photos de Rayas mercredi, 16 mars 2011

Voici quelques bagues de millésimes

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sur le forum de la passion du vin une discussion s’est lancée sur des faux Rayas 1978. La mention "0,75" sur l’étiquette serait l’indice de faux Rayas.

Voici l’achat de 4 Rayas que je viens de faire :

D’abord, les quatre contre étiquettes, dont on remarque que la droite n’est pas dans l’axe du triangle :

la typographie est proche de l’étiquette du 1970

Les capsules des 1978

Par comparaison les capsules de trois 1988 achetés au même moment et qui semblent avoir plus souffert

les étiquettes des quatre 1978

Au vu de ces bouteilles, j’ai beaucoup de mal à imaginer qu’ils s’agisse de faux. Car les capsules ont "vécu" et les étiquettes, dont deux sont en lambeaux, ne peuvent pas avoir été collées récemment. Quand aux bagues de millésimes, elle semblent collées depuis longtemps.

Rajoutons à cela la couleur des vins, qui semble d’époque. Alors vrai ou faux ?

Une journée particulièrement « vineuse » lundi, 14 mars 2011

Une journée particulièrement "vineuse"

1 – présentation de vins de Bourgogne 2008

Chaque année "Les Domaines Familiaux de Tradition" de Bourgogne présentent un nouveau millésime. Aujourd’hui c’est 2008. Alors que j’arrive assez tôt, la grande salle du rez-de-chaussée du Pavillon Ledoyen est noire de monde. Il faut dire que cette présentation de vins est "le" grand moment du monde du vin. Voici quelques impressions picorées de-ci, de-là.

Le Corton Charlemagne Bonneau du Martray 2008 est comme toujours un vin précis et de grande sécurité. Le Corton Grand Cru rouge Bonneau du Martray 2008 est un vin que j’apprécie beaucoup. Il va falloir qu’il s’ouvre encore pour montrer la forte personnalité que j’aime.

J’ai beaucoup apprécié le Morey-Saint-Denis 1er cru Les Monts Luisants domaine Dujac 2008, alors que le Clos de la Roche domaine Dujac 2008, plus grand dans l’absolu est dans une phase un peu ingrate. Le Mazis-Chambertin domaine Faiveley 2008 est d’une belle fraîcheur. C’est un vin que j’aime pour son élégance. Le Pommard 1er Cru Grands Epenots Michel Gaunoux 2008 est bien agréable. Le Clos Vougeot du Château de la Tour 2008 est solide et relativement classique.

Les trois blancs du domaine Comte Lafon le Meursault, le Meursault Clos de la Barre et le Meursault Charmes 2008 sont de solides gaillards, en pleine possession de leurs moyens. Par contraste la puissance des vins du domaine Leflaive est assez spectaculaire : le Puligny-Montrachet, le Puligny-Montrachet Clavoillons et le Puligny-Montrachet Pucelles 2008.

Le Clos Vougeot Méo Camuzet 2008 est un beau vin bien construit. Le Pommard Les Rugiens domaine de Montille est un vin dont j’aime la délicatesse qui ne cède à aucune mode.

Tous les vins du domaine Georges Roumier sont des modèles de précision, même s’ils ne sont pas tous dans le même état d’épanouissement. Le Chambolle Musigny est bon, le Morey-Saint-Denis Clos de la Bussière est un peu en dedans, j’aime beaucoup de Chambolle Musigny les Cras et le Bonnes Mares Georges Roumier 2008 est très prometteur.

Tout me plait dans le domaine Rousseau, même le Gevrey-Chambertin villages qui est très gourmand. J’aime beaucoup le Gevrey-Chambertin Clos Saint-Jacques de beau caractère, un peu moins le Charmes-Chambertin moins épanoui, et j’adore -évidemment – le Chambertin Clos de Bèze Armand Rousseau 2008.

