dîner chez Yvan Roux vendredi, 21 mai 2010

Une dégustation chez Krug, un repas dans un grand restaurant, ma journée aurait dû s’arrêter là ! Or, me trouvant le soir à l’aéroport pour aller dans le sud, je rencontre un ami, sa femme et ses enfants qui vont prendre le même avion que moi. Ils vont dîner ce soir chez Yvan Roux où ils retrouveront un autre ami qui m’avait demandé de passer chez Yvan.

Nous voilà donc à 22h40, du fait du retard de l’avion pour un dîner chez Yvan Roux. J’annonce d’emblée : je ne mangerai quasiment rien et même chose pour la boisson. Mais hélas, l’enfer est pavé de bonnes intentions. Car une assiette de chorizo fait avec du Pata Negra et une coupe de Champagne Laurent Perrier Grand Siècle sont capables de briser toutes les résistances. Le champagne n’a pas la complexité de Krug, mais c’est un champagne de soif. Et que faire quand il y a des tranches de chorizo ? Boire !

Yvan nous montre un immense homard qui va permettre de faire des portions pantagruéliques. La cuisson est divine et l’accompagnement de feuilles d’épinard et une sauce au curry se mange à part, avec gourmandise. Pour le mérou accompagné par une purée d’aubergines, nous avons bu un « R » de Rimauresq Côtes de Provence magnum 2005. Ce vin puissant, riche, avec une râpe typée et gourmande accompagne bien le poisson. Et c’est la râpe qui s’accroche bien à la chair intense du poisson.

C’est tard dans la nuit que nous avons quitté la table d’hôtes d’Yvan Roux, avec le plaisir de nous être enivrés de promesses d’été.

Krug au restaurant l’Assiette Champenoise vendredi, 21 mai 2010

Après la dégustation de quatre champagnes de la maison Krug dans la salle de dégustation du siège de Krug, nous partons en convoi au restaurant l’Assiette Champenoise du château de la Muire à Tinqueux.

Lorsque j’arrive, Arnaud Lallement, le jeune chef de ce restaurant deux étoiles m’accueille avec un large sourire, m’indiquant qu’il est heureux de me rencontrer. Cela fait toujours plaisir. Nous passons à table dans la belle salle du restaurant. Eric Lebel préside la table, puisque Olivier Krug ne nous rejoindra qu’au moment du dessert. Tout le repas se fera avec des magnums de Champagne Krug Grande Cuvée. La température de service est idéale et le champagne, pas seulement à cause de l’effet du format, est infiniment plus chaleureux que celui dégusté au siège. Ce champagne est doré, et donne une image joyeuse. Il a la complexité, la subtilité de Krug, et une mâche que n’avait pas le précédent.

Arnaud Lallement a conçu un menu qui est son inspiration du moment : petit pois et lard confit / asperges vertes de R. Blanc, truffe noire en purée, vin jaune / homard bleu, ail violet, cébette rouge / turbot breton, bulots, pois gourmands / pigeonneau en tourte, épinard et tomate / fraise-citron, croquant acidulé, glace fraise.

Le petit pois est d’une rare densité et le lard confit met en valeur de façon spectaculaire le champagne. C’est saisissant et confirme bien l’aptitude à la gastronomie de ce champagne. La purée de truffe jongle aussi avec le Krug. La cuisson du turbot est exemplaire, et la crème de bulots est tout simplement renversante de profondeur, trouvant un écho déterminant avec le Krug. Comme cela se produit dans les repas à un seul vin, il est un moment où le palais se lasse un peu et c’est le cas sur le pigeonneau très goûteux pour lequel l’envie d’un rouge très lourd est pesante sur la langue. Le champagne revient en force sur le dessert.

Nous avons vu tout au long du repas le talent de ce Krug, flexible sans jamais aliéner sa personnalité. Quelques années de cave de plus lui conviendraient car la Grande Cuvée vieillit merveilleusement bien. Olivier est venu nous rejoindre et nous avons longuement bavardé avec le chef. Arnaud est solidement installé sur le niveau de deux étoiles, avec une mise en valeur du produit qui est d’une belle maturité. A son jeune âge, tout pourra le conduire à la troisième étoile car le cadre est d’un confort idéal, sa vision des produits, avec une lisibilité rassurante, et son talent des cuissons et des dosages lui promettent le plus grand des parcours. Tout naturellement nous avons évoqué la possibilité de faire un de mes dîners de vieux vins chez lui. Cette perspective m’enchante.

