Grand Tasting Master Class Le génie du chambertin samedi, 11 décembre 2010

La Master Class suivante à laquelle j’assiste a pour nom : « le génie du Chambertin ». La présentation est faite par Bernard Hervet, l’un des plus compétents vinificateurs de la Bourgogne.

Le Latricières Chambertin est le moins chambertin des chambertins car il est au sud, proche du Clos de la Roche. Le Latricières Chambertin domaine Louis Rémy 1999 a une couleur rose claire, et un nez subtil. En bouche, c’est très élégant. C’est un vin très fin. D’une grande précision et très délicat, il est déjà très bon à boire. Bernard Hervet dit que c’est un vin à boire jeune.

Le Mazis-Chambertin domaine Faiveley 2008 est du Mazis Haut. Il est d’un rose rubis. Le nez est puissant. Le vin est très pur, au joli fruit. Il est très bien fait, avec un peu de poivre et ne demande qu’à s’ouvrir. Il est de belle fraîcheur, un peu sec. Il va bien vieillir. Le mot qui lui convient est précision.

Le Clos de Ruchottes Chambertin domaine Armand Rousseau 2005 est plus coloré que le Mazis. Le nez est divin. Quel charme ! En bouche, il est d’une folle élégance, d’un charme inégalable. Il est grand. De bel équilibre, c’est un vin de plaisir.

Le Chambertin domaine Rossignol Trapet 2005 a une couleur encore plus dense. Le nez est un peu plus fermé mais séduisant. Il est encore dans les limbes, mais il annonce une puissance énorme. Il en a sous la pédale comme on dit. Moins précis que le Rousseau, c’est un grand vin riche, fait de beaux raisins.

Michel Bettane avait annoncé en début de séance que le Chambertin Clos de Bèze domaine Pierre Damoy 2002 n’est pas arrivé. Mais comme la cavalerie américaine qui arrive toujours à la fin des films de John Wayne, nous allions plier nos affaires quand on nous crie : « il est là ». Le temps de l’ouvrir et nous découvrons un vin d’un rose gris mais très beau, au nez très affirmé et riche. Voilà un vin souple, voluptueux, rond et riche. C’est un vin plein qui nous laisse deviner les ébauches de pétales de rose qui apparaîtront dans quelques années.

La comparaison de ces expressions de climats des grands crus du Chambertin est absolument passionnante.

Grand Tasting Master Class Le génie des grands bordeaux samedi, 11 décembre 2010

Il faut faire un virage gustatif complet pour aborder la Master Class « le génie des grands bordeaux avec la Commanderie du Bontemps, du Médoc, des Graves, Sauternes et Barsac » qui présente quelques vins représentatifs choisis par Michel Bettane.

Le Château La Tour Martillac blanc 2006 a un nez très riche et pur. Sa couleur est d’un beau jaune. En bouche, il est très sec, mais je n’ai pas le palais encore prêt à l’accueillir. Le fruit est joli et l’œnologue du château confirme que sa volonté est de mettre en valeur le fruit. Il y a un goût de zestes d’agrumes. C’est un bon vin assez strict, très bien fait.

Je sens un léger bouchon dans le château Pape Clément rouge 1996. La couleur fait "vieille". Le vin est astringent, fumé, truffe. En fait il n’y a pas de bouchon, mais un vin plus évolué qu’il ne devrait. Michel Bettane signale qu’en général, Pape Clément est le plus séducteur des Pessac Léognan.

Le Château Mouton-Rothschild 1989 est d’un brun foncé. Son nez est très élégant. On retrouve cette élégance en le buvant. Il est déjà très intégré, équilibré. Son astringence montre une jeunesse réelle. C’est un vin riche qui va bien vieillir.

Le Château Montrose 1998 est d’une couleur très noire. Le nez est discret. C’est un vin riche et bien fait. Je trouve un côté rive droite dans ce vin. Il est viril et vineux et me plait plus que le Mouton. Il est d’une belle fraîcheur.

