148ème repas de wine-dinners – photos vendredi, 10 juin 2011

Les bouteilles alignées. Le magnum de 1990 n’est pas encore joint au groupe

photos des bouteilles par petits groupes

les bouchons

la salle et les bouteilles alignées

les plats du repas

les verres

notre groupe

les verres « presque » vides

les bouteilles en fin de repas (mon petit doigt m’a dit que l’équipe de Ledoyen a fini ce qui restait à boire – en fait je le leur avais recommandé de le faire)

6 magnums de Lafite : 1948, 1922, 1900, 1971, 1961, 1990 vendredi, 10 juin 2011

Quand le hasard joue au billard avec moi, j’adore. Je me laisse porter par la vague, comme dans une descente en rafting, et je donne juste les coups de pagaie qui remettent l’esquif dans l’axe. Mon ami chinois, avec qui je venais de déjeuner au George V me demande de faire un dîner pour huit à neuf personnes, des amis dit-il. Je demande s’il veut du « lourd » et il me dit oui. Je bâtis un programme qui ferait passer les trompettes de Jéricho pour d’aimables pipeaux, avec du rare de chez rare, comme on disait chez les bobos, et mon programme est agréé. Croire que tout est joué serait méconnaître l’âme chinoise. Car le nombre de convives s’est mis à danser un tango argentin débridé. Nous partîmes 9 au début des réflexions, mais par un prompt renfort, nous nous vîmes 15 puis 17 sans faire le moindre effort. Des vins prévus pour neuf ne peuvent désaltérer dix-sept convives, aussi me faut-il me tourner vers des magnums. Chaque jour le nombre de convives hoquète, vers le haut ou vers le bas. Comme cette seule variable eût été trop facile à maîtriser, la secrétaire de Desmond m’informe que ce ne sera plus un dîner mais un déjeuner, car mes convives ont un « important » dîner à Bordeaux, dans un château illustre. Ils voyagent en jet privé à l’arrivée comme au départ, aussi le somptueux menu que j’avais ciselé avec Christian Le Squer est torpillé d’un Scud mortel. La quadrature du cercle ne me fait pas peur. Qui dit chinois dit Lafite, qui dit programme court impose un choix de vins limité. Je propose à Desmond un programme tout en magnums de Lafite. Il dit oui. Le menu est calibré avec Christian Le Squer. Le nombre de convives est figé à 14 deux jours avant le déjeuner. Je m’attends à de nouveaux soubresauts. La nuit qui précède le déjeuner, je retourne dans mon lit les mille surprises possibles. Levé bien avant l’heure, je me prépare au pire, car nous sommes le vendredi qui précède la Pentecôte, qui fait qu’à Paris les chenilles processionnaires automobiles cessent de processionner, ce qui risque de réduire encore la plage du déjeuner.

Le 148ème dîner de wine-dinners, qui se tient à déjeuner pour la première fois, est organisé au restaurant Ledoyen. Nous serons dans le grand salon qui donne sur le jardin qui était naguère le Cercle Ledoyen, et force est de constater que la décoration aurait besoin d’un salutaire lifting. Toute l’équipe s’affaire, car la liste de mes vins annonce un moment rare. Je veux ouvrir les magnums et, horreur des horreurs, mes outils ne sont pas dans la sacoche qui leur est destinée. Je demande aux sommeliers qu’ils me prêtent leurs outils et je suis dans la situation du chirurgien du cœur qui voudrait opérer avec une hache trouvée dans la grotte Chauvet. Je bataille, je charcute et au bout d’une heure, tous les magnums sont ouverts. Il y a des parfums exubérants, d’autres prometteurs et le magnum de Lafite 1900 qui a été rebouché dans les années 80 sent un affreux bouchon. Comme Vatel, je songe au pire, mais la meilleure des défenses étant l’attaque, j’ouvre deux magnums de plus que prévu.

Nous sommes quatorze, puis treize, puis quatorze, ce que l’équipe de Patrick Simiand gère avec un calme oriental. Il y a Desmond et son épouse, huit ou neuf chinois qui œuvrent dans l’immobilier ou le vin à des niveaux où la compétition mondiale est aussi rare que l’oxygène sur le K2, un britannique, un américain, un grec membre du club des Cents, un français et moi. Les chinois ont à peine une heure de retard, ce qui entame à peine (je me vante) ma zen attitude. C’est parti !

