dîner de l’académie du vin de France au restaurant Laurent jeudi, 24 novembre 2011

L’Académie du Vin de France tient son assemblée annuelle ainsi que son dîner de gala au restaurant Laurent, siège de l’académie. Certaines années, les membres présents organisent une sorte de Paulée, permettant à chacun de goûter leurs vins récents. Cette année, le premier étage du restaurant Laurent étant réservé pour un autre dîner de vins, nous nous retrouvons au rez-de-chaussée pour l’apéritif. On peut goûter sur des gougères et des toasts au poisson fumé le Champagne Laurent Perrier 1999 et le Champagne Pol Roger 1999, mais l’esprit n’est pas à les jauger. Il est plutôt aux retrouvailles entre membres et aux aimables échanges. Je n’ai donc pas comparé ces deux agréables champagnes qui se boivent sans souci.

Nous passons à table et je suis placé à celle d’Aubert de Villaine et son épouse Pamela. Autour de la table Pauline et Guillaume d’Angerville, Rosalind et Jacques Seysses, nouveau membre de l’académie, Bernard Pivot et sa fille Agnès accompagnée de son mari. L’ambiance est animée car jamais je n’avais remarqué un tel brouhaha dans la belle salle à manger, au point qu’il est presque impossible de parler avec d’autres personnes que ses voisins immédiats. J’ai de la chance car je suis placé entre Agnès et Bernard Pivot, dont l’analyse du monde de la culture et de la littérature me semble plus jeune et plus optimiste que la mienne. Il a sûrement raison, car son avis est plus autorisé que le mien. Le président Jean-Robert Pitte fait un dynamique discours introductif du dîner fondé sur la technique du ricochet : chaque digression entraîne une nouvelle digression. C’est une belle technique et un bel effet.

Le menu réalisé par Alain Pégouret que nous avons chaudement applaudi pour la réussite de ce soir est : carpaccio de bar mariné en vinaigrette citronnée, condiments / homard servi dans l’esprit d’une bourride, truffe blanche d’Alba / friands de pieds de porc croustillant, chicon moutardé / lièvre à la Royale cuisiné selon la recette du sénateur Couteaux, « fusilli » pour la sauce / chaource / tarte légère aux marrons et aux coings façon Mont-Blanc / café, mignardises et chocolat.

Nous commençons par un Côtes de Provence Château La Tour de l’Evêque blanc 2010 de Régine Sumeire. Le premier nez est très vert et le premier contact est d’une verdeur de pomme verte et de citron. Un tel vin me paraît difficile du fait de sa grande jeunesse, mais j’ai tort, car le plat lui donne un tel coup de fouet qu’il met en valeur son beau fruit, rond et joyeux. On constate que ce vin est remarquablement fait. Je l’aimerai plus lorsqu’il aura cinq à sept ans de plus, mais le plat a suscité un accord impressionnant, tout dans le fruit et les jeunes acidités.

Avec le Meursault Clos de la Barre Domaine des Comtes Lafon magnum 2004 on comprend mieux mes réticences en face de vins trop jeunes, car celui-ci est d’une sérénité gourmande impressionnante. Il y a un léger fumé, des fruits jaunes cuits, et une mâche généreuse. Avec le homard et la truffe blanche, le vin est à son aise, et c’est surtout avec la sauce que l’accord est trouvé, pendant que les narines succombent à l’invasion de la truffe généreuse. Le coup de génie, c’est d’avoir ajouté des petits copeaux de poireau, qui rafraîchissent les sensations langoureuses du homard et du vin.

Le grand choc, c’est le Château Thivin, cuvée Zaccharie Côte de Brouilly 2009 de Claude Geoffray, nouveau membre de l’académie. Le mot qui vient immédiatement à l’esprit est « généreux ». Le vin est joyeux, généreux, avec un poivre présent mais mesuré, un boisé délicat et un velouté charmant. Voilà de quoi raccommoder les amateurs avec le beaujolais, s’il en était besoin. Bernard Pivot qui produit un beaujolais est aux anges car le vin est une belle carte de visite de sa région. De plus, les pieds de porc, plat emblématique du restaurant, sont un faire-valoir de première grandeur pour le vin, car c’est d’un naturel total. Là aussi, l’endive sert d’adoucisseur pour garder la fraîcheur du palais.

Le Chateauneuf-du-Pape Château de Beaucastel Hommage à Jacques Perrin 1998 est le parfait notable de province. Le discours est clair, parfaitement rodé, et le vin est serein, conquérant comme un programme électoral auquel on croirait. Sérénité et solidité me semblent résumer ce vin au discours lisible et simple. Il a la force qui convient pour soutenir le choc d’un lièvre à la royale orthodoxe et fortement goûteux, mais dont la trace de genièvre et d’herbes est, de l’avis de mes voisins et moi-même, beaucoup trop prononcée. Cela n’empêche pas le vin de poursuivre son parcours très linéaire et gourmand, où j’ai reconnu, en soupçons, du café et du cacao.