Le Château Suduiraut 2001 est d’un or déjà foncé. Le nez est riche. Ce vin superbe est d’une rare richesse, faite de fruits confits.

Je n’ai assisté qu’à la fin de la Master Class "le génie de la Loire", car je ne voulais pas rater le Vouvray le Haut Lieu domaine Huet 1989. Ce vin est une réussite éblouissante du chenin, avec une espérance de vie qui dépassera le siècle.

Grand Tasting Master Class Le génie du vin samedi, 11 décembre 2010

La grande Master Class, c’est "le génie du vin". La salle n’est pas pleine et le prix a peut-être dissuadé des amateurs.

Le Champagne Mumm cuvée R. Lalou 1998 est issu de douze parcelles vinifiées séparément, dont les vignes ont de 40 à 60 ans. Il est présenté par Didier Moretti, chef de cave, à qui j’ai raconté la relative déception du vin bu l’avant-veille. Celui qui nous est présenté retrouve ce que j’en attendais. Le nez suggère un vin très tendu. La bulle est active. Le vin est fumé, concentré, de belle fraîcheur. Il est dosé à 6 grammes. Il y a de la noisette et du fumé. Michel Bettane signale que l’assemblage est réussi quand on ne peut pas distinguer le pinot noir du chardonnay, ici à 50 – 50.

Didier a ajouté au programme le Champagne Mumm Cuvée René Lalou 1985 en magnum. Le nez est puissant, expressif et minéral. Le jaune est profond, presque encore vert de jeunesse. C’est un champagne parfait. Il a l’équilibre et la plénitude, il est rond, concentré, presque fumé et à l’évidence, gastronomique. Il a été dégorgé il y a six mois et dosé à 4 grammes. Il est d’une belle puissance et Michel Bettane dit qu’avec ce final, il est fait pour de la gastronomie lyonnaise lourde.

Le Riesling Clos Sainte Hune Trimbach 2000 est présenté par Pierre Trimbach. Il a une belle couleur jaune d’or. Le nez est superbe de raffinement. Fait dans une année solaire sur un sol calcaire, il a connu une vendange précoce. Le goût est très fumé. On sent le tabac, la minéralité et le vin est long. Jeune, il était dans le fruit et maintenant, c’est la minéralité qui apparaît. Dans dix ans il sera encore plus grand. Il n’a pas de sucre et le moelleux existe car les raisins ont été cueillis mûrs. Le parti pris de faire un vin sec est une réussite.

Le Clos de la Roche domaine Dujac 2004 est d’un rose rubis. Le nez est très riche, exprimant l’alcool et le fruit. En bouche, le vin est d’une élégance extrême. Il est beau dans sa jeunesse. Tout est subtil. Michel Bettane parle de toucher de bouche extrême. C’est la finesse qui caractérise ce vin. Il est assez acidulé, le bois est bien dosé. L’amertume et l’astringence sont bien maîtrisées. Quand le verre lui permet de s’épanouir, on sent un fruit plus joyeux. C’est une leçon d’élégance et de vinification. Je dois dire que c’est un des vins que j’ai le plus adoré de ce Grand Tasting, avec le Ridge Monte Bello 1997.

Le Château Gruaud Larose Saint-Julien 2000 est présenté par son propriétaire Jean Merlaut, qui pratique le tri à la vigne et est adepte de la cuve en béton. La couleur du vin est un peu trouble et fraise. Le nez est profond mais doux. En bouche, le vin est très boisé, et c’est le bois qui s’impose en premier. Le fruit est masqué par les tannins. Le final est sec. Michel Bettane nous dit que dès que les arômes faisandés se dispersent, se révèlent le côté floral et les épices. Ce vin est dans une phase intermédiaire. Il faudra y revenir dans dix ans.

Le Château Angélus Saint-Emilion 2000 est d’une belle couleur. Le nez est élégant et profond. C’est un vin brillant comparé au Gruaud-Larose. Il y a une belle harmonie entre le bois et de beaux fruits frais et rouges. Le final est riche. C’est un vin lourd, bien installé qui se boit avec plaisir. Hubert de Boüard parle de tannins cachemire. La fraîcheur est mentholée, l’équilibre est sensible. Le vin est vraiment bon à boire alors que le Gruaud demandera encore dix ans pour briller.