Pour faire venir le groupe de chinois plus vite, nous commencions à boire le Champagne Bollinger Vieilles Vignes Françaises 1999. Divine surprise, ce champagne que je connais est très au dessus de mes espérances. Il est solide, charpenté, d’un goût plein et coloré de jaune d’or, alors que sa robe est d’une rare jeunesse et sa bulle frétillante. Je suis absolument ravi de ce début avec un champagne brillant, serein, riche et noble. Des plateaux sont présentés avec du saint-pierre cru, du Jabugo et deux fromages dont on se sert avec de petites piques. Mon intuition me poussait vers l’accord avec le poisson cru, mais c’est le fromage qui a révélé toute l’ampleur du champagne et l’a fait sourire.

Les chinois arrivent et je pousse un ouf de soulagement, car sans eux, mes six magnums ouverts perdraient leur sens.

Le menu composé par Christian Le Squer est rédigé en anglais. Je le retranscris comme il est : Selection of Appetizers / Grilled Red Mullet fillet / Braised Turbot « Ledoyen » style / Roasted Spring Lamb, plain brown gravy / Smocked eel toast, red wine sauce / Fresh and Candied Grapefruit, Citrus sherbet.

On nous sert à table le Champagne Salon magnum 1976. J’attendais une entrée, ayant encore la mémoire d’une langoustine que nous avions initialement programmée, mais c’est en fait sur les petits amuse-bouche que doit se boire ce champagne. Avoir un Salon 1976 est rare, et en magnum, encore plus. Aussi mon attente est grande. La robe est à peine ambrée, d’un bel or clair. La bulle est puissante. Si l’on sent un début de maturité, le vin est d’une jeunesse extrême et claque sur la langue. C’est objectivement un grand champagne, mais comme j’attendais un plat, ma joie a été bridée. Comme j’en ai fait la remarque aux serveurs, remarque gentille, car la mise au point du menu a fait les montagnes russes tout au long des changements de programme, l’arrivée du rouget est avancée et je recommande à mes hôtes de faire l’essai de ce divin poisson, un peu cuit à mon goût, à la fois avec le Salon et avec le premier Lafite.

Vincent, qui a fait comme chaque fois un service impeccable des vins, m’apporte le premier verre de Château Lafite Rothschild magnum 1948. Quelle divine surprise ! Le vin est d’un velouté extrême, soyeux comme un robe d’impératrice. C’est un immense Lafite que nous goûtons, riche, tramé au point le plus fin. Je suis heureux, car même s’il y a six magnums celui-ci, à lui tout seul, justifie le voyage que nous accomplissons.

Vient ensuite Château Lafite Rothschild magnum 1922. La couleur est d’une grande jeunesse. Le nez du vin est encore plus beau que celui du 1948. Mais une acidité persistance risquerait de gâcher la dégustation. Fort heureusement, mes convives ont l’intelligence d’essayer de comprendre le vin et derrière cette acidité, il y a un fruit d’une rare jeunesse. Le plaisir n’est évidemment pas total, mais beaucoup reconnaissent que ce vin a plus de noblesse que le 1948. C’est dommage d’avoir le voile de cette acidité. A noter que le 1948 et le 1922 se marient divinement au rouget, le 1922 gagnant même en ampleur et voyant son acidité s’estomper.

Comme j’avais prévenu que le Château Lafite Rothschild magnum 1900 est bouchonné, nous n’en buvons qu’une ou deux gorgées, juste pour vérifier que c’est bien le cas. Ceci confirme qu’il ne faut pas acheter des vins reconditionnés, car c’est sûrement au rebouchage que ce goût de bouchon est apparu. Quelle tristesse que le vin phare de ce déjeuner ne soit pas au rendez-vous ! Heureusement, le Château Lafite Rothschild magnum 1971 servi immédiatement après va sécher les larmes virtuelles de notre désespoir. La couleur de ce vin est la plus claire de tous les Lafite, même si elle a une belle densité. Et ce qui frappe dans ce vin, c’est son étonnante fraîcheur. Jeunesse et fraîcheur sont des deux caractéristiques de ce vin brillant et charmeur. Le réputé marchand de vins britannique confirme que c’est bien le style Lafite, mais sa fraîcheur extrême tranche avec les autres vins.

