concours de dégustation – photos samedi, 24 avril 2010

Les candidats sont en place dans le cellier de Bollinger

Oui, c’est bien moi qui suis inscrit au jury

Classer ces trois champagnes par ordre d’âge n’est pas simple, et les couleurs n’aident pas vraiment (90, 95 et 92 Grande Année Bollinger)

Les candidats brandissent leurs réponses sur des ardoises

Les plats du repas

rencontre artisanale avec un beau Moulinet 1976 jeudi, 22 avril 2010

Pour l’entretien de ma maison, nous utilisons très souvent les services d’un serrurier électricien qui a tout du titi parisien. Expert en argot, il a la gouaille d’un Michel Audiard. Un plaisir à entendre, car on se croit immergé dans le monde des Tontons Flingueurs. Il a travaillé toute la journée, se lave les mains et me lance : « eh, alors, le patron, y sort pas son pinard ? ». Je descends en cave et je prélève une bouteille de Château Moulinet Pomerol 1976. La bouteille est belle et le niveau est dans le goulot. Avec un tirebouchon limonadier le bouchon se brise aux trois quarts et j’extraie le reste avec ma mèche miracle. Le nez est particulièrement expressif, profond, riche en alcool.

Si l’on comprend que le plaisir d’un vin est influencé par ce qu’on en espère, force est de constater que je suis stupéfait. J’attendais un honnête pomerol et je trouve un vin plus que surprenant. Je ne pense pas que La Conseillante de cette année serait plus complet. Le vin est très pomerol, avec une astringence et un râpeux qui n’appartiennent qu’à cette appellation que j’adore. Le vin est riche, creuse en profondeur un sillon de richesse dans le palais, et son final est construit sur des bases de grand vin. Et le plaisir est plus grand parce que je n’attendais pas ce niveau.

Plus tard, quand le vin s’ouvre, il est plus amène mais moins surprenant. On peut alors chercher ce qui le distingue des plus grands, mais si l’on ne pinaille pas, je dois avouer qu’il m’a donné du bonheur. C’est un vin bien plein, riche et profond, à la longueur plaisante, dont la râpe rappelant la sécheresse de l’année m’a beaucoup plu.

champagne Joseph Perrier – photos mardi, 20 avril 2010

La maison Joseph Perrier présente à quelques journalistes et à certains de leurs clients les nouveaux habillages de leurs bouteilles.

Ici, le brut blanc de blancs 2002 et le brut rosé 2002

Les jolis verres à champagne sont gravés aux initiales de la maison

L’iun des plats du repas du Yacht club de France

Le très original habillage de la cuvée Joséphine de Joseph Perrier

présentation des champagnes Joseph Perrier mardi, 20 avril 2010

Depuis des années, au salon des grands vins puis au Grand Tasting, je retrouvais les sympathiques propriétaires du champagne Joseph Perrier, Jean-Claude Fourmon et son épouse Marie Caroline. Nous tenions des propos aimables, mais je n’avais jamais réellement cherché à approfondir ce domaine. Tout récemment, je reçois une invitation à goûter les nouveaux millésimes et voir le nouvel habillage des vins de cette maison de champagne fondée en 1825 par un des membres de la famille Perrier dont trois branches se sont illustrées dans le champagne, les Perrier Jouët, les Laurent Perrier, Laurent n’étant pas un prénom mais une famille, et Joseph Perrier.

Nous sommes invités au Yacht Club de France ce qui me plait. L’apéritif est arrosé par le Champagne Joseph Perrier brut sans année qui est un vrai champagne de soif. Assez dosé, ce qui donne soif, il est simple, facile, sans grande longueur mais se boit bien. Le mot d’introduction du président du Yacht Club est court et très amical. Celui de Jean-Claude quand nous passons à table est pétillant comme son champagne et plein d’humour. Jean-Claude représente la quatrième génération de la famille.

Le menu du club est très élégant : le saumon dans tous ses états / carré d’agneau rôti au thym, sauce forestière, gratin dauphinois / fromages / médaillon de clafoutis aux framboises, jus de fraise et sorbet griotte.

Le Champagne Joseph Perrier blanc de blancs 2002 est très pur, droit, strict, peu dosé. Ce beau champagne a lui aussi un profil de vin de soif. Il a une assez belle persistance aromatique et c’est surtout le pétillant qui reste en bouche.

La divine surprise c’est le Champagne Joseph Perrier rosé 2002. Alors que je n’ai pas un palais fait pour les champagnes rosés, celui-ci me surprend par son extrême précision. Il est beau, riche, imprégnant, et il dégage une sérénité où toute mièvrerie est absente. Il est riche, et je l’aime. Il n’est pas forcément gastronome, et je l’aurais volontiers vu sur le dessert, mais je me dois de signaler sa grande persuasion.