Le Vieux Télégraphe, Chateauneuf-du-Pape 1998 a une couleur qui évoque les bourgognes un peu âgés. Le nez est très doux et un peu évolué. Le goût fruité et les fruités indiquent un vin déjà évolué. Le boisé est présent et élégant. Les fruits sont un peu cuits. Thierry Desseauve parle d’un millésime mythique, un des plus brillants de ces 25 dernières années. Progressivement, le fruit devient magistral. Il faut savoir que tous les vins de ces Master Class sont servis très frais. Le vin est chaleureux, séducteur. C’est un vin aux arômes tertiaires fait pour le gibier. Il rappelle un peu les Barolos.

Le Ridge Monte Bello 1997 est élevé sur des vignes qui culminent à 900 mètres. Il a une très belle couleur rouge rubis. Le nez est riche et évoque le fruit noir, les épices mentholées et l’eucalyptus. En bouche il est rond et charmeur. Ce vin équilibré est d’une séduction extrême. Il a une finesse soyeuse, une pureté totale. Pour moi, il est immense, car sa fraîcheur eucalyptus cohabite avec une puissance sans égale.

Vient maintenant un cadeau de Pierre Lurton, non inscrit au programme. Le Château Cheval Blanc 1975 a une couleur très jeune et pure. Le nez est très jeune, rare et élégant, plein de finesse. En bouche l’attaque est très légère et agréable. Le final est un peu camphré, un peu sec et herbeux. C’est un grand vin mais un peu sec et herbeux. Pierre Lurton fait beaucoup d’humour et je vois sa cousine Bérénice Lurton qui le regarde avec des yeux marqués d’étonnement. Il dit que la texture en bouche est soyeuse et que l’on sent le tabac et le pain d’épices, ce qui ne m’apparaît pas aussi évident. Le vin s’ouvre et c’est un vin fin, comme on disait à une époque. Il a l’élégance et la longueur. Sa présence en bouche est infinie.

Le point final de cette Master Class, c’est le Château Climens Barsac 1989. Sa couleur est déjà dorée mais très jeune. Le nez est raffiné. Le vin est d’une jeunesse rare, marquée par la finesse et l’élégance. Il est joyeux et séducteur, d’une fraîcheur extrême. Je le trouve plus beau que le 1990 que j’avais goûté avec Bérénice à la présentation de Climens à Sciences Po.

Avec un journaliste gastronome italien nous nous livrons à l’exercice d’imaginer les plats qui iraient avec ces vins et cela m’a inspiré une jolie brochette de plats, dans l’ordre de dégustation des vins : carpaccio de coquilles Saint-Jacques, truffe blanche, bar, veau rosé basse température, rognon de veau, gigot d’agneau, cailles, oreiller de la belle Aurore, épaule d’agneau confite, homard.

Des vignerons souriants nous on fait goûter des trésors des vignes françaises et un vin californien exceptionnel, sans doute le plus excitant pour moi.

Grand Tasting Master Class les 2002 de Bollinger vendredi, 10 décembre 2010

Une autre Master Class est consacrée aux 2002 du champagne Bollinger. Les vins sont vinifiés et mûrissent dans des fûts de chêne pour les grands vins. L’assemblage est fait d’une majorité de vins de réserve.

Le Coteaux Champenois La Côte aux Enfants rouge Bollinger 2002 a une couleur de bourgogne. Le nez est délicat. Son goût est léger, un peu amer, avec une astringence finale. Il n’y a pas de grande longueur. C’est un vin difficile pour moi, même s’il a le charme de la curiosité. C’est lui qui entre en partie dans la composition du Grande Année rosé.