Sur les fromages de la fromagerie Loiseau, j’ai goûté un Beaune Clos des Mouches Jospeh Drouhin 2006 fort plaisant.

Autour de moi les commentaires étaient mitigés, plusieurs personnes critiquant les rouges de ce millésime. Mon impression est plutôt que les vins sont remarquablement faits, car tous ces domaines travaillent merveilleusement bien, mais que plusieurs vins sont encore dans une phase ingrate et s’épanouiront progressivement. Il me semble qu’on se félicitera naturellement de ce millésime en blancs, mais que ce sera aussi le cas pour les rouges dans quelques années.

2 – déjeuner au restaurant laurent

Sortant du Pavillon Ledoyen je vois des vignerons qui se demandent où ils vont déjeuner. Un groupe est prêt à se former. Nous pensions être cinq, mais en fait nous ne serons que trois à déjeuner au restaurant Laurent.

Je choisis la palette de légumes raves relevés d’huiles aromatiques et épicées et un dos de cabillaud cuit au naturel, brandade truffée. L’un des vignerons voulait choisir un Saint-Joseph 2009 mais voyant ma moue devant la jeunesse du millésime il porte son choix sur une Côte Rôtie R. Rostaing Côte Blonde 2004. Personne ne dit rien, mais le vin est assez décevant. On dirait un vieux bourgogne qui a mal vieilli. Il n’a franchement pas grand-chose à dire, manquant de précision et relativement amer. Les légumes sont bons mais la sauce assez vinaigrée n’est pas l’amie des vins, alors que le cabillaud est magistral et cohabite bien avec le vin rouge qu’il réveille. Nous avons évidemment parlé de vins, et ce fut un bien agréable déjeuner impromptu avec deux grands vignerons.

3 – présentation des vins du domaine Antinori

A peine sorti du restaurant je me présente à l’hôtel Royal Monceau où Piero Antinori présente les vins de son domaine, le domaine Antinori. La décoration de l’hôtel est toute récente, et comme dans beaucoup d’hôtels nouveaux, ce sont les tons de bois marron qui dominent, les éclairages créant les atmosphères recherchées. De sculpturales hôtesses sont vêtues de marron pour que seul le rouge de leurs lèvres illumine le chemin à suivre vers les salles de réception. Leurs stilettos rehaussés de semelles épaisses les font apparaître encore plus grandes. Indépendamment de la présentation générale des vins, les V.I.P. du monde du vin sont reçus dans une salle de dégustation où chaque place est dotée de nombreux verres de dégustation très efficaces et très coûteux. L’atmosphère est studieuse.

Piero Antinori explique qu’il représente la 27ème génération de sa famille à la tête du domaine Antinori. Cette constance familiale vaut à son entreprise d’être classée parmi les Hénokiens, mais il m’explique qu’il s’en est un peu écarté car il s’occupe d’autres organisations de vignerons.

La première dégustation porte sur les Tignanello situés au cœur du Chianti Classico. Nous goûtons 1997, 2001, 2004 et 2007 après avoir bu un blanc, un Castello Della Sala 1999 de la région d’Ombrie. Le vin blanc a un nez très riche, très "vieilles vignes". Ce vin lourd au fort alcool est typé et très minéral. L’âge lui donne de l’équilibre.

Pour les rouges, ma préférence va vers le plus jeune, vin gourmand, marqué par la douceur.

Alors que nous étions en train de déguster les vins, Philippine de Rothschild vient s’asseoir à l’une des tables pour participer à la dégustation. Elle nous explique qu’elle est venue pour témoigner son amitié à Piero Antinori. C’est une attention toute particulière et d’une grande amitié et c’est assez surprenant de voir la baronne assise comme une écolière, puisque la disposition des tables donnait l’ambiance d’une salle de classe.