Lorsqu’arrive le Château Lafite Rothschild magnum 1961, je me permets d’interrompre les conversations qui fusent de partout en deux langues, l’anglais et le mandarin que je fais mine de comprendre en pensant que mes sourires en disent long, pour signaler à la noble assemblée que nous nous trouvons devant l’expression la plus absolue de ce que Lafite peut atteindre lorsqu’il est parfait. Car ce vin est parfait.

Un convive un peu pointilleux signale que la couleur est légèrement trouble, mais ce qu’il conviendrait de remarquer plutôt, c’est l’incroyable jeunesse de la couleur de ce vin. C’est du sang le plus noble, même s’il n’est pas bleu. La richesse, la noblesse, la trame de ce vin sont impériales et impérieuses. On sait que l’on a touché la perfection. Je suis heureux, car le 1948 et le 1961 sont dans deux formes abouties de Lafite, le 1961 ajoutant l’exacerbation d’une année elle-même parfaite. Je jouis de la mâche de ce vin qui envahit le palais. C’est un grand moment que nous vivons, sur un agneau qui a l’intelligence, transmise par le chef, d’être un faire-valoir fidèle.

J’attendais beaucoup d’un des plats emblématiques de Christian Le Squer. Dans le schéma initial, j’avais prévu l’anguille sur Hermitage La Chapelle 1961, car l’anguille aime bien, dans cette présentation, les vins du Rhône. Aussi, le programme ayant changé, c’est sur le Château Lafite Rothschild magnum 1990 que va s’exprimer l’anguille préparée avec une sauce aux vins anciens. Et nous avons atteint aujourd’hui un accord d’anthologie, car le prolongement du vin et de l’anguille est saisissant de complémentarité. Le Lafite 1990 est d’une perfection comparable à celle du 1961. Mais c’est là que l’on voit le travail du temps : ces deux Lafite sont identiques, sauf que le 1961 a tout en plus, du fait de sa maturité. Le 1990 est le Lafite « jeune » parfait, et le 1961 est le Lafite au faîte de sa perfection. Inutile de dire que mes larmes sont effacées, malgré la tristesse d’avoir perdu un 1900 en route.

Le dessert est accompagné de Champagne Krug Clos du Mesnil 1985 qui clôt la série de trois champagnes emblématiques, le Bollinger aux vignes pré phylloxériques, le Salon et le plus beau des Krug. Le champagne Krug a tout pour lui, la couleur d’un or blanc léger, la bulle excitée et fine, le nez charmeur et une densité à nulle autre pareille, combinée à une longueur infinie.

La bouteille suivante a une histoire amusante. Mouton Rothschild fait de temps à autre une fine, dont le nom est marqué sur une étiquette qui ressemble à un papier quadrillé d’écolier. Ce qui m’avait intéressé, c’est que sur le carton, il y avait une indication manuscrite « cave personnelle de Philippe de Rothschild ». Est-elle vraie, peu importe, mais elle véhicule un imaginaire intéressant, car Philippe de Rothschild fut l’un des plus grands personnages du monde du vin. J’avais rangé cette bouteille dans une des « chapelles » que je réserve dans ma cave aux alcools, la bouteille debout en son centre, le carton avec l’inscription manuscrite derrière elle. Un ami rangeant ma cave a dû estimer que j’avais malencontreusement laissé un carton dans ce tabernacle et l’a jeté. Le fil ténu d’une évocation avait disparu. Cette bouteille de Fine de Mouton est ouverte aujourd’hui, lors d’une verticale de Lafite qui doit être une des rares qui ne soit pas faite avec les bouteilles du château, dont la collection est impressionnante et unique. Je suis heureux de finir sur cet alcool, car c’est un petit clin d’œil au rôle phare qu’ont joué les Rothschild dans l’histoire du vin de Bordeaux.

Et à ma grande surprise, cette fine dont les composantes doivent avoir plus de cinquante ans est dix fois meilleure que ce j’attendais, avec une ampleur en bouche digne des plus grands cognacs. La chance sourit aux audacieux. Du bonheur qui s’ajoute à du bonheur et mon petit nuage prend de l’ampleur.

