Académie des vins anciens – les vins du 3ème groupe jeudi, 29 novembre 2012

Les vins du Groupe 3 :

Champagne Grand Réserve Damien Coutelas SS A

Château La Louvière Pessac Léognan Blanc 1979 – Mosel Wein 1964

*Château d’Arlay Côtes du Jura 1969 – Château Mouton Rothschild 1976

Château Canon Saint-Emilion 1966 – Château Gruaud Larose 1964

Château Malescot Saint-Exupéry 1961Corton Bressandes Tollot Beau 1988

*Bonnes Mares Mommessin 1972*Vosne Romanée S.A. Leroy & Cie 1959

Chassagne-Montrachet rouge Joseph Drouhin 1959

Châteauneuf du Pape Faye et Cie Négociant 1958

*Rioja Ollauri Paternina 1928

Côtes du Jura Bury 1964 – *Château Chalon Fruitière Viticole de Château Chalon 1959

Académie des Vins Anciens (AVA) – 19ème séance du 29 novembre 2012 jeudi, 29 novembre 2012

Académie des Vins Anciens (AVA) – 19ème séance du 29 novembre 2012

Règles et informations mises à jour au 18/10/2012. (à lire avec attention)

Date et heure : 29 novembre 2012 à 19h00

Lieu : Restaurant Macéo 15 r Petits Champs 75001 PARIS 01 42 97 53 85

Participation financière :

120 € par personne si l’inscrit apporte une bouteille de vin ancien (1) agréée par François Audouze

240 € par personne si l’inscrit vient sans bouteille

(1) si l’inscrit n’a pas de vin assez ancien, un "troc" est possible avec François Audouze, qui mettra au programme un vin ancien, contre une (ou plusieurs) bouteille de vin jeune qui présente un intérêt pour lui

Paiement :

Aucun chèque ne sera remis en banque avant le 27 novembre 2012. Il n’y a donc aucune raison de retarder l’envoi du chèque de paiement. On peut l’envoyer des maintenant.

Le chèque doit être remis si possible avant le 10 novembre à François Audouze. L’ordre du chèque est : "François Audouze AVA"

Chèque à envoyer à François Audouze 18 rue de Paris 93130 NOISY LE SEC

Livraison des vins :

Les vins doivent être proposés et agréés par François Audouze. Les bouteilles sont à déposer chez Henriot 5 rue la Boétie 75008 Paris – 2ème étage – 01.47.42.18.06. Notre contact sur place est Martine Finat : mfinat@champagne-henriot.com . Aucune bouteille ne devrait être livrée après le 20 novembre. Merci d’attendre le 2 novembre pour commencer à remettre votre bouteille chez Henriot.

Une variante est de m’envoyer par la poste la bouteille à l’adresse : François Audouze société ACIPAR 18 rue de Paris 93130 NOISY LE SEC

Pour que l’organisation de cet événement soit fluide, il est recommandé de ne pas attendre avant de proposer les vins, les livrer et payer.

Au plaisir de vous accueillir pour une réunion aussi brillante que les précédentes.

la générosité des vignerons de Châteauneuf dimanche, 25 novembre 2012

Il y a des choses qui ne s’inventent pas. Une vingtaine de vignerons de Chateauneuf-du-Pape présentent leurs vins au restaurant Macéo qu’ils ont privatisé. Quoi de plus naturel de commencer la dégustation par le stand n° 1 ? C’est le domaine du Banneret et Jean-Claude Vidal me dit qu’il lit mes bulletins avec plaisir et qu’il imaginait bien que je viendrais. Il sort de ses bagages un Chateauneuf-du-Pape domaine du Banneret 1989 et me le donne en disant : "votre séance de l’académie des vins anciens se tiendra ici dans une semaine. J’aimerais que vous y partagiez ce vin". J’avais naguère pu mesurer la générosité des vignerons de Châteauneuf. Elle se vérifie toujours.

Florilège de Discours savants sur le Vin dimanche, 25 novembre 2012

C’est un livre, écrit par Azélina Jaboulet-Vercherre, de morceaux choisis sur plus de 3.000 ans des philosophes et écrivains les plus célèbres, lorsqu’ils ont parlé de vin.