Le Champagne Bollinger Grande Année 2002 est d’une année exceptionnelle. La couleur est d’un beau jaune de blés en épis. Le nez est discret et la bouche très fine. En bouche, l’image qui me vient est celle d’une boulangerie où le pain vient juste d’être fait et sort tout chaud des panières. Le champagne est riche, cake, pâtisserie, pain chaud convivial. C’est un vin de garde. Mathieu Kauffmann dit que c’est un vin de garde. Il est dosé à 8,5 gr.

Le Champagne Bollinger Grande Année rosé 2002 est d’un rose léger, à la bulle lourde. Il est très joli et très différent des rosés de Taittinger. Sa persistance aromatique est extrême. Il est riche, fruité, fin élégant et très typé. Ce rosé parfait a beaucoup de personnalité.

Le Champagne Bollinger Récemment dégorgé 1976 a une couleur encore très claire. Il est à peine plus foncé que le 2002. Ce RD est resté en cave de 1977 à 2007. Il n’a pas bougé pendant trente ans sur lattes, ce qui est extrêmement rare. Le nez est minéral et le goût est minéral, un peu astringent, très complexe au final fluide. Il y a de la noisette, du beurre et du pain grillé, de la gelée et des zestes d’agrumes Pendant ce temps, le rosé qui a perdu sa bulle montre à quel point il est élégant. Michel Bettane parle du 1976 comme ayant des couches de complexités successives. Il y a une petite amertume finale mais une grande complexité. Je préfère le Grande Année blanc 2002.

Grand Tasting Master Class les rosés de Taittinger vendredi, 10 décembre 2010

La Master Class suivante présente les rosés de Taittinger. Même sans boire, je viendrais pour écouter Pierre Emmanuel Taittinger qui est un orateur brillant, charmeur comme ses vins. Il est accompagné par Damien Lesueur son directeur, et comme tous les grands patrons charismatiques, il dit : "Damien vous dirait que …" et il continue. Le rosé de Taittinger est fait de pinot noir rouge auquel on ajoute du vin blanc. Le rosé de saignée est fait en laissant la peau du raisin noir. Ici, le rosé est le fruit d’un mélange de deux vins. La méthode est plus coûteuse mais donne une couleur persistante et des fragrances plus prononcées.

Damien cite les acidités des quatre champagnes : 7 gr pour le 2004, 10 gr pour le 1996, 9 gr pour le 1995 et 8 gr pour le 1993. Les quatre champagnes ont été dégorgés il y a un an. Ils sont tous les quatre dosés à 9 grammes.

Le Champagne Taittinger rosé 2004 est d’un rose peu saumoné d’une rare élégance. On parle de couleur œil de perdrix ou gorge de pigeon. Pierre Emmanuel dit que cette couleur est la couleur originelle des champagnes du 18ème siècle qui n’avaient pas le blanc d’aujourd’hui. La couleur est très belle et lumineuse. Le nez est doucereux. Le goût est très doux, sensuel, délicat. Pierre-Emmanuel Taittinger parle de "seamless", sans couture, pour désigner un grand assemblage, quand on ne peut différencier les composants, trop imbriqués entre eux. Il ya des fruits roses confits et un final élégant plein de fraîcheur.

Le Champagne Taittinger rosé 1996 est d’une couleur rosée plus jeune. Le goût est fluide. Le vin pulse, coule en bouche. Il est extrêmement délicat, chaleureux. C’est la perfection dit Pierre-Emmanuel Taittinger. Ce 1996 est exceptionnel. Il n’est que charme et douceur. Le vin est souple et son nez délicat.

Le Champagne Taittinger rosé 1995 a une couleur plus rose que le 1996. Il est moins séducteur, plus strict. Plus janséniste, plus intellectuel. Et à mon grand étonnement Michel Bettane dit que le 1995 est plus rond que le 1996. Dans le 1995, le vin rouge ressort plus que le blanc.

Le Champagne Taittinger rosé 1993 est d’un rose très élégant, ni rose ni jaune ni blanc, mais un peu des trois. Le nez est subtil. Le champagne est magnifique, très joli, intéressant. Je le trouve déroutant, insaisissable. J’adore son côté très gastronomique. Il est très grand.