Il est temps de voter et mes convives votent avec une extrême rapidité. J’avais distribué des feuilles de vote que j’ai ramassées, et le dépouillement n’a pas été fait sur place, pour ne pas retarder cette docte assemblée qui prend l’avion pour un dîner à Pauillac. Comme un dîner est prévu aussi dans deux jours à Lafite, je leur ai recommandé de bien montrer le menu de ce déjeuner à leurs hôtes.

Les votes sont intéressants, car cinq vins ont eu des votes de premier : Le 1961 huit fois, le 1948 ainsi que le 1971 deux fois, et le Bollinger comme le Lafite 1990 une fois. Ce qui est intéressant aussi, c’est que le 1900 a quand même eu des votes, de cinq votants chinois, sans doute parce qu’ils ont été impressionnés par l’histoire et le mythe plus que par le vin.

Le vote du consensus serait le suivant : 1 – Château Lafite Rothschild magnum 1961, 2 – Château Lafite Rothschild magnum 1948, 3 – Château Lafite Rothschild magnum 1971, 4 – Château Lafite Rothschild magnum 1990, 5 – Champagne Salon magnum 1976, 6 – Champagne Bollinger Vieilles Vignes Françaises 1999, 7 – Château Lafite Rothschild magnum 1900.

Mon vote est : 1 – Château Lafite Rothschild magnum 1961, 2 – Château Lafite Rothschild magnum 1990, 3 – Champagne Bollinger Vieilles Vignes Françaises 1999, 4 – Château Lafite Rothschild magnum 1948, 5 – Champagne Salon magnum 1976.

Le lendemain, je suis étonné de ne pas avoir inclus le 1971 dans mon vote, nettement mieux classé dans le consensus.

Que retenir de cette expérience ? D’abord la motivation de l’équipe de Ledoyen. Tout le monde a coopéré pour faire de ce repas un événement majeur. Ensuite je saluerai la compréhension de Christian Le Squer qui a su mettre son talent au service de l’imprévu. Avec son anguille, nous avons créé un accord légendaire. Enfin, les Lafite en magnums ont donné une démonstration éclatante d’un niveau exceptionnel de ce vin, au sommet pour le 1961 et le 1990, et très grand pour 1948 et 1971.

Je n’aurais jamais pu organiser ce repas sans la générosité de Desmond. Les chinois sont avides de connaître, d’apprendre, de retenir des leçons, mais avec une envie que l’on ressent de dépasser le niveau des autres pays. Un riche investisseur dans l’immobilier présent m’a dit qu’il voudrait la plus belle cave au monde. Par bravade et aussi pour le titiller, je lui ai dit qu’avant qu’il ne dépasse la mienne il faudrait quelques années. Nous aurons rendez-vous pour une confrontation dont j’ai pris la précaution de ne pas en faire un choc d’égos. Il est de toute façon des niveaux où je ne peux pas lutter.

Collectionneurs mes frères, ce serait bien étonnant que les prix des vins baissent dans les prochaines années.

brunch à l’hôtel Nimb dimanche, 5 juin 2011

Le lendemain matin, on pourrait croire que le programme est fini. Eh bien non ! Jean-Philippe a réservé un brunch à l’hôtel Nimb, un hôtel dont une façade très stricte donne sur la rue et l’autre, genre Taj Mahal, donne sur le parc de Tivoli. La décoration intérieure est extrêmement raffinée, et n’a rien à voir avec le clinquant de façade dans le parc. C’est dans un immense salon mêlant l’art ancien et l’art moderne avec des choix de couleurs réussis que nous prenons le brunch. A peine assis, une serveuse nous verse du Champagne Carte Or Claude Cazals blanc de blancs grand cru sans année. Après la folie de la veille, c’est dur.

Ce voyage gastronomique au Danemark nous a montré un pays de taille humaine, où la vie sociale est beaucoup plus sereine qu’en France, où l’accueil dans les hôtels et restaurants est exemplaire, concerné et motivé, où la gastronomie est plus inventive que dans beaucoup de pays. L’architecture est belle, les décorations sont belles. Il faudrait que la France aille voir ce qui se passe dans les soi-disant petits pays. Nous aurions beaucoup de leçons à prendre. The Paul et Noma ont illuminé de voyage. La provision de souvenirs est riche.

