premier repas gastronomique au Casadelmar vendredi, 30 septembre 2011

Le lendemain du féérique dîner à l’hôtel Casadelmar commence par quelques longueurs de la piscine à débordement de 25 mètres de longueur. L’eau plus chaude que l’air frais du matin crée une légère brume. Il fait beau et les couleurs du début d’automne sont pastel rose.

Notre groupe s’agrandit au moment du déjeuner et un Champagne Jacques Lassaigne Le Cotet est bien agréable pour fêter des retrouvailles. Les tempuras de langoustines et gambas sont toujours aussi copieuses. L’après-midi est peuplé de siestes et de sport pour les uns, et d’excursions en montagne et de shopping macarons pour d’autres. A 18 heures j’ouvre les vins du soir et découvre quelques parfums explosifs comme celui du Bâtard Montrachet Leflaive et celui du Vega Sicilia Unico.

A 20h30 notre groupe est enfin au grand complet. Le Champagne « Initial » de Jacques Selosse est extrêmement délicat et plaisant. Il vibre sur de la coppa et sur un jambon corse tranché très fin. Très droit, direct et précis, le vin de belle tension au message clair nous ravit.

Nous passons à table pour le premier des deux dîners de gala. Le menu conçu par Davide Bisetto en partenariat avec Jean-Philippe est : consommé de poularde de Bresse, menthe-mandarine / foie gras comme un tiramisu / risotto « pure iode » / loup E.V.O., matsushima méditerranéen, percebes / cappellatti d’osso bucco, fondue d’Ubriaco, balsamique 50 ans d’âge, cacao / chevreuil glacé, rhum genièvre / gelée de vieux whisky, mantecato aux dattes / O’baba autour des agrumes.

L’« Y » d’Yquem 1978 que l’on me fait goûter est glorieux. Il combine le caractère d’un vin sec avec en filigrane le doucereux délicat du sauternes qui est son cousin et frère. Le bouillon rétrécit le message d’Y. Le gras du consommé de poularde se marie mieux avec le reste du Selosse. L’accord de l’Y est prévu avec le foie gras et c’est la gelée de café qui fait vibrer l’Y que je trouve sublime, avec des évocations de thé au fruit.

Au programme, nous devions avoir un Meursault qui a fait faux bond aussi est-ce de la carte du restaurant que nous prélevons un Riesling Clos Sainte-Hune Trimbach 2002. C’est un très grand vin à la longueur extrême et ce qui nous frappe, c’est la continuité gustative entre l’Y et ce riesling. Le risotto est tout iode comme le titre du plat l’indique, et c’est la langue d’oursin qui embellit le grand vin d’Alsace, tandis que la poutargue laisse une forte amertume, pas désagréable du tout. J’aime la pureté et le délié du vin.

Le Bâtard-Montrachet domaine Leflaive 1996 est une bombe olfactive, de pétrole et de pierre à fusil. En bouche le vin est opulent, puissant au-delà du possible, avec un gras confortable. Le loup est absolument divin et je m’interroge sur la pertinence de l’acidulé de la sauce mais la démonstration est faite, car ce que le palais garde en mémoire, c’est la texture de la peau du loup et la pierre à fusil du Bâtard. Et cet acidulé délicat donne au vin une longueur infinie. Le plat est d’une originalité exemplaire.

Le Nuits-Saint-Georges Meurgers Henri Jayer 1981 est d’un rouge quelque peu rose avec une petite amertume qui va exprimer sa race. C’est un vin de puriste, très authentique, avec la belle râpe des grands Nuits-Saint-Georges. Il est très frais, sur le fruit, sans concession. Les raviolis d’osso bucco sont d’une mâche envoûtante, et le miracle se produit : le vin d’Henri Jayer devient Romanée Conti. Il respire ce qui fait la magie du domaine de la Romanée Conti, la rose et le sel. Je suis tétanisé par l’appropriation que le vin fait des caractères envoûtants du domaine de la Romanée Conti que j’adore. On est dans un festival de grâce. Les deux folies sont la mâche du plat et le parfum de rose du vin d’Henri Jayer.

