Visite des vignobles Alion, Vega Sicilia Unico et Pingus mardi, 19 avril 2011

Visite des vignobles Alion, Vega Sicilia Unico et Pingus

1 – déjeuner au restaurant Rekondo à San Sébastian

Un ami fidèle, Jean, assidu de l’académie des vins anciens, a deux qualités qui intéressent ce récit : il travaille dans le monde du vin et il collectionne les voitures qui vont vite sur circuits. Il est l’un des organisateurs du tour de France des voitures anciennes qui donnent lieu à des compétitions acharnées entre les possesseurs des voitures les plus mythiques. J’avais fait pour certains d’entre eux, propriétaires de Ferrari GTO, le 52ème dîner de wine-dinners.

Jean m’accueille à l’aéroport de Biarritz, et au lieu de me conduire dans un de ses bolides, c’est dans une voiture de location que nous rejoignons à San Sébastian ses amis au restaurant Rekondo. Il y a dans ce groupe un couple d’américains qui sont aussi vignerons à Bordeaux, un californien, deux couples de chinois vivant à Londres et quatre chinois de Hong-Kong. Nous commençons par une visite de la cave du restaurant, de plus de cent mille bouteilles, qui possède plus de millésimes de Vega Sicilia Unico que le domaine lui-même. Les bouteilles sont rangées impeccablement et il y a beaucoup de bouteilles antiques qui me font saliver. Nous aurions pu déjeuner dans une salle à manger aménagée dans la cave mais il fait si beau que nous table est dressée dans la salle à manger inondée de soleil. L’apéritif se prend en cave, et un Txomi, Etxaniz, Txakoli 2010 est un tout jeune vin pétillant qui est si agréable à boire qu’on en reprend comme de l’eau. Je le trouve délicieux sur des anchois et des pibales ainsi que sur un agréable jambon pas trop gras.

Nous passons à table et c’est difficile de choisir lorsque des vins introuvables sont proposés à petits prix. Il y a plus de deux pages pour les millésimes de Marquès de Riscal. Nous jetons notre dévolu sur un Meursault Domaine des Comtes Lafon 2000 qui est extrêmement fruité et généreux pour un "Villages". Il se marie très bien au jambon, puis au risotto aux palourdes. Le vin suivant est Valbuena Ribera del Duero magnum 1998 qui est magnifique et gourmand dans sa folle jeunesse. Son équilibre est appréciable et il a l’apparente facilité des grands vins.

Ayant sympathisé avec le californien grand amateur de vins nous prenons pour nous deux une bouteille de Vega Sicilia Unico 1960. Nous avons bien fait car cela nous donnera l’occasion de voir la plus étrange des méthodes pour ouvrir une bouteille de vin. Le sommelier arrive avec un petit réchaud à gaz avec un support qui garde verticale une immense tenaille terminée pas des mâchoires en demi-cercle. La tenaille reste sur le feu pendant cinq bonnes minutes. Puis le sommelier prend la tenaille toujours verticale et enserre le goulot de la bouteille pendant trois minutes. Il enlève la tenaille et il suffit d’asperger d’eau fraîche pour que le goulot se sectionne sur une coupure très nette. Il badigeonne avec un pinceau pour enlever un éventuel copeau de verre et la bouteille sectionnée en bas du goulot peut être servie. C’est très étrange, mais ça marche. Le vin de 1960 est d’un beau rouge sang à peine moins dense que le 1998 plus noir d’encre. Le nez est puissant et l’alcool est sensible. En bouche, le vin est glorieux, complexe et puissant, ce qui va bien avec une magnifique pièce de bœuf particulièrement goûteuse. J’avais proposé aux amis chinois de Jean qu’ils se partagent un grand verre de notre 1960, mais à ma grande surprise ils ont décliné cette offre.

