Déjeuner au Yacht Club de Monaco mercredi, 28 juillet 2010

A la suite d’un de mes dîners, un participant m’a proposé que j’organise pour lui et ses amis un dîner au Yacht Club de Monaco. L’idée pique mon intérêt, cela se conçoit. Par une chaude journée de fin juillet, je me rends à Monaco, où je n’ai pas mis les pieds depuis au moins quarante ans. L’accès à la ville est plus que difficile au plus fort de l’été. Les beaux bateaux que l’on voit lors des retransmissions de courses de Formule 1 sont là, et sont assez impressionnants lorsqu’on les voit de près. L’accueil par le staff du Yacht Club est particulièrement chaleureux. Je rencontre les deux chefs qui officient en cet endroit pour leur dire que je ne viens pas juger leur cuisine, car je ne me sens pas le droit de la juger, mais plutôt pour affiner les plats en fonction des désirs des vins que j’ai prévus pour le futur repas. A notre table, il y a le Président du Yacht Club de Monaco, la responsable de la communication de ce club, un ami du donneur d’ordre, car celui qui me commande ce repas ne peut être là, s’étant malencontreusement blessé sur son bateau la veille.

Nous déjeunons, et c’est fort bon. C’est évidemment simple, mais j’ai senti la volonté de favoriser la clarté et la lisibilité des plats, comme je l’avais indiqué avant de venir. Les bases sont là pour faire un beau dîner, que nous avons composé après le repas avec les deux chefs, réglant tous les points d’organisation avec la directrice de la restauration. Alors que j’avais prévu de ne boire que de l’eau, le maître d’hôtel, pour nous faire plaisir a ouvert un vin de Ladoucette que j’ai trouvé extrêmement précis ; je n’ai pas demandé l’année qui doit être récente. Et nous avons goûté ensuite un Petit Village 1995 que j’ai extrêmement apprécié, pomerol que j’aime en toutes circonstances. Un joli tannin, une belle expression et une longueur plaisante m’ont conquis.

Après le repas fort joyeux, l’ami de l’ami m’a emmené au Café de Paris pour continuer à bavarder autour d’une boisson rafraîchissante. Autour de nous les Rolls-Royce, Ferrari, Aston Martin et Maserati sont aussi nombreuses que les Vélib à Belleville. Monaco donne l’image d’une prospérité invraisemblable, du moins dans la partie qui s’expose. Lorsque je rentre dans ma maison du sud, mon petit bateau ressemble à la demi coque de noix que l’on fait flotter sur l’eau d’un lavabo.

énigme d’un Montrachet 1943 mardi, 27 juillet 2010

Montrachet 1943 Lupé Cholet.

La photo de ce vin est visible ici :

https://www.academiedesvinsanciens.org/archives/2329-137eme-diner-de-wine-dinners-les-vins.html

La photo de son bouchon est visible ici :

https://www.academiedesvinsanciens.org/archives/2350-diner-au-Crillon-photos.html

L’insciption sur le bouchon étant une énigme, j’ai demandé aux lecteurs du bulletin 385 de m’éclairer. J’ai reçu plusieurs réponses dont une très complète.

François DENIS, Directeur Commercial, Export Manager de la maison LUPE-CHOLET me transmet cette information sur le Montrachet 1943 Lupé Cholet dont le bouchon portait l’inscription : "Boillereault de Chauvigny".

Je me permets de vous faire passer ce mail afin de répondre à votre interrogation sur la mention "Boillereault de Chauvigny" sur le bouchon. Ce nom est en fait le nom de la famille propriétaire de la parcelle de Montrachet d’où est issue cette bouteille.

Selon le livre Montrachet de Jean-François Bazin édité par Jacques Legrand, je le cite: "il s’agit d’une des propriétés familiales les plus anciennes en Montrachet. Son origine remonte au début du XIX siècle. Ces vignes faisaient partie du Domaine Bouchard. Née en 1820, Anne-Marie Bouchard hérita d’une partie du vignoble. Épouse de Félix Cellard, médecin à Meursanges, elle eut plusieurs enfants dont Lucie, née en 1851, qui épousa Ferdinand Boillerault à Volnay en 1875. C’est ainsi que le Montrachet est entré dans cette famille, Lazare Boillerault (1876-1930) épousant Geneviève de Chauvigny de Blot (1889-1969). Ils vivent au château de Meursanges. Lors de la cette succession, la plus récente, une division parcellaire a eu lieu entre les héritiers de Geneviève Boillerault."

Cette parcelle est aujourd’hui sous la responsabilité du Comte René-Marc Regnault de Beaucaron.

Voilà qui explique l’énigme du bouchon de ce merveilleux Montrachet.

Mais il y a des suites !