Et, tout d’un coup, arrive quelque chose d’inconnu pour moi. Le Champagne Joseph Perrier Joséphine 2002 est une énigme. Un peu sec, un peu rêche, il a de la richesse. Astringent, on sent qu’il est fait pour la gastronomie la plus agressive. Donnez lui une pièce de bœuf, il en fera son affaire. Ce champagne fort, mais aussi délicat et subtil, c’est Sarah Bernhardt dans l’Aiglon. Car il dérange mais use de son charme. C’est un sommet de délicatesse.

Comme j’aime ce qui me surprend, je profite de ce champagne de grande finesse. Jean-Claude Fourmon venant bavarder à notre table fait remplacer pour ce champagne les jolis verres tulipe gravés du blason de la maison de champagne par des verres à vin. Je lui dis que je ne suis pas d’accord, car le verre à vin lui donne de l’ampleur alors que le verre tulipe préserve sa délicatesse et son romantisme. Mais bien sûr, cela dépend de ce qu’on recherche et attend de ce champagne aux grandes qualités gastronomiques.

Autour des tables, il y a des gens de presse et des clients de Joseph Perrier. Les discussions vont bon train. Dans une ambiance joyeuse, créée par ce couple éminemment sympathique, j’ai pu découvrir deux beaux champagnes, le rosé 2002 et surtout cette Joséphine 2002 au talent d’impératrice.

le restaurant Georges en haut du centre Pompidou mardi, 20 avril 2010

L’aînée de mes cinq petits enfants est inscrite au Conservatoire de danse du centre de Paris. Au sein de trois cents élèves dont des tout petits bouts de choux, elle danse à deux reprises au Théâtre du Châtelet, sur des chorégraphies étonnamment brillantes. C’est amusant de constater que lorsque trente fillettes se trémoussent harmonieusement sur scène, il n’y en a qu’une que mes yeux suivent : celle qui a un quart de mon sang. Et la larme à l’œil est bien proche quand elles sont applaudies.

Après le spectacle, nous nous rendons, sur invitation de ma fille, au restaurant Georges au sixième étage du Centre Pompidou. Ce décor ultramoderne m’évoque irrésistiblement le Gaffophone, l’instrument de musique de Gaston Lagaffe. La vue sur Paris est merveilleuse, mais la vue sur la salle l’est aussi. Car selon une recette bien rôdée des frères Costes, le personnel féminin est choisi pour faire saliver. Il y a une blonde aux jambes interminables et au regard de charolaise, une musculeuse noire qui s’active, et une asiatique au visage impénétrable qui semble peu concernée par ce bas monde. Un bel homme noir au profil athlétique restera une énigme parce qu’il n’a rien fait de la soirée. Est-il serveur ? Rien dans son comportement ne le prouve. En revanche, il n’est pas indifférent à la longiligne blonde qui ne sert pas beaucoup non plus.

La carte des plats et celle des vins sont sans imagination particulière. Pour ne pas prendre de risque, je choisis des macaronis aux morilles, exécutés de façon convenable. Je commande des vins au verre, un Haut de Smith Haut Lafitte pour ma fille et un Chablis 1er Cru Mont-du-Milieu 2007 pour mon gendre et moi. Lorsque je demande à la charmante serveuse noire si elle connaît le nom du propriétaire de ce Chablis, elle me répond qu’elle ne sait pas, regarde la carte et me dit : c’est ça, c’est Mont-du-Milieu. Puis sentant ma réaction de stupeur elle ajoute : enfin ce doit être quelque chose comme la Chablisienne. Elle n’a pas pensé à me montrer la bouteille. Le vin abusivement acide est resté dans mon verre.

La sono étant à fond et empêchant toute conversation suivie, nous avons quitté ce lieu en pensant que les frères Costes sont parfois mieux inspirés. On comprend mieux pourquoi les serveuses ou non serveuses sont jolies : il faut bien que quelque chose attire l’attention.

Déjeuner au restaurant Laurent avec La Tâche 1943 lundi, 19 avril 2010

Au sein de l’académie des vins anciens, il y a des académiciens d’une générosité sans limite. Avec l’un d’entre eux, Bruno, j’ai adopté la stratégie du mur de tennis. La fonction du mur de tennis, quand on lui envoie une balle, c’est de la renvoyer. Quoi de plus plaisant de répondre à la générosité par la générosité ?