L’assiette champenoise – photos vendredi, 21 mai 2010

Arnaud Lallement a conçu un menu qui est son inspiration du moment :

petit pois et lard confit

asperges vertes de R. Blanc, truffe noire en purée, vin jaune

homard bleu, ail violet, cébette rouge

turbot breton, bulots, pois gourmands

pigeonneau en tourte, épinard et tomate

fraise-citron, croquant acidulé, glace fraise

Tout cela est très appêtissant !

dégustation de Krug au siège de Krug vendredi, 21 mai 2010

Avec mon gendre, nous avons fait un achat massif de champagnes Krug, car nous considérons que ce champagne profite merveilleusement bien de son vieillissement. Il faut donc en avoir en cave. Le caviste qui avait permis l’opération est invité au siège de la maison Krug avec mon gendre, pilote de l’opération, et quand je le sais, je décide de me joindre à eux. Quelle n’est pas ma surprise, quand j’arrive sur place un peu après eux, de constater que ma fille est présente ! Nous visitons les chais et les caves avec les explications brillantes d’Eric Lebel, chef de caves, qui fait partie du comité de dégustation des champagnes pour décider les assemblages, formé de quatre personnes qui s’étend parfois à sept, si les membres de la famille Krug se joignent à eux.

Après la visite, Olivier Krug tout sourire nous rejoint pour la dégustation. A ma grande surprise, le premier vin qui nous est servi est le Champagne Krug Clos du Mesnil 1998. Je me dis que si l’on commence comme ça, dans quelles mers inconnues allons-nous naviguer ? Olivier nous explique que le chemin sera fait en finissant par la Grande Cuvée, ce qui me semble curieux.

Le Champagne Krug Clos du Mesnil 1998 est très floral, de fruits blancs et roses, et l’espace d’un instant, le goût des groseilles à maquereau que je dévorais dans mon enfance, malgré les piquants acérés, revient à ma mémoire. Ce champagne combine longueur, fraîcheur, finesse et précision. C’est vraiment un très grand champagne. Le Champagne Krug Millésimé 1998 est moins floral. Il joue plus sur la puissance. Il est plus assis, moins frêle et moins romantique. Mais on sent en lui un potentiel de puissance immense.

Le Champagne Krug Millésimé 1995 est plus minéral au nez, alors qu’Eric lui trouve du pain d’épices. Il est déjà gastronomique, tant c’est un champagne gourmand. Il a des aspects toastés montrant un début d’évolution. Il est très rond et très charmeur, plus proche de mes désirs de gastronomie. Le nez du Champagne Krug Grande Cuvée est le plus expressif des quatre. Ce nez est le plus grand. Mais en bouche, je suis frappé par le fait que la matière est plus limitée. Il manque un peu de largeur, même si, à l’éclosion, on prend conscience de sa complexité. Je demande donc pourquoi l’on finit sur un champagne moins plein que les trois autres. Mon gendre donne un explication qui est intéressante : il estime que les trois premiers permettent d’aborder le Grande Cuvée avec un œil différent, lorsque l’on a exploré des complexités variées. Et je comprends des explications d’Eric et Olivier que la maison Krug tient sa force de ses assemblages. Et les assemblages les plus délicats sont faits pour la Grande Cuvée. C’est ce travail de composition qu’Olivier tient à mettre en avant dans cet ordre de dégustation.

Si je n’ai pas été totalement convaincu, car pour mon goût, les meilleurs sont dans l’ordre l’infiniment raffiné Clos du Mesnil 1998, puis le Millésimé 1995 déjà prêt pour la haute gastronomie, puis le Millésimé 1998 très prometteur et le Grande Cuvée, au nez brillant mais au coffre plus étroit.