On nous demande de prendre une pause d’un quart d’heure pour permettre la mise en place de la salle pour la deuxième dégustation, celle des Solaia. Ne pouvant pas rester puisque le devoir m’appelle, je triche en me faisant verser un Solaia 2001. Quel grand vin ! Le saut qualitatif est immense et ce vin me plait. Il fait partie des grands vins italiens.

4 – présentation de vins d’Alsace

Ayant promis d’aller à une présentation de vins d’Alsace, je me précipite à l’hôtel d’Evreux, sur la place Vendôme, magnifique bâtisse. Dans une grande salle, le nombre de vignerons est très important. Et, comme seuls les alsaciens savent le faire, les victuailles typiquement alsaciennes sont de grande qualité.

Il est d’une évidence criante que le riesling est un vin blanc d’une immense noblesse. Sa précision et sa fraîcheur en font un vin de plaisir. Les variations selon les terroirs sont considérables, mais il faut absolument succomber à ce cépage divin.

Jean-Michel Deiss est toujours aussi passionnant à écouter parler avec passion des vins de son domaine. J’ai butiné rapidement sur quelques stands, saluant des vignerons que je connais.

5 – conférence dégustation à l’Institut Supérieur du Marketing du Luxe

Et très vite, je quitte une assemblée joyeuse et nombreuse pour aller à l’Institut Supérieur du Marketing du Luxe pour animer une conférence dégustation sur les vins anciens.

Le directeur a fait les choses avec un grand sérieux, car les 25 élèves présents ont dû, pour être acceptés à cette séance, justifier leur motivation à y participer. Les étudiants se sont présentés, et il y a dans cette assemblée très cosmopolite beaucoup de beaux projets et d’expériences. La semaine précédente, j’étais allé à la Maison du Chocolat pour choisir deux chocolats, un plus amer et un plus typé. Et j’ai présenté deux vins, un Rivesaltes 1974 et un Maury 1947 des vignerons de Maury. Et l’idée de l’expérience est de comparer les deux vins bus seuls, puis bus avec chacun des chocolats.

Il est apparu que bus seuls, c’est le Maury qui plait le plus du fait de l’équilibre que lui donne son âge, le Rivesaltes évoquant le pruneau, quand le Maury évoque la griotte. Le Rivesaltes s’associe bien avec le premier chocolat et profite de cette association. Le Maury s’associe mieux avec le second chocolat, mais n’en profite pas tant que cela, car nous préférons le Maury seul. Une grande unanimité est apparue sur chaque vote, ce qui n’est pas si fréquent.

J’adore converser avec des jeunes qui représentent des forces d’avenir, et ont envie de réussir. Certains d’entre eux participeront à la prochaine académie des vins anciens.

Laurent et Antinori – photos lundi, 14 mars 2011

au restaurant Laurent avec deux vignerons, une Côte Rôtie R. Rostaing 2004

les vins proposés à déguster par Antinori

une étonnnate ressemblance entre les armoiries sur les verres de dégustation et sur le cahier de dégustation fourni par Antinori

dîner chez Tomo – photos samedi, 12 mars 2011

Champagne Egly-Ouriet 1999

le groupe de vins

Champagne Jacques Selosse 1999

Champagne Krug Clos du Mesnil 1990

Champagne Dom Pérignon 1949

Chevalier-Montrachet Domaine Leflaive 1957

Corton Charlemagne Coche Dury 2000 (je n’ai pas pris de photo individuelle – voir photo de groupe ci-dessus)

Château Margaux 1947

Clos de la Perrière Fixin premier cru # 1915

Chateau Guiraud 1891 – le bouchon est extrêmement rétréci sur une grande partie de la longueur

j’ai tiré le bouchon à la main, sans tirebouchon !

le débouchage ne fut pas sans surprises

les préparatifs du repas, les chefs et les produits

les plats

Paris nous a regardé pendant ce beau repas

145ème dîner de wine-dinners au domicile de mon ami Tomo samedi, 12 mars 2011

Tomo est le plus charmant ami que l’on puisse imaginer. Il est fou de vin et il cuisine. Jean-Philippe est aussi amoureux de vin et cuisine comme un Dieu. Nous avions fait il y a deux ou trois semaines une reconnaissance des lieux et un inventaire des ustensiles et appareils. Nous avions bâti la trame principale du dîner et des vins. Les deux chefs devaient se coordonner et se répartir les approvisionnements aux meilleures sources de Paris. Ce fut fait. Compte tenu de sa forme, ce dîner sera compté dans les dîners de wine-dinners, avec le numéro 145.