Le Champagne Billecart-Salmon cuvée Nicolas François Billecart 1998 de François Roland Billecart est un beau champagne plein de fruits jaunes épanouis, mais son goût est influencé par le chaource très bien équilibré, c’est-à-dire pas trop fort malgré un bel affinage, avec lequel l’accord se trouve mieux qu’avec le vin du Rhône.

Lorsque je goûte le Gewurztraminer grand cru « Hengst » SGN domaine Zind-Humbrecht 2008 de Léonard Humbrecht, mon sourire est si épanoui qu’Aubert de Villaine me dit : « on voit bien que vous aimez les vins liquoreux ». Rien qu’en humant le vin, on s’émerveille de la capacité de grains de raisins à créer de telles merveilles. Car le parfum est capiteux, explosant de fragrances aux résonances infinies. En bouche le doucereux est délicat, car ce qui s’impose, c’est la fraîcheur d’un vin élégant, et sa subtile délicatesse. Il fallait bien cela pour se marier au dessert délicieux mais lourd en calories.

Les accords ont été particulièrement justes, la cuisine intelligente d’Alain Pégouret s’adaptant aux beaux vins des membres présents. Selon la tradition, Jacques Puisais a analysé les accords, poétisant en les décortiquant avec une imagination débordante. Les analogies féminines ont été moins nombreuses que d’habitude. Deux vins ont, pour moi, illuminé ce repas, le beaujolais d’une richesse et d’une gourmandise extrêmes, et le gewurztraminer à l’élégance rafraîchissante enjôleuse.

Nous avons continué à bavarder tant le plaisir d’être ensemble était palpable. Comme j’ai eu à affronter deux lièvres à la royale dans la même journée, mon oreiller a constaté que ma gravitation était un peu plus universelle que d’habitude. Demain, cap au sud, pour compenser ces abondances culinaires et viniques.

J’aime assez la continuité de couleur du bandeau du Côte de Brouilly avec les cyclamens du jardin du restaurant Laurent

Déjeuner au restaurant Hiramatsu jeudi, 24 novembre 2011

Déjeuner au restaurant Hiramatsu est toujours un grand plaisir. La décoration est très seyante et cosy, le service est délicat et la nourriture est de grande qualité. Nous prenons une entrée aux coquilles Saint-Jacques et un chausson de lièvre à la royale. La cuisine est à la fois subtile et rassurante. Le lièvre est gentiment gibier, juste ce qu’il faut.

Je me demandais si le Chambertin Armand Rousseau 1999 aurait assez de force face au lièvre et en fait, ce vin délicat, raffiné, jouant sur sa grâce sait hausser le ton quand il faut. Et sans renier une once de sa noblesse il sait s’encanailler avec le plat, poussant son fruit et sa force alcoolique pour faire jeu égal avec des chairs très typées. Ce Chambertin est un très grand vin, avec la noblesse et la subtilité discrète des grands vins bourguignons. Ses petits fruits roses aigrelets lui donnent une vivacité plaisante qui prolonge sa mémoire en bouche.

La cuisine de ce restaurant appelle de grands vins. Nous l’avons vérifié.

déjeuner au Yacht Club de France mercredi, 23 novembre 2011

On pourrait intituler ce sujet : « de l’effet de la motivation ». Depuis qu’avec quelques conscrits nous déjeunons au Yacht Club de France, nous sommes chouchoutés, et la cuisine comme le service valent les prestations de bons étoilés.

Le menu : velouté de potiron aux morilles et langoustines, saumon fumé de Saint-Pierre et Miquelon, éventail d’asperges, algues, œuf mollet de caille / rôti de carré d’agneau pané à la tapenade verte, ris de veau, courge spaghetti aux morilles, pomme paillasse au safran, jus d’agneau / fromages Alléosse / délice poire et vanille au parfum de crème brulée. On sent qu’ils y a des intentions et les chairs sont raffinées.

Le directeur de la restauration courant le marathon avec un des gardes du corps du Président de la République, nous buvons un Champagne « ensemble tout est possible », cuvée 6 mai 2007, élaboré par Pierre Mignon. C’est un champagne autoritaire, beau parleur mais qui agit peu sur la langue. Il est bling-bling, paillettes, genre sauveur de la planète. Court, il ne laissera pas de trace dans l’histoire de la dégustation. Le Champagne Grand Cru Brut Tradition Michel Arnould & Fils a plus de personnalité. Il est très typé, voire un peu trop. Il se boit avec plaisir, car il raconte – lui – des histoires crédibles. C’est en fait le Champagne Grand Cru Pierre Moncuit qui est le plus charmant, élégant, au discours galant.

Le Pouilly-Fuissé Pierre Marchand 2009 a un joli fruit, mais sa verdeur est un peu forte pour moi. La Côte Rôtie La Viaillière domaine de Bonserine 2007 est une très belle surprise, car elle est joyeuse, construite, ensoleillée de belle mâche gourmande. Un vin de belle tenue et de grand charme.

Ces déjeuners au Yacht Club de France où nous reconstruisons ou déconstruisons le monde sont de grands moments, grâce à cette belle motivation d’une équipe efficace.

