beau dîner d’été à la table d’hôtes d’Yvan Roux mardi, 13 juillet 2010

Jonathan, jeune complice de beaucoup de dîners amicaux, descend dans le sud avec ses parents et sa fiancée. Il souhaite montrer à son père la table d’hôtes d’Yvan Roux. Il nous invite amicalement à nous joindre à son cortège. Par une lourde soirée d’été, devant une mer sans le moindre frissonnement, plate comme un miroir, la vue de la terrasse est toujours aussi merveilleuse.

Yvan tranche de fines lamelles d’un jambon Pata Negra de Séville qui est d’un goût parfait. Le gras, la douceur de ce jambon sont dosés idéalement. J’ouvre un Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs en magnum 1988. Ce champagne est extrêmement plaisant. Sa couleur est celle d’un minot, alors qu’il a vingt-deux ans. La bulle est fine et active, le nez est racé, et le plaisir de boire est extrême. C’est un vrai champagne de soif au goût de revenez-y. Avec le jambon, l’association est tellement naturelle qu’ils sont faits l’un pour l’autre.

Nous passons à table sur la grande terrasse, et l’entrée consiste en une fleur de courgette, un beignet de lotte et un « foie gras » de lotte au basilic, la préparation des foies ressemblant visuellement à s’y méprendre à un foie gras. Cette partie de l’entrée se marie très précisément avec le champagne. La fleur de courgette est agréable et le beignet de lotte, absolument délicieux, donne envie d’aborder le Meursault Clos de la Barre Domaine Comtes Lafon 2000. La couleur du vin est d’un beau citron clair. Le nez donne une image de sérénité et d’équilibre. Et en bouche, le vin qui n’est pas trop puissant joue agréablement de sa fraîcheur mariée à des effets de beurre et de lait discret. C’est un beau vin, qui profite de l’accord avec la lotte.

Mais le véritable régal pour ce vin, c’est un divin carpaccio de pélamide avec son pesto et des tomates confites. La chair de cette bonite est d’une douceur extrême. Elle fond en bouche et le meursault répond au quart de tour à sa douceur. Un meursault plus puissant eût dominé. Celui-ci ajoute sa grâce à celle d’une chair rose terriblement fondante.

L’esquinade est présentée en copeaux dans sa coquille, au beurre salé, avec une ratatouille. Ma femme est ravie de la qualité expressive de cette chair. L’Hermitage Chave rouge 1997 est exactement ce qui convient pour créer un accord de texture de première grandeur avec le décapode. On retrouve avec ce vin les problèmes de l’été : très sensible à des variations infimes de températures, il ne nous a jamais donné ce qu’il est capable, n’arrivant pas à passer à la vitesse supérieure. Il a fallu attendre deux plats pour qu’il soit assez frais et décline sa finesse extrême.

A l’inverse du Chave, le Châteauneuf-du-Pape Beaucastel Hommage à Jacques Perrin 2001 est immédiatement glorieux. Quel beau vin. Il se marie très bien à une liche crue et cuite aux sésames avec une purée de poivron au piment d’Espelette. Le vin est riche, charnu mais aussi élégant et accueillant.

Le chapon à l’ail rose confit et thym de Sisteron a une chair que j’adore. Quel beau poisson ! Sur cette chair, les deux vins conviennent. Mais mon cœur va pencher vers le Chave, devenu enfin spirituel, qui a l’élégance des années calmes, ce qui lui va bien. Les deux vins sont passionnants. Le Châteauneuf a été constamment grand. L’Hermitage, quand il a brillé, a montré une délicatesse et une richesse expressive remarquable. Il est clair que boire de grands vins par de grandes chaleurs n’est pas le meilleur service à leur rendre.

La pêche rôtie au thé, miel en sabayon se marie avec une grande pertinence au Château d’Yquem 1990 à la robe très jeune. Ce sauternes à la couleur encore pâle est d’une grande solidité. Il est droit dans ses bottes, fidèle à la ligne historique d’Yquem. C’est un très bel Yquem jeune.

Yvan Roux a démontré une fois de plus que ses choix de poissons sont pertinents et que ses cuissons sont d’une exactitude absolue. Les chairs les plus belles ont été pour moi le carpaccio de pélamide, l’araignée de mer et le chapon à l’ail. Les accords les plus beaux sont le Pata Negra avec le champagne, le chapon avec le Chave, le carpaccio avec le meursault. Pour les vins, ma préférence va au champagne Henriot, qui profite mieux des fortes chaleurs puisqu’il rafraîchit le palais, puis au même niveau les deux vins rouges du Rhône. Dans une ambiance amicale, sur un panorama grandiose, une cuisine exacte, de beaux produits et de grands vins, les vacances ont un sel particulier.

ça sent les vacances ! jeudi, 8 juillet 2010

La canicule s’installe. Lorsque l’on fait du sport, les polos dégoulinent de sueur. Après une partie de tennis acharnée et une douche réparatrice, des amis arrivent pour dîner. Le vrai coup d’envoi des vacances, c’est lorsque explose dans les airs un bouchon de Champagne Laurent-Perrier Grand Siècle en magnum. Car à cet instant, les vacances s’installent. Et la première gorgée de champagne, juste après le sport, provoque une sensation de plaisir qui est la même que de boire un bière juste après une séance de sauna. Le corps aspire le liquide avec envie et volupté. La bulle du champagne est fine et picote agréablement le palais. La couleur est pâle et le vin évoque les fruits blancs, comme la groseille blanche et la pêche blanche. C’est manifestement un champagne de soif car il désaltère avec une franche joie de vivre. Je me laisse conquérir par son charme. Son équilibre, sa longueur sont très convaincants, nettement plus enthousiasmants que lors de dégustations d’hiver. Si l’on accepte d’effacer ce que la formulation a de péjoratif pour d’autres vins, je dirais volontiers que ce champagne est un champagne de piscine, c’est-à-dire qu’il atteint son excellence en été. Un très bon Pata Negra met en valeur son côté floral, de la poutargue fait apparaître de l’iode. Sur un foie gras que l’on peut à sa guise frotter d’une confiture de citron, le champagne trouve sa plus belle expression, toute de sérénité.