Un peu avant 17 heures, je me présente au domicile de Tomo avec un grand bouquet de fleurs que ma femme offre à la femme de Tomo. Elle nous rejoindra plus tard. J’ouvre les bouteilles du dîner. Le Corton Charlemagne Coche Dury 2000 a un bouchon qui sent le bouchon. L’odeur du vin est désagréable. Elle est poussiéreuse et coincée. Nous essayons une goutte qui confirme que le vin n’est pas bouchonné, mais qu’il est coincé. Laissons-lui du temps, mais il n’est pas normal que ce grand vin soit aussi coincé.

En revanche, le Chevalier-Montrachet Domaine Leflaive 1957 explose de fruit dans nos narines, autant que le bouchon a explosé en miettes en sortant. Malgré une couleur très ambrée, il se présente bien.

Le Château Margaux 1947 est insolent de perfection. Son bouchon superbement élastique est venu en une pièce, et le parfum est à se damner tant il est grand. Le Clos de la Perrière Fixin premier cru que je date d’avant 1920 du fait de la bouteille soufflée, sans exclure plus vieux encore, a un bouchon court sous une cire qui s’est solidifiée. La partie basse du bouchon ne veut pas monter aussi suis-je obligé de faire des mouvements de torsion dans tous les sens. Dès que le bouchon est dégagé, c’est une odeur exceptionnellement belle et profonde qui se dégage. Ce vin est "forcément" d’une grande année du fait de l’extrême puissance olfactive. Ce pourrait être 1915 par exemple, ou 1899.

Tomo me fait remarquer que le haut du bouchon du Guiraud, que je date d’avant 1900 car il fait partie d’un lot du 19ème siècle, est rétréci sous son chapeau. Le haut du bouchon est si dur que je n’ose pas piquer mon tirebouchon, aussi vais-je essayer de sortit le bouchon en tirant à la main. Il me faut plusieurs minutes et j’arrive à sortir le bouchon entier par des petites secousses répétées. Ce bouchon est incroyable, car il est resserré sur 90% de sa hauteur, et seule la base est évasée, d’une largeur plus importante que celle du goulot, quand l’élasticité lui permet de s’élargir. Comment un tel bouchon a-t-il permis pendant plus d’un siècle au liquide de se conserver intact, avec un niveau haute épaule qui défie l’entendement quand on voit le bouchon ? Le parfum du vin est d’une rare complexité, les agrumes dominant. Nous essayons de lire l’année sur le bouchon. Je crois reconnaître 1891 date qui est très probable car j’en ai achetés de cette année.

Pendant l’ouverture, Tomo me fait goûter un Champagne Egly-Ouriet 1999 ouvert la veille qui est noble, mais se ressent de sa nuit blanche.

Jean-Philippe arrive avec des victuailles à ajouter à celles qui s’amoncèlent dans la cuisine. Prévoyant que je puisse trouver le temps long pendant que les deux cuisiniers s’affairent, il a apporté une andouille de campagne qui, je le précise, est une charcuterie. J’en découpe des tranches qui vont accompagner un Champagne Selosse 1999 qui est absolument délicieux. Dégorgé en janvier 2009, il a une couleur déjà soutenue d’un or clair, sa bulle est forte et ce champagne au goût joyeux est très académique, tranchant avec le style habituel de Selosse qui est normalement beaucoup plus sauvage. Mais nous aimons beaucoup ce champagne bu debout dans la cuisine.