Un jour Bruno m’appelle et me dit : « j’ai acheté une La Tâche 1943, de ton année, et je l’ai acquise pour la boire avec toi ». Le rendez-vous est pris au restaurant Laurent pour déjeuner. J’ai apporté deux bouteilles, un champagne et un blanc, et comme nous ne sommes que deux, il est décidé que nous ferons l’impasse du champagne. Bruno a apporté à titre de sécurité un autre vin de 1943, un des plus grands bordeaux qui soient, et d’un commun accord, en humant La Tâche, nous décidons qu’il ne sera pas nécessaire de l’ouvrir. Bruno m’indique qu’il sera au programme d’une autre rencontre.

A peine sommes nous assis dans le merveilleux jardin du restaurant, où les marronniers étrennent leurs feuilles toutes fraîches, qu’un ami très cher s’approche de notre table. Nous nous embrassons comme du bon pain et la question se pose de fusionner sa table et la notre puisque Bruno et moi avons chacun une bouteille de plus. Il est décidé de faire table à part, mais un verre de chaque vin sera destiné à mon ami.

Le vin que j’ai apporté est un Corton Charlemagne J.F. Coche Dury 1998. Patrick Lair nous suggère de prendre un foie gras poêlé. Cela peut prendre un certain temps et comme nous avons soif, à ma demande, il fait préparer des tranches de Comté. Le vin de Coche Dury est tout simplement impérial. Sa couleur est d’un or vert, son nez est profond et pur. En bouche, il y a une combinaison de caractéristiques contraires. Comment peut-on combiner une puissance indestructible avec une légèreté d’âme aussi romantique ? Comment peut-on trouver une structure aussi limpide et avoir un vin fantasque, chantant et buissonnier ? Ce vin a tout pour lui. Ce qui est intéressant, c’est que le comté joue un rôle latitudinal quand le foie gras joue en longitudinal. Le Comté donne de l’opulence au vin, au détriment de sa longueur, et le foie gras donne une longueur invraisemblable au vin tout en rétrécissant son parcours dans le palais, pour n’en retenir que l’essentiel de la trame. L’émotion est intense et en le buvant, je me dis qu’il n’existe pas de vin plus riche, plus beau, plus complet que ce vin dans la plénitude de sa sérénité. C’est un vin immense. Les petits grains de poivre saupoudrés sur la surface lisse du foie gras poêlé excitent le Corton Charlemagne en flattant sa richesse et sa complexité.

Avec Philippe Bourguignon, nous avions pensé qu’un pigeon aux morilles irait bien avec La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1943. La bouteille est de niveau très bas, comme hélas on le voit souvent avec de vieux vins de la Romanée Conti qui pèchent par la qualité des bouchons. Le vin ouvert il y a trois heures a été malencontreusement mis dans une armoire fraîche qui a joué – les hommes me comprendront – le rôle d’une mer froide sur l’anatomie masculine. Aussi, le nez est-il coincé, et la première bouche est-elle particulièrement peu amène. La couleur est fortement tuilée. Tout cela ne présage rien de bon.

Heureusement, le plat est un Docteur Miracle. Il est clair que nous nous persuadons que le vin est bon. On dit : « quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage ». De même, quand on veut que La Tâche 1943 soit bonne, on arrive à trouver de quoi la juger bonne. Et c’est vrai qu’il se structure, qu’il prend un peu de la richesse qu’il pourrait avoir. Et, comme nous sommes là pour en profiter, nous trouvons tout ce que nous pouvons pour que le courant passe. La morille nous y aide.

Un signe qui ne trompe pas, c’est que nous avons décidé que mon autre ami n’aura pas de La Tâche, car nous avons voulu profiter de chaque goutte de ce beau témoignage de la Romanée Conti, fatigué par un mauvais vieillissement, rétréci par son dernier stockage en chambre froide, mais répondant à l’appel qui lui a été fait par Bruno de briller pour son passage en scène au cours de ce repas d’amitié.

Nous parlions d’ Yvan Roux. Tout d’un coup d’une table voisine, un inconnu me tend son téléphone portable et me passe Yvan Roux qui m’avait hier proposé de profiter de cigales juste pêchées. Ce voisin inconnu avait entendu que je disais du bien d’Yvan Roux et voulait que le contact se fît.

