les vins, deux jours après.. vendredi, 3 septembre 2010

Il y a une suite !

Alors que je voulais me mettre à la diète totale, ma femme a invité un couple à déjeuner. Il se trouve que toutes les bouteilles du dîner n’étaient pas vides.

Suivons leur parcours : à la fin du repas, je les remets en caisse, ouvertes et debout. Arrivant à l’hôtel dans la voiture d’un ami, les caisses sont données à un concierge. Le lendemain, je repars en voiture avec les caisses dans mon coffre. Dehors, il fait 25 – 26 ° J’arrive après 2h30 de trajet et je sors les caisses que je mets dans une pièce à 22° environ. Elles restent ainsi pendant un jour environ. Je mets le reste du Krug 1982 ce matin au frais. J

e propose aux invités de boire les fonds de bouteilles, après leur avoir demandé d’accepter une offre qui n’est pas très raffinée. Mais j’ai évidemment aussi ouvert autre chose.

Le Krug 1982 a perdu beaucoup de bulle et a pris un petit coup de vieux. Mais sur du saucisson, il se réveille. Et il montre la richesse de sa structure. Le Pétrus 1976 sent bon, mais je n’en ai pas bu, réservant le peu qui restait à mon invité. Le Bouscaut 1918 est étonnamment charmant. Il est bien. On dirait qu’il n’a pas souffert d’avoir été ouvert il y a 45 heures et d’avoir été chahuté depuis. Sa solidité est bluffante. Pour le Lafite 1922, on est au niveau de la lie. On sent un peu d’acidité mais atténuée, on sent la force de la trame à côté du Bouscaut, mais le vin est nettement moins plaisant que le 1918. Le Romanée Saint-Vivant 1990 est réjouissant. Pas de défaut, pas de fatigue, et un bel équilibre bourguignon. Je le préfère presque à ce que j’ai bu lors du dîner, car il s’est épanoui. La divine surprise, c’est le Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus 1947. Le vin est glorieux. Pas le moindre défaut, comme lors du repas. La force alcoolique est là. Mais c’est surtout la plénitude en bouche qui est impressionnante. L’Yquem 1976 a un goût de fruit confit impressionnant. Il n’est pas altéré par le temps.

On a donc presque deux jours après l’ouverture et divers chahuts, la confirmation d’enseignements du dîners : la belle surprise d’un Bouscaut 1918, la déception d’un Lafite 1922 qui n’est plus ce qu’il pourrait être, la glorieuse présence du Beaune Grèves, qui justifie sa place de premier pour le consensus.

La solidité de tous ces vins après le traitement subi est à signaler.

Monaco – photos mercredi, 1 septembre 2010

Les vins du dîners

Les vins sous l’amphore

en groupes

capsules et bouchons

la belle table dessinée et fabriquée spécialement pour nous

les plats. On note la pureté de la présentation des rougets, dans une simplicité qui est l’idéal pour apprécier les vins

le cauchemar de la douche. Où est le bon robinet ?

il est évident que la lecture des titres des lampes est facile dans le noir !!! Petits tracas d’hôtels.

138ème dîner de wine-dinners au Yacht Club de Monaco mercredi, 1 septembre 2010

Un participant d’un dîner récent m’avait demandé si je pouvais organiser un dîner de wine-dinners au Yacht Club de Monaco. L’idée m’avait plu et il y a un mois, je suis allé déjeuner au restaurant du Yacht Club, en vue d’étudier la cuisine et faire des suggestions pour la réalisation du dîner. N’ayant pas trouvé sur place la certitude de garder les vins à des températures conformes, c’est donc aujourd’hui seulement, jour du dîner, que j’apporte les vins au Yacht Club.

L’accueil qui m’est réservé est très chaleureux, car on sent que toute l’équipe est motivée à réaliser un exploit. La présence du Prince Albert et de sa fiancée avait été évoquée, ce qui ajoutait une motivation supplémentaire. Ce n’est qu’hier qu’une annonce a été faite de l’absence de ces hôtes princiers. Il n’empêche, tout bruisse de l’envie de gagner. Les serveurs sont zélés, les sommeliers attentifs, la direction règle tous les choix. Après un repas frugal au restaurant du rez-de-chaussée, je peux monter à l’étage où plus aucun membre du club ne déjeune, pour ouvrir les bouteilles du repas de ce soir. Comme il y a beaucoup de magnums, car nous serons seize à table, c’est dès quinze heures que les bouchons sont tirés. Certains me résistent, comme celui du Pétrus 1976 qui se brise en beaucoup de morceaux, ce qui est inhabituel pour cet âge. A l’inverse, le bouchon de l’Yquem 1976 vient trop facilement, car il tourne dès que la pointe du limonadier s’enfonce. Je pense pouvoir tirer le bouchon en le faisant tourner. Erreur, car le bouchon est si long qu’en fin de levée la lunule du bas se détache, et je la vois aspirée vers le bas par la dépression créée par l’extraction. Il me faut vite piquer une mèche fine dans la lunule pour l’empêcher de tomber. Cette opération réussit, mais j’ai eu peur que le bas du liège ne tombe et flotte, ce qui m’aurait causé beaucoup de problèmes.