Je me suis fait la réflexion suivante en goûtant ces deux vins si dissemblables. Selon que l’on aime un vin dans sa jeunesse, on préférera le 1998. Si on aime les vins qui ont perdu du fruit mais offrent une complexité valorisante par son épanouissement, on ira vers le 1960. Tout me pousse naturellement vers le 1960. Mais je dois dire que ce 1998 est très tentant.

J’ai beaucoup discuté avec Lourdès, la fille du propriétaire des lieux et de la cave, qui rêverait que nous fassions des échanges entre nos trésors. Nous avons très bien mangé dans ce restaurant qui mérite le voyage, rien que pour boire des merveilles de leur cave. A suivre !

2 – dîner au restaurant Arzuaga

Nous roulons sur 400 kilomètres pour arriver à l’hôtel Fuente de la Acena à Quintinilla de Onésimo, l’un des hôtels les plus proches de Vega Sicilia que nous allons visiter demain. Les chambres sont assez modernes et froides. Avant de partir dîner puisque l’hôtel ne sert pas le dimanche soir, nous commençons par boire un champagne Bollinger sans année puis un champagne Moët & Chandon sans année, agréables à boire à ce moment de la journée. Ce sont des champagnes de soif. Nous nous rendons au restaurant Arzuaga, du même nom qu’une propriété viticole de la Ribera del Duero qui entoure le restaurant et un hôtel attenant. Pour être sûr que leur vin ne soit pas en compétition, la carte des vins n’a que celui-là : le Arzuaga. Les choix sont faciles ! Les amis de Jean ont apprécié plus que moi la cuisine très campagnarde de ce restaurant qui effectivement a proposé de belles cuissons. Un des amis m’a dit : "pour qu’un asiatique félicite des gambas, il faut vraiment qu’elles soient bonnes". Ils ont aussi apprécié les vins que je n’ai pas du tout trouvés à mon goût.

Le Arzuaga Fan D. Oro blanc 2008 donne la quasi certitude d’une mauvaise digestion, tant il semble monter à la tête, et le Reserva Especial Arzuaga Ribera del Duero rouge 2004 est résolument moderne, puissant, avec un fruit noir excessif et une amertume qui signe un vin de qualité approximative. Les gambas sont superbes, la viande, de l’échine, est délicieusement sauvage. Tout le monde semblait heureux, ce qui est le principal.

3 – Visite du vignoble Alion

Le lendemain matin, il fait très beau sur cette région située à 750 mètres d’altitude qui connaît de très nombreuses nuits glacées. L’américain qui possède un vignoble à Fronsac, venu avec une magnifique Alfa Roméo de compétition surpuissante constate qu’un de ses pneus est crevé. Le responsable : une fine vis de près de sept centimètres. Tout le monde pense à du vandalisme mais il est plus probable qu’il s’agit d’un malheureux hasard. Pendant que l’on cherche des solutions pour que la voiture et ses occupants puissent rejoindre Bordeaux, nous flânons le long du Duero. Ce qui m’a époustouflé, c’est que l’un des chinois vivant à Londres est toujours accompagné lors de ses périples automobiles par une camionnette marquée d’un joli sigle : "rocket racing" et deux mécaniciens. Ils ont porté main forte à l’ami américain qui, au lieu de mettre sa voiture sur une remorque du fait qu’aucun pneu de cette taille n’est disponible nulle part, a pu partir le soir avec son épouse vers Bordeaux. Souhaitons qu’ils aient rejoint leur point d’arrivée.

Xavier Ausàs Lopez de Castro, le directeur technique et œnologue du groupe de Pablo Alvarez nous guide. Sa passion a enthousiasmé notre groupe. Nous nous étions déjà rencontrés lors de dégustations de ses vins.

Nous commençons par la visite d’Alion, l’un des vins de la Ribera del Duero appartenant à Vega Sicilia. Nous prenons un café dans des salons de réception en attendant que les problèmes de l’Alfa Roméo se résolvent. La décoration est luxueuse et raffinée. Lorsque nous allons dans les chais, le luxe dans les investissements est impressionnant et semble excessif pour un vin qui est vendu autour de 25 €, mais la stratégie du groupe est de viser l’excellence quoi qu’il en coûte.