Charmante attention du restaurant du Yacht Club de France d’avoir écrit le mot « conscrit » sur le dessert, puisqu »ils savent que nous sommes tous de la même année.

déjeuner à laRôtisserie d’en Face mardi, 22 novembre 2011

Selon une tradition instaurée après la mort de notre mère, ma sœur, mon frère et moi, nous nous retrouvons à déjeuner trois fois par an, à l’invitation de chacun d’entre nous à tour de rôle. Notre sœur nous convie au restaurant La Rôtisserie d’en face, l’en face étant le restaurant de Jacques Cagna. La décoration est minimaliste, mais sympathique. On a voulu marquer qu’il n’y a pas de confusion à faire avec la maison-mère. La carte des vins est une douche froide. Car les choix sont quasiment inexistants. Il n’est pas normal que l’on crée à ce point la différence avec « l’en face ». Nous prenons un champagne Moët & Chandon brut sans année qui arrive bien frappé et se boit agréablement.

Le seul vin qui excite mon envie, c’est un Volnay Marquis d’Angerville 1999. Le sympathique maître d’hôtel, vraiment charmant, veut nous servir le vin en annonçant : « ça, c’est grand ». Hélas, le premier verre que je bois est d’une acidité anormale qu’explique un vilain bouchon. Quel embarras ! Le maître d’hôtel goûte le vin, confirme mon analyse et très gentiment remplace la bouteille. L’écart gustatif est colossal et nous goûtons un bourgogne sensible, subtil, émouvant, déclinant de belles rugosités bourguignonnes.

La cuisine est délicieuse. Les cuisses de grenouilles et le poulet à la purée sont d’une exécution franche, sympathique rassurante. Ce fut un beau moment et les vins choisis nous ont plu. Mais on aimerait une carte des vins un peu plus grassouillette.

le porte-greffe CB-41B mardi, 22 novembre 2011

Lors du fabuleux dîner avec un Enfant Jésus 1891, Joseph Henriot a tout naturellement fait un discours de bienvenue, avec des paroles que j’aime car elles sont toujours positives et tournées vers l’avenir. Une deuxième intervention m’a laissé songeur, car elle s’est située à un niveau quasiment irréel.

Nous nous étonnions tous de l’invraisemblable fruit du Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus 1891 et Christophe Bouchard nous a expliqué que la parcelle de ce vin, en 1891, n’avait pas été touchée par le phylloxéra. C’est ce qui explique la jeunesse insolente de ce vin.

La discussion portant sur ce qui s’est passé après phylloxéra, Joseph Henriot prend la parole et fait un exposé sur les porte-greffes combinant des cépages français et des cépages américains et, de ce que je crois avoir écouté, sinon entendu, j’ai cru saisir ceci :

« Contrairement à ce qu’on dit, le porte-greffe n’est pas un 41B, mais un CB-41B. Et dans CB, le C ne veut pas dire chasselas, comme on le dit souvent, mais chardonnay. »

Et nous voilà partis dans la description des mérites du CB-41B.

J’admire ceux qui peuvent comprendre de tels propos et je suis subjugué par la science de Joseph Henriot. Il est des moments où l’on se sent tout petit face à de telles éruditions.

(mille excuses s’il y a des erreurs dans ce que j’ai retenu de ce propos savant)

Dîner au château de Beaune avec un éblouissant 1891 samedi, 19 novembre 2011

Après cette dégustation des 2010, nous traversons la rue pour aller au château de Beaune où nous sommes accueillis par Joseph Henriot et son épouse, nos hôtes. Le Champagne Henriot cuvée des Enchanteleurs 1995 est doré et sent le miel. Il est très confortable et nous fait revenir dans un monde de saveurs assises. Les gougères sont un complément savoureux du plaisir. Il n’a pas encore atteint les vibrations de ses grands anciens comme le 1959 ou le 1964, mais il a une belle personnalité, vineuse, élégante et incisive.

Le menu préparé par la fidèle équipe du château est : amuse-bouche : crème brûlée au foie gras de canard fumé, gelée de pommes / carpaccio de Saint-Jacques, légumes à l’huile d’olive, sauce froide légèrement crémée / pavé de sandre croustillant aux herbes, jus de potiron au curry et citron vert / canette en filet cuit à basse température, glacé au vin de genièvre, polenta aux châtaignes / fromage de Cîteaux / choco-café, tulipe en oublie, glace à la vanille.

Le Corton-Charlemagne Bouchard Père & Fils 2003 a un beau nez pénétrant et une jolie acidité. Il est à la croisée des chemins. Il est très jeune, mais ne profite pas encore tout-à-fait de l’empreinte du temps. L’accord est sublime avec la gelée de pommes qui adoucit le gras du foie gras en crème brûlée.

Le Chevalier Montrachet Bouchard Père & Fils 1995 est un beau vin blanc qui est dans un état de grâce. Il est solide, mature, serein. Il est : « the right man at the right place ». Il n’est pas aidé par les légumes qui sont hors sujet à côté des délicieuses Saint-Jacques.

Le Montrachet Bouchard Père & Fils ­1961 pianote des complexités rares. Il donne une belle démonstration de l’effet du temps, mais il est moins précis que les montrachets actuels. Il est un peu simplifié. Mais il compense par l’équilibre divin que lui donne son âge. Le pavé de sandre crée un accord magistral.