Ayant apporté plusieurs magnums de secours, « pour le cas où », je bois chaque vin qui pourrait être incertain, pour envisager les remplacements qui seraient nécessaires. Le Pétrus 1976 est très fermé, le Bouscaut 1918 est assez plat, et le Lafite 1922, même s’il est un peu fatigué, m’envoie un message d’espoir. La Romanée Saint-Vivant 1990 a le temps de s’ouvrir et le Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus 1947 est presque trop fringant pour être vrai. Il affiche une sérénité remarquable. Constatant que le Filhot 1935 est beaucoup plus puissant que ce que j’attendais, avec un nez d’une rare exubérance, je décide d’inverser l’ordre de service des deux liquoreux. Aucun remplacement n’est envisagé. Il m’est donc possible de valider les vins du repas. Le menu est immédiatement imprimé.

Un sujet autrement épineux est le plan de table. Il y a les invitants, il y a un membre du gouvernement de la Principauté, il y a des personnes qui comptent dans le ciel monégasque. Le réglage des convenances et des affinités est fait sous l’autorité de la direction du Yacht Club. Il me paraît prudent de laisser les équilibres se trouver sans que je ne m’en mêle.

Les équipes du Yacht Club se sentaient tellement concernées qu’une table a été spécialement créée pour ce repas. J’avais souhaité que la forme de la table soit celle d’un ballon de rugby, ce qui permet à chacun de voir tous les convives, alors qu’une table qui comporte des bords droits masque la vue au-delà du voisin immédiat. La table a été fabriquée selon mes désirs et montée pendant que j’ouvrais les bouteilles. Les menuisiers se sont déplacés pour vérifier les derniers montages. Je les ai vus intéressés par ma façon d’ouvrir les bouteilles.

Tout étant en ordre, je me rends à l’hôtel Métropole de Monaco où une chambre m’a été réservée. Quand on pénètre dans cet hôtel, on se sent instantanément un homme important. Si des hommes en habit vous regardent comme si vous étiez le dernier empereur de Chine, fatalement, on pense qu’on doit l’être. On s’inquiète de votre santé, de la qualité de votre voyage jusqu’ici, et une responsable de clientèle vous donne sa carte, avec l’indication d’un numéro utile pour le moindre besoin. La chambre est spacieuse. Le lecteur assidu de mes bulletins sait que je fais une fixation sur les douches. Lorsqu’il faut la compétence d’un pilote d’Airbus pour choisir le bon robinet sur un panneau complexe, je redoute, tel Saint Sébastien, d’être transpercé par des jets perfides et assassins. La douche fut bonne. Tout habillé de frais je descends rejoindre un ami. Le réceptionniste me dit : « très bien les vins que vous allez boire. Je suis allé sur votre blog, et c’est impressionnant ». Empereur de Chine, je vous dis !

Avec mon ami, je retourne au Yacht Club pour vérifier les derniers préparatifs, ajuster le speech de bienvenue, et accueillir les participants du dîner avec le Président du Yacht Club de Monaco.

Le 138ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant du Yacht Club de Monaco. Nous somme seize, et pour attendre les arrivants le président du club nous fait servir un Champagne Moët & Chandon sans année. Les monégasques se connaissent, et l’on papote beaucoup, sans prendre beaucoup d’attention au champagne de bienvenue, très classique et sans aspérité.

Nous montons au premier étage et tout le monde contemple les bouteilles et magnums alignés, avec les assiettes contenant les bouchons dont certains sont très abîmés. Il faut beaucoup d’énergie pour qu’enfin tout le monde s’assoie, car les conversations amicales ne peuvent s’arrêter.

Les deux champagnes de début de repas ont été ouverts il y a une heure, pour qu’ils profitent d’une belle aération.

Le menu composé par le chef et son adjoint est ainsi rédigé : Pata Negra et petit palet de feuilleté tomate / Huîtres chaudes gratinées au champagne / Saint Jacques, Risotto pointes d’asperges, truffes d’été / Rougets de Roche juste cuits / Homard Breton, émulsion à la truffe / Demi coquelet braisé, girolles, sauce vin rouge / Noisettes d’Agneau en croûte de thym et petite pomme de terre / Fromage « Stilton » / Les Sablés mangue.