Le Vega Sicilia Unico Reserva Especial (1991, 1994, 1995) a un nez qui est une explosion de fruits noirs. Ce vin a été mis en bouteille en 2010 et malgré sa longue maturation, il a la fraîcheur d’un bébé. Et le genièvre du plat de chevreuil donne au vin une fraîcheur exceptionnelle. La chair du gibier est aérienne malgré une sauce lourde. C’est un régal. Le vin espagnol a des notes de café et un final mentholé. On pourrait croire que ce vin puissant est simple, mais ce n’est pas le cas. La tendreté du chevreuil est extrême.

Le Château de Malle sauternes 1961 est un vin simple, sans problème, sans chichi mais qui atteint parfaitement son but car il renvoie bien la fraîcheur du dessert qui lui convient parfaitement. L’orange confite et l’ananas donnent une résonance à l’aimable sauternes.

Que retenir de ce dîner : une émotion exceptionnelle avec le vin d’Henri Jayer, la mâche des raviolis d’osso bucco, l’acidulé qui accompagne le loup, trois vins blancs au sommet de leur art, un chef d’une délicatesse et d’une justesse de composition d’un rare niveau, nos rires, nos « oh » et nos « ah ». Tout était réuni pour un grand repas gastronomique en un lieu enchanteur.

Casa Del Mar – premier dîner gastronomique vendredi, 30 septembre 2011

les vins que nous avons apportés pour les deux dîners

Champagne Jacques Lassaigne Le Cotet

Champagne « Initial » de Jacques Selosse

« Y » d’Yquem 1978

Riesling Clos Sainte-Hune Trimbach 2002

Bâtard-Montrachet domaine Leflaive 1996

Nuits-Saint-Georges Meurgers Henri Jayer 1981

Vega Sicilia Unico Reserva Especial (1991, 1994, 1995)

Château de Malle sauternes 1961

les plats

grand coup de génie à Casadelmar jeudi, 29 septembre 2011

L’été se termine traditionnellement par notre « université de fin d’été », un séjour à Casadelmar, le magnifique hôtel de Porto-Vecchio. A Figari, il faut louer une voiture et on mesure à quel point le souci du client est une notion obsolète. La priorité est au prix de revient, à l’optimisation de la masse salariale, et le client doit s’adapter à ce programme minimum. Penser à ses souhaits serait une erreur de nos jours. Productivité, on vous dit. Après un parcours sans histoire dans des paysages qui prêtent à la rêverie nous arrivons à l’hôtel. L’hôtesse est prévenante, et notre chambre qui donne sur la baie de Porto-Vecchio est un appel au bonheur.

Avec Jean-Philippe, nous déjeunons au grill, à une table cachée sous l’ombre d’un grand arbre, bercés par le clapotis des eaux calmes. Nous avions dit « pas de vin », mais il faut fêter le début du séjour, alors c’est un Champagne Bollinger R.D. 1996 qui nous souhaitera la bienvenue. Les plats sont extrêmement copieux et goûteux. J’ai pris des poissons crus en spaghettis et un mixed grill de poissons. Le champagne est d’une forte personnalité, viril et très typé. Il est vraiment grand. L’entrée en matière de ce séjour est réussie.

A 20 heures, Jean-Philippe est en grande conversation avec Davide Bisetto, le chef du restaurant, car nous avons au programme deux dîners gastronomiques avec nos vins apportés pour la circonstance. Davide est passionnant à écouter car il est très marqué par les plats italiens de sa jeunesse mais aussi par les plats des générations précédentes. Et il revisite des recettes historiques. Il aimerait bien utiliser cette base historique pour le parcours de deux jours que nous allons faire. Il a la mémoire des plats que nous avons goûtés et veut que chaque étape soit marquée par la nouveauté. Nous trinquons sur un Champagne Krug 1990. Le nez du champagne est d’une folle jeunesse, complexe, fort. En bouche il est passionnant car il combine des expressions de grande jeunesse avec le côté buriné des champagnes anciens. A la charnière de deux tendances, il est excitant car insaisissable. Il a des amertumes de thés aux fruits, mais aussi une vigueur très vineuse. J’aime qu’il nous entraîne dans du hors piste.