A lire, pour se rendre compte que les mots sur le vin ne datent pas de notre siècle.

A lire aussi pour rêver de ceux qui ont bu des vins dont il ne reste, hélas, plus aucune trace.

Il est paru aux éditions Féret.

164ème dîner de wine-dinners au restaurant Taillevent samedi, 24 novembre 2012

Le 164ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Taillevent. La taille du groupe a changé à plusieurs reprises, entraînant le changement du salon du premier étage. Entre le salon chinois, plus petit, et le salon lambrissé, mon cœur balance vers les boiseries élégantes à la française. Quand j’arrive à 17 heures, nous sommes chinois. A 18 heures, grâce à Jean-Marie Ancher, nous sommes lambrissés. Il est des opérations du Saint-Esprit qu’il vaut mieux ne pas discuter.

Selon la tradition, j’ouvre les vins. Le parfum du Pétrus 1979 est d’une rare séduction. Il est plus riche que je ne l’aurais imaginé. En enlevant la capsule du Gazin 1959 je vois l’inscription sur le haut du bouchon : "rebouché en 1998". Il se trouve que je n’aime pas les bouteilles reconditionnées car cette opération, même bien faite, altère le goût originel, mais surtout parce que cette opération est faite sans que l’on donne l’indication du niveau de la bouteille entrante. J’ai acheté cette bouteille parce qu’elle avait un niveau superbe. Comme de l’extérieur il n’y a aucun indication de rebouchage, je suis mécontent. Et bien sûr quand je sens le vin, j’ai un a priori défavorable. La suite montrera que j’ai tort.

Le nez du chambertin 1959 est magnifiquement bourguignon. Le bouchon de la Romanée Saint-Vivant du domaine de la Romanée Conti 1983 me résiste longtemps, tant il est comprimé dans le goulot. Son parfum est extraordinaire. Patatras, le nez du Richebourg du domaine de la Romanée Conti 1959 est plus que désagréable et l’odeur du bouchon imbibé et sorti en brisures est horrible. Même si je suis souvent le témoin de résurrections, j’ai bien peur que ce vin ne se réveillera pas. Aussi, j’ouvre une bouteille de réserve, un Châteauneuf-du-Pape Domaine du Pégau Réservée 1989. Son nez est généreux et ce qui me fait plaisir, c’est que sa puissance est contenue, ce qui lui permettra de cohabiter avec les bourgognes. Patatras à nouveau, le nez de l’Yquem 1941, d’une très belle bouteille, se présente sous des fragrances que je n’ai jamais rencontrées. Il est camphré, odieusement chimique. Le diagnostic vital est d’une triste clarté : celui-ci ne reviendra jamais à la vie. Une nouvelle fois grâce à Jean-Marie Ancher, je prélève dans la cave du restaurant un Château de Rayne-Vigneau 1914 à la jolie couleur dorée et au nez de sauternes.

Une conjonction de bouteilles abîmées aussi importante ne s’est jamais produite jusqu’alors dans mes dîners. Nous sommes sept à la table, dont un convive qui ne boit pas. J’avais prévu sept bouteilles. J’en avais rajouté une sans le dire, la Romanée Saint-Vivant, car il y a quelques jours, c’était l’anniversaire de l’amateur chinois fidèle de mes dîners qui m’a demandé d’organiser cette soirée pour honorer des amis, et j’ai ajouté deux vins, ce qui porte à dix les vins du programme.

Sur les sept personnes autour de la table il y a la responsable du marketing hôtelier d’un grand groupe de luxe, un anthropologue qui dirige une mission Chine-Europe sur des sujets artistiques et culturels, un tailleur italien, mon ami chinois, un expert en vin londonien et un écrivain britannique. Comme nous en sommes à étrenner des "premières" lors de ce dîner, c’est la première fois qu’un convive demande un menu différent des autres, sans viande ni abats, qu’il va accompagner sous nos rires et nos yeux ébahis de Coca Light, zéro sucre. Inutile de dire que cela fait tout drôle. Son humour très britannique a permis qu’il ne soit pas le mouton noir de ce repas.