Le Corton Bouchard Père & Fils ­1961 fait monter de trois barreaux sur l’échelle de l’excellence. Ce vin est une leçon d’équilibre et de perfection. Il a tout pour lui. On pourrait se pâmer pendant des heures en dégustant microgoutte par microgoutte ce vin exceptionnel. Mais c’était sans compter avec le vin qui est servi maintenant.

Le Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus Bouchard Père & Fils 1891 est un choc total. On est attaqué par le fruit d’une présence insolente. C’est inimaginable comme il est beau. Et la clef de l’intensité du fruit, que nous explique Christophe Bouchard, c’est qu’il s’agit de vignes préphylloxériques. A la demande d’un des invités présents je dis ce que je pense de ce vin, qui est si jeune qu’on pense à un 1964, mais qui a la maturité d’un 1891. Ce vin est l’idéal de ma démarche, car il démontre que des vins de cent-vingt ans peuvent être exceptionnels. Ce vin est divin, inégalable, même si j’ai un faible plus marqué pour le 1865. En lisant cela, on pourrait penser que c’est un caprice d’enfant gâté, mais c’est un compliment lancé à la plus belle collection de vins de Bourgogne immortels. Ce Beaune Grèves est un monument en l’honneur de l’histoire du vin.

La générosité de Joseph Henriot et de ses équipes est extrême, tout comme celle dont nous avons bénéficié de la part des équipes de Moët & Chandon et Dom Pérignon. Des vins mémorables ont été ouverts et ont vécu leur destin de la plus belle façon. L’histoire du vin, celle que l’on pourrait écrire avec un « H » majuscule, s’enrichit de ces moments inoubliables. Merci vignerons d’il y a plus d’un siècle d’avoir inventé ces trésors. Merci vignerons actuels de savoir les ouvrir à bon escient.

(photo François Mauss)

(ces deux photos ci-dessus sont de François Mauss – sur son blog « mabulle »)

les 2010 de Bouchard Père & Fils en 19 vins vendredi, 18 novembre 2011

Par un fort brouillard, je quitte le château de Saran pour me rendre à Beaune. A 17 heures, la maison Bouchard Père & Fils organise une dégustation du millésime 2010 en dix-neuf vins. Il y a dans la belle salle du château de Beaune la fine fleur des journalistes et professionnels de la dégustation du vin. Il faut dire que c’est le week-end de la traditionnelle vente des Hospices de Beaune, qui attire le beau monde du vin.

Juger des vins aussi jeunes n’est pas un exercice facile pour moi, car j’analyse ce que je bois, plus que le devenir de ce que je bois. Les vins sont dans des phases d’évolution différentes, certains étant déjà mis en bouteille alors que d’autres sont encore en fûts. Les plus complexes et les plus grands sont plus fermés que les vins plus simples. On a même, comme avec l’Enfant Jésus, un assemblage qui n’est pas l’assemblage définitif. J’ai pris des notes sur le cahier très documenté qui nous est remis. Ils s’agit d’impressions de voyage. Selon la tradition Bouchard, les rouges précèdent les blancs.

Savigny-lès-Beaune Village Bouchard Père & Fils rouge 2010 : couleur rouge très belle, nez très riche, de framboise. La bouche est gourmande, poivre, fenouil. Le final est de fruits noirs. Vin simple, déjà prêt à boire. Bu après le Clos de la Mousse il fait plus plat. C’est un vin goûteux, plus prêt à boire que beaucoup d’autres. Final assez joli.

Beaune Clos de la Mousse 1er Cru Monopole Bouchard Père & Fils rouge 2010 : rouge plus gris que le Savigny. Le nez est plus doux, subtil. L’attaque est discrète. Le vin est un peu plat, mais le final est plus profond que celui du Savigny. C’est un beau vin à attendre. Lorsqu’il s’ouvre, le fruit est net. Le vin est élégant et peut se boire dans sa jeunesse. Il a une belle précision.

Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus 1er Cru Monopole Bouchard Père & Fils 2010 : sa couleur est belle. L’attaque est franche et le poivre est très fort. C’est un vin racé que j’adore car il a déjà les caractéristiques des vieux « Baby Jesus », comme disent les américains, que j’adore. Il faut l’attendre d’autant que l’assemblage des cinq parcelles n’est pas définitif.

Volnay Caillerets Ancienne cuvée Carnot 1er Cru Domaine Bouchard Père & Fils 2010 : rouge plus sombre. L’attaque est moins tendue que celle de l’Enfant Jésus. Il a du corps, un beau fruit et un final épicé très long et joli. Un très beau vin qu’il faut attendre.

Volnay Clos des Chênes 1er Cru Domaine Bouchard Père & Fils 2010 : le rouge est plus sombre. Il est très beau. Le nez évoque le fenouil. L’attaque est un peu perlante et Géraud Aussendou me confirme qu’il a encore du gaz. Il a des aspects végétaux et un final de vin qui n’est pas encore formé. Quand il s’ouvre dans le verre il devient gourmand et riche, mais il faut attendre.