Sur un grenadin de veau cuit plus de trois heures à basse température, tendre et rosé comme un cuisse de nymphe émue, la Côte Rôtie La Turque Guigal 2000 est une pure merveille. Ce vin est enthousiasmant car il est un hymne à la joie. Le nez est la joie de vivre et en bouche le vin est juteux, joyeux, multiforme, naturel. On aime chaque gorgée. Il y a dans ce vin du poivre en grain et des feuilles de menthe. Il combine force et fraîcheur. Ma femme a préparé de minuscules pommes de terre juste plongées dans l’huile, que l’on croque avec la peau. Et cette saveur apaisante enhardit La Turque qui devient, à cet instant, le plus beau cadeau du monde. Qu’y a-t-il de plus joyeux, de plus voluptueux que ce vin riche et entraînant ? Ce soir, comme sans doute chaque fois, il nous a transportés aux cimes du bonheur.

Nous avons fini le champagne toujours aussi floral sur des petits palets qui ont entretenu nos discussions juste que tard dans la nuit.

archives sur un vin mercredi, 7 juillet 2010

Cette nouvelle catégorie est ouverte pour permettre de pouvoir accéder facilement aux commentaires sur un vin particulier.

Pour un vin en face de l’année, on donne le n° du bulletin qui évoque ce vin. En allant ensuite dans la catégorie "bulletins", on trouve facilement le bulletin qui parle du vin.

https://academiedesvinsanciens.org/?cat=5

(si le n° de bulletin est soit "*" soit "A", c’est que ce vin a été bu avant le 20 décembre 2000, date du premier bulletin et que j’en ai gardé la mémoire en conservant un menu, mais sans commentaire écrit)

Commençons par quelques vins :

Chateau d’Yquem archivesYquemetY.pdf

Pétrus archivesPtrus.pdf

Chateau Gazin Pomerol archivesGazin.pdf

Vins du Domaine de la Romanée Conti archivesDRC.pdf

Bourgognes de Camille Giroud archivesCamilleGiroud.pdf

Champagne Dom Pérignon archivesDomPrignon.pdf

Château Sigalas Rabaud archivesSigalasRabaud.pdf

champagne sur mer ! dimanche, 4 juillet 2010

Mon fils et mon petit-fils nous rejoignent dans le sud. Après une journée caniculaire, il reste une petite soif pour un champagne Perrier-Jouët brut cuvée Belle Epoque 1998. La couleur est claire, la bulle est active et le champagne, très léger, se caractérise par un fumé qui me semble provenir de l’intensité de la liqueur de dosage, qui ne donne aucune impression de vin trop dosé. Plus le champagne s’aère et plus il devient délicat. Sur du foie gras, c’est un délice. Voici un champagne que je bois peu mais qui mérite l’intérêt, car son romantisme et sa délicatesse sont charmants.

Salon 1983 en bord de mer jeudi, 1 juillet 2010

Heureux d’être au bord de mer, j’ai pris dans mon réfrigérateur une bouteille à la tête sympathique. Je sais que c’est Salon, mais je ne sais pas l’année, car le papier qui enveloppait la bouteille s’est collé sur l’étiquette, cachant l’année. J’ouvre la bouteille, et le bouchon m’indique 1980. Comme il n’y a jamais eu de 1980 en Salon, je suis le seul au monde à boire Salon 1980. Je demande à ma femme de contrôler et elle me dit avec certitude : 1980. En fait, il y a des striures verticales qui ont fermé un 3 écrasé et le champagne est Salon 1983.

La couleur est déjà d’un ambre délicat. C’est encore jaune, mais coloré de thé. La bulle n’est pas explosive, mais elle a la densité que j’aime : ça picote délicieusement. En bouche, on entre dans le monde de l’étrange. Le vin est fumé. Il n’y a quasiment pas de fruit. Et tout est étrange. Je ne reconnais pas Salon. Le champagne est dévié, c’est sûr, mais il mérite l’intérêt. Et c’est maintenant qu’une disposition d’esprit va intervenir : quand on est ‘embarqué’ avec un vin dévié, soit on l’ignore, soit on va chercher ce qu’il pourrait raconter.

C’est un champagne à la bulle polie, au piquant joli agrémenté d’un poivre fort, qui ressemble à du thé au poivre. Il y a un peu de bois d’un navire du 17ème siècle, mariné dans des mers hostiles, mais surtout ce thé poivré. Sur un délicieux foie gras, le champagne fait bonne figure, car son poivre picote le foie gras.

Ce qui est prévu ensuite, car aucun vin n’était au programme, c’est une laitue avec quelques câpres. L’association Salon 1983 et câpre, ça arrache. Ça me fait penser aux Tontons Flingueurs, et à la grande Lulu, car ça arrache, et tout d’un coup, le poivre de l’un et le vinaigre de l’autre se confondent dans une sensation violente. Et j’adore.

Comme je voulais voir jusqu’où irait ce Salon, je l’ai essayé sur des abricots peu mûrs, espérant que l’acidité des jeunes abricots piquerait le Salon, mais ils ne se causent pas.

En revanche, une pêche blanche à peine mûre a provoqué un déclic dans le Salon, car dans l’ADN de Salon, il y a de la pêche blanche. Et là, j’ai aimé.

Au bout du compte, Salon 1983 est l’un des plus faibles Salon qui existent, mais c’est Salon, et avec l’âge, qui ne l’a pas vraiment arrangé, j’ai voulu l’aimer, et il me suffit de quelques bribes d’amour de sa part pour que je sois heureux. Un vin peut être aimable quand on a envie de l’aimer. Et les circonstances, comme aujourd’hui une journée proche de la mer ou en mer, influent sur ma capacité à aimer.