Un autre élément de réponse :

"Boillereault de Chauvigny". Il s’agit d’une très vieille famille de Volnay, qui autrefois commercialisait son vin par l’entremise de Charles Noellat. Actuellement, leur caveau situé rue d’Amour (!) à Volnay est mis à la disposition de M. Nicolas Rossignol qui commercialise sa propre production.

Un autre élément de réponse :

mr lazare boillereault de chauvigny était propriétaire jusqu’en 1980 environ d’une parcelle de montrachet de 0ha7998, entre les parcelles ramonet et marquis de laguiche, donc côté puligny cette parcelle a été partagée entre ses héritiers ( familles guillaume, de surville et regnault de baucaron) qui vendent leur production en raisin à louis latour, louis jadot et olivier leflaive la bourgogne est décidément compliquée, c’est ce qui en fait son charme…

Un autre élément de réponse :

Lupe Cholet, qui appartient maintenant à Bichot, n’est pas proprietaire de Montrachet. Il leur faut donc acheter des vins en vrac, dont des vins dits « sur pile » pour les revendre. C’est ce qui s’est passé dans ton cas. Les vins ont été achetés à la famille Boillereau de Chauvigny, proprietaire de 0.80 ha de Montrachet , depuis le début du XIXeme !

Un autre élément de réponse :

Les Boillerault de Baucaron sont propriétaires au Montrachet, j’ignore le lien avec le nom Boillerault de Chauvigny mais c’est une bonne piste et ils auraient vendu leurs raisins à la Maison de négoce Lupe Cholet, négociants à Nuits, reprise par Bichot il y a une trentaine d’année

C’est facile la Bourgogne !!!

Un beau champagne, pas dans l’atmosphère samedi, 24 juillet 2010

Aimant beaucoup le champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs, j’ai pris avec moi quelques magnums de 1990. Il fait chaud, il fait soif, un ami est de passage. Quoi de plus naturel que de trancher de fines tranches de saucisson sur un Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1990 en magnum. Le champagne est frais, précis, appréciable, mais par ces fortes chaleurs, une impression de sécheresse empêche de développer sa grâce. On aime sa personnalité, mais le climat n’y était pas. C’est un essai à refaire vite (ce sera fait avec succès six jours plus tard).

restaurant sur mer à Hyères mercredi, 21 juillet 2010

La baie d’Hyères est une des plus belles qui soient. En face de nous le fort de Brégançon, l’île du Levant, l’île de Port Cros, l’île de Porquerolles et la presqu’île de Giens forment un cercle qui entoure cette baie comme si elle avait été créée par un météorite. Sur cette baie plus belle que celle de Cannes, la haute gastronomie n’est pas représentée. Cherchez l’erreur ! Sur une plage où le sable a été importé, mais qui s’en soucie, il y avait un restaurant, le Day, où nous venions goûter des poissons de pêche, en buvant du champagne Dom Pérignon, lorsque le restaurateur avait la trésorerie pour en approvisionner. A force de ne pas payer son loyer, le local devint vite vacant, remplacé aujourd’hui par « Côté mer », qui annonce : « resto plage – transat, food & music ». Nous choisissons une table les pieds dans le sable, à quelques mètres d’une mer totalement calme. Le site est magnifiquement joli. Une serveuse particulièrement dégourdie et attentive a satisfait nos désirs de façon professionnelle, même si elle est stagiaire.

Je commande une salade niçoise « déstructurée » au thon frais et un wok de poulet et nouilles sautées aux épices orientales, car il n’y a aucun poisson de pêche locale. La jeune serveuse me montre une ardoise qui fait carte des vins. Si les lettres sont grosses, le choix est petit. Je repère un vin du domaine d’Ott, dont le prix est deux fois plus cher que le plus cher après lui. La serveuse se demande s’il en reste encore et hélas, il n’en reste plus. Le lieu semble voué aux problèmes de trésorerie. C’est donc avec un rosé de Provence du domaine de la presqu’île de Giens 2009, cuvée lou Pitchoun, dont il est précisé que les vendanges sont manuelles, que je me régale de tapenade. Et rosé plus tapenade, c’est sacré. La cuisine n’est pas mauvaise mais n’est pas bonne. On est ici pour la vue merveilleuse et certains ont dû imaginer que cela induit que l’on doit cibler assez bas.