Le menu composé par Alain Solivérès est : gougères et petits toasts au foie gras / tartare de bar de ligne à l’huile d’olive / foie gras de canard poêlé, jus à la Rossini / chausson de lapin de garenne au romarin / mignon de veau du limousin doré, légumes racines au jus / perdreau patte grise rôti au genièvre/ saint-nectaire / entremets à la mangue.

Le Champagne Pommery 1947 n’a plus de bulle. Il y a un peu de poussière dans son parfum, mais en bouche, ce qui frappe immédiatement, c’est sa grâce. Il allie grâce et fraîcheur. Les gougères gomment tout signe de vieillesse de ce champagne plaisant. Quelque deux heures plus tard, lorsqu’avec Desmond nous avons senti nos verres de Pommery 1947, celui de Desmond avait une pureté exprimant la grandeur du champagne, alors que le mien, un peu plus rempli, avait encore des traces de poussières.

Le Champagne Salon 1985 fait un contraste très fort. Il apparaît plus jeune en passant après le Pommery. Le parfum est intense, le vin est très vineux et ce champagne est aujourd’hui en pleine possession de ses moyens. Il faudrait boire tous les Salon à 27 ans ! Il a de jolis fruits compotés et la légère acidité du plat de poisson lui donne un coup de fouet de plaisir et une tension extrême. C’est un grand champagne, racé, presque opulent.

Le nez du Pétrus 1979 est d’une séduction folle. Le foie gras et sa sauce sont divins et propulsent le Pétrus avec bonheur. Il y gagne en velouté. Il est bien sûr truffe, mais de façon parfaitement dosée. Ce qui est intéressant, c’est que ce Pétrus, plus puissant que je ne l’imaginais, est extrêmement lisible. Pour plusieurs convives, c’était leur premier Pétrus et c’est une chance de découvrir Pétrus avec un vin aussi facile à vivre, joyeux, velouté, subtil et charmant.

Le Château Gazin 1959 a un nez un peu retenu mais noble. Vexé d’avoir acheté un vin rebouché, je cherche à lui trouver des défauts, alors que mes convives le jugent très bon. Et c’est vrai qu’il est bon, servi à merveille par un chausson de lapin particulièrement viril. Et ce qui est le plus satisfaisant, c’est que le Gazin tient parfaitement le choc de ce plat envahissant les papilles. Il profite à plein de son année merveilleuse. Cette association est d’un grand bonheur.

Le Chambertin Jaboulet-Vercherre 1959 est une heureuse et bonne surprise. Il est très bourguignon, tant au nez qu’en bouche. Long, prenant bien toute sa place dans le palais, il est épanoui, charmant, naturel et d’une précision supérieure à ce que j’attendais. C’est un vin très agréable à boire, de belle sérénité.

Servi en même temps, le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1959 n’est pas foncièrement désagréable, et certains n’approuvent pas mes fortes critiques, mais le vin est cuit, brûlé, comme s’il avait eu un trop fort coup de chaud avant qu’il n’atteigne ma cave. C’est une grosse déception car un vin du domaine dans une année aussi belle aurait dû nous donner d’infinis plaisirs.

Mais son cousin plus jeune, la Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1983 fait tout pour rattraper la déception du Richebourg. Son nez est à se damner. C’était d’ailleurs la plus grande impression olfactive il y a quelques heures lors des ouvertures. Le vin est racé, brillant, d’une complexité extrême. C’est le contraire du Pétrus qui se faisait lisible. Il se drape dans ses voiles de séduction qui flottent sur la nuque en disant : "suivez-moi jeune homme". C’est une expression des vins du domaine très romantique et d’une année qui me plait de plus en plus. La rose et le sel sont là, déclinés de la plus heureuse façon.