An unforgettable dinner in Chateau de Beaune with 5 wines before 1870 vendredi, 25 juin 2010

The dinner that is told has been developed with and by the leaders of maison Bouchard Père & Fils. The day included various recent wine tastings at the Domaine de la Romanée Conti and at the Liger-Belair estate, a lunch with Louis Michel Liger-BelAir and will feature another tasting after the opening of the dinner wines.

At 5 pm precisely, I am ready to open the bottles which are all present in the back kitchen of the castle of Beaune.

A Swiss friend wants to photograph the bottles before they are opened. He came with a small polystyrene tabernacle to make accurate photographs by managing the lighting. I admire this refinement, but my pictures have a definition of points divided by fifty between the picture I take and the one I put on my blog because they have to be reduced. Does the extra precision have so much interest?

My Swiss friend opens the two bottles that he brought with his Swiss friend, and he plays on velvet because the Lafite 1844 and Lafite 1858 were recorked at the castle in 1983. Their perfumes, very close, are promising. My job is harder, because I have to deal with much older corks. The original Margaux 1929 cork is of a magnificent quality. It is flexible, but it did not stick to the glass, which explains a drop in level to the shoulder that I considered acceptable. The friend who brought it has a reserve bottle. In spite of a slightly roasted nose, it seemed useless to open the wine of rescue.

The part is complicated to open the cork of the La Tour Blanche 1869 that I brought. Due to the heat, the wine has a little oozing and surrounded the circumference of the bottle with a fatty liquid. But the level in the bottle is exceptional for a bottle with the original cork: it is at the base of the neck. The cork breaks into many pieces. Stéphane Follin-Arbelet would like to help me, but I prefer to finish without help. All the broken pieces come out and the smell that invades the room is extraordinary. One feels the citrus fruits that will be freed. The wine looks perfect. I am happy. I then open the tiny bottle of Cyprus wine 1841 and the cork is completely glued to the neck of glass. So, when I pull the corkscrew, I only remove a small cylinder from the torn center, and I have to separate the cork from the neck by cutting with a sharp tip of very small pieces. Inevitably crumbs fall into the wine, which I will remove at the time of the service with a spoon directly in the glasses. The perfume of this wine is to be damned. I’ve never smelt anything so heady and peppery.

Stéphane urges us to go to the cellar of the castle to make a vertical tasting of the Chevalier Montrachet La Cabotte Bouchard Père & Fils.

After this tasting, we go back with our glasses of Cabotte 1992 on the beautiful terrace which overlooks the gardens implanted in ancient moats of the city fortress. Joseph Henriot joins us, all smiles, and gratified each one with kind compliments. In our group, from the house of Bouchard, Stéphane managing director and Philippe the man who makes and knows all wines at his fingertips, two Swiss friends, great collectors, one of the main customers of the house Bouchard who sells the wines on a large scale but also organizes great tastings in the four corners of the planet. There is also Allen Meadows, the man who knows best the wines of Burgundy, who has just released a book on the wines of Vosne Romanée. Two journalists will film some moments of our meal, for the archives of the house Bouchard.

On the terrace, we drink a champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs magnum 1959, wine that I appreciate at the highest point. A big fear takes us, because there is in the mouth but not in the nose, a small beginning of cork. Fortunately this small defect disappears and the richness of this champagne butter and lemon, fleshy and charming, delights me. This champagne is first a wine. Joseph Henriot is exciting because he tells us his questions about strategic choices and we are proud to be in the confidence, but he also takes advantage of it to insist on our responsibility to develop the love of quality wines.

The menu composed by Stéphane and directed by Marie Christine is – I think – the most successful of all the dinners I have been invited to in the Orangerie du Château de Beaune. The menu is: Gougères / monkfish medallion with Bresse curry / poultry with morels and wild rice / veal grenadin, cooking juices and vegetables / Cîteaux and Comté / choco- passion. It was very elegant.

The Corton Charlemagne Bouchard Père et Fils 1961 is a sure bet. It has a lemon nose. In the mouth, it’s magic because the candied fruits and the lemon mix. The end of this wine is extreme, with lemon confit. Curry goes well with wine. This Corton Charlemagne overflows with pepper. What is astonishing is the marriage of delicacy and great power.

The Château Margaux 1929 presents itself with a rather tired nose. But we feel that it will improve. Next to him, the Fleurie Château de Poncié 1929 has a very fresh nose. I was astonished that this domain had kept the 1929, but the explanation exists: this estate belonged to the Bouchard house which had a strategy of preserving a « library » of vintages of its wines. It is therefore normal that they kept the 1929. The castle of Poncié left the Bouchard group and Joseph Henriot bought it recently to integrate it again to his group.

On the palate the Margaux is very pretty and velvety. It has a very feminine charm. And his small weaknesses miraculously disappear with morels. The Poncié has menthol aspects. It is very pretty, old wood, with great charm due to its length. There is wood and coffee. This remarkably preserved wine is an example of the interest of Beaujolais de garde. The bitterness is compensated by the beautiful density.

When we are served side by side the Château Lafite Rothschild 1844 and the Château Lafite Rothschild 1858, we become aware that we are entering a world that is the grail of any wine lover. I observed the bottles my friend opened. The original bottles are very old. Recent labels show nothing special, except the vintage and there is a counter label which indicates that the wines were reconditioned at the castle in 1983. Everything appeared to me authentic.

The color of the wines is unreal, because there is not a gram of tile. There is ruby on the edges. The nose is elegant. The wines are very acid, but really elegant. Their youth is confounding. I find the 1844 much more brilliant, with a richness that evokes me Lafite 1961. It has a crazy structure, an incredible density. I find that crazy. We swim in the unreal, with incredible structures and rare aromatic power. The nose of 1858 is delicate. Some prefer the 1858 and I tell them that it is because he is the most bourguignon of the two. The 1844 has the breed and power of a great 1961 and the 1858 flourishes better and is progressively more elegant. But the 1844 conquered me. While I taste, my senses are alert to try to track a possible addition to these wines. But in my opinion it would be impossible to have these balances with wines that would not be completely homogeneous.