Ma fille cadette et mon gendre arrivent. Le dîner va pouvoir commencer. Le menu composé par Tomo et Jean-Philippe est : foie gras poêlé au navet caramélisé / consommé de homard, homard grillé, ormeaux et poireaux grillés / sole en croûte de sel, purée de céleri rave sauce beurre noisette aux herbes / ris de veau à l’arbousier panais et radis japonais / carré d’agneau de lait et chanterelles / veau basse température carottes violettes / ravioles de mangues et pamplemousses roses.

Le Champagne Krug Clos du Mesnil 1990, cadeau de Jean Philippe, fait pousser des "oh" et des "ah" à mon gendre, tant il est conquis par ce champagne parfait. Plus clair que le Selosse, d’une grande jeunesse de robe, il a une bulle très fine et très élégante. Sa complexité est infinie. Il décline des notes florales autant que de fruits et de pâtisseries. On aurait du mal à en explorer toutes les variations. Et l’on sent qu’il est un compagnon de gastronomie sans limite. L’association du foie gras poêlé avec des navets confits est très pertinente et le navet excite le Krug avec brio.

Avant que le second plat n’arrive, Tomo, qui joue le rôle du sommelier me verse un peu du Champagne Dom Pérignon 1949 et en levant mon verre, j’ai peur pour ce champagne qui passe après une merveille. Et un sourire vient immédiatement sur mes lèvres : ce 1949 est encore plus grand que le Clos du Mesnil. Les votes seront d’ailleurs sans appel. La robe est légèrement ambrée, la bulle a disparu, ce qui nous met en présence d’un "autre" champagne, puisque la comparaison avec des champagnes actuels n’est pas signifiante, mais ce vin est d’un charme diabolique. C’est très difficile de décrire un vin aussi complexe, partant dans toutes les directions gustatives. Il est strict sur les ormeaux, presque sucré sur la chair du homard, et prend une longueur extrême sur le consommé. Je suis heureux car je n’avais jamais bu cette année mythique et rare de Dom Pérignon. La partager dans cet état de perfection est un immense bonheur.

Tomo a offert le Chevalier-Montrachet Domaine Leflaive 1957 à la robe ambrée qui pourrait faire craindre une évolution excessive, mais ce n’est pas le cas. Le vin est très agréable, l’évolution est là, mais n’empêche pas le parfum d’être riche et affirmé et le goût d’être profond et fruité. Le vin est magnifié par un accord que je considère comme le plus grand de ce repas, réalisé par Tomo. Car la sauce aux herbes qui accompagne la sole et la purée de céleri est d’une complexité qui réveille le Chevalier en fanfare. C’est un accord sublime et d’une rare pertinence.

Même s’il s’agit d’un très bon vin, le Corton Charlemagne Coche Dury 2000 de Tomo joue vraiment "en dedans". Il est comme rétréci. Bien sûr, on devine ce qu’il pourrait nous raconter, mais on sent trop qu’il est entravé. Le ris de veau est magnifique. Tomo, dans sa générosité, nous propose d’apporter une autre bouteille du même vin. Nous refusons tout en le remerciant.

Le Château Margaux 1947 est un vin parfait. Sa couleur est d’un rouge sang glorieux, sans la moindre trace d’âge. Le nez est un parfum glorieux, raffiné comme il n’est pas permis. Et en bouche, c’est la gloire absolue. Il serait impossible de noter le moindre petit défaut au vin qui a tout pour lui. Un velouté extrême, une mâche sereine et une longueur infinie. C’est réellement impressionnant. Le carré d’agneau bien rose lui convient totalement.