Le Champagne Dom Pérignon magnum 1992 est servi un peu trop froid, aussi la bulle est-elle plus envahissante qu’elle ne devrait. Lorsqu’on réchauffe le verre avec ses mains, la délicatesse de ce champagne apparaît nettement. Le champagne est meilleur que le souvenir que j’avais de ce millésime un peu discret. Le palet feuilleté, par ses notes sucrées confirmées par la tomate elle-même légèrement sucrée, donne de l’ampleur au champagne, alors que le Pata Negra exacerbe intelligemment son élégance de fleurs blanches.

Le Champagne Krug magnum 1982 est à l’antithèse du précédent. Une des convives dit que le Dom Pérignon est très féminin et que le Krug est viril. C’est vrai qu’il est conquérant. Il prend possession du palais sans qu’aucune résistance ne soit possible. Je trouve qu’il y a un peu trop d’épinards dans les huîtres, mais une convive fort experte trouve que c’est au contraire l’épinard qui propulse l’accord avec le Krug. Et cette remarque est justifiée. L’accord de l’huître avec le Krug 1982 est l’un des plus beaux de ce repas. La table s’est divisée entre les krugistes et ceux frappés de pérignonite aiguë. Chaque champagne a eu ses défenseurs, le Dom Pérignon dans sa grâce et le Krug dans sa force conquérante. A noter que seule la couleur plus foncée révélait les dix ans d’écart d’âge entre les deux champagnes, car au goût, le Krug est lui aussi d’une folle jeunesse. Je me suis rangé dans le camp des krugistes, constatant que le format en magnum, et l’aération d’une heure a fait briller les deux champagnes.

Ouvrir un Montrachet Domaine de la Romanée Conti magnum 1996 est forcément un grand moment. Car l’ouvrir est rare, et l’ouvrir en magnum est encore plus rare. Le nez de ce vin est tellement conquérant qu’il déroute ceux qui ne sont pas préparés à de tels parfums. Le vin est particulièrement grand. Et nous avons l’occasion de discuter des composantes du plat qui avantagent le Montrachet. S’agit-il du riz, de la coquille ou de la truffe ? Le risotto donne de l’ampleur au vin qui est opulent, joyeux, de fruits jaunes sucrés. La coquille Saint-Jacques délicieuse donne de la précision au vin, mettant en valeur sa forte définition et la truffe d’été un peu sèche fait ressortir les notes poivrées du vin. C’est cet accord que j’ai préféré, alors que la convive avec laquelle je discourais a préféré celui avec le risotto. Le vin est grand, à la longueur infinie, chatoyant. C’est un grand Montrachet.

On nous sert quatre demi-rougets dont la peau d’un rose éclatant brille dans l’assiette. Autour de ces filets, rien. La nudité absolue, comme je l’aime. Et c’est cette absence de diversion qui rend l’accord avec le Pétrus magnum 1976 spectaculaire. Cette audace culinaire est unanimement applaudie. Immédiatement, le vin charme par son velouté. Le nez est précis, riche, et en bouche, le velouté, le parfum de truffe nous conquièrent. Un convive adorateur de Pétrus est aux anges. Ce 1976 est nettement au dessus des 1976 que j’ai bus. Il n’y a pas que le format magnum qui contribue à cette réussite spectaculaire d’un grand Pétrus. Son velouté est exceptionnel.

Le plat de homard est accompagné de deux magnums des deux vins les plus vieux de ce dîner. Le Château du Bouscaut Grand Cru Classé de Graves magnum 1918 a une couleur assez pâle, légèrement trouble. Son parfum est délicat. En bouche, il est discret mais sympathique. S’il montre une légère acidité et de petits signes de fatigue, la chair du homard et la truffe le réveillent bien et il se boit plaisamment. Il sera d’ailleurs couronné de votes sympathiques.

En revanche, le Château Lafite-Rothschild 1er Grand Cru Classé de Pauillac magnum 1922 dont j’attendais beaucoup, car la fraîcheur mentholée de son message à l’ouverture promettait de belles saveurs, rebute beaucoup par une acidité qui prend le devant de la scène. Malgré mes suggestions d’oublier l’acidité pour appréhender ce qu’il y a au delà, l’acidité fait un barrage. Et si l’on reconnaît une trame respectable de vin riche et dense, on est loin de ce que des essais précédents de ce millésime, que j’ai bu aussi en magnums, avaient apporté. Le vin est intéressant comme curiosité, mais en moi-même, je suis assez marri de voir que la démonstration que je voulais faire n’est pas percutante. J’ai eu toutefois une compensation, car le fond de la bouteille que j’ai partagé avec la convive experte montre une richesse et une densité qui ne subissent plus du tout le poids de l’acidité. Le vin se présente, mais un peu tard, au niveau dont j’avais la mémoire.

La Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1990 est servie en deux bouteilles qui proviennent d’une même caisse et portent des numéros qui se succèdent : 9701 et 9702. C’est la 9702 qui est la meilleure des deux. Les vins sont très proches. Ils sont charmeurs, bien faits, mais ce n’est pas tout à fait ce que j’attendais. J’aime le romantisme de la Romanée Saint Vivant. Sur ce millésime puissant, le vin est plus carré qu’il ne devrait l’être. Il est assez peu typé Romanée Conti. Mais c’est un grand vin, précis, chaleureux, de belle force. Le mot qui convient est : carré. Sur le délicieux coquelet, il est à son avantage.

Le Beaune Grèves Vigne de l’enfant Jésus Bouchard Père & fils 1947 est aussi servi en deux bouteilles. Ce vin est l’expression aboutie de la grandeur de l’année 1947. Le vin est sans défaut, minutieusement construit. C’est un vin rare, abouti, chaleureusement brillant. On ne lui voit pas l’ombre d’un défaut. Nous sommes tellement rassasiés que l’agneau délicieux passe en silence, alors qu’il convient idéalement au vin. Ce vin aura conquis toute la table.

C’est le Château d’Yquem, Sauternes 1976 que j’ai mis en premier des deux sauternes contrairement à mon idée première. Il accompagne un stilton assez salé. 1976 est une année très réussie pour Yquem et ce beau sauternes abricot a le charme et le goût du fruit de même couleur.

Le Château Filhot, Sauternes 1935 est beaucoup plus charpenté et puissant que les prédécesseurs de ce vin souvent bu. Sa couleur est d’un or encore plus profond que celui de l’Yquem. J’ai adoré ce vin riche d’évocations de mangues et de fruits confits nettement plus que mes convives, plus attirés par le premier sauternes au goût plus familier.

Nous sommes quinze à voter. Paradoxalement, seuls les deux champagnes n’ont aucun vote, sans doute parce que leur mémoire s’est estompée car ils ont été bus il y a près de cinq heures et peut-être aussi parce qu’ils sont plus connus de mes convives. Quatre vins ont des votes de premier, et nouveau paradoxe, le Montrachet n’en a pas. On a ainsi le Beaune Grèves Vigne de l’enfant Jésus Bouchard Père & fils 1947 qui a neuf votes de premier et trois votes de second, le Pétrus 1976 qui a quatre votes de premier et six votes de second, le Bouscaut et l’Yquem qui ont chacun un vote de premier et un vote de second et le Montrachet qui n’a pas de vote de premier, mais trois votes de second et six votes de troisième.

Le vote du consensus serait : 1 – Beaune Grèves Vigne de l’enfant Jésus Bouchard Père & fils 1947, 2 – Pétrus, Pomerol magnum 1976, 3 – Montrachet Domaine de la Romanée Conti magnum 1996, 4 – Château du Bouscaut Grand Cru Classé de Graves magnum 1918, suivi de l’Yquem 1976.

Mon vote a été : 1 – Pétrus, Pomerol magnum 1976, 2 – Montrachet Domaine de la Romanée Conti magnum 1996, 3 – Beaune Grèves Vigne de l’enfant Jésus Bouchard Père & fils 1947, 4 – Château Filhot, Sauternes 1935.

Dans ce dîner où sept décennies de vins étaient représentées, le Lafite 1922 n’a pas apporté la démonstration que je souhaitais et le Bouscaut 1918 a été l’heureuse surprise, couronné de façon fort sympathique de cinq votes dont un vote de premier. L’équipe de cuisine du Yacht Club de Monaco a fait un repas de très haute qualité, réalisant sobrement des plats avec de beaux produits à la cuisson exacte. Le service a été de grande précision. La forme de la table a contribué à ce que les échanges soient vivants. L’humeur joyeuse, amicale, souriante, bienveillante a permis que nous passions une magnifique soirée. Des vins rares ont été partagés de la plus belle façon qui soit.

Je ramasse les bouteilles vides et les vins de réserve et rentre à l’hôtel. Au milieu de la nuit, j’ai connu le même traumatisme avec le tableau de bord des lumières qu’avec la douche tout à l’heure, car pour tout éteindre, on se sent comme Charlot dans « les Temps Modernes », on appuie, on appuie, et il y a toujours une lampe qui se rallume. Après avoir lutté contre cette centrale à boutons électriques, je m’assoupis, heureux de ce grand repas. Le petit déjeuner se prend sur la terrasse du restaurant Joël Robuchon d’où l’on voit la mer à travers des palmiers. Lorsque je vais payer les quelques dépenses faites à l’hôtel, la réceptionniste me dit : « j’ai vu sur votre blog les vins que vous avez bus. C’est grand ».

