvre le vin que j’ai apporté en montrant ma méthode, même si elle n’est pas de grande utilité dans une maison où l’on boit surtout du champagne. Le nez du vin est un bouquet explosif de saveurs où la noix existe mais pas seulement elle.
Nous passons à la magnifique et spacieuse salle à manger. Elle est lambrissée mais les lambris ont été peints en noir avec des filets dorés. La table est noire, ce qui met en valeur la verrerie. Les fleurs sur la table sont jaunes et dorées. On sent l’intention de recréer les couleurs de Veuve Clicquot, avec élégance.
Le menu mis au point par le chef Laurent Beuve est : homard breton, pomme de terre à la fourchette, crémeux truffes noires / pigeon fermier, légumes d’hiver, jus court réglissé / comtés de divers affinages / douceur vanille et noix, caramel beurre salé.
Le Champagne Veuve Clicquot Vintage 2004 est plus strict, plus droit, moins opulent que la Grande Dame (je parle ici de champagne, évidemment). Mais il est aussi très pénétrant. Le Champagne Veuve Clicquot Cave Privée rosé magnum 1975 est d’une énergie à couper le souffle et je suis d’ailleurs assez impressionné par la qualité de présentation de ces champagnes. Est-ce le fait de jouer sur leurs terres, sans avoir jamais voyagé qui leur donne cette force, cette énergie et cette conviction ? C’est assez spectaculaire. Ce rosé est élégant, de grande classe et la qualité du pigeon est telle que cela le propulse à des hauteurs rares. C’est un rosé de grande valeur et je ne suis pas sûr que si j’en avais un en cave, il arriverait à atteindre ce niveau. C’est le jus court que l’on prend seul sur la pointe du couteau qui donne un coup de fouet magistral au 1975.
Le Champagne Veuve Clicquot Cave Privée 1980 est une bombe olfactive. Il est brillantissime, conquérant, renversant toute résistance à sa séduction. La couleur du Champagne Veuve Clicquot carte d’Or 1934 est ambrée. Le nez est délicat. On voit tout de suite qu’il aurait été meilleur s’il avait été ouvert quelques heures auparavant. Et nous allons assister, avec un plaisir pour moi sans cesse renouvelé, à l’influence qu’a le vin du Jura sur le champagne. Lorsque l’on boit le délicieux et pénétrant Vin Blanc Vieux d’Arlay Bourdy 1934 puis juste après le champagne 1934, celui-ci grimpe de trois échelons dans l’échelle de Richter du plaisir. Le champagne gomme tous ses défauts et devient brillant, joyeux avec la profondeur de la trame d’un champagne ancien noble. Le vin blanc est profond, typé, à la longueur rare et les deux compagnons dont les couleurs sont proches s’entendent comme deux brigands qui préparent un gros coup. Inutile de dire que la joie est à son comble.
Dominique pressent que le Champagne Veuve Clicquot Vintage Rich 2002 surdosé n’aurait pas sa place à cet instant. Il a raison, car même si je suis à l’écoute de ce champagne, les deux 1934 ont trop d’attrait pour qu’on s’y intéresse. Nous avons eu une discussion passionnante avec le chef qui a goûté avec nous et avec le maître d’hôtel les deux vins de 78 ans.
De ce magnifique déjeuner, un champagne sort du lot, c’est le 1980 glorieux et pénétrant. Je mettrai ensuite au même niveau le rosé 1975 et les deux compères de 1934.
Les discussions furent riches, la cuisine est d’un très haut niveau. L’ambiance créée par Dominique est directe et amicale. Après une visite des impressionnantes archives je suis reparti, heureux de ce grand moment de communion. Et, ça ne s’invente pas, ma femme savait que j’étais à Reims mais ne savait pas ce que j’y faisais. Au dîner, un omble chevalier au riz rouge a permis de finir les restes des deux 1934 que j’avais rapportés. Prolongation de l’extase, la vie est belle !
l’hôtel
la cave
le champagne, apparemment, craint la chaleur des chaudières (en version bilingue)
le vin de la Baltique
les deux 1934
la belle salle à manger
le jeu de couleurs des champagnes et des fleurs est d’une grâce extrême (le 1980, le 1934 et le Jura 1934)
le chef
le chocolat VCP
Entrer au restaurant Lasserre, c’est arrêter la pendule aux années cinquante. L’accueil est chaleureux. Nos amis prennent une coupe de champagne dans le petit salon du rez-de-chaussée. Nous prenons l’ascenseur piloté par un groom en livrée rouge, et dans la salle les maîtres d’hôtel sont en habit. Une pianiste asiatique joue discrètement des standards, créant une atmosphère d’hôtel des années trente. Inutile de dire que j’aime beaucoup cette vision surannée du luxe. Antoine Pétrus ajoute sa touche de jeunesse qui sied bien au lieu. On se sent bien.