4 – Visite du vignoble Vega Sicilia et déjeuner au domicile de Pablo Alvarez

Le siège de Vega Sicilia est plus gardé qu’une banque. Là aussi, sur le parking, nous sommes à la merci du pneu grevé, attendant qu’une fumée blanche nous parvienne. Nous allons visiter un jardin japonais aux 700 espèces d’arbres différentes, où la particularité est que les arbres les plus rares sont protégés par des entrelacs végétaux organisés comme des parasols et distillant à rythme lent un arrosage nécessaire. Nous visitons ensuite les installations et il n’y a pas de mot pour décrire l’invraisemblable débauche de sophistication pour atteindre le vin le plus parfait. C’est au-delà de tout film de science fiction. Au lieu d’une séparation des récoltes en 29 parcelles, Xavier dispose de 80 cuves suivies par des moyens électroniques qui permettent à Xavier de suivre en temps réel ses cuves sur son PC, où qu’il soit dans le monde.

Xavier nous décrit les expérimentations qui sont faites en permanence pour ajuster les méthodes avec une réactivité totale. C’est un peu comme si l’on donnait à un grand chef d’orchestre l’occasion de diriger sous sa baguette l’ensemble des orchestres philharmoniques du monde.

Nous visitons ensuite parce que c’est spectaculaire pour des touristes la fabrication à la main des tonneaux de chêne américain, puisque Vega Sicilia favorise ces chênes. Nous visitons les chais de vieillissement. Valbuena n’est commercialisé qu’après quatre à sept ans en tonneaux puis en bouteilles et Vega Sicilia Unico après sept à neuf ans. On comprend donc pourquoi les surfaces de stockage sont immenses.

Nous visitons la petite chapelle consacrée du domaine et nous nous rendons à la maison privée de Pablo Alvarez, propriétaire du groupe, située au sein de l’immense étendue du siège, mais suffisamment à l’écart. Dans la salle à manger une table ronde de grande taille accueille une quinzaine de personnes. J’ai été frappé de constater que malgré la largeur inhabituelle de la table, nous avons pu nous parler sans que des groupes distincts ne se forment.

Le premier vin qui nous est servi est un Oremus Tokaji dry Mandolas 2007 fait à partir du cépage furmint, qui titre 13,5°. Ce vin serait introuvable en dégustation à l’aveugle. Il est fruité, précis, légèrement fumé et son élégance est remarquable. C’est un vin de grande qualité que j’adore. Il doit avoir un rapport qualité-prix redoutable. Il accompagne des asperges blanches recouvertes d’un fin filet d’huile d’olive. Nous goûtons ensuite les rouges de Vega Sicilia : le Pintia Toro 2008 est trop moderne à mon goût. Il pourrait bien évoluer, mais il est trop difficile pour moi à ce stade.

Le contraste n’en est que plus fort avec Alion Ribera del Duero 2007 qui est d’une élégance certaine et n’est pas dominé par le fruit. Plus délicat, je l’apprécie beaucoup. Le Valbuena – 5 Ribera del Duero 2006 a les mêmes caractéristiques que le 1998 en magnum que nous avions bu à San Sébastian. Il a beaucoup de fruit, mais bien ciselé et sa jeunesse s’accompagne d’une grande fraîcheur. C’est un vin magnifique. J’ai demandé à Xavier la signification du "5", mais je n’ai pas compris l’explication. Les trois vins que nous venons de boire sont du tempranillo à 100%, alors que le Vega Sicilia Unico n’a que 85% de tempranillo, ce pourcentage pouvant varier selon des années.