Alors que va donner le Clos de la Perrière Fixin premier cru # 1915 ? Tomo me sert et là encore, je suis stupéfait que l’on puisse aller encore plus loin. Car ce vin résume toute la qualité des vins de Bourgogne. Sa robe est moins pure que celle du Margaux, mais n’a quasiment aucun tuilé. Le nez est charmeur comme le sont les vins d’années puissantes. Et en bouche le vin décline toute la beauté des vins que j’aime. Et la sauce du veau basse température exhale les parfums de rose et le goût de rose de ce très grand vin, que je classerai devant le Margaux. Un Fixin de ce calibre impose le respect.

Le Château Guiraud Sauternes 1891 est la définition la plus pure d’un sauternes du 19ème siècle. Sa robe est d’un acajou radieux, le nez est impérial, évoquant aussi bien les agrumes que les fruits confits. Et en bouche tout est délicieusement mesuré, le pamplemousse, les fruits exotiques, une petite trace de thé vert, le tout sur un fond de délicatesse qui n’exclut pas une profondeur extrême. C’est le sauternes idéal, très différent des Yquem de la même période, et je serais bien embarrassé de dire lesquels je préfère, car celui-ci est ciselé comme peu de sauternes le sont.

Pour finir le repas, Tomo confectionne une glace à la truffe qui est merveilleuse. Cet ami a des trésors de cuisine qui ne demandent qu’à s’exprimer.

Nous sommes cinq à voter pour quatre vins préférés parmi les huit vins et seulement cinq vins auront des votes. Deux seulement auront des votes de premier, le Guiraud trois fois et le Dom Pérignon deux fois.

Le classement du consensus serait : 1 – Champagne Dom Pérignon 1949, 2 – Château Guiraud Sauternes 1891, 3 – Château Margaux 1947, 4 – Clos de la Perrière Fixin premier cru # 1915, 5 – Champagne Krug Clos du Mesnil 1990.

Mon classement est : 1 – Château Guiraud Sauternes 1891, 2 – Clos de la Perrière Fixin premier cru # 1915, 3 – Champagne Dom Pérignon 1949, 4 – Château Margaux 1947. A la lecture des votes, Jean-Philippe est convenu que mon vote est le plus proche de la réalité. Mais y en a-t-il une ? Le fait que le Clos du Mesnil ne soit que cinquième en dit long sur la performance des autres vins.

Je voulais associer les talents culinaires de deux amis, et force est de constater que ce fut particulièrement brillant. Tomo, qui jouait sur son terrain, a réussi des plats exemplaires. J’ai eu plaisir à constater que les quatre vins que j’avais apportés, qui tous me tiennent à cœur, étaient dans un état exceptionnel. Ajoutons à cela la chaude amitié, et nous tenons l’équation d’un dîner parfait.

some pictures of my cellar vendredi, 11 mars 2011

The empty bottles of Yquem were organised by my son. I prefer when it is stored in a random way

he put together the Haut-Brion, but I prefer the inorganic storage which follows

There is a specific room for empty bottles. there is a 6L Lafite 90, a 6L Margaux 85, a 6L La Tâche 88

I made a "chapel" for the Cros Parantoux Henri Jayer

I made a "chapel" for Romanée Conti with in the middle a magnum of 45

I kept also the corks !

A big row of magnums of champagne

some full bottles standing : a collection of wines of Cyprus of the first half of the 19th century

Another view of empty bottles

At the beginning, the empty bottles were stored in a row like on this picture. But now I have much too many !

leçon d’humilité en dégustant à l’aveugle jeudi, 10 mars 2011

Jean-Marc Quarin est un écrivain du vin qui publie des analyses de vins sur divers supports. Vivant à Bordeaux, il anime à Paris un club d’amateurs qui se réunit environ huit fois par an. Il me propose de me joindre à son groupe car le thème est "les bordeaux hermitagés". Le sujet me tente et je dis oui, sans imaginer que mon interprétation du thème est diamétralement opposée à celle de Jean-Marc.