Le Corton Grand Cru Domaine Bouchard Père & Fils rouge 2010 : le nez est très subtil. Il a la richesse, l’opulence et semble presque sucré. Très doux et poivré. Il a encore du gaz. Le final est très racé, gourmand. C’est un vin à attendre, de belle matière et au final riche.

Chambolle-Musigny Les Noirots 1er Cru Bouchard Père & Fils 2010 : le nez est fermé, il y a du perlant. La matière est belle et riche mais il y a de l’astringence car il n’est pas encore assemblé. Plus tard, il se montre subtil et délicat.

Nuits Saint Georges Les Cailles 1er Cru Domaine Bouchard Père & Fils 2010 : nez subtil, bouche élégante, racée. Il sait même être gourmand. J’aime beaucoup ce vin. Il a un beau final et il m’évoque de beaux souvenirs de ce vin quand il est plus âgé.

Clos Vougeot Grand Cru Domaine Bouchard Père & Fils 2010 : le nez est discret, le vin est riche, de belle structure mais encore très jeune. Beau final. Le vin est assez archétypal, au final profond. C’est un grand vin qui promet.

Chambertin Clos de Bèze Grand Cru Bouchard Père & Fils 2010 : le nez est très subtil, charmeur. La bouche est trop jeune et ne révèle pas encore toutes les qualités que l’on pressent On le sent très délicat mais pas encore formé. Son fruit est beau et riche.

Nous passons maintenant aux vins blancs.

Bourgogne Réserve Coteaux des Moines blanc Bouchard Père & Fils 2010 : nez strict de vin très jeune. En bouche il est gourmand et c’est le final qui révèle qu’il est court.

Meursault Les Clous Village Domaine Bouchard Père & Fils 2010 : nez très floral. La bouche est élégante. C’est un vin qui se boit déjà, au final frais mais un peu court.

Beaune du Château blanc 1er Cru Domaine Bouchard Père & Fils 2010 : le nez est très joli même s’il est discret. La bouche est gourmande. Très jeune mais au final bien plein. Très vert encore, à attendre. Il devient plus rond mais montre qu’il n’est pas encore formé.

Meursault Genevrières 1er Cru Domaine Bouchard Père & Fils 2010 : joli nez élégant, avec un peu de caramel. La bouche est ample et de belle matière. On sent bien que c’est un meursault. Le vin est solide au final riche. Un grand vin qui combine une belle acidité, une jolie minéralité et un aimable côté doucereux.

Meursault Perrières 1er Cru Domaine Bouchard Père & Fils 2010 : le nez minéral est très élégant. La bouche est précise, de vin strict. Très citron vert, plus strict que le Genevrières. Belle race. Il s’étoffe un peu mais reste plus strict.

On passe maintenant aux quatre poids lourds !

Corton Charlemagne Grand Cru Domaine Bouchard Père & Fils 2010 : nez de bébé, bouche superbe. Il y a matière et élégance. Un peu fermé et strict mais c’est lié à sa jeunesse. Très beau final avec des notes de moka et de caramel. Il est à la fois minéral et citron. Il a beaucoup de charme.

Chevalier Montrachet Grand Cru Domaine Bouchard Père & Fils 2010 : quel vin brillant ! Aucun jusqu’à présent ne m’a conquis comme celui-ci à la première seconde. Le parcours en bouche est superbe. Il a une personnalité folle. Il a un fruité fou, il est gourmand et magnifique. C’est un grand.

Chevalier Montrachet La Cabotte Grand Cru Domaine Bouchard Père & Fils 2010 : il a une élégance folle, une plus grande race, mais il n’a pas la générosité actuelle du Chevalier. Le final montre sa race. Il est très floral et délicat.

Montrachet Grand Cru Domaine Bouchard Père & Fils 2010 : on sent qu’il est très grand, mais il a encore un peu de perlant. Il est plus paresseux, car il ne se livre pas encore. Caramel, crème, on sent qu’il sera riche mais il joue encore en dedans du fait de son âge. Le Corton Charlemagne fait très élégant après le Montrachet.

En goûtant à nouveau, le Montrachet est le plus riche, la Cabotte le plus noble, le Chevalier le plus gourmand et le Corton Charlemagne le plus romantique.

Une telle dégustation est intéressante mais pour moi, les écarts d’évolution limitent la portée de l’exercice. Je me suis rendu compte que ceux qui me plaisent le plus sont ceux pour lesquels j’ai la mémoire de leurs grands anciens : le Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus, le Nuits Cailles m’évoquent de grand souvenirs. Les quatre grands blancs sont superbes, le Chevalier étant le plus immédiatement gourmand. Le travail qui est fait sur tous ces vins est d’une extrême précision. La démarche qualité est conduite par une équipe motivée. Tous ces vins vont devenir très grands.

dans la salle de dégustation, des vestiges du château, dont cet étrange animal – ma place de dégustation

150è dîner – les vins jeudi, 17 novembre 2011

Plusieurs bouteilles sont sous cellophane. Je ne les ai pas touchées pour la photo.