Arrive enfin ce vin que nous attendions depuis le matin – il est près de 16 heures – c’est le Vega Sicilia Unico 2000, le millésime qui se commercialise cette année. J’accueille ce vin d’un "wow" retentissant, car le saut qualitatif est majeur. Ce vin a tout le charme du Valbuena mais avec tout en plus. Il est d’une élégance et d’une complexité diaboliques. Tous les qualificatifs laudatifs s’appliquent à ce vin extrêmement puissant, au fruit noble, à la longueur extrême et à l’élégance rare. Ce vin vaut le voyage. Tous ces vins rouges ont accompagné un jeune agneau cuit à l’espagnole ce qui lui donne un goût sauvage très particulier comme celui d’hier soir. L’association est délicieuse, cela va sans dire. Nous finissons avec un Oremus Tokaji Aszu 5 puttonyos 2002 d’une précision extrême et d’une belle légèreté. Le domaine Oremus en Hongrie appartient à Pablo Alvarez qui nous rejoint pour le café. Félicité par tous de l’audace de ses investissements et de la qualité de ses vins, il nous a fait l’honneur rare de rester avec nous, car c’est un personnage normalement difficilement atteignable. Cette rencontre n’a été possible que grâce à Jean. Les membres de notre groupe qui visitent tous les plus grands vignobles de la planète ont dit à Pablo que jamais ils n’avaient été autant impressionnés par une visite de cette richesse et par la passion de Xavier.

5 – Visite du vignoble Pingus

Pablo et notre groupe regardent partir l’Alfa Roméo et nous retournons à notre hôtel pour nous rendre à pied au domaine Pingus. Peter Sisseck a créé ce domaine en 1995, date de sa première récolte qui fut immédiatement couronnée par des notes très élevées de la part de tous les critiques. Peter est d’origine danoise et a créé peu de temps après Flor de Pingus, qui n’est pas un second vin de Pingus mais un vin élaboré sur des parcelles distinctes de plus grandes surfaces, puisque Pingus ne dépasse pas quatre hectares et sept mille bouteilles. Peter nous dit que son domaine est à taille humaine et c’est vrai, car ce que nous visitons paraît étrange et lilliputien après Vega Sicilia. On dirait une maison de poupée. La philosophie est très différente, car ici le vin ne reste pas plus de deux ans en cave ou en bouteilles au domaine, ce qui est quatre fois moins que Vega Sicilia. Les deux vins sont en pur tempranillo.

Nous goûtons Flor de Pingus 2010 qui est équilibré et gourmand malgré son jeune âge puis Pingus Ribera del Duero 2010 qui, comme on peut s’y attendre est plus fermé que le Flor plus accessible. Mais il promet beaucoup et me plaît. Sa longueur est un don de la nature. Le Flor de Pingus 2009 est plus ensoleillé et joyeux que le 2010, et le Pingus Ribera del Duero 2009 frappe par sa "balance" dont Peter nous avait parlé lorsque nous étions dans la cour. Ce vin est d’un équilibre rare, déjà extrêmement accessible et si j’avais un seul reproche – mineur – à lui faire, c’est d’être presque trop parfait. Arrive enfin le Pingus Ribera del Duero 2000, qui est un vin magnifique, la démonstration du talent de vinification de Peter. Il est riche, encore outrageusement jeune, avec une belle amertume qui promet un vieillissement long. C’est un grand vin et Peter est content que je l’aime, car il me connaissait au travers de mes écrits et nous nous étions croisés il y a quelques années lors de primeurs à Bordeaux. Il m’a fait le plaisir de laisser croire que mon avis compte.

Peter est chaudement félicité par tous, et chacun demande comment accéder à l’une des sept mille bouteilles seulement de ce grand cru confidentiel. Ravi de cette journée nous rejoignons notre hôtel à pied.

6 – dîner à l’hôtel Fuente de la Acena à Quintinilla de Onésimo

Avant le dîner, le champagne Bollinger sans année est probablement affecté par un problème de stockage. Nous dînons à notre hôtel le long du Duero.