Joseph Henriot is an agronomist, so he wonders what would explain a specificity of prephylloxeric wines that would give them this longevity. I am not an expert on this issue, but my Swiss friends and I drank a lot of prephylloxeric wines and it is undeniable that there is a spectacular aging potential in them. Is it because they have been present for a millennium, these varieties felt well in those geological layers that suited them? This idea would please me.

The time has come for the Beaune Greves Vigne de l’Enfant Jésus 1865. Joseph Henriot and Stéphane recall the story of the young Carmelite who had predicted that Anne of Austria would have a child and whose congregation was rewarded from this piece of land called Enfant Jésus. The nose of the wine is extremely bourguignon, with a confusing charm. What strikes me is the perfect balance of this wine with so unreal youth. I think this sublime wine is not the best of the three that I have drunk from this year for this wine. But we are at the top of what Burgundy has given in this historically grandiose year.

All my friends are almost K.O. seated so much the Chateau la Tour Blanche 1869 is of infinite perfection. The perfume is of rare power. On the palate, the wine is of an unheard-of charm. Despite its black color, there is almost no caramel and citrus fruits dominate. We often speak of sauternes who eat their sugar and I remember a Filhot 1858 drunk in this same place that had lost its sugar. This wine of 1869 has kept all its sugar and it is so powerful that it looks like a great Yquem and it evokes me a little the 1861 that I adored and for my Swiss friend it is the Yquem 1869 that he has already drunk three times. He thinks the two are alike. In my opinion this wine is « the » sauternes perfect, with an incomparable enjoyment in mouth. The fat of this wine on a sweet and citrus background is unique.

It is time to share with my friends the Cyprus Wine 1841. It is the only bottle of this year that I have and I took it by game, to offer a wine older than the 1844! The perfume of this wine is incredibly powerful. The feeling of alcohol is very strong. And what makes the charm, unique for me who is crazy about it, is that the strong alcohol is refreshed by a dominant pepper. And wine is a delicacy, mixing power, alcoholic strength with a finesse created by pepper. There is no other wine that has this infinite length.

We are all aware that we have just experienced something unique. Because the quality of all the wines was at the rendezvous. We have seen that wines can approach eternity. Not being the organizer of this dinner, I did not ask that we vote. My vote would be: 1 – Château La Tour Blanche 1869, 2 – Château Lafite Rothschild 1844, 3 – Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus 1865, 4 – wine of Cyprus 1841, 5 – Château Lafite Rothschild 1858.

If I did not put first the Beaune Greves 1865 which was perfect, it is mainly because there was no novelty that this sauternes 1869 absolute perfection offered me. And the 1844 is so much above what I expected from these Lafite that it had to be crowned in good place.

The Bouchard House has created this unique opportunity to drink some of their cherished treasures and bring together lovers of ancient wines around bottles of legend. In my life as a collector – and drinker – of ancient wines, this is perhaps the biggest dinner I have ever been to. Thanks to Henriot and my friends for this unforgettable event.

journée mémorable – les photos jeudi, 24 juin 2010

1 – visite à la Romanée Conti

Cette photo, c’est pour montrer que "j’y étais" :

Quand Bernard Noblet écoute une question, il écoute attentivement. Et quand il boit du vin, il boit attentivement

une vue partielle sur le stock du domaine

2 – visite au Chateau de Vosne-Romanée, domaine du Comte Liger-Belair

Je n’ai pas pris de photos en cave

3 – déjeuner à Loiseau des Vignes à Beaune

les vins : Bâtard Montrachet Domaine Leflaive 1999

Vosne-Romanée aux Reignots Domaine Liger-Belair 2002 (on voit l’effet sur l’étiquette d’un seau d’eau pour rafraîchir le vin)

Côte Rôtie La Landonne Guigal 1986

les trois beaux bouchons

les plats

mon ami James et Louis-Michel Liger-Belair

4 – dégustation des Chevalier Montrachet La Cabotte Bouchard Père & Fils

Les bouteilles prêtes pour la dégustation dans le caveau du chateau de Beaune

5 – dîner extraordinaire à l’orangerie du Chateau de Beaune

Les vins

Le Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs magnum 1959 bu sur la terrasse du chateau

Château Margaux 1929 (on note qu’un petit choc sur la capsule peut être la cause de la baisse de niveau dans la bouteille)

Fleurie Château de Poncié 1929 qui avait appartenu à Bouchard à cette époque, l’a quitté et se trouve de nouveau "cousin" de Bouchard, dans le portefeuille vinicole de Joseph Henriot.

Château Lafite 1858

Château Lafite 1844 (qui n’était pas "Rothschild" à ce moment là)

Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus 1865, une des plus glorieuses bouteilles de la collection Bouchard

Château La Tour Blanche 1869. On voit une petite coulure à la suite de mon voyage de Paris à Beaune. ça n’a pas empêché ce vin de briller.

On arrive à lire sur cette contre étiquette du La Tour Blanche : "E. Mortier / de Chateau Lafite / Bordeaux France". Je serais heureux si quelqu’un pouvait identifier ce type d’étiquette.

la bouteille de Vin de Chypre 1841, toute petite, est d’une rare beauté

l’ensemble des vins du dîner. Je crois que ce ne sera pas souvent que je verrai un aussi prestigieux rassemblement. Les cinq bouteilles de droite ont plus de 140 ans !

Quelques photos prises à l’apéritif et au repas

L’orangerie qui est accolée au château de Beaune

vision de la forteresse et ses jardins

le repas était si passionnant que je n’ai photographié qu’un plat, celui du poisson

les verres restant sur la table ne donnent pas l’ampleur de l’événement qui comptera dans nos vies d’amateurs de vins rares et anciens

La journée la plus mémorable de ma vie de passionné de vins jeudi, 24 juin 2010

Cette journée est probablement la plus mémorable dans ma vie de passionné de vins. Je vais la raconter comme je l’ai vécue. Comme il y a eu trois dégustations en cave de domaines, je les ai racontées dans des sujets distincts ci-dessous. J’en donne les liens dans le texte.