Champagne Moët & Chandon magnum 1959

Champagne Dom Pérignon Œnothèque magnum 1966

Hermitage blanc La Tour Blanche Jaboulet Vercherre 1947

Château Mouton d’Armailhacq Pauillac 1947

Château l’Angélus Saint Émilion 1947

Château Lafleur Pomerol 1947

Pétrus Pomerol 1947

Château Latour Pauillac 1947

Château Lafite-Rothschild 1947

Champagne Moët & Chandon 1928 dégorgement à la volée

Château Latour Pauillac 1947

Gevrey-Chambertin R.Vinzent négociant 1947

Châteauneuf-du-Pape Réserve des Chartes 1947

Champagne Moët & Chandon Millésime 1911

Vin de Paille Jean Bourdy 1947

Red Port Collection Massandra 1947

Vin de Chypre 1845 (elle est morte, hélas, cassée au château de Saran)

la voici, cadavre qui a embaumé la pièce

les vins offerts au journaliste et au photographe « en mission »

les vins rassemblés au château de Saran. Il manque les Moët 1928 et 1911 qui seront dégorgés à la volée

les bouchons

Le 150ème dîner de wine-diners au château de Saran jeudi, 17 novembre 2011

Tous les convives arrivent pratiquement en même temps, à 16 heures, au château de Saran à Chouilly, non loin d’Epernay. Le brouillard limite les perspectives du beau parc qui est sur un promontoire. Avant même de prendre possession de ma chambre, je vais voir en cuisine les dégâts. La bouteille de Chypre 1845 est brisée en deux morceaux, avec quelques éclats seulement. Il faut un choc très net pour avoir coupé ainsi la bouteille. Je demande les circonstances de l’accident mais cela ne ressuscitera pas mon vin. La bouteille est très chemisée de noir et les odeurs sont de cacao, de café, de poivre et de réglisse. Je fais présenter la bouteille et ses copeaux sur un plateau afin que ce soir mes amis puissent se recueillir sur cette dépouille.

On porte mes affaires dans une jolie chambre qui dispose normalement d’une vue infinie, mais aujourd’hui, la visibilité ne dépasse pas dix mètres. La chambre, comme tout le château, est submergée de roses rouge sang qui sont comme une signature du lieu à l’accueil fleuri.

Sept des convives partent faire la visite des caves de Moët & Chandon avec Hélène, notre hôtesse. Deux habitués qui connaissent les caves restent avec moi pour assister à l’ouverture des vins ainsi qu’un journaliste et deux photographes. L’un des deux veut photographier les bouteilles une par une avant le dîner. Autant de monde autour de moi et ces manipulations non prévues me mettent dans une situation de fort stress, car je ne voudrais pas que se reproduise un accident comme celui du vin de Chypre. L’ouverture de douze bouteilles durera 70 minutes. Beaucoup de bouchons sont noirs, beaucoup se brisent en plusieurs morceaux. Trois bouchons très collés aux parois ont résisté longtemps avant de remonter. Aucune miette de liège n’est tombée dans le vin. Les odeurs sont majoritairement prometteuses, dont particulièrement celle du Chateauneuf-du-Pape. Certains vins auront besoin de se remettre en forme grâce à l’aération. Deux incertitudes concernent le Gevrey-Chambertin et le Pétrus 1947. L’abondance de vins, puisque nous aurons dix-sept bouteilles dont deux magnums, permettra à chacun de trouver sans souci son bonheur.

Après les ouvertures, un court sommeil napoléonien et une bonne douche me remettent en forme. A vingt heures, notre groupe est au complet. Pour le groupe d’Epernay il y a Jean Berchon, membre du comité de direction du groupe Moët & Chandon, Richard Geoffroy, chef de caves de Dom Pérignon et Benoît Gouez, chef de cave de Moët & Chandon. Le quatrième représentant du groupe, Stanislas Rocoffort de Vinnière, dînera à part avec un journaliste et un photographe. J’ai apporté pour eux une Côte Rôtie La Landonne Guigal 1992 et une demi-bouteille d’Yquem 2002. Et par un coup de pouce du destin qui, comme pour Richard Virenque, est à l’insu de mon plein gré, ils ont dégusté un Corton-Charlemagne Bonneau du Martray 1990 que j’avais prévu en réserve en cas de défaillance d’un vin du repas. Je suis ravi qu’ils aient eu cette belle surprise.

Les neuf autres convives sont d’anciennetés variables. Pour deux d’entre eux, c’est leur premier dîner de wine-dinners, pour un, c’est le deuxième, pour un autre c’est le quatrième, pour deux autres, c’est peut-être le huitième, pour un c’est le neuvième, pour un fidèle on est au-delà du vingtième dîner et l’un des champions de mes dîners est au-delà du trentième dîner.

Dans la belle salle de réception où chacun peut humer le vin de Chypre, le Champagne Moët & Chandon magnum 1959 est d’une jolie couleur de blé d’été. Je constate une certaine amertume au premier contact et Benoît Gouez me dit que c’est normal. C’est l’année solaire qui donne une fraîcheur marquée par l’amertume, comme pour les années 1976 et 2003. Quand le vin s’installe dans le verre, c’est un Moët élégant, à la forte personnalité, bien assis grâce à quelques années de dégorgement. Ce champagne typé se boit avec plaisir. Il me semble que le très impressionnant Moët 2002 vieillira aussi brillamment que ce 1959.