Jean commande un vin blanc Mar de Frades, Albarino 2009 qui aura, au mieux un succès d’estime. Peter Sisseck nous avait donné un magnum de Pingus 2006 et je suis interloqué. Comment un vin de 15,5° (excusez du peu) peut-il avoir cette douceur et cette précision ? C’est assez phénoménal et on se demande comment un vin aussi équilibré peut exister. Mais un des amis a l’idée de nous offrir un Vega Sicilia Unico 1999. Et la leçon est percutante. Alors que j’allais céder au charme redoutable du Pingus, le Vega Sicilia Unico vient nous montrer que l’on peut combiner charme et puissance avec une complexité déroutante au velouté incroyable. Ce vin est une énigme gustative permanente tant il brouille les pistes pour nos papilles attentives. C’est un vin immense. Un ami double la mise avec un autre Vega Sicilia Unico 1999 de la même caisse, avec le même accomplissement.

C’est à mon tour d’offrir et dans une carte assez pauvre, je choisis un Champagne Ruinart Brut beaucoup plus charmant que je n’aurais imaginé.

L’amitié entre membres du groupe s’est renforcée sur ces deux jours inoubliables. Il est hautement probable que nous allons ajouter plusieurs chapitres à cette success story en envisageant d’autres voyages vroum-vroum mémorables. Les instants qui resteront plus particulièrement sont l’ouverture d’un vin au fer rouge, la stratosphérique folie investisseuse raisonnée de Pablo Alvarez, le charme et l’équilibre du Pingus et l’époustouflante complexité des Vega Sicilia Unico 2000 et 1999.

Visite à Pingus, Ribera del Duero photos lundi, 18 avril 2011

voici les installations, qui paraissent lilliputiennes après Vega Sicilia !

Peter Sisseck nous explique l’histoire de son domaine créé en 1995

chai de vieillissement

la dégustation dans le hall des cuves; de dos la fille de Peter, cavalière émérite

la cave avec quelques fûts en ciment

un domaine très attachant, à taille humaine, dirigé par un passionné

à Alion et Vega Sicilia Unico photos lundi, 18 avril 2011

Visite à Alion

Xavier, l’oenologue du groupe Vega Sicilia

Visite à Vega Sicilia Unico

Le jardin japonais

Xavier devant le tableau de bord de ses 80 fûts

la fabrication des tonneaux de chêne américain

le stockage en fûts (on voit par le personnage à peine visible la taille du fût de vieillissement) puis en bouteilles

la chapelle

le repas dans la maison de Pablo Alvarez

la maison

la table qui malgré sa taille a permis à tous de discuter ensemble

les vins

les plats

les magnums de VSU ont des tableaux d’art moderne espagnol reproduits sur l’étiquette. Les originaux sont aussi au domicile de Pablo Alvarez.

Pablo Alvarez nous rejoint

San Sebastian photos dimanche, 17 avril 2011

au restaurant Rekondo, la cave aux 100.000 bouteilles

la salle de dégustation

l’une des allées

quelques doubles-magnums de Mouton

de vénérables Vega Sicilia Unico des années 20

l’apéritif

sur la carte des vins, deux pages uniquement pour Marquès de Riscal

les vins

les couleurs sont très proches : à gauche le Valbuena 1998 et à droite le vega Sicilia Unico 1960

les plats

Une étrange façon d’ouvrir les bouteilles de vin dimanche, 17 avril 2011

Au restaurant Rekondo à San Sébastian, à la cave de plus de 100.000 bouteilles dont une collection impressionnante de Marquès de Riscal et de Vega Sicilia Unico nous prenons à deux une bouteille de Vega Sicilia Unico 1960. Nous avons bien fait car cela nous donnera l’occasion de voir la plus étrange des méthodes pour ouvrir une bouteille de vin.

Le sommelier arrive avec un petit réchaud à gaz avec un support qui garde verticale une immense tenaille terminée pas des mâchoires en demi-cercle. La tenaille reste sur le feu pendant cinq bonnes minutes.