Alors, est-ce le charme de Pierre-Emmanuel Taittinger qui m’a fait aimer ces champagnes rosés ? Le charme était dans les mots et dans les verres.

Grand Tasting Master Class Les étoiles de Pomerol vendredi, 10 décembre 2010

La Master Class suivante est consacrée aux "étoiles de Pomerol". Pétrus 1947 est le vin qui a été servi au mariage d’Elizabeth II., ce qui a aidé à la notoriété du pomerol, qui a démarré après la deuxième guerre mondiale. Michel Bettane dit que le pomerol a des arômes de violette qu’on ne trouve que dans les grands pomerols, qui évolue ensuite vers des arômes de truffes. Il dit que 2001 est meilleur que 2000, alors qu’en rive gauche, c’est le contraire.

Le Château Le gay 2008 est présenté par Catherine Péré Vergé, d’un volontarisme qui force l’admiration. Le vin a un nez chaleureux. On le sent moderne mais bien assumé. La bouche est évidemment moderne, mais ça tient la route. Pour moi, ce vin est un peu trop formaté. Attendons de voir, car il a été mis en bouteilles en juin 2010.

Le Château l’Evangile 2005 n’est pas venu, ce qui contrarie beaucoup de participants. Le Château La Conseillante 2005 est présenté par Jean Valmy Nicolas. Le nez n’est pas très équilibré et la couleur est très noire. Le nez est un peu trop puissant. En bouche le vin est chaleureux, presque trop doucereux. Il s’ouvre dans le verre et s’organise mieux. Dès qu’il s’est ébroué, c’est un vin hyper puissant, à l’image des 2005, mais moins dans la ligne des Conseillante que j’aime.

Le Château Gazin 2001 a un nez discret et élégant. En bouche, le vin est élégant, très truffe, mais plus que truffe car il est très soyeux. Nicolas de Bailliencourt peut être fier de son enfant.

Grand Tasting au delà des Master Class vendredi, 10 décembre 2010

Au-delà des Master Class, le Grand Tasting offre la possibilité de participer à des expériences de cuisine et de vins. J’y suis allé entre deux classes. Xavier Thunet a présenté de magnifiques fromages avec des accords judicieux dont un m’a interloqué. Associer un vin rosé du Château Roubine, Côtes de Provence rosé 2009 à un roquefort est particulièrement osé et contre toute attente, ça marche avec une légèreté judicieuse.

Dans un autre atelier le chef Jean-Jacques Daumy a présenté une délicieuse crème de lentilles aux truffes qui a fait exploser de joie un Château Bourgneuf-Vayron Pomerol 2008. Un autre accord de belle intelligence s’est trouvé entre une tartelette au combawa de la pâtisserie Hugo et Victor avec un Vouvray du domaine de la Taille aux Loups 2009. L’accord est frais, jouant sur les acidités légères de la crème pâtissière et du vin. J’ai retrouvé avec plaisir Hugues Pouget, que j’ai connu pâtissier chez Guy Savoy et qui a réalisé des desserts merveilleux pour mes vins.

Comme si les Master Class et les ateliers gourmands n’avaient pas suffi, je me suis promené de stand en stand, sans but précis, car acheter les vins actuels n’est pas dans mon programme. J’ai préféré saluer des domaines que je connais et où j’ai des amis. Nicolas Henriot étant présent, j’ai goûté les beaujolais de la Villa Ponciago, dont un Fleurie 2006 au juteux réjouissant, un autre beaujolais riche splendide, plein, grand beaujolais de garde, et un vin qui n’est pas commercialisé, "le livre de messe", car sa parcelle a la forme d’un livre ouvert. Ce vin est sacrément bon, juteux, joyeux et confondant de générosité. Un futur trésor de cave.

Le Château Gilette 1989 est le dernier commercialisé de cette maison qui est la dernière à offrir chaque millésime. C’est un très beau sauternes encore jeune, plus jeune que ses pairs. Déjà riche et élégant, il promet d’être grand.

