Coïncidence et signe du destin à Chateauneuf-du-Pape samedi, 14 janvier 2012

Quinze vignerons de Cornas, Cairanne, Condrieu, Côte Rôtie, Crozes Hermitage, Coteaux d’Aix et Chateauneuf-du-Pape ont formé une association « Rhône Vignoble« . On pourrait dire que ce qui les rassemble, c’est la lettre « C », mais il y a aussi Vinsobres, Rasteau et Vacqueyras. Ils se réunissent périodiquement, et cette fois-ci, ce sera au domaine de Beaurenard, à l’invitation de Daniel Coulon. Celui-ci a prévu d’ouvrir au milieu de vins anciens un Chateauneuf-du-Pape domaine de Beaurenard 1880. D’autres apports sont prévus et je croyais qu’il s’agirait de Châteauneuf-du-Pape et que je serais le seul à apporter des vins « estrangers », mais en fait il y aura des vins anciens de toutes régions.

Daniel m’a réservé une chambre à l’hôtel de la Mère Germaine. J’arrive la veille des deux jours de festivités et me présente le nez en l’air à 16h15 à l’hôtel. Sur la porte, une pancarte : « ouverture à 18h30 ». J’ai l’air malin devant la porte close. En face de l’hôtel il y a un caviste et c’est une dame d’un âge avancé qui m’accueille. Elle a le numéro de portable du patron de l’hôtel, mais m’apprend qu’il est en vacances. Etant là, je lui dis : « savez-vous que le plus grand Châteauneuf-du-Pape que j’aie bu est un Château Fortia 1943 ? ». La dame fait un sursaut et me dit : « savez-vous que mon grand père était le régisseur de Château Fortia en 1943 et savez-vous que j’y suis née trois ans auparavant ? ». Coïncidence ou signe du destin ?

Etant installé dans un café PMU où l’on parie en direct en suivant les courses à la télévision, je fais signe à Daniel Coulon qui me fait prendre au café et m’accueille à son domicile où je fais le semblant de sieste que je comptais faire à l’hôtel. Mes bouteilles vont rejoindre la cave de Beaurenard et je demande à Daniel de voir sa 1880. A travers la bouteille poussiéreuse, je peux mirer un liquide qui me paraît fort sympathique. La bouteille a été rebouchée et le niveau est parfait. Daniel me montre la cave de son grand-père où subsistent quelques reliques et me fait part de ses soucis concernant les niveaux et les risques de coulure. A titre d’exemple, il me montre une 1929 dont la capsule est à peine suintante. Je tends la bouteille vers la lumière, pour voir un liquide d’une grande pureté, et je vois que le bouchon flotte dans le liquide. Et je dis à Daniel Coulon : « la bouteille est morte, pourquoi ne pas la boire ce soir ? ». Coïncidence ou signe du destin ?

Je rejoins mon hôtel qui aurait beaucoup de mal à avoir le premier A du triple A, et je reviens au domicile de Daniel et Isabelle Coulon. Je décapsule la Châteauneuf-du-Pape domaine de Beaurenard 1929 et l’odeur est parfaite. Nous sentons tous les trois et nous prenons conscience qu’il s’agit d’un très grand vin.

La couleur du vin a encore assez de rubis pour que nous ayons l’espoir. En bouche, ce qui est impressionnant, c’est que l’attaque est dans le fruit. Un tel fruit rouge est impressionnant. C’est en fin de bouche que des notes légèrement torréfiées correspondent à la chute du bouchon, dont on ne peut pas exclure qu’il ait été en place et n’ait glissé que quand la bouteille a été saisie. Nous sommes saisis par la vivacité de ce vin généreux, d’une présence extrême. Daniel est étonné par l’abondance du sucre dans ce vin.

Avant d’en profiter à table, je demande à Daniel s’il a un vin d’introduction et il ouvre un Châteauneuf-du-Pape domaine de Beaurenard 2009. Dans sa jeunesse, c’est un chien fou qui promet diablement. J’aime le velouté que l’on sent sous le boisé. C’est un vin qui promet et le 1929 nous montre à quel point en buvant un 2009, on ne boit que l’ébauche d’une promesse, même si c’est bon.

Sur des médaillons de veau et des petites pommes de terre, nous dégustons le 1929. La première partie a été fruit et léger torréfié. La deuxième partie se caractérise par une couleur plus foncée mais plus tuilée. Le fruit disparaît et le torréfié prend de l’importance. On pourrait imaginer que le vin est en train de s’évanouir, l’alcool et le sucre prenant le dessus. Mais dans toute histoire il y a un « mais ». Car le fond de la bouteille, la lie, est tout simplement sublime. Il y a une vivacité, une sincérité extrême et une empreinte indélébile.