Nous allons goûter à nouveau la Grande Cuvée au déjeuner. Et là, la Grande Cuvée, épanoui et brillante, très au dessus du champagne de dégustation, m’a fait comprendre pourquoi Olivier a choisi cette ordre : la Grande Cuvée, c’est le vaisseau amiral de la maison Krug.

visite chez Krug – photos vendredi, 21 mai 2010

alignement de barriques d’âges canoniques

le nom Kug sur un tonneau et l’alignement de bouteilles dans des caves interminables

avec ma fille et mon gendre

la couleur du champagne est belle, et l’on peut deviner le délicat graphisme sur les verres de dégustation

la salle de dégustation

Maury et chocolat à l’Institut Supérieur du Goût vendredi, 21 mai 2010

Chaque année, je fais une conférence devant les élèves de l’Institut Supérieur du Goût, école qui est dans la mouvance de la Fondation Cartier. Cette fois-ci, le directeur a élargi l’audience à des élèves de l’Institut Supérieur du Luxe, autre école du même groupe. La participation ayant été suscitée sous la forme du volontariat, une trentaine d’élèves assistent à ma présentation, avec une majorité de jeunes filles. Après l’exposé et les réponses aux questions, nous dégustons un Maury, les Vignerons de Maury 1947 et un Maury distribué par Terres du Sud 1937. Les quatre bouteilles apportées sont très récentes, car la mise en bouteille a été faite il y a moins de dix ans. Les élèves doivent se représenter la différence entre les deux Maury, et voir quelle est l’influence d’abord d’un chocolat noir, puis d’un chocolat au lait sur le goût de chacun des deux Maury.

Le Maury 1947 est plus noir, plus profond, de plus belle structure. Le Maury 1937 est plus marron, plus léger, et l’alcool est plus présent. On perçoit une nette différence entre les deux, le 1937 faisant notoirement plus vieux que le 1947. L’influence du chocolat noir est déterminante sur les deux Maury et beaucoup d’élèves sont surpris de la pertinence de l’association. C’est le 1937 qui réagit le mieux au chocolat noir, et il prend une dimension insoupçonnée par rapport à la première image qu’il avait donnée. Le 1937 profite nettement plus que le 1947 et devient beaucoup plus charmeur. Les élèves font des remarques très intéressantes.

Le chocolat au lait crée presque une opposition avec le 1947 et le 1937 est chatouillé mais reste indifférent. On voit donc nettement que pour les deux vins le chocolat au lait n’est pas un apport pertinent et que le chocolat noir est un rehausseur de goût, conduisant le 1937 à dépasser en plaisir le 1947 qui semblait de qualité supérieure. Les élèves étaient intéressés et motivés, et c’est toujours un grand plaisir pour moi de dialoguer avec des jeunes pleins d’avenir. Un groupe de sept s’est déjà formé, que je reverrai pour d’autres dégustations dans très peu de temps.

Dégustation matinale, puis à un déjeuner, de deux Romanée Conti du domaine de la Romanée Conti jeudi, 20 mai 2010

Dans le désert, des paraboles arrivent à capter les rares molécules d’eau que l’atmosphère distille chichement. L’histoire qui va suivre fait partie des hasards que la parabole de mon ange gardien arrive à capter, produisant quelques surprises invraisemblables. Et cela ajoute à mon bonheur.

Un journaliste m’appelle. Il a eu l’approbation du domaine de la Romanée Conti pour faire un film sur le domaine et ses vins. Il me dit que son film commencerait par une dégustation de la Romanée Conti, et comme le renard de la fable, il me dit que je suis celui qui pourrait le mieux parler de la Romanée Conti avec les mots d’un jouisseur, au lieu des mots d’un analyste froid.

Le corbeau n’est pas né de l’été dernier aussi ma réponse est d’une absence totale de romantisme : « avez-vous un budget ? ». Et j’indique que s’il s’agit d’ouvrir un Haut-brion ou un Yquem, je ne poserais pas la question, mais ouvrir une Romanée Conti pour le seul plaisir d’être filmé n’est pas dans mes horizons.