Sur le perdreau, je fais servir avec un léger décalage le Châteauneuf-du-Pape Domaine du Pégau Cuvée Réservée 1989. Le vin est solide, très Châteauneuf mais avec une subtilité particulière. Il est puissant tout en étant retenu, fruité de belle façon. Il a l’art et la manière. Mais nous avons tellement envie de profiter de la Romanée Saint-Vivant que je demande qu’on nous serve un saint-nectaire, pour que l’on profite du Pégau sans subir la comparaison avec le vin bourguignon exceptionnel de subtilité. Et le 1989 bu seul sur le fromage est d’un grand plaisir avec une intense joie de vivre.

Jamais je n’ai eu à rencontrer une déviation gustative comme celle de ce Château d’Yquem 1941. On dirait qu’on a versé dans la bouteille du sauternes un liquide qui est sert à laver les vitres. Je ne fais même pas servir l’Yquem aux convives, car le goûter abîmerait nos palais. Le Château de Rayne-Vigneau 1914 est servi instantanément sur le dessert. Son or est raffiné, son nez est de jolis agrumes, et en bouche, c’est un beau et plaisant sauternes, peu explosif et relativement peu expansif, mais suffisamment plaisant pour terminer le repas de belle façon.

Le restaurant Taillevent, perfide, nous fait servir un délicieux cognac sur des mignardises, qui plombent nos volontés.

Nous sommes six à voter pour quatre vins chacun. Huit vins figurent au moins une fois dans les votes, les deux oubliés étant les vins morts. Trois vins ont reçu au moins un vote de premier, la Romanée Saint-Vivant trois fois, le chambertin deux fois et le Pommery 1947 une fois.

Le vote du consensus serait : 1 – Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1983, 2 – Chambertin Jaboulet-Vercherre 1959, 3 – Pétrus 1979, 4 – Champagne Salon 1985, 5 – Château Gazin 1959.

Mon vote est : 1 – Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1983, 2 – Pétrus 1979, 3 – Chambertin Jaboulet-Vercherre 1959, 4 – Champagne Salon 1985.

La cuisine d’Alain Solivérès a été brillante. Deux plats sont exceptionnels, le foie gras et le chausson de lapin de garenne. Le service est toujours d’une rare efficacité et d’une capacité de réaction remarquable. La salle du premier étage est toujours aussi belle. Les discussions ont été passionnantes, tenues en anglais, sur des sujets allant dans toutes les directions. Nous avons passé une excellente soirée, avec bien sûr pour moi le regret que des vins ne soient pas parfaits. Les rajoutes heureuses ont permis que ce repas nous procure une brassée de beaux souvenirs.

Une première dans mes dîners !!!!!!

Verticale de Cristal Roederer de 2005 à 1989 mercredi, 21 novembre 2012

Il est très rare pour moi de boire deux millésimes de Cristal Roederer dans la même soirée – et quand je dis rare, c’est une litote – et les périodes sans en boire sont suffisamment longues pour que toute volonté de comparaison soit vouée à l’imprécision. Aussi, c’eût été difficile de rater la première dégustation verticale de Cristal Roederer qui se tient en dehors du siège de cette honorable maison. C’est aux caves Legrand, grâce à l’entreprenant Gérard Sibourd-Baudry. Frédéric Rouzeaud, de la septième génération de la famille propriétaire de ce domaine fondé en 1776 et qui s’appelle Louis Roederer depuis 1832, présente le domaine et Jean-Baptiste Lécaillon, DGA et chef de caves, présente les vins. Voici les notes telles que je les ai prises, au fil de la plume d’un champagne dont le nom "Cristal", date de 1876.

Le Champagne Cristal Roederer 2005 a un nez racé, de poudre à canon et de tabac. Il n’évoque pas le fruit mais le minéral. L’attaque est délicate, envoûtante. Le vin entoure et envoûte comme un boa. Le final est moins brillant que le passage en palais. C’est un champagne très séduisant car énigmatique. Je l’adore. Le final s’assemble et délivre du fruit confit. Il est très charmeur car interpellant. Pour moi, c’est magnifique. Je ne suis pas sûr qu’il gardera cette troublante séduction avec des années de plus, car il deviendra plus compréhensible, mais pour l’instant, c’est magique, avec beaucoup de fruits exotiques et d’épices. Il est d’un grand équilibre, et lorsqu’il s’échauffe dans le verre, ce sont les fruits confits qui dominent.