Il est intéressant alors de revenir au 2009 et Daniel nous dit que jamais il n’a pris conscience comme ce soir de la nécessité de ne pas boire ses vins trop tôt. Car son 2009 si plaisant deviendra bientôt (dans vingt ans) tellement plus grand que c’est une erreur de boire ce vin déjà si adorable. Nous avons parlé dans une atmosphère d’amitié et de complicité et ce 1929 a joué le rôle d’un ciment de notre amitié. Nous avons pensé à l’arrière grand-père de Daniel qui aurait été heureux qu’un 1929 se boive d’aussi belle façon. Coïncidence et signe du destin ont permis ce dîner émouvant.

Demain nous allons rejoindre un vigneron de Cairanne pour chercher les truffes « à la mouche ». Ma nuit sera peuplée de beaux rêves.

Chateauneuf du Pape – photos 1 samedi, 14 janvier 2012

dîner chez Daniel et Isabelle Coulon

Chateauneuf-du-Pape Clos Saint-Joseph Aubert Royer 1929 et Chateauneuf-du-Pape domaine de Beaurenard 2009

la recherche des truffes, Vincent avec sa chienne, Isabelle avec son pendule

nous en avons trouvé deux !

déjeuner chez Vincent Delubac (nos truffes trouvées y sont !)

Chateauneuf-du-Pape domaine de Beaurenard blanc 1996 et Cairanne domaine Delubac 1990

vin doux natural domaine Delubac 1972

Un Pétrus éblouisssant sur un repas de truffe au Petit Verdot vendredi, 13 janvier 2012

Jean-Philippe, on ne le quitte plus ! A table à l’Arpège, il a montré une photo d’un plat de truffe qu’il a mangé récemment au Petit Verdot. Il nous dit : « si vous voulez en profiter, il faut se dépêcher ». Aussitôt dit, aussitôt fait, une table est réservée pour le lendemain.

Qui dit truffe dit Pétrus, aussi à 19 heures, arrivé en avance au restaurant Le Petit Verdot et accueilli par Hidé, j’ouvre une bouteille de Pétrus 1981 au niveau dans le goulot. Le bouchon résiste et se déchire en mille morceaux dont seuls ceux du bas sont imprégnés. Le bouchon avait bien joué son rôle. Une odeur intense emplit la pièce du premier étage. Le vin sent la truffe avec une intensité maximale. Si l’on veut que le vin s’aère, il ne faut pas laisser le niveau dans le goulot. Aussi est-ce par pur esprit de sacrifice que je décide de verser deux verres dont un pour Hidé, pour que l’oxygène soit efficace. Ce vin est Pétrus, au fond de l’âme. Il est d’une jeunesse incroyable et avec Hidé nous nous disons que si l’on disait 1995, on ne ferait pas d’erreur. Le vin est généreux, avec une acidité élégante, une étoffe puissante, et ce qui est marquant c’est une persistance aromatique absolument infinie. Le vin ne quitte plus le palais. Cléopâtre se baignait dans du lait d’ânesse. Nos palais sont noyés dans la truffe. Et c’est indélébile.

Les amis arrivent et j’ouvre les bouteilles. Le Champagne Jacquesson 1988 dégorgé en juillet 2009 et non dosé est très original. Par certains aspects il me rappelle des vins de Selosse, car il est légèrement fumé, cendré et vineux. Il se boit bien avec une belle épaisseur en bouche. Sur l’amuse-bouche à base de boudin noir, j’ai l’intuition que c’est le Clos de Vougeot Grand Cru domaine Leroy 1997 qui répondra le mieux et l’accord est cohérent. Délicieusement bourguignon, fruité, il deviendra canaille par la suite.

Le menu tout truffe n’est pas à la carte, « car il serait trop cher » nous dit Hidé. L’œuf poché à la truffe sent la truffe, c’est le moins qu’on puisse dire, car elle est envahissante. Son parfum signe sa qualité extrême. L’œuf est un peu discret par rapport à la tubercule, et je me mets à rêver de l’œuf d’hier à l’Arpège sur cette truffe de compétition. Le Château La Conseillante 1990 est « le » pomerol doctrinal, serein, adapté à son sujet. Car il épouse la truffe et la met en valeur. On sent que ce 1990 a devant lui des jours heureux, car il va s’épanouir encore. C’est un grand pomerol rassurant.