C’est Davide qui a composé notre menu : autour du Risina di Spello (qui est un haricot blanc) / langouste à l’Amatriciana, glace d’aubergine au sel fumé / tortelli de baccala, gambas marinés, émulsion roquette-ginger-lime / pigeon fermier poché au Vernaccia de Sardaigne / rafraîchissant / soufflé au yoghourt de brebis et café, sorbet réglisse.

Trompettes de la renommée, il va falloir vous habituer à sonner les trois étoiles de ce chef. Car c’est un des plus brillants dîners que nous avons vécu. Le plat miraculeux, c’est celui de la langouste. Car l’interprétation est artistique, divinement créatrice, avec un sens esthétique extrême. Puisque Davide est italien, on pourrait parler de Raphaël ou de Michel-Ange, tant l’harmonie et l’imagination sont présentes.

Pour les deux plats suivants, tout aussi brillants, ce sont les petits bouillons qui rehaussent les goûts et jouent un rôle multiplicateur extraordinaire pour les vins. L’émulsion de roquette, si l’on accepte la force du goût, donne au Krug 1990 une assise et une plénitude hors du commun. Pour le pigeon à la tendreté démoniaque, nous avons choisi un Solaia Antinori 2000 pour honorer l’origine du chef. Le vin a un nez d’une richesse de notable. En bouche il est puissant et confortable. C’est vraiment le notable de province, mais un notable qui a du pouvoir. Avec le jus fait d’abats, le vin est propulsé à des hauteurs de richesse et de bonheur qui sont rares.

A chaque fois, nous sommes confondus par le talent du chef fait de créativité, d’élégance, de pertinence et de cohérence des goûts. C’est spectaculaire et va beaucoup plus loin que de nombreux chefs qui ont trois étoiles. Il va rejoindre leur cercle, c’est sûr. Alors, on pense à Noma et l’on se dit que Noma, c’est un voyage. Le repas est un parcours initiatique extrêmement passionnant. Tandis qu’avec Davide, c’est une succession de tableaux de Raphaël. C’est le génie dans la conception et dans la réalisation.

Ce soir, nous étions concentrés sur la cuisine, car c’est là qu’était le talent. Les deux très bons vins ont eu l’intelligence de savoir profiter de cette créativité pour nous trouver des arômes qu’ils cachaient sous leurs blouses.

Nous avons vécu l’un des plus beaux dîners de cette année 2011. Il en reste deux à venir !

dîner au Ledoyen n’efface pas la perte de Garnier jeudi, 22 septembre 2011

J’ai perdu plus d’une heure dix, rien n’égale mon malheur. Sort cruel …

Ce sujet pourrait s’appeler : de l’influence des circonstances sur l’appréciation des mets et des vins. Quand le sort penche d’un côté ou de l’autre, l’objectivité s’en ressent.

Avec Tomo et son épouse, ma fille et mon gendre, nous devions aller à l’Opéra Garnier. Selon une habitude qui fait partie du génie français, les machinistes de l’Opéra ont déclenché une grève à 16 heures. Nous avions prévu de souper après le ballet. Bloqués dans nos envies, nous transformons la soirée en un dîner, et grâce à la gentillesse naturelle de ce restaurant, ce sera au restaurant Ledoyen. Un rhume qui ne veut toujours pas me quitter depuis un mois n’ensoleille pas mon aptitude à l’enthousiasme.

Nous avons le petit salon bibliothèque de taille idéale pour un repas intime. Le Champagne Taittinger Comtes de Champagne 1999 est d’une platitude tout à fait étonnante. C’est bien la première fois que je le vois aussi peu causant. Une anomalie sans doute. Tomo a apporté trois vins. Il a peur que son Puligny-Montrachet Les Combettes Etienne Sauzet 1985 ne soit bouchonné mais ce n’est pas le cas. Il a besoin de s’ouvrir, et il se révèle absolument délicieux, fruité, légèrement fumé, complexe à la longueur très impressionnante. Et il va accompagner les plats avec une pertinence remarquable.