C’était écrit : au Métropole, je suis empereur de Chine.

dîner wine-dinners du 1er septembre – les vins lundi, 30 août 2010

Champagne Dom Pérignon 1992 magnum

Champagne Krug 1982 magnum

Montrachet Domaine de la Romanée Conti 1996 magnum

Pétrus, Pomerol 1976 magnum

Château du Bouscaut Grand Cru Classé de Graves 1918 magnum

Château Lafite-Rothschild 1er Grand Cru Classé de Pauillac 1922 magnum

Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1990 (à noter que les deux bouteilles ont des numéros qui se suivent !)

Beaune Grèves Vigne de l’enfant Jésus Bouchard Père & fils 1947 (les deux bouteilles étant de frais étiquetage, une seule a été photographiée)

Château Filhot, Sauternes 1935

Château d’Yquem, Sauternes 1976

déjeuner chez Yvan Roux – photos dimanche, 29 août 2010

Carpaccio de pélamide et roquette

Thon cru-cuit aux sésames torréfiés

Cigale (de face et de profil)

Mérou et pomme de terre en ourée à l’ail confit

Soufflé à la vanille et sa truffe au chocolat

Stefan Potzinger, sauvignon blanc « Joseph » 2005

Montrachet réserve de la reine Pédauque 1937

Côte Rôtie Côte Brune Joseph Jamet 1982

Château Rayas Châteauneuf-du-Pape 1970

Longuicher Maximiner Herrenberg Riesling Trockenbeerenauslese 1976

les bienfaits des rencontres de forumeurs dimanche, 29 août 2010

Robert Parker, le personnage incontournable du monde du vin a créé des sites internet où, moyennant finances, on peut obtenir des informations sur les vins. En dehors de ces sites payants, il avait ouvert un forum où tous les amoureux du vin pouvaient échanger des informations, avec le côté foisonnant et non hiérarchisé qu’ont tous les sites où l’on cause. J’étais venu parler de vins anciens sur ce forum très riche où des avis s’exprimaient dans toutes les directions possibles.

Un jour, Robert Parker a décidé que le forum deviendrait payant. Beaucoup, comme moi, ont réagi à cette décision. Un forum est une place de village rendue universelle par la magie de la transmission sans distance, où l’on vient bavarder librement. Si l’on me demande de payer pour aller sur l’agora du village, je reste chez moi. Nous fumes nombreux à refuser de suivre Robert Parker dans cette voie.

Un site d’amateurs devint rapidement le « refuge » des exilés du forum de Robert Parker. J’aurais pu ignorer ce site si un ami ne m’avait alerté sur le fait qu’on disait du mal de moi de façon insistante. Il faut savoir que sur internet, tous les aigris peuvent cracher leur venin en toute impunité. Prévenu par un membre du forum, je suis allé sur la discussion dont j’étais l’accusé public pour expliquer qui je suis.

Par un réflexe dont seuls les américains sont capables, la diatribe contre moi se transforma rapidement en un accueil dont la chaleur est tout à fait étonnante. Parmi les membres de cette nouvelle communauté, j’ai conversé avec un autrichien de Graz, amoureux fou des vins et notamment des vins anciens.

Il m’annonce sa venue en France, dans le sud, et m’exprime son envie de partager des vins avec moi. Je lui suggère que nous nous retrouvions chez Yvan Roux.

Un ami fou de vins anciens qui me faisait souvent signe pour partager de grands moments chez Yvan Roux avait été muet. J’appris qu’un méchant accident de moto l’avait gravement handicapé. Connaissant cette nouvelle, et observant son retour à la vie, il apparut qu’une visite chez notre restaurateur fétiche était possible. Il vint accompagné de son épouse et d’amis.

C’est donc une table de onze qui s’organise à déjeuner chez Yvan Roux, avec mes amis de longue date, et un autrichien inconnu, sa femme et ses deux fils. Gerhard et sa famille arrivent chez nous. De nombreuses bouteilles, ouvertes depuis longtemps, sont dans une caisse isotherme. Il faut vérifier que les températures sont bonnes.

Nous nous rendons chez Yvan Roux, et nous choisissons parmi tous les apports, plus nombreux que ce que nous pourrons boire, ce qui se mariera le mieux avec le menu d’Yvan.

Le champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs en magnum 1990 cohabite avec un nouveau Pata Negra Cinco Jotas, bien gras au goût de noisette. Le champagne bien jaune mirabelle est dans une expression de joie de vivre. On sent qu’il s’est épanoui et qu’il en est heureux. Avec le jambon, il se régale du gras qui renforce sa bulle.