Le chef du Petit Verdot a fait ses armes aux côtés de Bernard Pacaud, qui avait mis au point avec Claude Peyrot au Vivarois la recette du feuilleté à la truffe entière et au foie gras. L’exécution de ce plat est miraculeuse, et l’on sent que l’on épouse un dogme. Ce plat est un pilier de la cuisine bourgeoise raffinée, celle que l’Unesco vient de sacraliser. Et quand on mange de façon gourmande, on sait que l’on tient la recette parfaite. Comme s’il avait compris l’importance de ce moment unique le Pétrus 1981 se montre magistral. Il se confond avec la truffe et nous sommes entraînés dans une osmose unique. La mâche de la truffe que l’on mord à pleine dent est la même que la mâche du vin velouté, totalement truffé, à la longueur infinie. Quel grand Pétrus. Un des amis chez qui j’avais bu mon premier Pétrus 1990 dit que ce 1981 est son plus grand Pétrus. Le jeune ami de vingt ans pour qui c’est le premier Pétrus est ému de commencer à « apprendre » Pétrus sur une aussi magique bouteille. Le vin est immense, d’une folle jeunesse, plus jeune que La Conseillante, et crée une atmosphère recueillie quasi religieuse, d’autant que le plat est d’une exactitude confondante. C’est sans doute illogique de le dire alors que nous n’avons parcouru qu’un trentième de l’année, mais ce pourrait être le sommet gastronomique de cette année 2012.

La bavette d’Hugo Desnoyers est fondante et goûteuse. Avec la truffe, c’est un régal. Le Château Gruaud Larose 1959 apporté au dernier moment est encore un peu trouble. Son nez est distingué. Malgré une légère fatigue, le vin a la noblesse et la sérénité de son grand millésime. Et l’accord est parfait. C’est intéressant d’associer la bavette avec le Saint-Julien et avec le Clos de Vougeot car les deux accords sont très différents. Le bordelais donne des notes veloutées, confortables, glissant en bouche avec volupté. Le Clos de Vougeot au contraire devient canaille, interlope, jouant sur la provocation gustative. C’est aussi un temps fort de ce repas.

Le vin de Bourgogne est déjà presque totalement asséché quand arrive un Aisy cendré fort crémeux qui lui convient bien. Un Mont d’Or et les desserts vont accompagner un Champagne Perrier Jouët 1978 que j’avais aussi apporté. C’est un champagne assez gouleyant, généreux, mais qui ne crée pas une émotion particulière. Il est là, il désaltère et c’est sa fonction.

En fin de repas, nous sommes quasiment groggys, car nous avons conscience d’avoir vécu un de ces moments uniques qui marquent d’une pierre blanche le parcours gastronomique de chacun. Hidé ne recherche pas les étoiles au guide rouge, car il veut rester maître de son destin, avec sa générosité et sa liberté. Et ce soir nous avons glané des émotions dont l’intensité dépasse celle des plus grandes tables étoilées que nous pratiquons. Dans son petit restaurant sans nappe, sans chichi, Hidé et son chef Yoshi Morie nous ont donné du bonheur, et Pétrus, sur une année qui n’est pas la plus spectaculaire, nous a donné les frissons qui justifient son statut de vin hors catégorie. Ce fut un immense moment.

déjeuner au restaurant l’Arpège mercredi, 11 janvier 2012

Jean-Philippe lance un message : « j’ai une table au restaurant l’Arpège, voulez-vous venir ? ». Tomo et moi disons oui. Nous sommes quatre et carte blanche est donnée au chef. Après des petites amuse-bouche légumiers, les plats se succèdent : sushi à la betterave rouge original et délicat, ravioles et bouillon aux légumes gourmands, damier de coquilles Saint-Jacques et truffe au goût très prononcé, langoustine à la chair crue très typée au caviar osciètre dont le goût est moins prononcé, un oignon rose en crème brulée très bien exécuté, des légumes croquants, spécialité de la maison, un œuf qui me fait tomber en pâmoison tant il est gourmand, une lotte et sa purée de céleri, un ris de veau croquant, une volaille cuite en croûte de sel à la sauce lourde et une succession de desserts.