Il y a des jours qui pèsent plus que d’autres. Ce 24 juin est un poids super lourd, heavy weight selon la classification de la boxe anglaise. Un dîner a été préparé avec quelques amis collectionneurs, sous l’aile bienveillante de Stéphane Follin-Arbelet, directeur général de Bouchard Père & Fils. Ce sera ce soir. Un ami américain dont j’aime la subtilité d’approche des vins et de la cuisine, m’annonce qu’il sera en Bourgogne pendant quelques jours qui incluent le 24 juin. Il paraît assez naturel de déjeuner avec son épouse et lui ce même jour. Il m’annonce que le matin, il visite la Romanée Conti. Il est tentant de me joindre à eux et je préviens le domaine que je serai de cette visite. J’ai aussi envie de rencontrer Louis-Michel Liger-Belair, que j’invite à rejoindre notre déjeuner. Le niveau de remplissage de mon agenda atteint le maximum acceptable. Je réfrène donc toute nouvelle envie de rencontrer d’autres amis bourguignons.

A 10 heures précises, le groupe de visite se forme au domaine de la Romanée Conti.

Le récit de la dégsutation des 2009 est faite ………….. ICI.

Avec mon ami américain et son épouse, nous n’avons que quelques pas à faire pour sonner à la porte du château de Vosne-Romanée. Dès que je sonne un grand chien accourt pour se manifester, suivi d’une petite fille à peine plus grande que le chien, mais le dépassant en autorité. Louis-Michel Liger-Belair vient nous ouvrir et nous propose de goûter quelques vins avant de partir déjeuner.

La dégustation de plusieurs 2009 du domaine Liger-Belair est faite …………….. ICI.

Pendant toute la dégustation, je pressais Louis-Michel d’accélérer, car mon ami James posant des questions pertinentes, il voulait légitimement y répondre. Mais il fallait aller vite au restaurant Loiseau des Vignes à Beaune en faisant un crochet pour que je dépose de précieuses bouteilles à mon hôtel, car avoir trois bouteilles de plus de 140 ans dans un coffre quand il fait chaud, mérite que l’on abrège le supplice des vins. Nous passons à mon hôtel en convoi de trois voitures. Je fais vite à décharger et prendre la bouteille que j’ai prévue pour le repas. Cela se passe trop vite. Nous cherchons des places de parking dans un Beaune très visité par des touristes en un jour de grande chaleur. A l’arrivée au restaurant, on nous propose de déjeuner dans le jardin ou à l’intérieur. Il est plus raisonnable pour les vins d’être à l’intérieur.

J’enlève le papier journal qui entoure ma bouteille et catastrophe : je me suis trompé de bouteille. Celle-ci est un vin de 145 ans. Il serait hors sujet dans ce que nous avons prévu. Compte tenu des difficultés de parking, je suis découragé d’aller chercher ma bouteille et j’envisage de commander un vin sur la carte des vins. Avec une gentillesse remarquable, Louis-Michel me propose d’aller chercher mon vin. C’est vraiment un geste que j’apprécie.

Le menu que nous choisissons après avoir demandé l’avis du directeur de salle en fonction de nos vins est : Jambon Iberico de Bellota, tartine à la catalane / Spaghetti au homard européen à l’estragon / Suprêmes et cuisses de pigeon caramélisés, poêlée de girolles.

David, jeune sommelier formé à Saulieu, est très motivé de servir nos vins, pour lesquels j’avais demandé la permission de Dominique Loiseau de les apporter, qui m’a fait une réponse positive très amicale.

Le Bâtard Montrachet Domaine Leflaive 1999 est d’une folle jeunesse. Il y a une saveur lactée comme celle que l’on trouve dans les tout jeunes vins. Le vin est riche et équilibré, il est jeune et puissant. C’est pour mon goût un vin idéal. L’accord avec le jambon espagnol, que l’on aurait aimé servi un peu plus froid par ce temps estival, pour adoucir le gras, est un accord de première grandeur. Le citron et le beurre qui sont sensibles en goûtant le vin sont remarquablement équilibrés.

Le Vosne Romanée 1er Cru Aux Reignots Domaine Liger-Belair 2002 a été carafé puis remis dans la bouteille par Louis-Michel ce matin. Il a donc une belle aération. Il y a beaucoup de fruits dans ce vin. Le vin est jeune, riche et c’est un vin que l’on aime boire. Je ressens qu’il n’est pas tout à fait complet, qu’il lui manque un petit détail qui donnerait un équilibre plus assumé. Mais c’est un détail, peut-être l’effet de la jeunesse, car ce vin est diablement bon à boire. Il y a une belle longueur et une grande précision, et l’amertume sensible est jolie. Le homard qui nous est servi est particulièrement copieux. Sa chair est parfaite. La sauce épicée dans laquelle s’enroulent les spaghettis est très épicée, mais il lui manque du poivre que nous faisons rajouter en grains, ce qui donne un coup de fouet à l’accord. C’est la chair du homard qui complète bien le vin très bourguignon.

La Côte Rôtie La Landonne Guigal 1986 a une robe un peu trouble, car elle a voyagé dans ma voiture. Aussi, les arômes ne sont pas stabilisés. Mais quand le vin s’assied dans le verre, tout s’assemble et le vin est agréable à boire. Louis-Michel est très étonné de sa jeunesse. Il est frais comme un jeunet. Je trouve personnellement que La Landonne met en valeur les Reignots 2002, en faisant ressortir la précision du vin bourguignon. Boire les deux vins ensemble profite aux deux. Ils se marient tous les deux avec le pigeon qui est remarquable de chair et de préparation. Sa sauce est idéale.

Le restaurant, qui a été couronné d’une étoile, la mérite. Le pigeon est d’une facture à signaler. Le service est agréable, et nos discussions auraient pu durer encore longtemps. J’ai quitté mes amis américains et Louis-Michel comme un voleur car le temps passait. Il me fallait une petite sieste, car ce soir, c’est le dernier dîner de mon année scolaire, et ce sera très probablement le plus grand.