Nous passons à table et le vin d’un ami autrichien de Gerhard, un Stefan Potzinger, sauvignon blanc « Joseph » 2005 se confronte à un carpaccio de pélamide et roquette. C’est un vin intéressant, qui titre 14°, avec une fraîcheur de vin de Loire, où le citron est bien marqué, mais pour moi, cela manque de complexité. C’est un exercice de style charmant, mais peu au-delà. Le carpaccio est fondant, nettement plus doux que le récent que nous avons mangé.

Sur un tartare de liche au gingembre et des fleurs de courgettes en tempura, c’est un Montrachet réserve de la reine Pédauque 1937 qui offre sa robe ambrée. Si l’on admet que ce Montrachet de 73 ans n’a plus grand-chose à voir avec un Montrachet actuel, on ne peut qu’applaudir devant la précision élégante de ce vin. Plusieurs amis pensent que ce Montrachet est jeune, mais je trouve qu’il fait vraiment son âge. Il a une belle maturité et une complexité aguichante. C’est un grand vin. Ce qui me plaît le plus, c’est son équilibre, qui laisse en bouche une grande impression de sérénité.

Nous passons maintenant au thon « cru-cuit » selon l’expression de Babette, la femme d’Yvan, préparé au sésame torréfié. C’est un Châteauneuf-du-Pape Beaucastel 2001 qui vient se confronter à son goût délicieux. Et je suis très favorablement impressionné par ce Beaucastel qui a trouvé une maturité qu’on pourrait ne pas espérer. Le vin est riche, puissant, mais sacrément gracieux.

Le temps fort du repas, ce sont les langoustes et les cigales qui nous sont servies, dans la virginale vertu de leur cuisson minimaliste. La Côte Rôtie Côte Brune Joseph Jamet 1982 est tout simplement merveilleuse. Je n’imaginais pas qu’une Côte Rôtie puisse avoir cette grâce. Ce vin est élégant, délicat, ciselé, et je suis sous le charme, pensant qu’il serait difficile de faire plus grand. Chaque gorgée me transporte dans un monde de douceur et de précision. Gerhard évoque la Mouline, mais je pense que ce vin est plus gracieux que la Mouline, qui dispose d’une force herculéenne.

Nous recevons ensuite une « minute » de mérou accompagnée d’une purée de pomme de terre à l’ail confit. Le Château Rayas Châteauneuf-du-Pape 1970 qui l’accompagne est impressionnant, car il a la trame historique de Rayas, sur une expression extrêmement tranquille. C’est la sérénité qui impressionne. Gerhard et Siegrid sont étonnés qu’on ait pu associer des vins rouges avec des crustacés et des poissons et que cela marche aussi bien. Les chairs des crustacés et des poissons sont d’une précision absolue.

J’avoue que je suis assez confondu de constater qu’un inconnu, puisque les relations sur un forum ne donnent aucune indication sur celui que l’on rencontrera, ait pu apporter deux vins d’aussi grande valeur que cette Côte Rôtie 1982 à l’élégance aussi rare, et ce Rayas aussi serein. Et tous les propos de Gerhard respirent la passion. Je me suis d’ailleurs gentiment moqué de lui, car lorsqu’il est arrivé chez Yvan Roux, alors que tout le monde est sans voix devant le spectacle de la mer qui s’offre aussi généreusement à notre vue, il n’a même pas regardé autour de lui : une seule chose le concernait : que ses vins trouvent les bonnes températures.

Tous ses propos respirent l’amour du vin ; il est compositeur et professeur de composition musicale, sa femme est violoniste, et l’on sait que les musiciens ont un sens aigu du vin. Nous parlions, nous parlions, et Gerhard veut aller chercher le vin de dessert qu’il a mis au frais. Il contourne la table, et nous entendons un immense « plouf ». Car chez Yvan notre table est installée dans la salle centrale, devant la piscine qui nous sépare de la terrasse qui ouvre sur le panorama magique de la baie de Giens. C’est un fou rire qui a accueilli la subite plongée de Gerhard. Ses deux fils, Mathias et David, sont gênés que leur père soit le sujet d’un événement aussi cocasse, mais Gerhard va se changer et nous buvons un Longuicher Maximiner Herrenberg Riesling Trockenbeerenauslese 1976. Les rieslings allemands ont un équilibre assez impressionnant. Le vin est doré, avec une couleur incroyablement intense ; le nez est riche, mais c’est en bouche que tout se joue. Il y a la richesse, les fruits jaunes riches, et il y a la finesse et la fraîcheur. Le soufflé à la vanille n’apporte rien au vin d’une rare profondeur. Sa complexité est quasi infinie. Sur une truffe au chocolat, l’accord avec le Maury Mas Amiel 15 ans d’âge vers 1980 est transcendant. C’est un bonheur simple.