La réponse est nette : « je n’ai pas de budget ». Et le journaliste m’explique que l’un des sponsors du film étant une chaîne de télévision japonaise, si je partageais ma bouteille avec un amateur japonais qui connaît la Romanée Conti, ce serait apprécié. Il pensait sans doute me poser un problème insoluble, et je sens comme un étonnement lourd comme le plomb quand je lui réponds : « je déjeune avec lui ce midi ».

Le midi, déjeunant avec mon ami japonais, je lui parle du projet : « je vais ouvrir une Romanée Conti pour le film du journaliste, comment envisagez-vous que nous puissions nous répartir les frais si nous la buvons tous les deux ? ». Sa réponse fuse comme l’éclair : « évitons tout problème d’argent, j’en apporte une aussi ». Quel bon sens et quel sens du partage !

Le jour dit, je me présente à 9 heures du matin au restaurant Le Grand Véfour qui est envahi par les éclairages, les perches, les cadreurs et les caméramans. Nous avons livré nos deux bouteilles il y a plus d’une semaine. Il faut s’adapter aux caprices du script, ce qui n’est pas forcément dans ma nature. Je n’ai qu’une obsession : ouvrir les bouteilles comme il convient. Or on nous demande d’arpenter les arcades des jardins du Palais Royal, pour que le sujet soit mis en place.

Après ces errances, je peux enfin ouvrir les deux vins. Le bouchon de la Romanée Conti 1996 est beau comme tout. Le parfum qui s’exhale du goulot est d’une folle jeunesse. Le bouchon de la Romanée Conti 1986 est incroyablement serré dans la bouteille, ce que j’avais déjà remarqué sur des bouteilles de la même époque. Et l’on constate instantanément que les deux vins sont à des stades opposés de leur vie. Il y a le gamin impubère et l’adulte.

Suivant les ordres du script, nous nous asseyons, Tomo et moi pour commencer à déguster et commenter les vins. Les vins sont fraîchement ouverts, il est très tôt le matin, allons-nous entrer dans la magie de ces deux vins ? Les nez sont indéniablement Romanée Conti, avec deux versions résolument opposées. Le 1996 est d’une folle jeunesse avec un fruit rouge acide et des pétales de rose. Le nez du 1986 est nettement plus évolué, évoquant les feuilles d’automne et le salin caractéristique des vins du domaine. Les couleurs les distinguent crûment : le 1996 est rouge, noir de cerises, et le 1986 est plus tuilé, couleur de vin plus assagi.

En bouche, les deux vins se conduisent comme deux effeuilleuses, car leur charme progresse à chaque gorgée comme au déshabillage de chaque pièce de vêtement. Plus le temps passe, et plus la magie de la Romanée Conti se propage, sous deux versions distinctes, du puceau et du barbon. Il est clair que l’écart de goût entre les deux vins est de plus de vingt ans, quand le calendrier ne donne que dix ans. Est-ce à dire que le plus ancien est fatigué ? Pas du tout. Quand je demande à Tomo lequel il préfère, il répond comme moi qu’il est impossible de les départager, tant ces deux versions sont Romanée Conti. On pourrait dire que le 1986 est plus authentiquement Romanée Conti, car il est plus affirmé, mais le 1996 est une merveilleuse promesse. Quand Tomo m’a demandé si le 1996 sera comme le 1986 dans dix ans, je lui ai répondu qu’il sera encore dix ans plus jeune que le 1986 d’aujourd’hui, car il a un potentiel de jeunesse presque inextinguible.

Je m’imaginais qu’après dix ou douze phrases dithyrambiques sur les vins les caméras s’éteindraient. Pas du tout ! Nous avons parlé pendant une heure et demi sur ces deux vins, décrivant l’éclosion de leurs qualités, pour devenir les fleurs du mal que nous adorons.

La Romanée Conti 1996 est florale. Les pétales de rose sont nettement en trame au nez et en bouche. Les fruits rouges et noirs sont déterminants. Ce qui impressionne, c’est l’élégance et la finesse, car ce vin est en délicatesse et ne s’impose pas en force. Et le final est inextinguible. La trace en bouche ne peut s’arrêter.

La Romanée Conti 1986 est beaucoup plus bourguignonne. Il y a la salinité qu’évoque la coquille d’huître qui est si caractéristique des vins du domaine. En bouche, c’est l’équilibre qui impressionne. Il a lui aussi la finesse et l’élégance sur un registre plus assis, et si le final est aussi imprégnant, il est plus calme.