Le Champagne Cristal Roederer 2002 au un nez aussi minéral, plus prononcé. L’attaque est belle, plus charmeuse. Le vin veut charmer, contrairement au 2005. Il y a du poivre, du thé, des épices. C’est délicieux, mais il n’y a pas l’énigme du 2005. Il y a quand même une assise très forte, une tension extrême. C’est un grand champagne.

Jean-Baptiste nous parle des années océaniques, qui sont des années à chardonnay et des années continentales qui sont des années à pinot noir. Parmi les années que nous goûterons, les 2005, 1999 et 1995 sont océaniques et les 2002, 1996 et 1989 sont continentales.

Les vins sont issus des vignes en propre. Il n’y a pas d’achat de vins à l’extérieur de la propriété. Les parcelles sont des dorsales calcaires, car c’était la volonté de Louis Roederer, pour exprimer les qualités qu’il voulait. Il y a une majorité de pinots noirs : deux tiers, contre un tiers au chardonnay et selon les années, le pourcentage variera en faveur de l’un ou de l’autre, compte tenu de leurs performances.

Le Champagne Cristal Roederer 1999 a un nez difficile à définir. Il est fermé et m’évoque l’ardoise. L’attaque est très retenue. C’est un champagne discret au final très fort. On sent qu’il reste sur son quant-à-soi. Quand il se réveille, il reste retenu. Le 2002 plus chaud développe des accents de miel. Je pense que le 1999 vieillira très bien et qu’il dévoilera sa profondeur. Le 2002, c’est le charme et le 1999 c’est la profondeur.

Jean-Baptiste dit qu’il met des vins d’Avize pour l’élégance, de Cramant pour l’exubérance, et de Mesnil-sur-Oger pour avoir un goût de Corton. Chez Roederer, le dégorgement est à date unique, cinq à six ans après la récolte. Dans le cas du 2005, on est au-delà de six ans.

Nous allons maintenant comparer le 1996 en bouteille et en magnum. Le Champagne Cristal Roederer 1996 en bouteille a un nez lacté. L’attaque est superbe et le vin est complexe. Il se boit bien et sa bulle est très forte. Le message du vin s’est un peu simplifié. C’est un grand vin. Il ne faut même pas une seconde pour prendre conscience de l’ampleur et du volume du Champagne Cristal Roederer magnum 1996. C’est spectaculaire. Il "écrase" l’autre en bouteille. Tout en lui est facile. C’est Fred Astaire ! Je ne m’attendais pas à un tel écart. L’épanouissement du 96 en magnum est spectaculaire. Il faut dire que toutes les bouteilles ont été ouvertes une heure et demie avant notre arrivée. Avec ce vin, au top, on nage dans le bonheur.

Le Champagne Cristal Roederer 1995 a un nez subtil, très droit. Il y a beaucoup de fruits et de fruits confits. Il est de belle race. C’est un Cristal archétypal. Il est très bon, très pur. Le 1996 est génial et le 1995 est solide et grand. Très vineux. Le 1995 à une personnalité très forte, chantante et puissante. Je préfère la tension du 1995 au charme du 1996, même si le magnum est d’un charme total. Pendant ce temps, le fond de verre du 2002 est superbe.

Le Champagne Cristal Roederer rosé 1996 a une couleur tellement blanche que je me demande s’il n’y a pas eu une confusion de bouteille. On croirait un blanc. Mais le nez est de rosé. Le Cristal rosé n’existe que depuis 1974. En bouche, même si l’on peut percevoir des goûts de rosé, la balance penche vers les goûts de blanc. Il est très beau, étonnant, atypique, car il transcende la notion de rosé. C’est un grand vin de gastronomie.

Le Champagne Cristal Roederer 1989 a un nez renversant de complexité et de finesse. En bouche, c’est du vin plus que du champagne. Il est vineux et doux. On entre dans le monde des vins doux et racés. C’était une année de chaleur. Il est miellé. Pour moi, il y a d’autres champagnes de 1989 plus tendus que celui-ci.