Copenhague photos jour 4 – cave et Noma dimanche, 5 juin 2011

L’idée d’aller au restaurant Noma, nommé premier restaurant au monde, vient de Jean Philippe. Mais la belle table et la réservation définitive vient d’un négociant en vins dont la cave mérite le respect. Ainsi, des flacons de 18 litres de Cheval Blanc 2005 ou un mur de bouteilles uniquement du domaine Leflaive ! Et c’est lui qui a fourni tous les vins du repas !

Mais l’esprit est au plaisir, le long d’un canal

champagne Pierre Peters cuvée spéciale les Chétillons 2000

Champagne A. Rothschild 1966 cuvée Porsche

on devine le canal derrière la bouteille

quand je vois des bouteilles, je ne peux m’empêcher d’acheter. Ici ce sera quelques bouteilles de champagne 1907 trouvées au fond des mers (le bouchon est d’origine et une cire a été coulée pour protéger le bouchon non changé) dont j’ai fait l’acquisition.

ARRIVEE AU NOMA – Noma est près de l’eau. A gauche un énorme bateau de croisière ou un ferry et à droite l’Opéra

avec mon ami danois

avec René le chef et mon épouse

il fait si beau que nous prenons le magnum de champagne dehors, la colline inspirée de Jacques Lassaigne

Un des moments les plus émouvants pour moi, c’est le sourire éclatant de toute l’équipe de René, qui indique une motivation et une joie de vivre qui sont exemplaires

Rien que ça, c’est énorme. Ayant traversé les cuisines, nous entrons dans la magnifique salle du 1er étage avec une belle vue sur le canal. Le soleil étant de plus en plus rasant, les photos montrent des clairs-obscurs.

je n’ai pas l’air trop malheureux

les photos du dîner sont présentées dans l’ordre de leur prise, afin que l’on prenne conscience du rythme du repas

la serveuse a un joli sourire

première pause – certains vont sur le quai, le sommelier prépare des vins dans la cuisine du 1er étage

ma fille et mon gendre semblent heureux

contrejour de la serveuse et du sommelier

ça reprend ! lire la suite NOMA SUITE

Copenhague photos jour 4 – Noma suite dimanche, 5 juin 2011

ça reprend

photos de verres sous les couleurs du soleil couchant qui colore la mer de rose

quelques photos de bouteilles, certaines sous cellophane. A noter l’interdiction d’exporter du Richebourg 1952

la photo de droite n’est pas une photo de vin

une nouvelle pause – coloris du soir, il est déjà 23 heures

et maintenant, cours de cuisine avec un chef irlandais enthousiaste et captivant

c’est sérieux, mais c’est aussi joyeux

et ça repart !

mon ami danois devient familier !

festival de lumières étincelantes

c’est fini, il reste à photographier les vins et à refaire le match avec Matt le sommelier et toute l’équipe

Voilà la générosité de mon ami danois

quelle expérience unique !

dîner au restaurant Noma avec des vins extraordinaires samedi, 4 juin 2011

Après la visite des caves de K, un de mes fournisseurs de vin, nous arrivons par les quais au restaurant Noma, installé dans d’anciens entrepôts du port de Copenhague. Noma veut dire « nordic meal », cuisine nordique. Jean-Philippe ayant twitté notre arrivée, nous sommes accueillis par le directeur du restaurant mais aussi par René Redzepi, nommé plus grand cuisinier du monde, qui a autour de 35 ans et a travaillé notamment deux ans à El Bulli. Des photos sont prises devant la façade, inondée d’un soleil de plomb. On nous sert sur le pas de la porte un Champagne blanc de blancs extra brut « La Colline Inspirée » Jacques Lassaigne sans année. Par ce beau jour de presque été, nous buvons ce beau champagne classique avec gourmandise. Matt qui sera notre guide tout au long de la soirée vient nous dire d’être prêts à monter à l’étage où se trouve notre table au moment où il nous le demandera. Je réponds par un « yes sir » très militaire.