Le Château Palmer 1996 m’a été servi trop chaud. Mais on sent que c’est un vin de très belle construction, racé et déjà prêt à être bu.

Le Château Raymond Lafon 2005 est d’une maison que j’apprécie beaucoup. Il est agréable et sans prétention, ce qui ne veut pas dire sans qualité, et joli à boire dès maintenant.

Au stand de William Fèvre, le Chablis Grand cru Les Clos William Fèvre 2005 est un joli modèle de superbe chablis.

Chez Charles Heidsieck le Champagne Charles Heidsieck Blanc des Millénaires 1995 est un très beau champagne de très forte personnalité. Je l’avais bu au Carré des Feuillants la veille du Grand Tasting et il confirme. Le Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1990 est d’un très grand épanouissement. J’adore son style. Le Champagne Cristal Roederer 2004 est encore bien jeune mais bien fait.

Le champagne Pol Roger Cuvée Winston Churchill 1999 est superbe et tout à fait à mon goût. Le Champagne Comtes de Champagne Taittinger 1999 est brillant, rond et joyeux. Le Champagne Veuve Clicquot Cuvée Privée 1990 est très orthodoxe et bien dessiné. On peut dire qu’il était possible de goûter un nombre de champagnes d’exception assez impressionnant.

J’ai sympathisé avec un sympathique vigneron qui fait La Croix Saint Jean Minervois dont j’ai goûté les 2008, 2006 et 2004. De trois expressions très différentes, ces vins sont en recherche d’excellence et cela m’a bien plu.

Au stand de Mas Amiel j’ai goûté le Maury Mas Amiel 1969 qui est magnifique et nettement meilleur que le Maury 1929 que j’ai présenté aux élèves de Sciences Po lors de la présentation de Climens par Bérénice Lurton.

Croisant Pierre-Emmanuel Taittinger au hasard d’une allée, il m’a fait goûter des vins de Savoie dont il est propriétaire. J’y ai retrouvé l’élégance raffinée que j’avais décelée dans ses champagnes rosés.

Le Grand Tasting permet, selon mon analyse, d’aborder des grands vins de trois façons. Soit dans des Master Class où ce sont les vignerons eux-mêmes qui présentent leurs vins avec une rare générosité, soit dans des ateliers culinaires où des accords vibrants et intelligents sont proposés, soit aux stands où la disponibilité des uns et des autres permet de mieux approcher un producteur ou une région. Au bout de deux jours, j’étais épuisé, mais j’avais participé à un grand moment de partage de la connaissance du vin.

présentation de Climens à Sciences Po jeudi, 9 décembre 2010

Prenons les choses dans l’ordre. L’académie des vins anciens s’est terminée hier ou plutôt, tôt ce matin. Ce soir, le groupe "in vino veritas" des élèves de Sciences Po reçoit Bérénice Lurton qui va présenter Château Climens. Je serai à ses côtés comme je l’avais été à la récente présentation d’Yquem par Pierre Lurton. David, l’organisateur m’a proposé de me joindre au dîner qui suivra cette conférence-dégustation. Fatigué par l’académie et contrarié par la neige qui paralyse les banlieues, je décline son invitation.

Je rends visite à son bureau à un ami, Michel, qui me dit : "un de mes amis, vigneron italien, vient de m’expédier une magnifique truffe blanche. Je dînerai ce soir avec un vigneron allemand et son épouse. Alain Dutournier va cuisiner autour de ma truffe. Veux-tu te joindre à nous ?". Et pour me tenter un peu plus, il me conduit à sa voiture où une boîte en bois, écrin de trois belles truffes blanches, embaume l’atmosphère.

A cet instant, plus de fatigue, plus de neige. Je dis oui. Il est probable que je serai en retard du fait de la présentation de vin. Je demande à Michel que le repas commence sans moi.