Nous passons à table et l’alignement des verres et des chandeliers est impressionnant. Les roses rouges et l’acajou donnent une marque très sensuelle à cette belle salle à manger.

Le menu mis au point par Bernard Dance est : Huître n° 3 Daniel Sorlut / Corne d’abondance de coquillages en infusion de chorizo / Filet de sole poché dans son court bouillon / Filet de rouget en demi-deuil / Ris de veau braisé / Chausson à la truffe noire / Selle d’agneau rôtie à l’anglaise et truffe noire / Mousseline de céleri et pomme purée / Dos de chevreuil rôti et son jus / Lobe de foie-gras en cuisson basse température / Gros Macaron chocolat confit de prune / Madeleines à la réglisse / Amandine & tuile. Ce fut un festival.

Le Champagne Dom Pérignon Œnothèque magnum 1966 est absolument brillant. L’huître exacerbe l’une de ses facettes, lui donnant droiture et rigueur. Il en a bien d’autres que j’ai la chance d’avoir déjà explorées. C’est un champagne immense et noble, racé et intense.

L’Hermitage blanc La Tour Blanche Jaboulet Vercherre 1947 est une belle surprise. Par transparence dans la bouteille le vin m’était apparu très sombre, ce qui avait justifié que je prenne un vin de réserve. Mais en fait dans le verre, le vin est d’un ambre très clair, tendant vers un rose pâle. Le nez est pur. Il est simple mais direct, avec un joli fruit rose que suggère sa couleur. La vibration avec les coques, touchées de chorizo est superbe.

La sole accompagne deux vins. Le Château Mouton d’Armailhacq Pauillac 1947est précis, riche et très noble. Le Château l’Angélus Saint-Émilion 1947 est très Saint-Emilion, très pur, chaleureux et velouté. Ce serait difficile de dire lequel on préfère, car ils sont très différents, chacun représentant sa rive de la Gironde. L’Angélus accroche un peu plus sur la chair exquise de la sole à la mâche idéale, mais mon cœur penchera vers le Mouton d’Armailhacq.

Chaque fois que dans mes dîners un Pétrus est inclus, ma coquetterie est de l’associer à du rouget. Car pomerol et rouget, cela crée une vibration particulière. Le poisson truffé est associé à deux pomerols qui sont le thème majeur, le point de départ de ce repas. Je voulais mettre ensemble deux mythes absolus du vin de Bordeaux, Château Lafleur Pomerol 1947 et Pétrus Pomerol 1947. Les autres vins tous de 1947, en dehors des champagnes, se sont greffés autour. Le Pétrus a un goût qui tend vers le porto et le café. Il est comme un moteur bridé et mal alimenté. Le rouget le réveille bien, ainsi que la truffe, car ce sont des compléments naturels, mais le vin n’est pas au niveau que l’on pouvait attendre. A l’inverse, le Lafleur est exceptionnel et éblouissant. Richard Geoffroy l’estime sublime, et trouve en lui des caractéristiques qui correspondent à ses recherches pour Dom Pérignon. Ce vin crée une dimension de première grandeur, car l’on sent que l’on tient un vin parfait avec tension, équilibre, profondeur, race et velours.

Le ris de veau a une cuisson exceptionnelle. Ma voisine, qui me dit aimer cuisiner le ris de veau, en est amoureuse. Là aussi deux vins accompagnent le plat : Château Latour Pauillac 1947 et Château Lafite-Rothschild 1947. Le Latour est d’une couleur merveilleuse, d’une grande clarté, d’un rubis profond, et d’une folle jeunesse, alors que le Lafite est d’une couleur trouble, ce qui est curieux car la bouteille paraissait parfaite. Le Latour est brillant, noble, mais un peu en sourdine par rapport à d’autres Latour 1947 que j’ai déjà goûtés. Le Lafite est un peu brouillon, pas exactement parfait mais il est intense, typé et très séducteur du fait de son côté canaille. Je préfère le Lafite, mais les avis sont partagés. C’est au Lafite que le ris de veau profite le mieux.

Nous nous levons pour aller dans le hall d’entrée admirer le geste de Thierry qui va dégorger devant nous, dans une petite hotte, le Champagne Moët & Chandon 1928 dégorgement à la volée. Le premier qui est dégorgé ne plait ni à Thierry ni à Benoît Gouez, très exigeant, qui souhaite une bouteille parfaite. Je bois dans son verre et, même s’il y a une acidité un peu excessive, j’en ferais bien mon ordinaire. La deuxième est parfaite, ce qui justifie l’exigence du chef de caves. Nous revenons à table pour boire le 1928 avec le chausson à la truffe. Le plus assidu de mes dîners, grand amateur de champagnes anciens, dit que ce 1928 est le plus grand champagne qu’il ait bu. C’est vrai qu’il est exceptionnel. Ce champagne est gourmand mais aussi romantique tant il a de la délicatesse. Ses complexités sont infinies, ainsi que sa longueur.