A l’hôtel des Remparts où je suis un habitué, je plonge sous la couette, espérant grappiller quelques minutes de sommeil. Il est 16 heures, et j’ai promis d’ouvrir les bouteilles du dîner à 17 heures. Si ma sieste a existé, et j’en doute, elle n’a pas dû dépasser une minute. C’est une bonne douche, car je connais maintenant le mode d’emploi de cet appareil, qui me requinque. A 17 heures précises, je suis prêt à ouvrir les bouteilles qui sont toutes présentes dans l’arrière cuisine du château de Beaune.

Un ami suisse veut absolument photographier les bouteilles avant leur ouverture. Il est venu avec un petit tabernacle en polystyrène pour faire des photos de précision en gérant les éclairages. J’admire ce raffinement, mais on constate que mes photos ont une définition de points divisée par cinquante entre la photo que je prends et celle que je mets sur mon blog, car il faut les réduire. Le surcroît de précision a-t-il tant d’intérêt ?

Mon ami suisse ouvre les deux bouteilles qu’avec son ami suisse ils ont apportées, et il joue sur du velours car les Lafite 1844 et Lafite 1858 ont été rebouchés au château en 1983. Leurs parfums, très proches, sont prometteurs. Ma tâche est plus rude, car je dois affronter des bouchons beaucoup plus vieux. Le bouchon du Margaux 1929, d’origine, est d’une magnifique qualité. Il est souple, mais il ne collait pas assez au verre, ce qui explique une baisse de niveau à mi-épaule que j’ai jugée acceptable. L’ami qui l’a apporté a une bouteille de réserve. Malgré un nez un peu torréfié, il m’a semblé inutile de faire appel au vin de secours.

La partie se complique pour ouvrir le bouchon de La Tour Blanche 1869 que j’ai apporté. Du fait de la chaleur, le vin a un peu suinté et entouré le pourtour de la bouteille d’un liquide gras. Mais le niveau dans la bouteille est exceptionnel pour une bouteille au bouchon d’origine : il est à la base du goulot. Le bouchon se brise en de nombreux morceaux. Stéphane Follin-Arbelet aimerait m’aider, mais je préfère finir sans aide. Toutes les morceaux brisés sortent et l’odeur qui envahit la pièce est extraordinaire. On sent les agrumes qui vont se libérer. Le vin semble parfait. Je suis heureux. J’ouvre ensuite la toute petite bouteille du vin de Chypre 1841 et le bouchon est complètement collé aux parois. Aussi, quand je tire le tirebouchon, je ne retire qu’un petit cylindre du centre déchiré, et il me faut séparer le bouchon du goulot en coupant avec une pointe acérée de tout petits morceaux. Inévitablement des miettes tombent dans le vin, que j’enlèverai au moment du service avec une cuiller directement dans les verres. Le parfum de ce vin est à se damner. Je n’ai jamais vu quelque chose d’aussi capiteux et poivré.

Stéphane nous presse pour aller au caveau du château faire une dégustation verticale du Chevalier Montrachet La Cabotte Bouchard Père & Fils.

La dégustation verticale des Cabotte est faite ………………… ICI.

Nous remontons avec nos verres de la Cabotte 1992 sur la belle terrasse qui surplombe les jardins implantés dans d’anciennes douves de la ville forteresse. Joseph Henriot nous rejoint, tout sourire, et gratifie chacun d’aimables compliments. Il y a dans notre groupe, de la maison Bouchard, Stéphane directeur général et Philippe l’homme qui fait et connaît tous les vins sur le bout des doigts, deux amis suisses, grands collectionneurs, un des principaux clients de la maison Bouchard qui vend du vin à grande échelle mais organise aussi des grandes dégustations aux quatre coins de la planète. Il y a aussi Allen Meadows, l’homme qui connaît le mieux les vins de Bourgogne, qui vient de sortir un livre sur les vins de Vosne Romanée. Deux journalistes vont filmer des moments de notre repas, pour les archives de la maison Bouchard.

Sur la terrasse, nous buvons un Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs magnum 1959, vin que j’apprécie au plus haut point. Une grande peur nous prend, car il y a en bouche mais pas au nez, un petit début de bouchon. Fort heureusement ce petit défaut disparaît et la richesse de ce champagne beurre et citron, charnu et charmeur, me ravit. Ce champagne est d’abord un vin. Joseph Henriot est passionnant car il nous confie ses interrogations sur des choix stratégiques et nous sommes fiers d’être dans la confidence, mais il en profite aussi pour insister sur notre responsabilité pour développer l’amour des vins de qualité.

Le menu composé par Stéphane et réalisé par Marie Christine est – je pense – le plus abouti de tous ceux des dîners auxquels j’ai été invité dans l’Orangerie de Château de Beaune. Le menu est : Gougères / médaillon de lotte au curry / volaille de Bresse aux morilles et riz sauvage / grenadin de veau, jus de cuisson et petits légumes / Cîteaux et comté / choco- passion. Ce fut très élégant.

Le Corton Charlemagne Bouchard Père et Fils 1961 est une valeur sûre. Il a un nez de citron. En bouche, c’est magique car se mêlent les fruits confits et le citron. Le final de ce vin est extrême, avec du citron confit. Le curry va bien au vin. Ce Corton Charlemagne déborde de poivre. Ce qui est étonnant c’est le mariage d’une délicatesse et d’une grande puissance.

Le Château Margaux 1929 se présente avec un nez assez fatigué. Mais on sent qu’il va s’améliorer. A côté de lui, le Fleurie Château de Poncié 1929 a un nez très frais. Je m’étonnais que ce domaine ait gardé des 1929, mais l’explication existe : ce domaine a appartenu à la maison Bouchard qui avait une stratégie de conservation d’une « bibliothèque » de millésimes de ses vins. Il est donc normal qu’ils aient gardé des 1929. Le château de Poncié a quitté le groupe Bouchard et c’est Joseph Henriot qui l’a acheté récemment pour l’intégrer à son groupe.