Alors, la question qui peut venir à chacun est la suivante : « tout ça, c’est bien, mais est-ce que ces vins sont vraiment au dessus du lot ? ». Et la réponse est simple, c’est celle de l’auberge espagnole : si on veut critiquer ces vins, on trouvera toujours un argument de tel vin d’un région obscure qui le battrait à l’aveugle. Mais si on apporte à l’auberge son envie d’en jouir, on a un retour d’amour au-delà de toute espérance. Car la pureté de dessin de ces deux vins, l’élégance, la finesse et surtout la longueur infinie ne s’offrent qu’à ceux qui veulent les aimer. Et Tomo et moi sommes dans ces dispositions.

Les caméras continuent de lancer leurs derniers feux. Les journalistes, caméramans et autres ont deux verres pour s’imprégner de la majesté de ces vins, et leurs mines éblouies sont convaincantes.

Le corbeau est prévoyant comme l’écureuil : j’ai réservé une table au restaurant le Grand Véfour pour finir notre exploration de ces deux vins.

Il faut toutefois se recadrer le palais et un Champagne Comtes de Champagne Taittinger 1998 est le compagnon idéal de notre retour sur terre. Sa bulle est un peu forte, mais c’est une question de température. Il a une belle personnalité et un charnu que j’apprécie, fait de fruits jaunes compotés.

Sur des ravioles de foie gras, crème foisonnée truffée, la Romanée Conti 1996 est éblouissante de jeunesse et de fruit accompli. La bouche est emplie et la longueur est étourdissante. Le vin gagne en dimension dès qu’il est confronté à la nourriture. A côté, le 1986 porte le poids des ans. Il se referme et semble se désintéresser de ce qui se passe.

Sur le pigeon Prince Rainier III absolument délicieux, la Romanée Conti 1986 qui crie : « je suis là », faisant bien comprendre qu’on aurait tort de l’oublier. Car l’accord est saisissant, le vin est éblouissant de jeunesse (eh oui) et d’accomplissement. C’est confondant de perfection, la truffe en gros morceaux agissant avec pertinence. Et le 1996 au contraire se referme, comme son aîné l’avait fait sur le plat d’avant.

Nous comprenons que ces deux vins ne se conçoivent qu’en situation de gastronomie, car c’est là qu’ils montrent à quel point ils sont grands. Entre les vins frais bus à 10 heures et les vins accomplis que nous buvons maintenant, il y a un espace incommensurable. Au moment où les dernières gouttes s’assèchent dans nos verres, nous mesurons la chance immense que nous avons eue de goûter ces deux vins mythiques, qui justifient leurs mythes, en nous donnant un plaisir qui est tout simplement un privilège.

Il fallait finir le champagne et l’accord qui a terrassé les accords précédents, c’est celui d’un fromage « cabri ariégeois » fort coulant avec le Comtes de Champagne. A se damner.

C’est la première fois de ma vie que sur un repas à trois vins il y a deux Romanée Conti. Avec Tomo, nous avons décidé de recommencer. Car il n’y a pas sur terre beaucoup de plaisirs plus gratifiants que de côtoyer ainsi, dans l’amitié, le Graal du vin, rêve de beaucoup d’amateurs de vins sur toute la planète.

deux Romanée Conti au Grand Véfour – photos jeudi, 20 mai 2010

C’est rare d’avoir deux bouteilles de ce niveau, ensemble, au restaurant. Le caméraman règle son appareil. On me voit dans la glace.

Tomo et moi avec nos deux bouteilles

les deux beaux bouchons

Romanée Conti 1996 et 1986

Comtes de Champagne Taittinger 1998

les plats

Tomo avec son épouse

Belle table !

Déjeuner au Yacht Club de France mercredi, 19 mai 2010

Déjeuner au Yacht Club de France avec mes conscrits. Le champagne Joseph Perrier brut est toujours un champagne de soif, dont la consommation croît exponentiellement avec sa buvabilité (mot atroce s’il en est).