Si je devais classer les impressions qui sont bien personnelles, c’est le 2005 qui m’a le plus ému par son étrangeté. Le plus grand est le 1995 suivi du 1996 en magnum. Mais ce qui compte le plus, c’est que j’ai une nouvelle approche de Cristal Roederer, auquel je mordais relativement peu, d’une part à cause du prix, car je ne suis pas rappeur, mais aussi à cause du goût. L’image de Cristal a changé pour moi ce soir. J’en suis ravi.

Dégustation originale des champagnes Henriot au BAL mercredi, 21 novembre 2012

La maison de champagne Henriot invite au BAL, une salle dans le 18ème arrondissement qui se compose d’un bar avec terrasse et d’une galerie où expose un photographe. Situé dans une impasse, ce lieu est tonique, moderne, plaisant. On commence par goûter un Champagne Henriot blanc de blancs servi de la bouteille, puis le même, servi après avoir été carafé. Et les organisateurs de la réunion guettent nos réactions. Au moment où l’on tente l’expérience, le champagne carafé, dont la bulle est assagie par cette agitation, développe plus de complexité aromatique, plus de vigueur, et l’avantage est sans conteste en faveur du champagne carafé. Mais lorsque l’expérience se prolonge de cinq minutes, lorsque les champagnes se sont épanouis dans leurs verres, le non carafé a beaucoup plus de vigueur et de tension que le carafé qui s’assoupit un peu. Alors, selon que l’on boit vite ou lentement, on préférera le carafé ou le non carafé. L’expérience est de bel intérêt.

Dans la salle, un personnage, une sorte de magicien, veut nous initier à une expérience qui se présente ainsi. Trois cabines, comme des cabines téléphoniques, sont opaques. L’idée est de s’y introduire dans le noir avec un champagne, d’avoir sur les oreilles des casques de silence, un crayon luminescent qui permettra, lorsqu’on aura goûté un vin, de noter trois mots sur un papier dans l’obscurité totale. Les trois feuilles avec trois mots seront mises dans une urne qui ne sert pas au vote d’un chef de parti politique mais permettra aux équipes d’Henriot de connaître ce que ressent le public de leurs trois vins.

Il s’agit de Champagne Henriot rosé 1988, Champagne Henriot rosé 1989, Champagne Henriot rosé 1990.

N’ayant pas le temps de me soumettre à ce protocole qui me semble assez excitant, je goûte les trois rosés, et je remplis les trois cartons de trois mots chacun, sans être passé par les trois isoloirs.

Les trois rosés sont disparates, de personnalités variées. Je préfère le 1989 pour son charme et son élégance, le 1990 pour sa force de conviction et le 1988 pour son caractère atypique.

La présentation est originale, l’organisateur des séances dans le noir est passionnant. Les champagnes sont bons. Voilà une bien heureuse idée pour s’imprégner de trois rosés divers et convaincants.

la bouteille et la carafe posée sur un support conçu par Henriot

Dîner de vins en « 2 » au château de Beaune samedi, 17 novembre 2012

Après la dégustation des vins de 2011 de la maison Bouchard Père & Fils, nous nous rendons au château de Beaune en traversant la rue, accueillis par Joseph et Thomas Henriot. Dans le très joli salon nous buvons un Champagne Henriot cuvée des Enchanteleurs 1998 d’une très grande personnalité. C’est un champagne "qui cause". De plus, il promet, car on l’imagine avec un futur glorieux.

Nous nous rendons dans la salle à manger de l’orangerie. Le menu a ainsi été conçu : velouté de potimarron au café / galette de cèpes aux crustacés, jus au foie gras / bar de ligne poêlé, pralin de zestes, beurre d’agrumes, mousse de fenouil / veau de lait cuit à basse température, ris en Chartreuse, pommes de terre au pain d’épices / plateau de fromages / crémeux au chocolat, gavotte à la fleur de sel, coulis de mangue.

Le Beaune Clos Saint-Landry 1er Cru Monopole Domaine Bouchard Père & Fils 2002 a un bel équilibre, mais une palette aromatique un peu limitée à mon goût.