Le Pommard les Vignots Domaine Leroy 1993 n’est pas mal fait, mais du fait de l’année, il ne dégage pas une émotion particulière. C’est un pommard, mais discret, trop discret. On pouvait s’attendre à ce que l’année du deuxième pommard le propulse au-delà, mais le Pommard Clos des Epeneaux Comte Armand 1990 joue franchement en dedans. Pas un gramme de vibration et un discours limité. La bonne pioche trouvée sur la carte des vins, c’est le Chateauneuf-du-Pape Clos des Papes, Paul Avril 1998. Ça, ça cause ! Et ça cause juste, précis, joyeux et remplit la bouche de soleil.

Nous avons pris des menus différents. Avec mon gendre, nous avons choisi les trois spécialités : grosses langoustines bretonnes, émulsion d’agrumes / blanc de turbot de ligne juste braisé, pommes rattes truffées / ris de veau en brochette de bois de citronnelle rissolée, jus d’herbe. Là aussi, est-ce mon rhume insistant, je n’ai pas eu le plaisir que me donne habituellement la cuisine de Christian le Squer et son turbot, trouvé légèrement trop cuit par mon gendre et moi, ne nous a pas autant plu que d’habitude. Qui est responsable, l’observant ou l’observé ? Je parie que mon humeur en est la cause.

Les deux vins qui sortent du lot sont le Puligny-Montrachet et le Clos des Papes. Ce n’est pas facile d’effacer totalement la perte d’un ballet. Les occasions de compenser ne manqueront pas.

Beaux vins chez des amis lundi, 19 septembre 2011

Deux jours plus tard, je suis reçu chez d’autres amis, mais le froid a gagné la bataille et nous dînons à l’intérieur.

Le Champagne Bollinger R.D. 1985 est un solide champagne bien plein, de belle construction.

Il forme un contraste majeur avec le Champagne Dom Pérignon magnum 1998, à la complexité extrême, floral, romantique et féminin.

Le Crozes Hermitage Jaboulet 2004 n’a pas beaucoup d’intérêt. Il ne crée aucune vibration.

Aussi, lorsque mon ami ouvre un Château de Pibarnon Bandol rouge 2006, le contraste est grand, car le Pibarnon respire sa région et offre sa joie de vivre où fenouil, olive noire donnent des évocations du sud.

Et nous allons crescendo avec un magnifique Château Figeac 2006 qui, bien sûr, va progresser encore, mais donne aujourd’hui une leçon de richesse, d’équilibre et de complexité. C’est un très grand vin.

Dernier dîner dehors d’une chaude soirée d’été vendredi, 16 septembre 2011

De retour dans le sud, je m’invite chez des amis et j’apporte les vins. Le premier champagne est fourni par mes hôtes, c’est un Champagne Mumm Cordon Rouge qui se boit avec un grand plaisir car il est simple et glisse bien en bouche, sans se poser de question.

Le Champagne Salon magnum 1997 marque un saut gustatif majeur car le palais est préparé par le premier champagne. Le Salon a comme d’habitude complexité, fleurs blanches et vinosité légère. C’est un grand champagne.

J’ai apporté en outre une Côte Rôtie La Landonne 1986 et je suis particulièrement impressionné par ce vin. L’année 1986 n’est pas une des plus grandes années (pour mon palais) pour les Côtes Rôties de Guigal mais celle-ci est particulièrement intéressante. Car elle joue tout en délicatesse. Et la sourdine que ce vin a adoptée met encore plus en valeur la finesse et la complexité délivrées pour une fois toutes en retenue. J’ai vraiment beaucoup apprécié ce vin.

Sur la terrasse directement en aplomb de la mer, la lune flanquée de sa planète Vénus qui la suit fidèlement, les deux laissant leur trace d’argent sur l’onde frémissante, nous avons passé la dernière soirée encore très chaude d’un riche été gastronomique.