Associer un deuxième Château Latour Pauillac 1947 avec un vin bourguignon, un Gevrey-Chambertin R.Vinzent négociant 1947 est une de mes coquetteries. Il n’y a aucune logique, mais plutôt une envie. De plus associer une des gloires du bordelais avec un vin « Villages » mis en bouteille par un négociant de Libourne, c’est vraiment un accord ancillaire, voire morganatique. Il est à signaler qu’une majorité de convives préfèrent le second Latour alors que je préfère le premier, jugeant même que la différence est très nette. De la diversité des goûts ! Celui-ci me semble plus fatigué, mais Latour c’est Latour, et nous buvons un grand vin. Le Gevrey-Chambertin m’avait fait peur à l’ouverture. Il s’est bien restructuré et son message est clair. Il est bien sûr assez simple, mais offre plus qu’un simple « Villages ». La selle d’agneau goûteuse et rassurante l’aide bien à briller.

Le Châteauneuf-du-Pape Réserve des Chartes 1947 est lui aussi un « fantassin » comme le vin bourguignon. Il se présente avec charme, rondeur et un alcool très sensible. C’est un vin simple, qui convient très bien au dos de chevreuil.

Nous retournons dans le hall pour le dégorgement du Champagne Moët & Chandon Millésime 1911, vin mythique qui fait en ce moment l’objet de ventes aux enchères spectaculaires en tous les lieux de la planète, pour des œuvres caritatives. Avec la même exigence, je l’ai appris plus tard, Benoît a fait ouvrir quatre 1911. On ne peut que saluer sa volonté de perfection. Un joyeux qui pro quo se crée avec Richard Geoffroy lorsque je dis : « le 1928 est plus romantique et le 1911 est plus assis ». Richard comprenant « acide » s’est violemment opposé à mon analyse. Nous nous somme mis d’accord lorsque ma phrase a été correctement comprise, dans le joyeux brouhaha de notre longue table. Le 1928 est coquin et joue sur une séduction raffinée alors que le 1911 est plus archétypal, synonyme du champagne parfait. Ses variations gustatives sont infinies.

Le Vin de Paille Jean Bourdy 1947 est très plaisant, rond, doux, sans agressivité, au message simple et clair. Par contraste, le Red Port Collection Massandra 1947 est beaucoup plus complexe. Il a des saveurs intenses de fruits bruns et un fort alcool (19°). Dans un dîner avec moins de vedettes, il serait le gagnant. Pour remplacer le Vin de Chypre 1845, Jean Berchon a fait ouvrir un Champagne Moët & Chandon Dry 1952. Ce champagne m’avait enthousiasmé récemment. Il est d’un rare plaisir, simple, lisible et follement charmeur dans sa douceur subtile.

Voter est difficile car nous sommes encore sous le coup de tant de vins merveilleux et étonnamment proches alors qu’ils sont très différents. Onze vins sur dix-sept ont eu des votes, ce qui est bien. Seulement cinq vins ont eu des votes de premier, car deux vins ont assommé la concurrence : le 1911 a été nommé six fois premier et le Lafleur 1947 quatre fois. Les trois autres nommés premier une fois sont l’Angélus 1947, le Moët 1928 et le Lafite 1947.

Le vote du consensus serait : 1 – Champagne Moët & Chandon Millésime 1911, 2 – Château Lafleur Pomerol 1947, 3 – Champagne Moët & Chandon 1928, 4 – Château Lafite-Rothschild 1947 et 5 ex-æquo Champagne Dom Pérignon Œnothèque magnum 1966 et Château l’Angélus Saint-Émilion 1947.

Mon vote est : 1 – Château Lafleur Pomerol 1947, 2 – Champagne Moët & Chandon Millésime 1911, 3 – Champagne Dom Pérignon Œnothèque magnum 1966, 4 – Château Mouton d’Armailhacq Pauillac 1947, 5 – Château Lafite-Rothschild 1947.

Bernard Dance a fait une cuisine exceptionnelle, avec des cuissons absolument remarquables, créant des chairs subtiles, d’une exactitude extrême pour les vins : sole, rouget, ris de veau plus particulièrement. Il a su simplifier les recettes, au profit d’une lisibilité gustative qui a servi les vins.

Alors que dix-sept vins avaient été ouverts représentant l’équivalent de vingt-trois bouteilles compte-tenu des magnums et des dégorgements répétés, nous avons eu le courage de goûter un cognac Paradis délicieux, qui nous à permis de continuer à bavarder au-delà de deux heures du matin. Chacun avait conscience d’avoir participé à un moment unique, car confronter Pétrus et Lafleur 1947 est un événement rare, comme l’est de confronter Moët 1928 et 1911. Le lendemain matin, au moment de nous quitter après la nuit au château, nous étions tout souriants, prêts à accélérer la cadence des dîners, pour que le 200ème dîner de wine-dinners arrive très vite. Au château de Saran bien sûr !

notre belle table

le dégorgement de moët 1928, puis de Moët 1911

les plats

la table pendant les opérations de dégorgement

les vins en fin de repas

ma chambre et un petit déjeuner studieux, pour rédiger ce compte-rendu