Le Chevalier Montrachet Grand Cru Domaine Bouchard Père & Fils 1992 est un vin superbe, éblouissant, fabuleux. Sa complexité est confondante. On sent de l’orange amère, divinement mise en valeur par le plat et de la truffe. Ce vin est une récompense car c’est vraiment à cet âge là que l’on devrait boire ce vin. C’est un plaisir sans mélange. Géraud Aussendou à côté de qui j’ai fait la dégustation des 2011 m’avait annoncé la grande similitude entre le 2011 et le 1992. Il a parfaitement raison.

Le Chambolle-Musigny Les Amoureuses Bouchard Père & Fils 1982 est un très beau vin, très pur, très riche. Il pèse lourd en force alcoolique. Il est pénétrant et envahissant. Il est encore d’une jeunesse folle. J’aime beaucoup sa force et sa personnalité.

Le Volnay Caillerets Ancienne cuvée Carnot 1er Cru Domaine Bouchard Père & Fils 1962 a beaucoup de similitudes avec le vin précédent de 1982. L’alcool est présent. Alors que l’année 1962 a donné de plus grandes belles surprises que 1982, je préfère ce soir le 1982. Le Caillerets est assez chaleureux, charnu et opulent. Mais le 1982 a plus de vivacité.

La réception par la maison Bouchard Père et Fils est toujours bien organisée et généreuse. Joseph Henriot a insisté sur la recherche de l’excellence à tous les échelons pendant la naissance et l’élevage des vins de la gamme étendue de la première maison de Bourgogne. Ce que nous avons goûté cet après-midi et ce soir confirme que cette politique porte ses fruits. L’équipe est compétente et motivée. C’est un plaisir de participer à ces dégustations.

dégustation de quinze vins de 2011 de Bouchard Père & Fils samedi, 17 novembre 2012

Chaque année, au moment de la vente aux enchères des Hospices de Beaune, la maison Bouchard Père & Fils reçoit des journalistes pour une dégustation de vins récents, suivie d’un dîner à l’orangerie du château de Beaune. Dans une atmosphère studieuse, nous allons goûter quinze vins de 2011, sept rouges et huit blancs. Quelqu’un fait remarquer que l’on goûte par temps froid et humide, avec du brouillard, ce qui fait que les vins sont fermés.

Savigny-lès-Beaune Village Bouchard Père & Fils rouge 2011 : la couleur est d’un rouge sombre, le nez est profond, très engageant. L’attaque est un peu sévère. Il y a de la matière. Le vin est assez riche. Le final est pur. Au deuxième passage, le vin est fluide et paraît plus léger.

Beaune Clos de la Mousse 1er Cru Monopole Bouchard Père & Fils rouge 2011 : la couleur est plus rouge et moins violacée que le Savigny. Le nez est riche, capiteux. L’alcool est présent, mais pas au premier plan. J’ai une petite impression de manque. Au deuxième tour, le vin est meilleur, plus généreux.

Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus 1er Cru Monopole Bouchard Père & Fils 2011 : sa couleur est belle. Le nez est profond, pur et noble. L’attaque est très fraîche. C’est un vin désaltérant doté d’un très bel équilibre. Le final est en coup de fouet. C’est un vin gourmand, de pâtes de fruits, qui promet. Il devient encore plus charmeur par la suite.

Volnay Clos des Chênes 1er Cru Domaine Bouchard Père & Fils 2011 : le rouge est un peu violacé. Le nez est assez discret. L’attaque est un peu imprécise, pas encore assemblée. Le final est un peu rêche, mais plus prometteur que le milieu de bouche. Ce sera un grand vin malgré le caractère austère actuel. Au deuxième tour, il est très prometteur, avec beaucoup de caractère.

Le Corton Grand Cru Domaine Bouchard Père & Fils rouge 2011 : la couleur est plus rouge. Le nez est distingué, équilibré. En bouche, il est encore sur la réserve. On sent la matière, mais il ne se livre pas encore. Il a un beau final charnu. Au deuxième essai, il est plus ouvert et montre que c’est un vin très pur, au beau final.