Nous finissons sur un champagne Perrier Jouët rosé 1969 qui est d’une rare élégance. Le dernier que j’avais ouvert était fatigué. Celui-ci est d’une belle jeunesse, et ce rosé intense, riche, goûteux, et plus profond que ce que j’attendais est ravissant. Il se sirote sans fin.

Les seuls votes que j’ai collectés sont ceux de Gerhard et le mien. Gerhard dit : 1 – Rayas 1970, 2 – Mas Amiel 15 ans d’âge, 3 – Côte Rôtie 1982, 4 – Montrachet 1937.

Mon vote est : 1 – Côte Rôtie 1982, 2 – Rayas 1970, 3 – Riesling 1976, 4 – Beaucastel 2001.

Recevoir un correspondant d’un forum, c’est une loterie. Jamais je n’aurais pensé toucher le gros lot avec un vrai amoureux des vins anciens et grand connaisseur de vins de grande émotion. Nous sommes appelés à nous revoir.

des Chateauneuf-du-Pape inconnus samedi, 28 août 2010

Des amis viennent dîner à la maison. La viande de bœuf fumée Cecina de León devient quasiment un rite ; la viande est fondante et bien accueillie par le champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs magnum 1990. La couleur est d’un jaune intense, la bulle est fine, et le nez est élégant. En bouche le champagne est chaleureux, plein, lourd et charnu, évoquant des fruits jaunes. Un saucisson sec se place très bien en compagnie du champagne, mais c’est la boutargue qui réussit le mieux à mettre en valeur le champagne qui prend une profondeur et une longueur encore plus belles.

Nous passons à table pour déguster un faux-filet qui a bien mûri chez Cédric, le traiteur du Pradet. La viande est accompagnée de petites pommes de terre croquantes en robes des champs. J’ai choisi de faire accompagner ce plat par des Châteauneuf-du-Pape qui me sont inconnus. Le premier est un Châteauneuf-du-Pape Domaine de la Petite Gardiole, Charles Establet Propriétaire 1965. Le niveau est dans le goulot. Le vin est un peu tuilé, assez clair. Son odeur est agréable, et le vin est charmant, délicat, relativement faible en alcool. Lorsqu’il s’épanouit dans le verre, ses notes sont délicates, raffinées. Ce n’est pas un Châteauneuf-du-Pape typique, mais il est agréable.

Le second Châteauneuf-du-Pape est un Châteauneuf-du-Pape Domaine Trintignant, Jean Trintignant 1964 dont la collerette d’année porte la mention : « réserve du vigneron ». L’étiquette est composée avec une écriture d’écolier, assez désuète. Le niveau dans la bouteille est assez bas. La couleur du vin est très noire, dense. Le nez à l’ouverture, puisque tous les vins sont ouverts au dernier moment, est fermé, et un peu poussiéreux. La première gorgée tire une grimace de mon ami. Il faut attendre un peu et le vin devient puissant, plus précis, vin de soleil qui passe en force. C’est une expression un peu fatiguée du Châteauneuf-du-Pape, mais elle est plaisante.

Le troisième Châteauneuf-du-Pape est un Châteauneuf-du-Pape Domaine de Beaurenard, Paul Coulon 1975. Le niveau dans la bouteille est quasiment parfait, la couleur du vin est belle, mais le vin manque d’inspiration. Il se bonifierait avec du temps devant lui, mais nous n’avons pas envie de chercher ce qu’il pourrait délivrer. Mon classement des vins rouges de ce dîner est : 1965, 1964 et 1975. La subtilité délicate du 1965 a justifié d’exhumer ces trois Châteauneuf-du-Pape.

Pour le dessert qui est une mousse au chocolat, au lieu de servir un Maury, j’ai voulu essayer un Champagne Perrier-Jouët rosé 1969. Je sais que ce n’est pas l’idéal, mais la chaleur ambiante se supportera mieux avec un champagne. La couleur est d’un rose tendant vers l’ambre. Le nez est assez neutre. En bouche, on sent que le champagne est fatigué. Il est buvable, avec un pétillant encore présent, même si la bulle s’est éteinte. Mais notre intérêt n’est pas suffisamment éveillé.