L’obtention de la table que nous occuperons a une histoire. Elle est réservée aux hôtes de marque. Pour en bénéficier, il faut être de l’ordre de dix ou payer le prix de dix. Comme nous étions cinq au départ, le renfort fut atteint grâce à K et deux de ses amis danois amateurs de vins et par ma fille et mon gendre. La table est la seule du premier étage, avec une cuisine apparemment affectée à notre seul usage, puisque la cuisine principale est au rez-de-chaussée.

Pour y accéder, nous sommes obligés de traverser la cuisine où René nous accueille avec toute son équipe extrêmement souriante. A chaque pièce que nous traversons, c’est un nouveau bouquet de sourires. L’innombrable équipe de cuistots donne l’impression d’être heureuse de nous recevoir. Après la cuisine, nous nous retrouvons dehors, de l’autre côté de l’immense entrepôt. Il est alors aisé de plaisanter sur un repas aussi court qui se termine avant d’avoir commencé. Nous entrons par une nouvelle porte pour monter à l’étage. La jolie pièce surplombe le canal. Elle est magnifiquement décorée. Kathryn, notre serveuse, a un sourire d’ange.

A peine à table, un serveur met dans nos mains un roseau long de plus d’un mètre, dont les dix derniers centimètres ont été pelés pour que n’apparaisse que le cœur. Il faut tremper le bout de la longue tige dans une crème délicieuse. C’est le début d’un long chemin d’amuse-bouche dont voici les intitulés.

Les amuse-bouche : Bulrush, malt flatbread and juniper, moss and cer; cookie with lardo and currant, mussel, rye bread, chicken skin, lumpfish roe and smoked cheese, seabuckthorn leather and pickled hip roses, radish, soil and herbs, pickled and smoked quails eggs, toast, herbs, smoked cod roe and vinegar.

La moule est originale puisqu’on peut croquer la coquille du bas, faite d’une pâtisserie teinte à l’encre de seiche. Le moment le plus intense est avec le petit snack aux œufs de lump, qui donne une iode énigmatique et fraîche.

Le soleil transperce notre pièce, créant des effets de contrejour. Deux fois on nous suggérera d’aller prendre l’air pour faire une pause sur le canal au soleil qui n’en finit pas de se coucher.

Le menu : green strawberries, salad root and sorrel / razorclam parsley, horseradish and buttermilk / scallops and beech nut, watercress and grains / tartar and sorrel, juniper and tarragon / langoustine and söl, rye and seawater / potato and milkskin, whey and lovage / white and green asparagus, cream and pine / celeriac and truffle / beef cheeks and cabbage, verbena and ramsons / ‘Gammel Dansk’ and sorrel / walnut and berries / Jerusalem artichoke and apple.

Il est impossible de décrire tous ces plats. Nous faisons un voyage dans un monde de saveurs nouvelles et inimaginables. Alors que les créations de Marc Veyrat et de Ferran Adria sont parfois théâtrales, nous découvrons celles d’un chef authentique, à l’imagination débordante, qui respecte le produit et donne un sens à chaque saveur. C’est intelligent, artistique, créatif, et le seul plat qui conduit à poser des questions est celui des coquilles Saint-Jacques que je trouve un peu étouffées par l’encre de seiche. Matt m’a donné l’explication qui est d’une logique compréhensible et m’a dit que les questions sur ce plat sont systématiques. Les saveurs magiques sont celles des fraises vertes, des couteaux, des langoustines présentées sur de grosses pierres, la sauce étant disposée comme des pétoncles collées au caillou. Les asperges et le céleri sont prodigieux. La liste des émerveillements n’est pas limitative.

Nous pourrions être fiers d’avoir obtenu une table, et d’avoir bénéficié de la table d’hôtes spectaculaire. Cela aurait suffi à notre bonheur. Mais un bonheur n’arrive jamais seul, aussi K et ses amis, à notre grande surprise car nous ne savions rien, nous ont entraînés vers des vins incroyables, d’une générosité infinie.

Les vins sont bus à l’aveugle. Le Champagne Brut Pommery 1947 Coronation of Elizabeth II est d’une couleur de rose ambrée profonde. La bulle discrète est encore active. Je suis assez content car le premier nom que j’ai suggéré est Pommery. J’ai essayé 1929 et c’était 1947. C’est un grand champagne de charme délicat et de grande complexité.