Le Château Carbonnieux 2001 rouge a opté pour le modernisme et cela lui va bien.

Le Château Smith Haut Laffite 1998 est un vin intelligent qui se développe bien avec le temps. La cuisine de ce lieu accueillant progresse de repas en repas. On s’y sent bien.

Michel Chasseuil signe son livre mardi, 18 mai 2010

Michel Chasseuil signe son livre au siège d’Artcurial, dans un immeuble magnifique au rond point des Champs-Élysées qui appartient à la famille Dassault avec laquelle Michel a été lié pendant une grande partie de sa carrière. L’éditeur est Jacques Glénat, grand collectionneur de vins, que j’ai connu lorsque Alexandre de Lur Saluces réunissait les amis d’Yquem. Jacques étant grand amateur de vins, nous sommes traités au Champagne Krug Grande Cuvée, qui se boit avec grand plaisir. Je reconnais beaucoup de personnes du monde du vin, dont Michel Chapoutier et Michel Bettane. J’achète le livre de Michel Chasseuil et je reconnais avec plaisir une de mes bouteilles, un Chypre 1845, que Michel Chasseuil, chasseur tenace de raretés, m’avait persuadé de lui céder contre un de ses vins de paille Bouvret 1893.

L’assistance est nombreuse et une collaboratrice charmante de Jacques m’indique que je suis invité au dîner qui va suivre au restaurant Laurent. Nous nous y retrouvons une dizaine, dont Jacques Glénat, son fils et deux de ses bras droits, Michel Chasseuil et son fils, Laurent Dassault, Michel Bettane, Michel Chapoutier et moi.. Le menu est excellent : saumon sauvage mi-cuit, macédoine de légumes en gelée citronnée / carré et selle d’agneau de lait des Pyrénées, petites poivrades farcies / Saint-nectaire / gaufrette fourrée à la crème de lait d’amandes et fraises des bois.

Le Krug Grande Cuvée continue de nous mettre en bouche. Le Meursault Hospices de Beaune Cuvée de Baherze de Lanlay Joseph Drouhin 1998 est très évolué. Et c’est amusant de voir cette docte assemblée rejeter à hauts cris ce vin trop évolué, alors qu’une heure après, le vin a retrouvé une sérénité agréable. Le Saint-Joseph blanc Les Granits Chapoutier 2006 me semble botrytisé et Michel me dit qu’il l’est à peine. En fait, c’est la Roussane qui donne une impression de fumé et de liqueur de dosage, qui confère à ce blanc jeune une forte densité. Ce vin assez atypique est trop jeune pour moi.

C’est avec L’Ermite Ermitage Chapoutier 2005 que je prends le plus de plaisir. Car ce vin frais, servi à température idéale, est d’une rare élégance. S’il faut boire des vins jeunes, alors, que ce soit celui-là. Le Château Mouton Rothschild 1994 a un nez discret. On sent qu’il a une belle charpente, mais après l’Ermitage, il lui est impossible de briller.

Pour faire échange avec mon vin de Chypre, Michel Chasseuil m’avait tellement dit que son Vin de Paille Bouvret 1893 écrasait les Yquem 1937 que j’avais fini par céder. Celui qui nous buvons est intéressant, évoquant la mangue, l’abricot, avec une grande faiblesse alcoolique et très peu de complexité que si je comprends l’intérêt de la curiosité, je ne comprends pas qu’on puisse comparer à Yquem qui a cent longueurs d’avance en termes de complexité. Le vin est toutefois charmant, doux, tendre, excitant car nul n’a de repères. Mais de là à le déifier, il y a de la marge.

Lors de la présentation à table Jacques Glénat qui avait placé Michel Chasseuil et moi côte à côte nous a présentés comme deux antipodes, celui qui conserve les vins et celui qui les boit. Mais lors de son court speech, Michel Chasseuil a indiqué qu’il avait l’intention de céder sa cave à une fondation qui chaque année ferait un repas d’anthologie, dont les bénéfices iraient à des œuvres d’utilité publique. Si c’est cela, et Michel Bettane m’a dit que l’homme irait jusqu’au bout, son acharnement à constituer une des plus belles caves au monde mérite le respect.