A Sciences Po, à 19 heures, c’est une intense fourmilière. Toutes les salles disponibles sont encore prises d’assaut pour des cours ou pour des activités ludiques comme celle de la notre. Pas moins de quarante élèves et d’étudiants d’autres écoles viennent écouter Bérénice Lurton qui présente l’histoire de sa propriété qui n’a pas changé de territoire depuis deux siècles. Son père l’a achetée en 1971. Propriétaire de Brane-Cantenac et père de dix enfants dont Bérénice est la cadette, il a voulu que chacun de ses enfants soit à la tête d’un domaine viticole. On comprend que le nom de Lurton soit aussi présent dans le paysage bordelais. Bérénice Lurton explique les spécificités du terroir de Barsac, très différent du reste du sauternais.

Nous goûtons Cyprès de Climens 2008, le deuxième vin de Château Climens, fait pour être agréable très jeune. On sent les fruits confits, un bel équilibre et une présence en bouche certaine. Le Château Climens 2007 est beaucoup plus gracile, frais, élégant. C’est encore un enfant. Très prometteur et porteur du style Climens.

Le Château Climens 2005 est un vin puissant, riche et l’on sent qu’il faudra beaucoup attendre avant de jouir de toutes ses qualités. Le Château Climens 2002 est calme, élégant, et beaucoup plus prêt à boire que le 2005. J’aime beaucoup ce vin moins tonitruant.

Le Château Climens 1990 a tous les attributs d’un grand Climens. La juxtaposition avec le Château Climens 1976 est très intéressante, car ils sont très différents. Le 1990 est le colosse qui n’a pas fini de grandir. Le 1976 est racé, moins doté par la nature que le 1990 mais joue sur son charme pour séduire.

Ces vins très différents ont une constante, c’est d’être très bien faits. Ils ont des fruits confits très ronds et équilibrés, dont l’insistance varie selon les millésimes. Tous sont d’une grande fraîcheur. On imagine aisément les richesses qu’ils offriront à leur maturité.

Les élèves ont acheté à ma demande des chocolats qui sont bons mais hélas, fantaisie. Il y a des crèmes ou des parfums qui vont limiter la démonstration que je veux faire de la pertinence de l’accord du chocolat avec un Maury 1929. L’accord est là, mais pourrait être plus spectaculaire. Le Maury a passé plus de 70 ans en fût et a été mis en bouteille il y a environ dix ans. Ce qui est souhaité, c’est de montrer à quel point l’âge arrondit les saveurs. Et c’est probant, car les saveurs de pruneaux se sont apaisées. Et l’on peut percevoir combien le chocolat arrondit encore plus le vin.

Bérénice Lurton a fait une présentation aussi élégante que son vin. L’expérience Maury et chocolat a été divertissante. Je quitte cette assemblée intéressée et compétente car le devoir (une truffe blanche) m’appelle.

Les élèves attentifs

les vins dégustés

Bérénice Lurton présentant ses vins

explosion de truffe blanche au Carré des Feuillants jeudi, 9 décembre 2010

Au restaurant le Carré des Feuillants, Monica, Armin et Michel m’attendent, malgré ma recommandation de ne pas le faire, autour d’un Champagne Mumm cuvée R. Lalou magnum 1998. Je me joins à eux et le champagne me paraît assez ennuyeux. Il est bien fait, mais l’émotion n’est pas là, ce qui étonne Michel qui ne retrouve pas le goût qu’il avait en mémoire. J’en ai parlé au chef de caves de Mumm qui présentait au Grand Tasting ce même vin. Dans cette autre atmosphère, il m’a beaucoup plu. Mes amis ont faim, et Alain Dutournier aime tellement discuter avec Michel que nous avons peur que le festival ne démarre pas. D’autant qu’Alain vient nous mettre sous le nez la truffe encore dans sa boîte, nous disant qu’il n’a jamais senti une truffe blanche de cette qualité. Ce que nous ne savions pas, c’est que tout se prépare en coulisse avec une extrême efficacité.