Les plats brillantissimes d’Alain Passard sont l’œuf, l’oignon rose, la betterave en sushi et le pot pourri de légumes. Du pur talent. Le Champagne Egly-Ouriet 2002 est bien fait, mais il manque un peu de vibration. J’ai eu, de cette maison que j’apprécie, de bien meilleures expériences. A l’opposé, le Champagne Agrapart Minéral Extra Brut Blanc de Blancs Grand Cru 2005 suggéré par Gaylord est beaucoup plus vibrant et plaisant. Il s’anime sur les plats et notamment sur le bouillon.

Le Volnay 1er cru Mitans de Montille 2002 est un vin simple, facile, avec l’authenticité d’un vin de village. Je l’adore, et il crée un accord inattendu mais brillant et pertinent avec l’œuf du fait du poivre bien dosé du plat. Le Vosne-Romanée 1er Cru Aux Brulées Méo-Camuzet 2001 est un vin plus structuré et plus plein en bouche que le Volnay, ce qui est naturel, mais ne lui fait pas d’ombre. Ce qui est à signaler, c’est l’efficacité et la motivation d’une équipe enjouée qui nous a permis de partager un grand repas.

repas dans le sud avec un beau Corton Charlemagne samedi, 7 janvier 2012

Quelques jours plus tard, toujours dans le sud, nous invitons des amis qui n’avaient pas pu se joindre à nous pour le réveillon. Le Champagne Dom Pérignon magnum 1998 est vraiment joli dans cette bouteille. Et le contenu n’a rien à envier au contenant. Il est devenu plus vineux, et avec du jambon Belota-Belota, c’est un vrai bonheur, car le gras excite la belle bulle d’un champagne large et gourmand. L’association se fait aussi avec de la mimolette, donnant au champagne plus de tension.

Deux beaux homards passés au gril accompagnent un Corton-Charlemagne Bouchard Père & Fils 2000. Le parfum de ce vin est généreux et très complexe. En bouche, le vin est gourmand. Il a des myriades d’évocations joyeuses et se boit vraiment avec gourmandise.

Le cuissot de chevreuil et sa purée de céleri et patate douce est délicieux. La Côte Rôtie La Landonne Guigal 1986 est d’un grand raffinement. Le vin s’est assagi, il n’explose pas de fruit et on peut l’aimer ainsi, noble et élégant. Je préfère toutefois les Côtes Rôties de Guigal sur la fougue de leur jeunesse.

Des pots de crème au chocolat se prennent sur un Champagne Perrier-Jouët rosé 1966 qui plait à mes amis mais ne peut masquer son évolution, au-delà de la splendeur que j’ai tant aimée de ce vin. Notre amie a classé comme moi les vins de ce soir : 1 – Corton-Charlemagne Bouchard Père & Fils 2000, 2 – Côte Rôtie La Landonne Guigal 1986, 3 – Champagne Dom Pérignon magnum 1998, 4 – Champagne Perrier-Jouët rosé 1966.

cristallisation sensible (suite) jeudi, 5 janvier 2012

A la suite de ma question sur ce sujet, j’ai pu trouver que le sujet est traité sur le site « la passion du vin », qui est une mine de renseignements.

On m’a communiqué des liens, dont certains favorables et d’autres fortement critiques, et un ami de langue anglaise m’a aussi donné des liens :

https://www.biodyvin.com/conferences/cristallisation_sensible.pdf

https://cristauxsensibles.blogspot.com/

https://www.vinimage.com/index.html

https://www.dailymotion.com/video/xhj9ll_cristallisation-sensible-de-vin-de-bordeaux_tech

https://www.coulee-de-serrant.com/cristallisations.html

https://www.kristiankielmayer.com/2009/08/energy-in-wine-the-crystallization-of-wines-bonny-doon-winery/

https://www.amazon.com/Sensitive-Crystallization-Visualizing-Qualities-Wines/dp/0863158021=

https://lepinarddechaine.over-blog.com/article-cristallisation-sensible-impact-de-la-provenance-du-soufre-dans-le-vin-86139649.html

https://www.charlatans.info/anthro.shtml#cristal

A vous de vous faire votre propre idée sur le sujet.

un mois de décembre 2011 d’une activité folle mardi, 3 janvier 2012

Jamais mois ne fut aussi actif que ce mois de décembre, au cours duquel j’ai bu 165 vins différents.

Il faut dire que les activités n’ont pas manqué :

Académie des vins anciens, Grand Tasting, visite au siège des champagnes Deutz, lancement de Dom Pérignon 2003, déjeuner Apicius, dîner de vignerons au restaurant Laurent, dîner chez moi, vins d’Egon Müller aux Caves Legrand, dîner de vins au restaurant Michel Rostang, dîners de famille, déjeuner de conscrits, dîner de Krug à l’Assiette Champenoise, réveillon de Noël, dîners dans le sud et réveillon de fin d’année.