En bouche le margaux est très joli et velouté. Il a un charme très féminin. Et ses petites faiblesses disparaissent miraculeusement avec les morilles. Le Poncié a des aspects mentholés. Il est très joli, vieux bois, avec beaucoup de charme dû à sa longueur. Il y a du bois et du café. Ce vin remarquablement conservé est un exemple de l’intérêt des beaujolais de garde. L’amertume est compensée par la belle densité.

Lorsqu’on nous sert côte à côte le Château Lafite Rothschild 1844 et le Château Lafite Rothschild 1858, nous prenons conscience que nous entrons dans un monde qui est le Graal de tout amateur de vin. J’ai bien observé les bouteilles qu’ouvrait mon ami. Les bouteilles d’origine sont très anciennes. Les étiquettes récentes ne montrent rien de particulier, sauf le millésime et il y a une contre étiquette qui indique que les vins ont été rebouchés au château en 1983. Tout m’est apparu authentique.

La couleur des vins est irréelle, car il n’y a pas un gramme de tuilé. Il y a même du rubis sur les bords. Les nez sont élégants. Les vins sont très acides, mais vraiment élégants. Leur jeunesse est confondante. Je trouve le 1844 beaucoup plus brillant, avec une richesse qui m’évoque Lafite 1961. Il a une structure folle, une densité incroyable. Je trouve cela complètement fou. On nage dans l’irréel, avec des structures invraisemblable et une puissance aromatique rare. Le nez du 1858 est délicat. Certains préfèrent le 1858 et je leur dis que c’est parce qu’il est le plus bourguignon des deux. Le 1844 a la race et la puissance d’un grand 1961 et le 1858 s’épanouit mieux et se montre progressivement plus élégant. Mais le 1844 m’a conquis. Pendant que je déguste, mes sens sont en éveil pour essayer de dépister une éventuelle ajoute à ces vins. Mais à mon sens il serait impossible d’avoir ces équilibres avec des vins qui ne seraient pas complètement homogènes.

Joseph Henriot est un agronome, aussi s’interroge-t-il sur ce qui expliquerait une spécificité des vins préphylloxériques qui leur donnerait cette longévité. Je ne suis pas un expert de cette question, mais mes amis suisses et moi avons bu beaucoup de vins préphylloxériques et il est indéniable qu’il y a en eux une aptitude au vieillissement qui est spectaculaire. Est-ce parce que présentes depuis un millénaire, ces variétés se sentaient bien dans ces couches géologiques qui leur convenaient ? Cette idée me plairait.

L’heure est venue pour le Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus 1865. Joseph Henriot et Stéphane rappellent l’histoire de la jeune carmélite qui avait prédit qu’Anne d’Autriche aurait un enfant et dont sa congrégation fut gratifiée de ce bout de vigne baptisé Enfant Jésus. Le nez du vin est extrêmement bourguignon, avec un charme confondant. Ce qui me frappe, c’est l’équilibre parfait de ce vin à la jeunesse aussi irréelle. Je trouve que ce vin sublime n’est pas le meilleur des trois que j’ai bus de cette année. Mais on est au sommet de ce que la Bourgogne a donné dans cette année historiquement grandiose.

Tous mes amis sont quasiment K.O. assis tant le Château la Tour Blanche 1869 est d’une perfection infinie. Le parfum est d’une puissance rare. En bouche, le vin est d’un charme inouï. Malgré sa couleur noire, il n’y a quasiment pas de caramel et ce sont les agrumes qui dominent. On parle souvent de sauternes qui mangent leur sucre et je me souviens d’un Filhot 1858 bu en ce même lieu qui avait perdu son sucre. Ce vin de 1869 a gardé tout son sucre et il est tellement puissant qu’on dirait un grand Yquem et il m’évoque un peu le 1861 que j’ai adoré et pour mon ami suisse c’est l’Yquem 1869 qu’il a déjà bu trois fois. Il estime que les deux se ressemblent. A mon sens ce vin est « le » sauternes parfait, avec une jouissance en bouche incomparable. Le gras de ce vin sur un fond sucré et agrumes est unique.

Il est temps de partager avec mes amis le Vin de Chypre 1841. C’est la seule bouteille de cette année que j’ai et le l’ai prise par jeu, pour offrir un vin plus vieux que le 1844 ! Le parfum de ce vin est d’une puissance incroyable. La sensation d’alcool est très forte. Et ce qui fait le charme, unique pour moi qui en suis fou, c’est que l’alcool fort est rafraîchi par un poivre dominant. Et le vin est une délicatesse, mêlant puissance, force alcoolique à une finesse créée par le poivre. Il n’existe aucun autre vin qui ait cette longueur infinie.

Nous sommes tous conscients que nous venons de vivre quelque chose d’unique. Car la qualité de tous les vins était au rendez-vous. Nous avons pu constater que les vins peuvent approcher l’éternité. N’étant pas l’organisateur de ce dîner, je n’ai pas demandé que l’on vote. Mon vote serait : 1 – Château la Tour Blanche 1869, 2 – Château Lafite Rothschild 1844, 3 – Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus 1865, 4 – vin de Chypre 1841, 5 – Château Lafite Rothschild 1858.

Si je n’ai pas mis en premier le Beaune Grèves 1865 qui était parfait, c’est essentiellement parce qu’il n’y avait pas la nouveauté que ce sauternes 1869 à la perfection absolue m’a offerte. Et le 1844 est tellement au dessus de ce que j’attendais de ces Lafite qu’il devait être couronné en bonne place.

La maison Bouchard a créé cette occasion unique de boire certains de leurs trésors chéris et de réunir des amoureux de vins anciens autour de bouteilles de légende. Dans ma vie de collectionneur – et buveur – de vins anciens, c’est peut-être le plus grand dîner auquel j’aie pu assister. Merci à la maison Henriot et à mes amis présents à cet événement inoubliable.

