vins inconnus sur la cuisine de Jean-Philippe Durand mercredi, 16 décembre 2009

Nous nous sommes connus aux restaurants de Marc Veyrat. Nous sommes huit et cela fait bien longtemps que les amis de Marc Veyrat ne s’étaient pas réunis au complet. Il y a longtemps aussi que Jean-Philippe Durand, notre cornac et cuisinier de rêve n’avait pas fait la cuisine pour nous. C’est ce soir chez lui. C’est une occasion superbe de mettre le talent de notre ami en face de saveurs vineuses inconnues. J’ai donc choisi dans ma cave un voyage dans l’inhabituel et l’énigmatique. Pour permettre à Jean-Philippe d’adapter ses préparations aux vins, mon épouse et moi sommes arrivés une heure avant les autres amis, pour que j’ouvre à temps des flacons originaux.

Les amis arrivent et nous commençons par un velouté de potiron à la noix de coco et au gingembre pour préparer nos palais. Les noix de St Jacques juste saisies et ananas aux épices douces voisinent avec deux demi-bouteilles de Château Haut-Brion blanc 1992 provenant de la cave de la Tour d’Argent dont je voulais tester le goût puisque j’en ai acheté beaucoup. Le nez du vin est superbe, la bouche est très Haut-Brion, sans l’opulence des grandes années, mais suffisamment de puissance pour que le plaisir soit grand. Le final très citronné est d’une grande fraîcheur. L’ananas est d’une belle originalité mais je trouve que le vin est surtout mis en valeur par l’onctueuse coquille. Mon achat est une bonne pioche.

Le foie gras poêlé, caramel acide à l’orange amère est une merveille de texture et crée un accord invraisemblablement joli avec le Tokaji Aszu, vers 1910 qui est le seul Tokaji que j’ai acquis d’une cave belge entièrement constituée avant 1930. J’ai indiqué « vers 1910 », mais à la réflexion, compte tenu de la lie, nous pourrions bien être au 19ème siècle. C’est une amie qui a expliqué les irisations extrêmes du verre de la bouteille : elle a été enterrée pendant de longues années pour atteindre cette érosion colorée du verre. Le nez du vin est envoûtant et pur. En bouche, il n’y a rien de plus séduisant, doucereux, riche et extraordinairement frais. Quel Tokaji ! Le temps d’un siècle a construit patiemment cet équilibre spectaculaire.

Jean-Philippe l’a travaillé cet accord ente l’escalope de ris de veau, sauce au café, risotto au génépi et ce vin totalement inconnu que nous avons appelé finalement : Brown Madera,1828. La bouteille est à coup sûr du 18ème siècle puisque j’en ai une quasiment semblable de 1780. Quant au contenu, que dire ? Le nez est sublime, lui aussi très pur, plus rêche que le Tokaji qui explose de douceur. L’attaque en bouche me fait penser la forme ronde de la bouche du poisson-chat. C’est une attaque frontale très large. On est dans des saveurs de douceurs jaunes. Puis très vite l’alcool s’affirme et le final est allongé comme la queue de ce même poisson, et évoque la sécheresse des Xérès. Il y a des notes de café, d’épices, qui permettent à l’un de nos amis qui fut professeur d’œnologie d’affirmer qu’il s’agit de madère. Mes références aux vins de Chypre de 1845 me permettent de dire que ce vin est d’avant cette date. Et comme j’ai bu plusieurs vins de 1828, nous concluons de façon péremptoire qu’il s’agit d’un Madère 1828. Mais une chose est sûre, c’est qu’aucun d’entre nous n’a rencontré un goût aussi étrange, exotique, aussi profondément parfait, dans un style opposé à celui du Tokaji qui joue sur sa douceur et non sur son alcool, alors que celui-ci joue sur l’alcool et un style très sec. Je suis personnellement « pris aux tripes » en découvrant une saveur que je n’ai jamais connue.

Le plat suivant s’appelle Souvenir de Toscane : lardo di Colonnata, gnocchi al parmigiano, crema di funghi porcini. C’est le plat le plus abouti de la cuisine de Jean-Philippe où tout est subtil dans les dosages. Luc a apporté un Champagne Dom Pérignon 1978 dont il est fier, car il chérit cette année oubliée des amateurs. Alors il nous en parle comme de ces livres interdits qui se passent sous le manteau. Le champagne doré est à l’opposé du 1975 Œnothèque que je viens de boire récemment. Le 1975 était fluide, délicat, très Dom Pérignon. Celui-ci est atypique, puissant, conquérant, et séduisant par sa vinosité virile. Il faut bien ce champagne pour changer son palais après le madère. Mais le plat accueille si bien le madère qu’il faut reprendre du champagne pour étalonner à nouveau nos capacités gustatives.

Le pigeon à la goutte de sang, sauce mûre-framboise, marrons glacés au sang est une merveille de subtilité traitée en douceur. Et c’est le bon choix pour le Château Latour 1975 qui est un Latour aux folles promesses. Comment peut-on parler d’un vin de 34 ans en disant : « il est encore jeune, il faut le laisser vieillir » ? Car c’est la jeunesse de ce vin révélée et exacerbée par la frémissante sauce au sang qui emporte notre adhésion.