Avec Antoine nous décidons de garder deux des vins que je viens d’apporter et nous commençons par le Champagne Agrapart Terroirs Blanc de Blancs Extra Brut sans année d’Avize. Ce champagne est d’une grande personnalité. Sa tension, sa vivacité n’excluent le charme et l’équilibre.
Nous passons commande et compte tenu des vins il paraît assez évident de prendre le macaroni, truffe noire et foie de canard, suivi du lièvre de Picardie, le filet juste pané, poivre / genièvre, la panoufle à la Périgourdine. Le Château de Pibarnon Bandol 2007 réagit de façon admirable au macaroni à la truffe. Il est charmant, enveloppeur, de grande séduction poivrée et truffée. L’accord est un bonheur et le plat divinement dosé. Le Clos des Fées Hervé Bizeul 2010 est d’une grande puissance. Il est un peu envahissant, mais il est domestiqué par le lièvre. Et la respiration que j’avais trouvée avec le céleri qui était un appel à reprendre du chevreuil, dans l’Atelier Gourmet du Grand Tasting, je le retrouve ici avec la panoufle, qui apaise le palais et redonne envie de reprendre du lièvre et du vin. On aurait dit que j’avais choisi précisément ces vins pour coller idéalement avec ces deux plats.
Mon ami prend les crêpes flambées qui sont préparées avec le cérémonial d’antan par un maître d’hôtel en habit et en gants blancs. Nous finissons le champagne délicieux.
Lorsque nous quittons l’ascenseur, nous félicitons Christophe Moret qui a réalisé deux plats de grande saveur, d’un beau classicisme et d’une belle réalisation.
les crèpes flambées à l’ancienne
J’avais réservé une table pour le soir même au restaurant Lasserre. Hier, Antoine Pétrus, directeur de ce restaurant était venu rendre visite aux élèves de l’école internationale des arts de la table, le Cordon Bleu, qui ont fait un service des vins des Master Class digne d’éloge, sous l’autorité efficace du directeur de l’école. Il m’a annoncé qu’il était au courant de ma réservation et qu’il serait là. Cet après-midi, alors que je suis en master Class, il m’envoie un SMS : "si vous voulez apporter un vin de votre cave, ce sera avec plaisir". Je n’ai pas le temps de passer à ma cave. Ce pourrait être l’occasion de mettre en valeur tel ou tel vin d’un vigneron que j’apprécie. Ainsi, à la fin du salon, je me vois me comporter comme ces jeunes vautours qui cherchent à capturer les bouteilles restantes pour arroser un peu plus leur taux d’alcoolémie. Me voir demander des bouteilles, ça me fait une drôle d’impression. Mais tout naturellement, Eric de Saint-Victor me donne une bouteille de Pibarnon 2007 et Hervé Bizeul me donne une bouteille de Clos des Fées 2010 plus un vin d’une de ses cuvées particulières au nom poétique.
Avec ces emplettes je quitte le Carrousel du Louvre avec le sentiment d’avoir vécu un Grand Tasting de haut niveau, grâce à la qualité des vins présentés, mais aussi grâce à la présence de nombreux vignerons qui viennent apporter leur support à l’un des plus grands rendez-vous du vin.
Les Ateliers Gourmets sont proposés en même temps que les Master Class aussi est-ce difficile parfois d’arbitrer. J’ai assisté à deux d’entre eux.
A ma gauche, Philippe Mille le brillant chef des Crayères. Il va affronter trois poids lourds à ma droite, le Champagne Alexandre Penet Grande Réserve non dosé, le Champagne Gonet-Médeville Blanc de Noirs sans année et le Château Phélan-Ségur 2005. Le combat promet d’être acharné. Philippe assène un coup fatal, un foie gras à la truffe de Champagne et un carpaccio de langoustine aux agrumes. Le Champagne Penet est à mon goût trop strict, trop extrême, sans la moindre once de concession, mais le carpaccio l’apprivoise. Le Champagne Gonet est beaucoup plus sociable et consensuel. Si le carpaccio est du domaine des champagnes, le foie gras trouve dans le Phélan-Ségur le plus beau des sparring-partners. L’accord est d’une pertinence rare. Le chef a confirmé son talent et mis en valeur un bordeaux racé.
Le second atelier met en présence le chef Pierre Rigothier du restaurant Baudelaire à l’hôtel Burgundy et le Moulin à Vent du Château de Moulin à Vent 2010 servi en magnum. Le combat est plus équilibré et Philippe a choisi l’arme la plus efficace qui soit : un dos de chevreuil de chasse française, céleri, marmelade de myrtilles au café. Il se passe alors quelque chose de passionnant. Si l’on prend la chair seule du gibier, douce à souhait, l’accord avec le pénétrant beaujolais est naturel. Si l’on ajoute au chevreuil la marmelade, le vin est excité et l’accord est grand. On prend ensuite un peu du céleri, qui calme le palais et donne une furieuse envie de recommencer chevreuil et myrtille. Le vin est généreux, l’accord est superbe, et le tremplin créé par le céleri est une heureuse excitation. Cet accord est de toute beauté. Bravo au chef et au vigneron.