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Puis le sommelier prend la tenaille toujours verticale et enserre le goulot de la bouteille pendant trois minutes. Il enlève la tenaille et il suffit d’asperger d’eau fraîche pour que le goulot se sectionne sur une coupure très nette. Il badigeonne avec un pinceau pour enlever un éventuel copeau de verre et la bouteille sectionnée en bas du goulot peut être servie. C’est très étrange, mais ça marche.

visite à Pommery photos lundi, 11 avril 2011

un lieu à l’architecture très originale

la Villa Louise qui sera le siège de grands repas de vins rares

lors de la visite, vue sur la cathédrale de Reims

deux gigantesques tonneaux. Celui de droite a été fait par Gallé pour une exposition aux USA

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ça surprend de voir un éléphant dans cette position !

de même que des hippopotames dans les galeries rémoises, c’est inhabituel !

un manège

mais dans les 2 kms de galerie, il n’y a pas que de l’art : on y travaille aussi

je n’ai pas descendu le grand escalier

les caves de vins antiques, dont le 1874 qui est un symbole de la maison Pommery car ce fut le premier vin non dosé de toute l’histoire de la champagne. J’ai vainement essayé de convaincre Nathalie Vranken de la boire avant qu’il ne soit trop tard.

les vins du déjeuner

les couleurs sont intéressantes; de gauche à droite Pommery 1959, Diamant 1985 et Louise 1989

bouchon du Pommery 1959 et à côté celui du Chateau Chalon 1934

les vins du repas

quelques plats

notre table

photo avec le chef

déjeuner au siège du champagne Pommery lundi, 11 avril 2011

Depuis déjà quelque temps Nathalie Vranken, propriétaire avec son mari Paul-François du groupe éponyme, m’avait proposé de venir déjeuner au siège du champagne Pommery. L’occasion se présente et je suis accueilli par Stanislas Thierry directeur du développement et par Thierry Gasco chef de cave et œnologue de la maison Pommery.

Nous visitons un ensemble immobilier assez surréaliste aux architectures audacieuses. Les structures métalliques en poutres rivetées et les briques donnent une image très industrielle à des halls intelligemment conservés et adaptés aux nécessités de processus modernes. La plus grande cuve de maturation en inox peut contenir l’équivalent de cinq cent mille bouteilles. C’est assez impressionnant. L’est encore plus la visite des caves aux galeries de près de deux kilomètres, qui, d’une façon très originale et très réussie, abritent une exposition d’art moderne monumental. Il faut dire qu’avec des salles de trente-cinq mètres de haut, les artistes peuvent voir grand. Buren a personnalisé de façon durable une galerie. C’est bien vu.

Dans l’espace de réception de la maison Pommery, l’art est aussi à l’honneur dans des salles marquées par le style des années trente où le bois aux belles envolées domine. C’est idéal pour accueillir des tableaux résolument modernes.

Comme il fait soif après la promenade, nous allons au bar du cercle où nous est servi à température idéale le Champagne Pommery Cuvée Louise 1999. La démonstration est convaincante car ce beau champagne gourmand a plus de longueur et de consistance que ce que j’imaginais. Il est sans histoire, champagne de soif que l’on boit avec envie. Des propos échangés en cave, il paraissait probable que Nathalie Vranken ne participerait pas au déjeuner et ne nous rencontrerait qu’à l’apéritif. Quant à Paul-François Vranken, la chance de le voir à nos côtés était encore plus faible.

Lorsque le magnum de Champagne Pommery Cuvée Louise 1989 est débouché, la plus belle bulle qui éclot est Nathalie, souriante et pimpante, qui nous rejoint. J’essaie de faire comprendre qu’il faudrait absolument boire le Pommery 1874 emblématique de la maison avant qu’il ne meure, mais si je suis têtu, j’ai trouvé mon maître, car Nathalie considère cette bouteille comme la clef de voûte de sa maison.