Mes amis qui avaient reçu un grand verre de Coche Dury se joignent à notre table. Je décide d’ouvrir le Champagne Moët & Chandon Brut Impérial 1955 que j’avais apporté. Comme notre table est passée de deux à quatre, j’invite aussi l’inconnu de la table voisine à se joindre à nous. La couleur du champagne est ambrée, avec une légère trace de gris. Il n’y a plus de bulle et l’impression de pétillant n’existe plus. C’est donc un vin que nous buvons, avec la complexité et la richesse que ces champagnes évolués peuvent montrer si magnifiquement. La couleur implique logiquement une petite amertume, qui ne gêne pas le plaisir de déguster ce vin riche et dépaysant.

A cette heure-ci, il reste peu de monde dans le jardin, aussi ai-je l’audace d’aller me présenter à Jean-Luc Petitrenaud qui déjeune à l’une des dernières tables. Je lui propose un verre du champagne. Il a la réaction qui me fait plaisir car elle correspond à sa personnalité. Il m’écoute présenter le champagne, avec les précautions que je suggère pour l’aborder. Il boit, ses yeux plissent, et avec un large sourire, il me dit : « passionnant ».

Il est temps de plier bagage. A une table voisine un couple ne cessait de regarder nos bouteilles avec curiosité. J’adresse deux mots à ces personnes aimables. Ce sont des mexicains en voyage à Paris qui, incapables de rentrer au pays du fait du nuage de poussières volcaniques, s’emploient à passer le temps. Par un beau soleil, dans le jardin du restaurant, qu’y a-t-il de mieux ?

le premier jour du nouveau chef du Crillon mercredi, 14 avril 2010

Après le départ de Jean-François Piège du restaurant du Crillon, la belle salle aux stucs imposants était bien triste. Je voulais être là le jour où le successeur serait trouvé. On m’indique la date et une table est réservée pour mon épouse et moi. Lorsque je me présente le premier jour du nouveau chef, Antoine Pétrus me dit : « nous vous attendions ce midi, un champagne était au frais pour vous ». J’avais omis de demander l’heure tant il me paraissait évident qu’une ouverture se fait à l’heure des opéras. En attendant ma femme, j’ai le temps de consulter la très exhaustive carte des vins, où je déniche quelques bonnes pioches possibles à côté de prix fortement dissuasifs, rendant les premiers grands crus de Bordeaux quasiment inaccessibles, et donc réservés à une clientèle fortunée de passage.

Il fait beau, j’attends ma femme sur le seuil de l’hôtel, observant les allées et venues de passants et touristes tous pendus à leur téléphone portable, ne portant aucun regard à l’une des plus belles places du monde.

Nous entrons dans la belle salle très surchargée mais au cachet inimitable, et Antoine apporte dans un seau une bouteille de champagne Selosse « V.O. » dégorgée le 23 octobre 2007. Le champagne est d’une couleur fortement ambrée pour son âge, mais c’est le style Selosse. Le nez est de belle personnalité, la bulle est fine et délicate et la première gorgée donne une impression cistercienne, monacale. Car la charpente est forte mais le vin est peu enveloppé et ne parle pas beaucoup. Il commence à discourir sur le petit amuse-bouche, une huître perle noire de Cancale avec une émulsion de pommes granny-smith et des copeaux de céleri. L’accord est intéressant, car le picotement de la pomme verte excite le champagne qui prend de la largeur et adopte l’iode de l’huître.

Nous étudions le menu et à ma grande surprise, ma femme choisit le menu dégustation, ce qui n’est pas dans ses habitudes. Ses désirs seront des ordres et je ne chercherai donc pas la pertinence absolue des accords avec le vin que j’ai choisi, un Chambertin Armand Rousseau 1999. Antoine me le fait goûter dans sa fraîcheur, juste sorti de cave. L’attaque est juvénile puisque le vin est frais, mais ce qui est impressionnant, c’est la longueur invraisemblable de ce vin au sortir de la cave. Chapeau bas, car c’est un signe de grandeur. Le menu est ainsi présenté : Le caviar impérial de Sologne, transparence de brocolis et crème acidulée / La morille, farcie au jambon ibérique, écume de noisette / La langoustine rôtie, fenouil craquant, jus corsé au yuzu / Le pigeon de Vendée en deux services, oignons grelots façon Tatin, les cuisses en ravioles dans un bouillon / Tarte aux fraises gariguette glacées, accompagnée de crème au citron / Le Finger chocolait, glace à la banane, croustillant noisette et mousse « Jivara ».

Le caviar est d’une qualité rare. Le brocoli est très original. La salinité du caviar donne au champagne Selosse une ampleur spectaculairement démarquée de ce qu’il offrait jusqu’alors. Il faut donc des goûts salins pour que ce champagne prenne son envol. Le jus de la morille est parfait, idéal pour prendre la vraie mesure du chambertin. Sur ce jus, le nez du chambertin est à se pâmer. Le vin est d’une sensualité sans égale. Le jambon n’est pas dominant ce qui est bien. Le plat est très équilibré et c’est le jus qui propulse le vin rouge dans la cinquième dimension.