Seuls seront cités les vins de vingt ans ou plus. Il y en a 82, juste la moitié :

Château Sigalas Rabaud Sauternes 1896

Château Meyney 1914

Château du Breuil Coteaux du Layon cave Nicolas 1921

Château Caillou Haut-Barsac 1921

Corton, Emile Chandessais, négociant à Fontaines, près Mercurey 1929

Sauternes Soleil de France années 1930

Clos Vougeot Armand Naulot 1937

Clos de Tart 1945

Richebourg Théophile Gavin 1947

Champagne Charles Heidsieck 1949

Vin de l’Etoile, Coopérative vinicole de l’Etoile 1952

Pétrus 1952

Château La Gaffelière Naudes 1953

Hermitage Rochefine Jaboulet Vercherre 1955

Pernand Vergelesses Joseph Drouhin 1955

Vouvray demi-sec Domaine Albert Moreau 1955

Château Croizet-Bages 1957

Volnay Caillerets Bouchard Père & Fils 1959

Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1959

Châteauneuf-du-Pape Domaine de Mont-Redon 1961

Pommard 1er Cru Rugiens Domaine Pierre Clerget 1961

Gevrey Chambertin 1er Cru Clos Saint-Jacques Domaine Clair Daü 1961

Château Brane Cantenac 1962

Rivesaltes Cuvée Aimé Cazes vin doux naturel 1963

Bourgueil Les Busardières rouge domaine de la Chevalerie 1964

Château Palmer 1964

Château Lafaurie-Peyraguey 1964

Champagne Dom Pérignon Œnothèque magnum 1966

Champagne Dom Pérignon 1966

Château d’Yquem Sauternes 1966

Château d’Yquem 1967

Champagne Chanoine Frères à Ludes Grande année 1969

Champagne Dom Pérignon 1969

Champagne Billecart-Salmon Cuvée Nicolas François Billecart 1969

Château Lafite-Rothschild 1970

Oestricher Lenchen Riesling Auslese Weingut Norbert Eser 1971

Château La Mission Haut-Brion magnum 1972

Romanée Comte Liger-Belair 1974

Champagne Brut millésimé Deutz 1975

Château Filhot 1975

Chateau d’Yquem 1975

Domaine Weinbach Collette Faller Gewürztraminer Vendanges Tardives 1976

Champagne Dom Pérignon 1976

Champagne Krug 1976

Chassagne-Montrachet rouge 1er Cru Boudriottes domaine Ramonet 1978

Vin de l’Etoile Coopérative Vinicole de l’Etoile 1979

Champagne «Rare» de Piper Heidsieck 1979

Grands Echézeaux Domaine Henry Lamarche 1979

Pavillon Blanc de Château Margaux 1981

Vega Sicilia Unico 1981

Champagne Brut millésimé Deutz 1982

Château Léoville-Barton 1982

Wehlener Sonnenuhr Riesling Auslese Joh. Jos. Prum 1983

Champagne Salon magnum 1983

Chambertin domaine Armand Rousseau 1983

Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1983

Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1983

Champagne Cuvée William Deutz 1985

Musigny Vieilles Vignes Domaine Comte de Vogüé 1985

Champagne Delamotte Blanc de Blancs 1985

Château de Beaucastel Chateauneuf-du-Pape blanc 1987

Champagne Cuvée William Deutz 1988

Chevalier Montrachet Domaine Bouchard Père & Fils 1988

Chablis Grand Cru Blanchot Vocoret 1988

Château Rayas Chateauneuf-du-Pape 1988

Champagne Taittinger Brut Millésimé 1989

Champagne Blanc de Blancs Deutz 1989

Scharzhofberger Auslese Goldkapsel Egon Müller 1989

Champagne Krug Vintage 1989

Château Haut-Brion 1989

Champagne Taittinger Brut Millésimé 1990

Champagne Cuvée William Deutz 1990

Hermitage Les Bessards Delas 1990

Corton Charlemagne Bonneau du Martray magnum 1990

Hermitage Les Bessards Delas Frères 1990

Chambertin Grand Cru Vieilles Vignes Domaine Rossignol Trapet 1990

Champagne Dom Ruinart 1990

Champagne Dom Ruinart 1990

Champagne Dom Ruinart 1990

Champagne Krug Clos du Mesnil 1990

Musigny Blanc GC Domaine Comte de Vogüé 1991

Ermitage Cuvée Cathelin Chave 1991

Qui pourra m’aider ? lundi, 2 janvier 2012

Qui pourra m’aider ?