Nuits Saint Georges Les Cailles 1er Cru Domaine Bouchard Père & Fils 2011 : la couleur est d’un beau rouge de grande clarté. Le nez est fermé. L’attaque est généreuse, chantante. Il y a du fruit. C’est un beau vin. Le final est un peu rêche. Au second tour, il est plus fermé que le Corton. C’est un vin à attendre longtemps.

Chambertin Clos de Bèze Grand Cru Bouchard Père & Fils 2011 : la couleur rouge est très rouge. Le nez est intense mais maîtrisé. On pressent une belle matière. La bouche est de fraîcheur, de race et de noblesse. Il y a déjà l’équilibre et le charme. C’est le plus grand de tous les rouges. Le final est un peu rêche mais gourmand. Je note au deuxième passage des notes salines. Ce sera un grand vin.

Nous passons maintenant aux vins blancs.

Bourgogne Réserve Coteaux des Moines blanc Bouchard Père & Fils 2011 : le jaune clair est plaisant. Le nez est assez simple. La bouche est plaisante dans son côté franc et simple. C’est plutôt une bonne surprise, sauf au final très vert.

Beaune Clos Saint-Landry 1er Cru Monopole Domaine Bouchard Père & Fils 2011 : le nez est trop discret. La bouche est assez claire, mentholée. C’est frais, c’est plaisant voire gourmand. Le vin est agréable à boire, au final très frais.

Meursault Les Clous Village Domaine Bouchard Père & Fils 2011 : le nez est plus expressif, mais pas totalement précis. L’attaque est franche, généreuse. Le vin est fluide et l’on note un certain manque de matière. Le final est très expressif et claque en bouche. Quelqu’un parle de guimauve et de tarte aux citrons.

Meursault Perrières 1er Cru Domaine Bouchard Père & Fils 2011 : le nez est très charmeur, intense, de fruits confits. L’attaque est superbe. Ce vin est vivant ! Le milieu de bouche est plus calme, mais le final est tonitruant. Il a tout du bonbon anglais. Astringent, avec quelques notes de litchi, il fait forte impression.

On passe maintenant aux quatre poids lourds !

Corton Charlemagne Grand Cru Domaine Bouchard Père & Fils 2011 : le nez est très citron. L’attaque est celle d’un vin très jeune, très vert et le final est aussi très vert. Le vin se présente trop fermé ce qui empêche de vraiment l’apprécier.

Chevalier Montrachet Grand Cru Domaine Bouchard Père & Fils 2011 : le nez est très fin, fluide. L’attaque est généreuse, plus opulente, tout en ayant la fraîcheur du litchi. C’est un vin de grande classe, extrêmement plaisant, au final très frais.

Chevalier Montrachet La Cabotte Grand Cru Domaine Bouchard Père & Fils 2011 : le nez est très fin, discret. Ce vin a mis le turbo par rapport à tous les autres jusqu’alors. C’est Rambo ! Il est expressif, vivant. Je l’adore. Le final est frais, de bonbon acidulé, mais avec une matière de fruits. C’est un très grand vin de grande fraîcheur.

Montrachet Grand Cru Domaine Bouchard Père & Fils 2011 : le nez est d’une puissance extrême. Il est opulent. L’attaque est sereine, grande. La bouche est assise, riche. Le final est très beau. C’est un vin très réussi.

Alors que j’ai souvent tendance à préférer la Cabotte au Montrachet, je mettrais volontiers sur 2011 le Montrachet avant la Cabotte et j’accorderais une mention spéciale au Chevalier.

Cette dégustation conduite avec intelligence par Philippe Prost, maître de chais, montre des vins bien faits, du haut en bas de la hiérarchie des classifications, mais quatre vins sortent du lot, montrant déjà une classe extrême : le Chambertin Clos de Bèze, le Chevalier Montrachet, La Cabotte et le Montrachet. Les choix ont été expliqués avec clarté, et l’on n’a pas pu ne pas aborder 2012, année totalement atypique et de très petites quantités, dont la maison Bouchard semble particulièrement fière, compte tenu des difficultés rencontrées.