Voici le menu qu’Alain Dutournier a conçu, donnant libre cours à son talent : infusion de girolles spéciales d’Arcachon en aumônières de calamar et truffe blanche d’Alba / saumon sauvage juste poché en gelée de sous-bois et délicatement fumé à l’aulne, avocat en chantilly et truffe blanche d’Alba / bouillon mousseux de châtaignes, truffe blanche d’Alba râpée, aiguillette de poule faisane pochée / tronçon de turbot sauvage étuvé dans son jus de cuisson, truffe blanche d’Alba, semoule de brocoli et riz noir / la truffe noire à la truffe cuite entière à l’étouffée – piccata de ris de veau / envie de lièvre en prestigieuse "royale", le râble servi en rosé en médiéval "saupiquet", quelques gourmandises braconnier / vacherin et truffe blanche d’Alba / perles de mangoustan, marrons glacé "Mont-Blanc", parfait vanillé, gelée de rhum.

Ce repas réalisé par le grand chef pour la truffe a été d’un niveau exceptionnel, avec une sensibilité extrême, d’un niveau de trois étoiles.

Le Mumm est vite remplacé par un Champagne Charles Heidsieck Blanc des Millénaires 1995. L’écart de présence et de personnalité est très grand. Ce champagne très vineux, puissant, à la grande longueur nous ravit. Il est plein, typé, expressif. Il "cause".

Le sommelier qui a assuré le service tout au long du repas s’est régalé à entendre les supputations de Michel fort en verve, car tout s’est déroulé à l’aveugle. Il dépose devant nous trois blancs. Le Jurançon sec La Canopée domaine Cauhapé 2007 est d’un jaune clair et jeune. Je suis frappé par la construction d’une précision extrême de ce vin. Il est fin, précis et élégant. Pour moi, son nez est définitivement sud-ouest et Michel est de ce même avis. Puis il change, se mettant à explorer plusieurs régions. Je suis sûr qu’il s’est amusé à brouiller les pistes par ce numéro de patinage artistique interrégional.

Le Jurançon sec Château des Navailles F. Paul 1992 est plus doux que le 2007 et plus fruité, mais moins fin. Je le trouve un peu plus pataud. Le Pur Sang Didier Dagueneau Pouilly Fumé 1996 au nez de litchi est un vin canaille qui pirouette, d’un immense vigneron hélas disparu, que je suis incapable de situer dans sa région. Là aussi nous avons tous fait du patinage artistique, glissant sur les régions avec une insolente légèreté. Le vin est beau, et sa complexité atypique m’a empêché de le reconnaître. C’est un grand vin.

C’est sur le vin suivant que la bonne humeur de Michel s’est exprimée de façon éclatante. Il lance, tout de go : "si ce vin là n’est pas un Pessac Léognan, je quitte mon métier". Et sa confusion est grande puisqu’il s’agit du Vin de jardin Alain Dutournier 2001, vin qui doit être de son sud-ouest. Brillant de précision, riche en bouche et joyeux, c’est un vin de belle mâche au fruit généreux.

Pendant que nous cherchons, nous prenons quand même le temps de nager dans les odeurs de truffe blanche invraisemblablement enivrantes. Les plats concoctés par Alain Dutournier sont au sommet de la gastronomie. La châtaigne crée un accord prodigieux.

Alain a voulu que la truffe noire soit aussi à l’honneur, et le Château La Cabanne pomerol 1989 nous a immensément plu, réussite superbe d’équilibre d’un grand pomerol pour la truffe noire, mais aussi pour le plat le plus chaleureux, le divin lièvre à la royale, dont la force est adoucie par le foie gras.

Le vacherin et la truffe blanche ont formé un couple parfait. Le Maury Thunevin Calvet 2007 est joliment fait dans sa fraîcheur juvénile. Nous voulions éviter le dessert mais Alain nous l’a imposé. Michel voulait un digestif et nous a entraînés vers un Bas Armagnac domaine Charlot 1970 d’une pureté exemplaire.

Alain Dutournier a fait une cuisine exceptionnelle en traitant la truffe blanche dans des compositions éblouissantes. Michel était en pleine forme. A la générosité de Michel qui a offert la truffe blanche a répondu la générosité d’Alain qui nous a offert le repas. Ce fut un grand moment d’amitié.