Paul-François nous rejoint et j’aime son enthousiasme pour le 1989 qu’il apprécie de façon gourmande. C’est qu’il est particulièrement bon et je suis impressionné par la façon dont il claque en milieu de bouche. Il y a un coup de fouet gustatif du plus bel effet. C’est je crois le 1989 de Louise le meilleur que j’aie bu, ce qui montre l’effet bénéfique du stockage au domaine.

J’ai dans ma musette une munition pour le cas où. Quand je sens que Nathalie et Paul François pourraient rester déjeuner avec nous, je sors mon arme secrète, et bien sûr ce n’est pas cela qui a emporté la décision, mais cela a un peu aidé.

Nous passons dans la jolie salle à manger avec nos verres du 1989 qui devient de plus en plus brillant. C’est un beau champagne doré, aux évocations de fruits jaunes et de pâtisserie.

Le menu du cercle qui a changé en cours de route en fonction des vins ouverts est : Saint-Jacques et gambas, jus acidulé à la mandarine et à la pistache / joue de bœuf, fondue de raisins blonds, foie gras aux truffes / comté et tomme de Savoie / gâteau de riz de Liège.

Le Champagne Pommery Cuvée Louise magnum 1989 continue de montrer à table sa flexibilité gastronomique, trouvant un bel écho avec les gambas.

Le Champagne Diamant magnum 1985 se présente dans une belle bouteille biseautée évoquant les facettes du diamant. Il n’y a pas d’étiquette ce qui permet d’admirer le ciselé du flacon. Le vin est merveilleux. Sa couleur est blanche à côté du jaune très doré du 1989. Ce contraste est spectaculaire. Le champagne est merveilleux, montrant une noblesse remarquable. L’aisance du champagne est très nette. On pense aux vins de Guigal qui ont cette aisance qui est compatible avec une grande complexité. La joue de bœuf met en valeur l’aptitude du 1985 à briller à table.

Mon arme secrète est le Château Chalon Jean Bourdy 1934 qui est d’une année souvent considérée comme la meilleure du 20ème siècle. Et j’aime jeter un pont entre les vins jaunes anciens et les grands champagnes. Le lien se crée, mais c’est surtout avec le champagne suivant qu’une résonance va se créer.

Le Champagne Pommery magnum 1959 arrive avec son habillage normal au lieu d’être sans étiquette. On sent que la bouteille a vécu et Thierry regrettera d’avoir pris cette bouteille sortie de Reims et revenue à son berceau. Il eût préféré une bouteille restée en cave toute sa vie. Car le vin est poussiéreux. Mais dès que l’aération joue son rôle, le 1959 reprend son rang. C’est un grand Pommery. J’ai un palais fait aux très vieux Pommery. Celui-ci commence à entrer dans ce monde de délices. La main se tend entre le champagne et le Château Chalon sur le comté et surtout sur la tomme. Le 1934 est un des plus beaux Château Chalon de cette année que j’aie goûtés. Ce 1959 n’est pas aussi noble que le Diamant 1985, mais c’est un beau champagne d’un grand équilibre.

Je classerais dans ce déjeuner : 1 – Diamant 1985, 2 – Château Chalon 1934, 3 – Louise 1989, 4 – Pommery 1959. Mais une mention spéciale ira au 1999 qui est vraiment un champagne de plaisir.

Le dessert est accompagné d’un Late Harvest Porto Rozès 2007 jeune et claquant la langue, puis d’un Porto Rozès de plus de quarante ans au goût fruité comme un jeunot mais à l’assise et la profondeur d’un ancien.

Nous avons brassé des tas de projets dont un qui tient à cœur à Nathalie. Il s’agit des millésimes d’Or. L’idée est de mettre en valeur un patrimoine unique de vieux champagnes sur une haute gastronomie, comme je le fais dans mes dîners. Il y a des tonnes de belles pistes. Voilà qui va alimenter beaucoup de réflexions.