Le Champagne Perrier Jouët rosé extra brut 1966, alors que je l’ai bu plus de dix fois, ne me mène sur aucune piste. La couleur est très proche de celle du Pommery et le vin est extrêmement fruité, de beaux fruits jaunes. Le plus jeune est le plus généreux et goûteux, les deux étant superbes.

Le Bâtard Montrachet Domaine André Ramonet 1978 a un parfum qui inspire immédiatement le respect. Il est grandiose. Et en bouche, c’est une aventure gustative majeure. Ce vin sera celui qui émerge au sein des séries de vins de ce soir. Il a une plénitude, une ampleur qui ne sont le fait que de grands vignerons.

Le Montrachet Marc Colin 1990 est, je crois, le premier que je bois de ce vigneron. Il est moins riche et moins brillant que le Bâtard mais il a toutes les qualités d’un montrachet. Les deux blancs ne se contredisent pas et plus le temps passe, plus le 1990 prend de l’ampleur, devenant un montrachet très élégant et riche.

Lorsque le vin suivant arrive, je pense meursault, mais je n’ai pas le temps de le dire. Le Meursault Charmes Collection du docteur Barolet, Arthur Barolet négociant éleveur 1934 est un vin que je perçois comme bouchonné. Matt n’est pas de cet avis. La couleur est jeune et malgré une légère amertume liée au bouchon, le vin va se restructurer, sans atteindre un plaisir total.

Je m’en veux de ne pas avoir dit mon intuition première car elle est la bonne. Mais le non-dit n’a pas de valeur. Le Chablis Grand Cru Moutonne Long Dépaquit 1955 est un très grand vin. J’ai bu plusieurs fois le 1959. Même si le 1995 n’a pas sa flamboyance, il est extrêmement expressif, typé, de grande classe.

Lorsque je sens le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1952, je dis immédiatement Domaine de la Romanée Conti. J’ajoute Romanée Saint Vivant et quand K me dit que ce n’est pas ça, je propose Richebourg des années 50. Ce vin a tout le charme du Domaine de la Romanée Conti. Il est élégant, charmant, subtil, avec un final d’une grande finesse.

Ma recherche est plus difficile avec la Romanée Saint Vivant Domaine de la Romanée Conti 1980 alors que ce vin m’est familier. Les deux vins du Domaine de la Romanée Conti sont d’une délicatesse et d’une élégance extrêmes.

Selon le théorème qui veut qu’en dégustation à l’aveugle, rien ne vaut le coup de pouce que donne la vision d’une étiquette, je propose pour l’un des deux Musigny qui arrivent qu’il soit du domaine Comte de Vogüé. Hélas, je ne choisis pas le bon. La triche n’est pas récompensée. Le Musigny Grand Cru Comte de Vogüé 1990 est un vin de grande puissance, solide, bâti pour la durée. Comme nous ne buvons que des grands vins, je suis en mal de superlatifs. Ce grand vin est rassurant.

Jamais je n’aurais trouvé l’année du Musigny Grand Cru J.F. Mugnier 2006, car il fait beaucoup plus mûr que ce jeune millésime. Les deux Musigny se complètent bien, riches et élégants, avec des longueurs particulièrement solides.

J’avais bien peu de voir arriver les bordeaux après les bourgognes, mais le Château l’Evangile Pomerol 1961 est si imposant qu’il se débarrasse de ces incertitudes. Il est en pleine possession de ses moyens, impérial pomerol au charme fondé sur sa texture tramée au point le plis fin.

Le Château Certan de May 1961 me plaît beaucoup moins, un peu plus fatigué qu’il ne devrait.

Le Château La Tour Blanche 1900 est d’un or encore clair. Je ne pense pas qu’il puisse être aussi âgé. Il est très brillant. Je serais bien en peine de dire lequel des deux sauternes je préfère, car cet Yquem caractéristique, le Château d’Yquem 1944, que j’ai bu plusieurs fois et que j’adore mais dont je n’ai pas reconnu l’année mais la décennie, est un Yquem charmeur, élégant, riche et serein, qui ne joue pas plus qu’il ne faut, ce qui ne limite pas sa trace extrême.

Ce serait très difficile de classer, mais je m’y risque : 1 – Bâtard Montrachet Domaine André Ramonet 1978, 2 – Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1952, 3 – Château l’Evangile Pomerol 1961, 4 – Château La Tour Blanche 1900, avec l’impression que quasiment tous les vins pourraient être sur le podium.