J’ouvre donc un Champagne Bollinger Vieilles Vignes Françaises 1999, à la belle couleur d’un léger jaune citron. Le nez est profond et intense. La bulle est petite mais envahissante. Le champagne est absolument délicieux, ciselé, intense. C’est un champagne dont je commence à saisir les complexités. Un vrai régal pour finir un repas d’amitié.

dîner de Chateauneuf – photos vendredi, 27 août 2010

Châteauneuf-du-Pape Domaine de la Petite Gardiole, Charles Establet Propriétaire 1965

Châteauneuf-du-Pape est un Châteauneuf-du-Pape Domaine Trintignant, Jean Trintignant 1964

Châteauneuf-du-Pape Domaine de Beaurenard, Paul Coulon 1975

Champagne Perrier-Jouët rosé 1969

Champagne Bollinger Vieilles Vignes Françaises 1999

beaux poissons chez Yvan Roux mercredi, 25 août 2010

Un ami vigneron de Vosne Romanée passe ses vacances avec sa femme et ses enfants à peu de distance de notre lieu de villégiature. Assidu de la lecture de ces bulletins, sa curiosité est excitée de découvrir la table d’hôtes d’Yvan Roux. Si l’accès est difficile, la récompense est au bout du chemin, avec une vue féerique sur la mer argentée.

Yvan est encore torse nu, préparant les futurs plats, car nous sommes en avance sur l’horaire que j’avais annoncé. Nous mettons au point l’ordre des plats en fonction des vins que j’ai apportés. L’apéritif se prend dans la magnifique cuisine que nous prenons comme comptoir, ce qui nous permet de bavarder avec Yvan et Babette pendant qu’ils organisent les entrées. Yvan tranche le Pata Negra et j’ouvre un Champagne Salon magnum 1995. Je me sers un verre et mon visage se barre d’une grimace : ce que je bois n’est pas ce que j’attends de Salon 1995. L’odeur n’est que tristesse, le vin est bouchonné. Et effectivement en bouche, on ressent un léger goût de bouchon. Je comptais sur ce vin pour honorer mon ami et son épouse, aussi suis-je contrarié. C’est l’esprit bougon que je sers ma fille, mon gendre et mes amis. Tout en croquant les fines tranches de Pata Negra « Cinco Jotas », le champagne devient légèrement plus amène, mais il reste un peu d’amertume. Ce n’est qu’au moment où nous nous asseyons à table que le Salon retrouve 100% de ses facultés. Pour en être bien sûr, je le goûte à de multiples reprises, et c’est clair qu’il est revenu à son vrai niveau, joyeux, goulu, fait de fruits jaunes et de citron. Il retrouve la belle longueur de Salon 1995. Une fois de plus, la patience est récompensée.

Le carpaccio de thon rouge au citron vert est délicieux et s’accorde bien avec le Salon. Yvan nous explique que la pêche au thon rouge est autorisée sous condition de taille du poisson et lorsque le poisson est pêché, il est bagué, et une partie de la bague est adressée à un organisme de contrôle de la pêche. Nous ne sommes donc pas des complices d’une prédation.

Des tempuras de lotte et de feuilles de sauge baignent dans un pesto suffisamment léger pour que le champagne trouve le diapason qui vibre avec la lotte.

Pour les seiches rôties au Pata Negra et piment d’Espelette, déglacées au champagne Salon, nous pouvons essayer aussi bien le champagne que le Châteauneuf-du-Pape Beaucastel Hommage à Jacques Perrin 1998. Le vin est riche, puissant, lourd, fort en alcool, mais réussit à montrer une belle élégance. Ce vin plait à ma fille qui raffole de ces vins riches. Cet Hommage d’une grande année est un vin de grand plaisir.

Le filet de rouget poêlé et safrané à l’ail confit est préparé avec les foies du poisson, et cette chair est mise en valeur de façon exemplaire. Nous nous régalons. C’est le moment d’ouvrir le Moulin des Costes Bandol 1983. Je croyais que la comparaison serait possible avec le Châteauneuf, mais le combat n’aura pas lieu. Le Bandol est légèrement torréfié, un peu cuit, sur une pente de maturité mal maîtrisée. Le vin est bon, bien sûr, mais il ne peut pas s’inscrire dans une comparaison valorisante. Le thon cru, cuit au sésame sur un coulis de poivrons aux noix a une chair fondante qui conclut bien ce festival de poissons.

Le moelleux au chocolat et son caramel au beurre salé accompagne un Maury Mas Amiel 15 ans d’âge qui doit être de 1980 environ. L’accord est merveilleux avec ce vin au goût de pruneau, de griottes, qui sait garder une belle fraîcheur sur sa douceur.

Pendant ce temps, la mer joue de son charme argenté. L’originalité du lieu, l’atmosphère amicale créée par nos hôtes, les mets délicieux et des vins aux performances variables ont créé un grand moment d’amitié.