Dégustation verticale de quelques millésimes de la Cabotte de Bouchard jeudi, 24 juin 2010

Stéphane Follin Arbelet DG de Bouchard nous invite à aller au caveau du château faire une dégustation verticale du Chevalier Montrachet La Cabotte Bouchard Père & Fils.

Le Chevalier Montrachet La Cabotte Bouchard Père & Fils 2008 a un fort nez de noix et de noisette. Il est d’une densité énorme. Ce vin est beau. Il y a un peu de fumé. Philippe, l’homme qui fait les vins, dit qu’il est plus Chevalier que Montrachet. Il y a du fruit confit et du bonbon anglais et du poivre. La mise en bouteille est de mars 2010, il y a trois mois. On sent la noix et l’abricot sec. Ce vin est d’une forte personnalité.

Le Chevalier Montrachet La Cabotte Bouchard Père & Fils 2007 a aussi un nez d’amandes. Il est plus léger, élégant, un peu laiteux. Il est un peu court (tout est relatif, à ce niveau de qualité), mais le final citronné est très élégant. J’aime ces vins moins puissants qui vont vers l’élégance, ici florale et de citron. Dans la finale, il y a un peu d’amande pilée sur du citron.

Le Chevalier Montrachet La Cabotte Bouchard Père & Fils 2006 a un nez d’amande comme le 2007. Il commence à s’arrondir. Le vin est plus intégré. C’est un vin plus chaud. Il y a un peu de fumé, de beurre, de gras. Le final citronné est joli. Les arômes sont plus lourds, donnant un caractère assez capiteux.

Le Chevalier Montrachet La Cabotte Bouchard Père & Fils 2005 a un nez plus tendre au premier abord, plus citron. Le vin est frais, plus léger, pêche blanche. Un ami signale le miel d’acacia. Le final est de citron vert et de poivre. Je le trouve assez différent des trois précédents. La puissance se découvre maintenant et le final est mentholé. Son charme s’étale maintenant.

Le Chevalier Montrachet La Cabotte Bouchard Père & Fils 2002 est le premier vin a avoir vraiment un nez bourguignon. C’est un parfum de grande classe. Il y a de la noisette, du citron, de l’amande et ce petit « je ne sais quoi » qui fait la Bourgogne. En bouche le vin coule de source avec une insolente évidence. Il est frais et grand. Le panier de viennoiseries se sent avec du beurre, mais le final est citronné. C’est un vin immense, à l’équilibre spectaculaire.

Le Chevalier Montrachet La Cabotte Bouchard Père & Fils 2000 a un nez plus discret mais fin. En bouche, il est le plus chaleureux. C’est celui qui a le moins d’acidité. Malgré moins de présence que le 2002, je le trouve très fin et élégant. C’est un beau vin d’élégance.

Le Chevalier Montrachet La Cabotte Bouchard Père & Fils 1992 est servi en magnum. C’est le premier millésime de ce vin. Car ce vin qui géographiquement est dans l’emprise des Montrachet, n’en a pas le nom, pour des raisons administratives. Il a été jugé intéressant de le vinifier pour lui-même, sans l’inclure dans le Chevalier Montrachet, du fait d’une personnalité qui justifie qu’on lui donne son indépendance. Le nez de ce vin est magique. Il y a de la morille et du sous-bois. Ce vin est beau. Il y a du toasté, du fumé, et une complexité certaine. Le final est en fanfare, avec des fruits jaunes fumés. Il a une grande fraîcheur. Quand on reprend du 2002 derrière le 1992, on sent que le 2002 est plus racé, mais qu’il raconte moins de choses. Et l’expérience saisissante, c’est de boire le 2008 après le 1992, car la continuité gustative est spectaculaire. Le 2008 est plein de richesse, si frais et si long en bouche.

Cette dégustation est convaincante. J’ai un faible pour ce vin.

dégustation de quelques 2009 du domaine Vicomte Liger-Belair jeudi, 24 juin 2010

Après la dégustation des 2009 de la Romanée Conti, avec mon ami américain et son épouse, nous n’avons que quelques pas à faire pour sonner à la porte du château de Vosne-Romanée. Dès que je sonne un grand chien accourt pour se manifester, suivi d’une petite fille à peine plus grande que le chien, mais le dépassant en autorité. Louis-Michel Liger-Belair vient nous ouvrir et nous propose de goûter quelques vins avant de partir déjeuner.

Nous admirons la belle demeure et le joli parc et nous nous rendons dans la cave qui est sous la maison.

Le Vosne Romanée 1er Cru Les Chaumes Domaine Liger-Belair 2009 a un joli nez, très épicé et chaud. Le vin est très droit, et très différent des vins du DRC. Il est élégant mais un peu monolithique.

Le Vosne Romanée 1er Cru Les Petits Monts Domaine Liger-Belair 2009 a un nez joli. En bouche, il est un peu perlant mais joli. C’est un vin élégant même s’il est un peu moins ouvert que Les Chaumes.

Le Vosne Romanée 1er Cru Les Suchots Domaine Liger-Belair 2009 est plus lourd, plus assis. C’est un vin de plaisir.

Le Vosne Romanée 1er Cru Aux Reignots Domaine Liger-Belair 2009 est très élégant. Il y a beaucoup de cohérence et une belle densité de tous ces vins. Le final du Reignots est très élégant avec une pointe de cassis. C’est très joli.

L’Echézeaux Grand Cru Domaine Liger-Belair 2009 a un joli nez. Le vin est plus léger, plus romantique. On est dans la légèreté avec un beau poivre et de l’élégance.

La Romanée Grand Cru Domaine Liger-Belair 2009 est d’une spectaculaire élégance. Tout est parfait dans ce vin. Il est beau, et dix fois plus lisible que la Romanée Conti 2009. Le final est charnu. C’est un vin de plaisir.

Je ne suis pas un expert des vins de Liger-Belair, mais cette dégustation des vins d’une grande année est très probante.