La contre-étiquette du Chevalier-Montrachet Domaine Leflaive 2000 porte cette indication :

Image de la récolte 2000 par cristallisation

L’analyse de cristallisation sensible permet de visualiser une substance vivante et ses qualités subtiles. La trame, la régularité, la finesse, l’organisation des aiguilles, la netteté du centre et la structure périphérique indiquent l’énergie, la race et le potentiel d’un vin.

Ce que je vois, c’est le crâne d’un individu coiffé en brosse, vu du dessus. Les cheveux courts paraissent réguliers. Que pourrais-je voir d’autre ?

Si quelqu’un peut m’expliquer, je suis intéressé.

réveillon J+1 les folies de l’après match dimanche, 1 janvier 2012

Le lendemain matin – enfin – plutôt vers la fin de matinée, nous profitons d’un soleil invraisemblable pour cette période de l’année. La table est mise dehors pour le déjeuner, dernier repas de notre groupe, puisque Jean-Philippe prendra son vol en fin d’après-midi.

Les restes du repas d’hier et le reste des vins vont nous permettre de nous régaler, certains plats et certains vins se montrant meilleurs que la veille. Les vins qui sont meilleurs le lendemain sont le Clos du Mesnil 1990, le Chevalier Montrachet 2000, et l’Yquem 1975. Les vins qui sont moins bons le lendemain sont le Krug 1976, La Tâche 1998. Ceux qui sont identiques sont le Montrachet 1993 qui affiche encore son goût de bouchon même s’il est faible, et La Tâche 1996, toujours aussi brillante. Le seul que nous ne pouvons pas juger est le Cathelin 1991, parce que nous en avons essoré toutes les gouttes au réveillon.

Vient maintenant le cas du Pétrus 1952. La couleur et le sédiment indiquent clairement que le vin peut être de 1952, contrairement aux jugements de ceux qui pensaient que le vin est trop jeune. Le parfum est de truffe, et je retrouve le velouté que Pétrus peut avoir. Le vin est incontestablement meilleur que la veille et l’idée d’un faux a nettement moins de consistance. Tomo risque une hypothèse d’un vin qui a été stocké trop froid, et qui a besoin de temps avant de s’épanouir, ce qui expliquerait que nous ayons été si critiques hier. On ne peut plus ignorer l’hypothèse que ce soit un Pétrus. De toute façon, je ferai examiner ce vin au domaine afin d’en avoir le cœur net. Je dois avoir en cave un autre Pétrus 1952, mais de mise belge (de mémoire). J’ouvrirai volontiers deux bouteilles au siège de Pétrus pour en avoir le cœur net.

Le seul vin ajouté à ce déjeuner est un Chevalier Montrachet Domaine Leflaive 1978 de Tomo, dont la couleur trop ambrée fait craindre le pire. Le vin est plus agréable que ce que la couleur suggère, mais le vin n’a pas le niveau que cette année merveilleuse pour les blancs de Bourgogne pourrait avoir.

Beaucoup des plats sont meilleurs que la veille. Le caviar pris seul est divin avec le Clos du Mesnil. Le turbot est moins cuisiné mais sa chair a pris de la consistance. Le homard juste réchauffé est merveilleux avec des petits morceaux d’oignon cru. Les boudins sont meilleurs, le foie gras coupé en dés et poêlé est magnifique et je constate que la meilleure préparation pour la truffe est de l’associer aux dés de foie gras, car la chaleur et le gras du foie exhaussent les qualités de la truffe.

Jean-Philippe m’a fait un vrai cadeau, car il était venu avec une saucisse de Morteau qu’il cuit maintenant, et je tombe en pâmoison tant je suis un adorateur de la Morteau. Le chevreuil est très bon maintenant, mais il était plus cuisiné hier et il avait comme compagnon un divin Cathelin de Chave. Ma femme avait préparé un brie au mascarpone et truffe nettement moins parfumé que celui que nous avions goûté provenant de la Maison de la Truffe, alors que la truffe en provient aussi.

Le stilton s’améliore au fil du temps et trouve dans l’Yquem 1975 une résonance de première grandeur. Nous prenons le café sur des arlettes.

La messe est dite. Jean-Philippe va partir. Nous rêvons déjà aux grands moments que nous partagerons en 2012. Ce grand week-end fut inoubliable.