La langoustine est cuite au millième de seconde près. Elle est divine. Le fenouil est cohérent, la sauce est parfaite. Le plat est réussi dans sa simplicité. Pour que le chambertin puisse être apprécié, il faut qu’il soit bu sur la mémoire de la sauce. La chair de la langoustine me conquiert. La réaction du chambertin sur le yuzu, c’est plutôt spécial, mais ça excite le palais. L’idée qui me vient à ce stade du repas, c’est que la cuisine du chef, c’est du John Wayne : on sait que ça ne peut qu’être gagnant. Car il y a de grands produits, une recherche de simplicité et de lisibilité, avec une exécution parfaite. C’est la clé du succès.

Le pigeon de cuisine traditionnelle est parfait et le chambertin devient follement bourguignon. Mais le vin est obligé de se battre, car la personnalité du pigeon est dominante : c’est lui qui mène le bal sur les papilles. Sans doute vexé, le chambertin se met à jouer profil bas, perd de son velouté, et devient sculptural, maigrelet. C’est assez incroyable, car il retrouve tout son charme sur le bouillon et les ravioles, car là, il peut s’imposer comme dominant. On dirait qu’il nous a joué le jeu de la jalousie. La légère salinité du bouillon excite tout le talent du vin et je me suis amusé à décortiquer le jeu de rôle que ce grand vin a si fortement vécu avec les plats. A ce stade, l’amertume bourguignonne prime sur la rondeur. Le vin est sans concession et je l’adore quand il est rebelle comme cela, même si j’ai été ému par sa longueur quand il était froid. Le Selosse est revenu en scène pour les desserts.

Christopher Hache, le nouveau chef est tout jeune et souriant. Ayant travaillé à la Grande Cascade, auprès d’Alain Senderens et d’Eric Fréchon, il a choisi une voie prometteuse de succès, fondée sur la lisibilité de plats cohérents. La morille, la langoustine sont des plats de grande cuisine. L’ouverture du restaurant ce jour s’est faite sans tambour ni trompette pour que le chef puisse vérifier si ses choix sont appréciés. Le bouche à oreille va très rapidement remplir la salle, car nous tenons avec Christopher un chef promis à tous les succès. Ma femme a envie de revenir vite. C’est un signe qui ne trompe pas.

dîner au Crillon – photos mercredi, 14 avril 2010

Champagne Selosse « V.O. » dégorgée le 23 octobre 2007

Huître perle noire de Cancale avec une émulsion de pommes granny-smith et des copeaux de céleri

Chambertin Armand Rousseau 1999

Le caviar impérial de Sologne, transparence de brocolis et crème acidulée

La morille, farcie au jambon ibérique, écume de noisette

La langoustine rôtie, fenouil craquant, jus corsé au yuzu

Le pigeon de Vendée en deux services, oignons grelots façon Tatin, les cuisses en ravioles dans un bouillon (pas de photo du bouillon et ravioles)

Tarte aux fraises gariguette glacées, accompagnée de crème au citron

Le Finger chocolait, glace à la banane, croustillant noisette et mousse « Jivara »

déjeuner d’amis au yacht Club de France mercredi, 14 avril 2010

Une fois de plus, notre petit groupe de conscrits se retrouve au siège du Yacht Club de France pour déjeuner. La cuisine vient de franchir une étape significative, car nous avons excellemment mangé. Le menu est ainsi rédigé : rôti tiède de langouste, crème de Dulce, asperges vertes juste pochées, salade de tétragone cornu / carré de veau de lait, réduction aux morilles, fleurs de courgettes, frites de patates douces, millefeuille de légumes du soleil / fromages Alléosse / savarin aux fraises parfumé au thé à la menthe. Tout fut bien exécuté.

L’apéritif se prend sur un champagne Laurent Perrier non millésimé qui se boit gentiment quand on est de bonne humeur, et nous le sommes. La langouste est accompagnée d’un Pouilly-Fuissé Vincent Girardin 2007 bien gouleyant et joyeux. Le Château Lynch Bages 1997 est scolaire. Il est techniquement au point, mais fait un peu « question de cours », engendrant peu d’émotion. Il met donc en valeur le Cos d’Estournel 1996, charpenté, de forte personnalité, vin qui a une âme. Dans une atmosphère joyeuse, voire dévergondée, nous continuons de recréer le monde avec une impertinence que notre âge nous permet.