Pensant que l’on va aborder le goût de bordeaux des années 20 et 30 puisqu’il fut une époque où pour renforcer et colorer des vins clairets, on ajoutait un peu de vin d’autres régions, je propose d’apporter une bouteille qui pourrait être un témoin à charge ou à décharge selon le cas, un Château Rauzan-Gassies sans étiquette que je suppose des années 20 du fait de la forme de la bouteille, et j’ajoute au moment de venir un Château Gruaud-Larose 1964.

Le rendez-vous est au restaurant Drouant et nous aurons la chance de nous réunir dans la salle des Goncourt. Etant en avance, j’ai le temps d’ouvrir mes bouteilles. Hélas, lorsque je découpe la capsule du Rauzan-Gassies, avant même que je ne plante mon tirebouchon dans le liège, une odeur insistante de bouchon envahit mes narines. Pendant la soirée cette odeur ne me quittera pas et ce n’est qu’en fin de soirée que j’ai réalisé que l’assiette où j’avais disposé les bouchons, située dans mon dos sur une étagère, diffusait cette odeur extrêmement prégnante. Lorsque le bouchon est enlevé, d’une belle élasticité, ce qui explique le niveau élevé, presque à hauteur du goulot, je peux lire le millésime : 1934. L’odeur du vin n’est pas bouchonnée, mais on ressent une certaine fatigue. En revanche, le Gruaud-Larose, dont le bouchon s’émiette, dégage un parfum de grande sérénité et joyeux.

Les convives arrivent, dont beaucoup de jeunes et engagés dans le monde de la finance ou de l’internet. Jean-Marc nous explique que nous dégusterons à l’aveugle en plusieurs séries, en comparant des Hermitage de Chave ou de Jaboulet, avec des bordeaux ou des mélanges volontaires des deux vins. Il cite les millésimes des Hermitage, tous jeunes. Tout sera dégusté à l’aveugle avant le repas.

C’est à ce moment que commence une belle leçon d’humilité. Car pour des vins jeunes, dont les tannins sont très présents et affirmés, on est loin des vins plus fondus et subtils que je déguste habituellement.

La première série comprend un Hermitage et un bordeaux. Jean-Marc nous demande de trouver chaque vin et de dire lequel nous préférons. J’ai faux, car je pense bordeaux pour l’Hermitage La Chapelle Jaboulet 2007 et hermitage pour Château Beauséjour Duffau-Lagarosse 2005. Et le vin que j’ai préféré est le second, le bordeaux. Les deux vins sont très bien faits et je constate à quel point la frontière est difficile entre ces vins. Ce qui m’a trompé, c’est que le 2005, plus accompli, montre une puissance que j’ai attribuée à l’Hermitage.

La deuxième série de deux vins n’a aucune annonce, donc j’imagine qu’il faut chercher entre un bordeaux et un Hermitage. Les nez sont extrêmement proches. Je considère que le deuxième, plus souple est le bordeaux. Et j’ai encore faux, car le premier est le Palmer Historical wine XIXth century 2007, fait de 70% de Palmer et de 30% de syrah. Et c’est alors que je comprends le thème de la soirée, qui est d’aborder des mélanges volontaires entre bordeaux et Hermitage. Et c’est ce mélange que je considère à l’aveugle comme le meilleur des vins de la série, l’autre étant l’Hermitage Chave 2007, car je trouve au mélange un bel équilibre, alors que le Chave a un final moins précis. Pour moi ces deux vins sont extrêmement proches.

La troisième série est de trois vins et Jean-Marc nous annonce un bordeaux, un Hermitage et un mélange. Je ne suis pas peu fier, car j’ai trouvé les trois, ce qui prouve que l’expérience aide, et j’ai trouvé le nom du vin et l’année de l’Hermitage. Le premier est un mélange Le Duo mélange de 50% de Château La Lagune et de 50% d’Hermitage La Chapelle 2007. Une des raisons de l’existence de ce vin est que les deux composants sont vinifiés par Caroline Frey. C’est donc un mélange, thème de la soirée, mais qui n’a pas la même pertinence que le Palmer. On sent le mélange moins cohérent et moins justifié. Le deuxième est absolument magnifique, et j’ai nommé son nom et son année, c’est l’Hermitage Chave 2005. Il est superbe. Le troisième est le Château Prieuré Lichine 2006, que je trouve très élégant.