Pendant l’une des pauses, nous sommes allés dans la cuisine du premier étage où l’un des chefs, irlandais, a montré la préparation de certains plats. Nous avons longuement bavardé avec lui et avec Matt, heureux de voir notre passion pour ces vins chenus.

A l’issue du repas, nous avions la sensation d’avoir vécu un moment unique lié à la cuisine exemplaire de talent et d’invention mais aussi de mesure de René, et lié aussi à l’incroyable générosité de K et ses amis. Lorsque nous sommes descendus, nous sommes repassés par la cuisine du rez-de-chaussée en sens inverse. Toute l’équipe de cuisine, encore présente, nous a gratifiés de beaux sourires. C’est assez formidable de voir une équipe aussi impliquée dans ce qu’elle fait.

Au réveil, le lendemain matin, Jean-Philippe a twitté ses remerciements à René Redzepi. Il a eu en retour un message disant que toute l’équipe était sous le charme de l’expression de notre enthousiasme pour la cuisine et pour les vins. Il sera plus facile de réserver lorsque nous voudrons recommencer, ce qui se fera sans tarder avec K, mais avec nos vins !

visite chez un marchand de vins ami du chef de Noma samedi, 4 juin 2011

Avant d’aller chez Noma, nous allons rendre visite à un marchand de vins à qui j’achète régulièrement des vins. Il était venu visiter ma cave et notre groupe devait faire la visite de la sienne. Par ailleurs, cet ami nous avait aidé à concrétiser la réservation chez Noma, exercice difficile, car Jean-Philippe avait une réservation provisoire et le marchand, appelons-le K a permis de la transformer en réservation réelle.

K nous fait visiter trois de ses cinq caves cachées dans des endroits insolites et sécurisés. Il a plus de 80.000 bouteilles, toutes de grands crus et c’est intéressant de voir des grands noms du vin qui lui sont livrés par palettes. Un mur de huit mètres de long sur près de trois mètres de hauteur est constitué de caisses de vin d’un des plus prestigieux domaines de la Bourgogne. Nos yeux brillent quand nous contemplons ces trésors.

Les bureaux de K sont le long d’un canal où passent des bateaux à des vitesses excessives et dangereuses. Sous un parasol, tant il fait chaud, nous dégustons un Champagne Pierre Peters Les Chétillons blanc de blancs 2000 délicieux, précis et très agréable. Vient ensuite une curiosité, un Champagne Alfred Rothschild & Cie Brut 1966 « réserve du Club Porsche », avec l’écusson de la célèbre marque de voiture. Le champagne est excellent, encore jeune de couleur, à la bulle active et à la personnalité forte. Mêlant citron et beurre, c’est un grand champagne.

Nous nous rendons à pied le long des quais jusqu’au restaurant Noma, pour y vivre le plus beau repas de notre vie.

déjeuner bio au 42° Raw à Copenhague samedi, 4 juin 2011

Pour notre quatrième jour à Copenhague, il fait un soleil radieux. La population s’égaie dans les rues. La ville est une ruche dix fois plus animée que ne peut l’être Paris. Dans le programme quasi stakhanoviste que nous nous sommes imposé, il fallait une pause détox et c’est ma fille qui l’a proposée au restaurant 42° RAW. Appeler cette petite échoppe restaurant est un peu exagéré car cette minuscule boutique bio, comme un salon de thé, propose de la vente à emporter et quelques places où l’on grignote. Les jus de légumes et fruits sont excellents, les assiettes que l’on partage à plusieurs en trempant des tranches de légumes dans des sauces est une conception de la vie communautaire qui ne m’enthousiasme pas.

La profession de foi du lieu est d’apprendre aux populations urbaines une nouvelle vision sur la façon de se nourrir. Comme par chance c’est bon, pourquoi pas. Le nom du lieu vient du fait que tout est cru ou, s’il y a cuisson, elle est à basse température ne dépassant pas 42°.

Il faut vite aller faire une micro sieste, car le point culminant du voyage, ce soir, est un dîner au restaurant Noma, nommé premier restaurant au monde. Nous sommes avides de vérifier.