La couleur n’est pas très engageante

de l’art d’accommoder les restes :

Les vins du week-end (hors Petit Nice) :

réveillon du 31 décembre samedi, 31 décembre 2011

Peu avant le déjeuner j’ai ouvert les deux La Tâche, 1996 et 1998 aux parfums résolument différents, celui du 1998 dans le fruit et celui du 1996 dans l’opulence. Et j’ai ouvert aussi le Cathelin 1991 au parfum des mille et une nuits. Vers 18 heures, j’ouvre les autres vins et peu avant 20 heures j’ouvre les champagnes, car l’ouverture au dernier moment du Krug 1996 m’avait donné envie de profiter d’une ouverture précoce afin que les champagnes soient immédiatement épanouis sur table. Lorsqu’est venu le temps d’ouvrir le Pétrus 1952, je constate avec une grande appréhension que la capsule manifestement très jeune est neutre avec une grappe de raisin comme on en voit pour les mises en bouteille de négociants. Et le bouchon, dont le dessus est un peu poussiéreux, ne porte aucune indication. C’est un bouchon neutre, qui plus est de piètre qualité. Je commence à trembler, car j’ai acheté récemment une caisse de Pétrus 1952, caisse bois magnifique et bouteilles en paillons de belle présentation. Je me demande si je suis victime d’une entourloupe. Je retrouve les mails du vendeur qui explique qu’il s’agit d’une mise en bouteilles de Madame Loubat, facilement authentifiable à Pétrus selon ses dires, et qui déclare que le millésime est inscrit sur le bouchon. Or le bouchon que j’ai tiré n’a aucune indication.

Nous sentons le vin avec Jean-Philippe et Tomo. Le nez est riche de truffe et annonce quasiment à coup sûr qu’il s’agit d’un pomerol. Mais le vin semble trop jeune pour l’un, trop vulgaire pour l’autre. Je ne sais pas quoi dire, et ce qui me vexe le plus, c’est l’incertitude. Je m’en veux tellement d’avoir acheté en laissant des zones d’ombre.

Cette ombre a marqué mon visage, chacun prenant conscience de ma déconvenue.

Pendant ce temps, Jean-Philippe organise l’espace de la cuisine en fonction du menu qu’il concocte depuis deux jours. Voici le résultat de ses réflexions : Huître, artichaut, caviar / Turbot, céleri, truffe noire / Noix de St Jacques, patate douce, poireaux toastés / Homard, avocat, yuzu / Ris de veau à la truffe noire / Queue de veau au sumac, navet long / Foie gras poché, fleur de cerisier / Filet de chevreuil, panais, sauce boudin noir / Raviole de mangue au pamplemousse rose.

Deux amis arrivent juste avant les vœux du président de la République dont nous avons une écoute citoyenne. Après ces doctes paroles, nous passons à table. Le Champagne Krug Clos du Mesnil 1990 est d’une grande noblesse. Il en impose par sa complexité et sa force de persuasion. Il réagit divinement aux trois composantes du plat, mais c’est sans doute l’artichaut qui met en valeur sa noblesse. Le caviar Prunier d’Aquitaine est d’une qualité très supérieure à celui de Noël. Le Krug est majestueux, impressionnant de précision, avec des notes citronnées charmantes que révèle l’huître Gillardeau goûteuse.

Le Champagne Krug 1976 est d’une couleur à l’ambre prononcé. Le vin est plus évolué que des 1976 que Jean-Philippe et moi avons bus. Mais cette maturité lui va bien. C’est fou comme les évocations de fruits correspondent à la couleur du vin. J’adore ce Krug. Le turbot est d’une chair incroyablement parfaite, avec une mâche unique, le céleri est démoniaque. C’est lui qui fait vibrer le plus le Krug.

La patte de Jean-Philippe est dans les poireaux toastés, signature indispensable du plat de coquilles. Le Montrachet Marquis de Laguiche Joseph Drouhin 1993 est hélas marqué par un léger bouchon qui n’empêche pas, malgré tout, de profiter de sa finesse discrète et de son élégance.

Le Chevalier Montrachet Domaine Leflaive 2000 au contraire est insolent de jeunesse et de force. Quelle puissance de conviction ! C’est un grand vin blanc qui ne peut nier qu’il est Leflaive, avec une générosité et une plénitude rares. C’est un très grand vin et le homard breton est tout simplement génial, l’avocat et le yuzu propulsant sa chair à des hauteurs gastronomiques extrêmes.