La quatrième série est un vin seul, sur lequel nous n’avons aucune indication. Le nez est très étrange avec de la feuille de cassis du poivre et de la menthe. La bouche est déroutante, mais qu’est-ce que c’est bon ! Je me trompe complètement, malgré une première piste qui était la bonne et que j’ai rejetée. Ce vin que je considère comme le plus grand de ce que nous avons bu en vins jeunes est l’Hermitage Chave 2003.

Pas la moindre piste pour la cinquième série à deux vins. Je m’évertue à vouloir trouver un bordeaux et un Hermitage, alors que nous avons l’Hermitage Chave 1998 et l’Hermitage Chave 1995. Le deuxième a un léger bouchon qui ne reste pas. Il semble pinoter.

A part les trois derniers vins dont l’âge permet de sentir des nuances, j’ai été gêné par le fait que la jeunesse des vins masque un peu leurs différences. Mais la qualité des vins servis est impressionnante, la richesse et la force tannique étant une constante, à quelques nuances près.

Les serveurs nettoient notre table pour notre dîner : amuse-bouche / des poireaux en vinaigrette avec des filets de rougets poêlés / du quasi de veau avec des pommes de terre Rattes et des champignons / un macaron au chocolat, clémentine fraîche et son sorbet.

Jean-Marc nous fait goûter à l’aveugle deux vins blancs, et je dois avouer qu’à l’impossible nul n’est tenu. Quand c’est trop jeune pour moi, c’est vraiment trop jeune. Il s’agit du Bordeaux blanc Château Lafont-Fourcat 2009 et le Cygne de Château Fontréaud Listrac blanc 2009. Inutile de décrire des vins assez fruités mais franchement trop jeunes.

A l’aveugle, nous goûtons l’Hermitage Chave 1991 et je lui trouve beaucoup de similitudes avec le 2003. C’est un très grand vin qui a des accents bourguignons. Je lui préfère la folle jeunesse du 2003.

C’est au tour de mes vins d’entrer en scène. Le Château Gruaud Larose 1964 est absolument séducteur. Il est arrondi, suave, avec un charme fou. Beaucoup de convives sont étonnés qu’un vin de 47 ans puisse avoir cette jeunesse. Le vin plaît à tous. Je prends beaucoup de précautions pour demander de l’indulgence envers le Château Rauzan-Gassies 1934. Car s’il n’y a pas de réel bouchon, il y a une légère acidité et un léger voile qui affadit un peu le vin. Mais à ma grande surprise, le vin s’épanouit dans le verre, et sans être un vin flambant neuf, il délivre encore un message audible. On peut imaginer ce qu’il a été et prendre un certain plaisir à le boire. J’ai constaté avec satisfaction que chacun a joué le jeu.

Le club de dégustation est joyeux et sérieux, la seule jeune femme brillant par ses remarques pertinentes. Jean-Marc est didactique et laisse chacun s’exprimer car toutes les erreurs sont permises. J’avais mal interprété l’objet de la réunion "les bordeaux hermitagés". Mais je ne regrette pas du tout d’avoir bu de beaux Chave.

Si je devais donner mes préférences de ce soir, ce serait : 1 – Gruaud-larose 1964, 2 – Chave 2003, 3 – Chave 1991, 4 – Palmer Historical et 5 – Chave 2005. Le sommelier William que j’ai connu en d’autres maisons a fait un excellent service des vins, s’amusant de nos remarques folles. La salle des Goncourt est une belle salle. Cette leçon d’humilité à la dégustation est un moment rafraîchissant et original. Merci Jean-Marc Quarin.