Dès le soleil tombé, l’espèce humaine présente en ce lieu prend des attitudes simiesques car tout le monde s’agite, en se frottant les aisselles. Les moustiques sont de sortie, avec l’envie de montrer qu’il n’y a pas que les humains qui festoient. Comme dans certains jeux, nous avons tous gagné au grattage. Le vrai gagnant de cette soirée, c’est notre petit-fils de six ans, qui a joué dans le sable, et a profité d’une sortie nocturne sur l’une des plus belles baies de la méditerranée.

un nouveau Richebourg 1996 ! dimanche, 18 juillet 2010

Lorsque nous étions allés dîner chez Yvan Roux, invités par Jonathan, jeune ami français qui prépare son avenir en Australie, il nous avait demandé s’il pourrait coucher chez nous pour prendre son avion tôt le matin. Jonathan arrive dans l’après-midi et lorsque l’heure de l’apéritif sonne, il est temps de terminer le magnum de champagne Salon 1997 commencé avec mon gendre la veille. Le champagne a un peu perdu de sa bulle, mais il est toujours aussi brillant. Quelle prestance, quelle intelligence ! Nous nous régalons sur de la poutargue, qui donne au champagne plus de rectitude. Des toasts au foie gras donnent au champagne plus d’opulence et un charme capiteux.

Tout cela est si bon que le Salon s’assèche. Un Champagne Krug 1982 lui succède et il est intéressant de comparer l’incomparable. Le Krug est infiniment plus complexe, développant ses mille saveurs par vagues imprévues. Mais le Krug est beaucoup moins accueillant que le Salon. Il est comme une diva à qui tout est dû. Ainsi, il ignore la poutargue alors qu’il se complaît avec le foie gras. Au bout du compte, si la complexité du Krug est spectaculaire, mon cœur penche – ce soir – pour le Salon, plus flexible, plus adaptatif, et plus « champagne de soif ».

Nous avions bu la veille un Richebourg Anne Gros 1996 absolument magnifique. Il était tentant d’ouvrir un Richebourg 1996, lisible sur le bouchon, d’une bouteille sans étiquette ni capsule. C’est forcément un vigneron qui me l’a donnée, mais qui. Le souvenir me revient, et le bouchon le confirme, que je n’avais pas suffisamment examiné : il s’agit d’un Richebourg Anne-Françoise Gros 1996, offert lorsqu’elle est venue dîner dans notre maison du sud.

Chose curieuse, le bouchon se brise lorsque j’ouvre la bouteille, ce qui ne devrait pas arriver pour un vin aussi jeune. Nous goûtons, et le premier contact, aussi bien au nez qu’en bouche met des sourires sur nos lèvres. C’est un beau et joyeux Richebourg, solide dans sa structure. Mais plus le temps passe et plus il apparaît que la bouteille a dû connaître un problème de chaleur à un moment où à un autre. Le vin est plaisant, avec de belles évocations, mais il y a une légère amertume qu’il ne devrait pas avoir. Le poulet avec un risotto convient bien au vin que nous buvons avec plaisir.

Lorsque vient le moment du dessert, au lieu de rester à la table installée sous un toit de tuile, nous allons à une table en plein air où l’atmosphère est infiniment plus fraîche. Le vin s’est un peu rafraîchi et une tarte aux abricots, avec l’acidité prononcée des abricots, redonne un tel coup de fouet au Richebourg qu’il a totalement perdu les défauts qu’il avait il y a seulement quelques instants. Qui pourrait croire que l’acidité de l’abricot donnerait cet effet ? Nous finissons le vin avec la joie d’avoir retrouvé un Richebourg éminemment charmant, riche et profond comme nous les aimons.

dîner dans le sud photos samedi, 17 juillet 2010

Un magnum de Salon 1997 et un magnum de Laurent Perrier Grand Siècle, ça promet une belle soirée !

ajoutons donc un champagne Bollinger Vieilles Vignes Françaises 1999 !

et pourquoi pas un Champagne Krug 1982 !!!

Ce qui est intéressant à remarquer, c’est que le Richebourg Anne gros 1996 comporte une capsule qui indique : Anne et François Gros. Sans doute par souci d’économie.

les merveilles de la cuisine basse température. Un rosé aussi frêle est assez irréel

dîner de famille avec Salon et Richebourg samedi, 17 juillet 2010

Mon gendre va repartir. Un dîner s’impose. Il se trouve qu’Yvan Roux participe à la formation de commis dans le domaine de la restauration. Un de ses employés s’est lancé dans la boucherie, et l’on sent en lui un besoin d’excellence. Mon gendre a rapporté de sa boutique un jambon Pata Negra et un grenadin de veau. Nous allons ensemble avec mon gendre, ma fille et mon petit-fils dans les bras de sa mère chercher dans ma cave de quoi structurer le dîner. Un vent chaud et sec de type saharien recouvre notre région, au point de porter les températures au-delà de 35°. Il faut donc gérer au milli degré les températures de ce que nous boirons.