Le ris de veau est d’une tendreté remarquable et accompagne le Pétrus 1952. Le nez du vin est très truffé et en bouche, le vin est très bon. Pour Jean-Philippe, il est trop jeune pour être de 1952. Pour Tomo, il a du cabernet qui empêche qu’il soit Pétrus. Pour moi, c’est l’absence du velouté caractéristique de Pétrus qui met un doute. Mais ce qui m’énerve le plus, c’est le doute. Car on ne peut pas jurer à 100% qu’il s’agisse d’un faux. Le doute est là, avec de fortes présomptions, mais la certitude n’est pas là. Je porterai sans doute la caisse à Pétrus pour une expertise complète.

Inutile de dire que c’est une tempête sous mon crâne et les amis passent leur temps à me convaincre de me vider l’esprit de ce sujet. Heureusement, les vins qui suivent vont m’y aider.

Jean-Philippe, qui me connait bien, a voulu faire un plat canaille comme je les aime. La queue de veau au sumac, navet long a des saveurs interlopes, et j’adore. Et La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1998 met un sourire sur mon visage. Elle est incroyablement fruitée, avec la signature du domaine mais surtout une générosité particulière. L’association est divine et le vin a une longueur extrême.

Par contraste, La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1996 est beaucoup plus représentative du domaine, avec une râpe que j’aime tout particulièrement. Le 1998 est un jeune tout fou, alors que le 1996, plus noble et plus notable, emboîte le pas des vins du Domaine. Bien évidemment, la fleur de cerisier exacerbe la qualité du pinot noir du domaine. L’accord avec le foie poché est d’une rare élégance.

Qui aurait dit que nous aurions avec l’Ermitage Cuvée Cathelin Chave 1991 une émotion d’une telle intensité. Car, tel une fusée, ce vin nous transporte à des hauteurs infinies, loin de tous les autres vins. Et fort curieusement, tout ce que j’aime dans les vins du domaine de la Romanée Conti se retrouve dans ce vin de Chave : la salinité, la délicatesse en dentelle et une profondeur d’une lisibilité extrême. Ce vin peut soigner toutes mes douleurs, car il est d’une perfection absolue. Il va entrer dans mon Panthéon, comme faisant partie des vins plus que parfaits que j’ai eu la chance de boire. La sauce au boudin noir rehausse le goût, alors que le vin n’a besoin de rien, et le plat est aussi divin. Nous sommes dans un nirvana gastronomique.

Le Chateau d’Yquem 1975 est sans surprise un très grand vin, aux arômes d’agrumes avec un peu de miel, et en bouche un or fondu de plaisir. Rien ne peut mieux lui convenir que le dessert, raviole de mangue au pamplemousse rose. Quand on tient un plat gagnant, inutile d’en changer.

Quelqu’un demande si un alcool ne ferait pas l’affaire, et ma femme, l’imprudente, va chercher un whisky japonais que Tomo nous avait offert cet été, qui titre 58°. Dans notre folie, nous finissons sur les effluves diaboliques de ce whisky parfait Single Cask Malt Whisky Karuizawa 1967.

Que dire de ce repas ? Il fut certainement l’un des plus créatifs de Jean-Philippe, avec des subtilités extrêmes et une sérénité remarquable. Les chairs ont été superbes, grâce aux approvisionnements auprès de boutiques tenues par des esthètes. Les accords ont été remarquables, ciselés, d’une pertinence absolue surtout grâce aux seconds rôles qui valent bien des premiers : artichaut, céleri, poireau toasté, yuzu, sumac, et surtout fleur de cerisier et boudin noir. Par son côté canaille, c’est la queue de veau qui emporte mon cœur, mais le plat le plus accompli est celui du chevreuil, aidé par le plus grand vin de notre séjour dans le sud.

Pour ce réveillon, mon classement sera : 1 – Ermitage Cuvée Cathelin Chave 1991, 2 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1996, 3 – Chevalier Montrachet Domaine Leflaive 2000, 4 – Champagne Krug Clos du Mesnil 1990.

N’était la blessure du Pétrus 1952, plus créée par le doute que par le vin lui-même, d’autant qu’il me reste onze sujets de nouvelles souffrances à affronter, ce réveillon fut un des plus réussis que nous ayons faits, avec un vin extraterrestre, le Cathelin 1991, et une cuisine d’un raffinement inégalable. Ajoutons à cela la chaleur d’une amitié qui se renforce encore, et nous avons tout lieu d’être heureux d’avoir franchi la ligne du millésime 2012 d’une aussi parfaite façon.