Guillaume a choisi un jambon du sud ouest de la France fait selon les méthodes ibériques et un Pata Negra. Le Champagne Salon en magnum 1997 est prévu pour les accompagner. Le premier contact avec le champagne est absolument féerique. Par rapport au Vieilles Vignes Françaises et au Krug Grande Cuvée, il n’y a pas l’ombre d’un doute, ce Salon les transcende. Ce champagne est d’une affirmation incroyable. Il y a en lui un tempérament guerrier, alors que le champagne n’est fait que de fleurs blanches et roses et de fruits des mêmes couleurs. Le jambon français est intéressant, mais il n’a rien du gras de l’espagnol. Aucune comparaison n’est possible. Le champagne réagit magnifiquement au gras noisette du jambon. Et la poutargue qui suit virilise le champagne dont l’équilibre est impressionnant. Après les millésimes 95 et 96 beaucoup doutaient de la solidité du 97, sauf Didier Depond qui me disait : « tu verras ». Ce 1997 est spectaculairement Salon, dans la ligne de ce que j’adore de ce champagne d’exception.

Le grenadin de veau a été cuit à basse température et se présente avec un rosé et une tendreté qui sont incroyables. Le Richebourg Anne Gros 1996 est, à mon sens, une des preuves de l’existence de Dieu. J’ai rarement bu un vin à l’équilibre sensoriel aussi réussi. J’ai bu des grands bourgognes typés. Celui-ci est une leçon, car il n’a aucune aspérité. C’est l’équilibre dans le charme le plus absolu. Quel grand vin subtil, caressant, féminin, intense dans la subtilité. On est dans un rêve éveillé. La viande à la chair douce épouse parfaitement le discours de ce Richebourg parfait. Si Henri Jayer a fait des vins archétypaux, je ne suis pas loin de penser qu’Anne Gros est dans cette même ligne. Dans une chaleur qui préfigure les cataclysmes de demain, il était inutile d’aller plus loin. Avoir dans un repas simple un Salon 1997 au sommet de son art, car il décline l’identité de Salon avec un talent rare, et avoir une perfection de subtilité bourguignonne grâce à ce Richebourg d’Anne Gros, c’est un privilège dont nous avons joui goulûment.

dîner chez Yvan Roux jeudi, 15 juillet 2010

Mon gendre arrive deux jours après par l’avion. A peine sort-il de l’aéroport, quelques baisers à ses enfants et nous voici de nouveau à la table d’hôtes d’Yvan Roux. Le Pata Negra est toujours là pour nous accueillir, petite merveille d’équilibre entre le gras et le doucereux, le sel jouant en sourdine, ce qui est bien. Nous le dégustons sur un Champagne Bollinger Vieilles Vignes Française 1999. Dans le calme du soir, lorsque les nuages rosis de soleil couchant se reflètent sur la mer, le champagne dans nos verres prend des couleurs d’un rose délicat, alors qu’il est blanc comme un diamant. Le nez est un régal de subtilité. Le mot qui convient à ce champagne est grâce et féminité. Nous sommes dans de grandes subtilités et ce qui m’impressionne, c’est que le final, plus il se prolonge en bouche, plus il devient fumé, lourd et marqué d’épices, influencé par la profondeur du jambon espagnol.

Yvan a préparé de nouveau le plat de carpaccio de pélamide avec son pesto et des tomates confites. La chair est toujours aussi délicate, mais l’accompagnement est un peu fort pour le champagne. Yvan nous avait montré deux magnifiques langoustes, et nous avait prévenus qu’il y aurait une surprise. Lorsque les assiettes sont servies, il faut quelques secondes d’accommodation pour comprendre qu’il y a sur chacune d’elles une demi langouste et une demi cigale. Quel bonheur ! Je commence par la langouste à la chair divine. Tout ici combine tendresse et force. Le corps est charnu, mais en même temps délicat. J’adore cette chair immense. Nous essayons le Champagne Krug Grande Cuvée dont la force très juvénile correspond à la langouste. Alors que je suis un amoureux des cigales, avec leur côté noisette, je préfère nettement la chair de la langouste. Peu après le dîner, lorsque j’indique ma préférence à Yvan, je suis bien embarrassé de dire si j’ai préféré la langouste pour sa chair pure, ou pour le fait que je l’ai mangée en premier, dans la fraîcheur de sa cuisson, alors que la cigale a été mangée plus tard, refroidie par la brise venant de la mer.

Le Krug est un bon compagnon des crustacés, même si ce n’est pas un multiplicateur de vibrations. Ce champagne est solide, demanderait quelques années de vieillissement de plus pour atteindre sa plage d’excellence. Je serais bien incapable de dire lequel des deux champagnes est le meilleur, car le Krug joue dans l’affirmation de soi, qui n’exclut pas la complexité, et le Bollinger joue dans l’élégance raffinée, juste suggérée.

Un soufflé à la vanille a trouvé un très joli écho avec le Krug qui a su faire un contrepoint à la richesse expressive de la vanille sucrée par le soufflé. Ce fut un bien agréable dîner de famille chez le prince des cuissons.