Des dés de ris de veau à la truffe noire de Richerenches accompagnent un autre vin de la cave murée acquise il y a un an. Rien n’est lisible sur la bouteille et le bouchon ne m’en dira pas plus tant il est noir tout du long. C’est par un indice de nombre de bouteilles identiques que je suis convaincu qu’il s’agit d’un Château Ausone 1900. A l’ouverture le nez était poussiéreux, mais l’espoir existait. Tout au long de la soirée nous avons senti le vin s’éclore. Avec les amis, mais surtout Luc, nous dégustons le vin en cherchant s’il est cohérent qu’il soit de 1900 et s’il est logique qu’il s’agisse d’Ausone. C’est amusant de croiser ainsi les souvenirs, mais aussi d’exclure petit à petit des hypothèses autres. Tout en réfléchissant, nous jouissons du vin qui m’a profondément ému. Alors que j’aurais il y a dix minutes annoncé que le madère serait mon favori, ce vin, Ausone, puisque c’est Ausone, me transporte de joie, car je retrouve sans aucun doute la perfection que m’a donnée le millésime 1900, le plus grand sans doute de tous, comme je l’avais écrit dans mon livre. Je retrouve une richesse, un aplomb, une assise, un équilibre, une maturité qui ne peuvent exister que dans les années de première catégorie. Alors, comme nous avions déjà un peu bu, j’ai eu ma minute d’émotion, en pensant que je venais de faire ressusciter sur une cuisine de rêve trois vins aux saveurs aujourd’hui inconnues : un Tokaji que l’âge magnifie, un madère extra-terrestre et un Ausone 1900 au sommet de perfection que le vin rouge peut atteindre. Cela m’a donné le tournis.

Le Stilton (Nicole Barthélémy) est le plus beau Stilton du monde. Hélas, trois fois hélas, la magnifique bouteille de Château Climens 1924 est frappée d’un petit goût de bouchon. Alors, même si le vin est bon, car il combine de discrets agrumes et un charmant caramel, on ne voit que le bouchon comme l’on ne voit que la feuille de salade collée aux dents, même sur le plus beau des sourires. Yann était triste car à l’ouverture son vin avait un merveilleux nez d’agrumes. Que s’est-il passé ? Je comprends sa tristesse car Climens est l’un des plus sublimes sauternes. Les deux tartes de Philippe Conticini, la tarte Tatin et la tarte douce à l’orange sont d’une magnifique délicatesse qui comme deux infirmières nursent le Climens.

Ma femme a réalisé à la dernière minute des petites madeleines façon Astrance (euh, mieux qu’Astrance) juste sorties du four pour accompagner un chocolat noir à la vanille de Tahiti et une ganache noire aux épices douces (Jacques Génin) qui doivent donner un écho au très vieux Bourbon vers 1900 que j’avais ouvert à Clos de Tart il y a un mois et dont il me restait presque la moitié. Curieusement cet alcool est devenu trouble, sans doute du fait des transports, et il a perdu une bonne partie de son éclat que j’avais alors trouvé miraculeux. Malgré ces blessures récentes, l’évocation de Bourbon me remplit d’aise. Cet alcool qui provient de la cave parisienne du Duc de Windsor, mais maintenant de la mienne, m’évoque toutes les splendeurs du passé, que l’on idéalise forcément.

Jean-Philippe a confirmé une fois de plus son immense talent, sa préscience des accords, son raffinement d’exécution. Les amis ont apporté des vins de bonheur et j’ai pu leur faire découvrir des saveurs totalement inconnues, fruits de mes achats tous azimuts, car il y a dans ces vins obscurs ou inconnus une richesse – fort heureusement pour moi – totalement insoupçonnée. Nous avons voté de façon peu formelle et nous étions tous d’accord pour placer en un l’Ausone 1900, en deux le madère 1828 (mais je n’exclue pas qu’il soit plus vieux encore), en trois le Tokaji vers 1910 que l’on verrait bien ex-æquo avec le Dom Pérignon 1978, suivis du Latour 1975. Ce fort moment d’amitié et de partage de merveilles sur une cuisine d’un art consommé, c’est le plus beau prélude aux fastes de Noël.

déjeuner au Carré des Feuillants – les photos mercredi, 16 décembre 2009

La demoiselle des toilettes ne perd pas une occasion de m’observer !

Quel regard !

Le joli petit salon du restaurant

Les verres. Nous avons fait changer cette flûte pour boire notre champagne

Les plats du repas

la perle de mangoustan qui est à droite sur le photo ci-dessus est en fait le fruit d’une nèfle dont le cul du fruit est incroyablement sculpté

champagne Pol Roger Cuvée Sir Winston Churchill 1986 (la cave de Michel Bettane, dans des Crayères, est très humide)

Nuits-Saint-Georges blanc « Clos de l’Arlot » 2002

Château Lafite-Rothschild 1997

Château Mouton-Rothschild 1997

Maury Domaines et Terroirs du Sud 1959

déjeuner d’amitié avec deux beaux Rothschild (Lafite et Mouton) mardi, 15 décembre 2009

Nicolas de Rabaudy invite des amis en fin d’année. Nous nous retrouvons au Carré des Feuillants. Autour de Nicolas, un banquier, un vigneron, Michel Bettane et moi. Le champagne Pol Roger Cuvée Sir Winston Churchill 1986 apporté par Michel me fait un plaisir immense. Car je retrouve avec ce 1986 toute la splendeur que je n’arrivais pas à trouver avec le 1990. Ici, ce 1986 est parfait. Il a la puissance d’une bulle intacte pour ses 23 ans, un fruité agréable et un léger beurré, et son final est brillant.

Le menu d’Alain Dutournier est un roman : huître de Marennes, caviar d’Aquitaine et algues marines, spéciale « Gillardeau en gelée d’eau de mer, tartare d’algues et écume crémeuse / noix de Saint-Jacques snackées, compotée de potimarron, bouillon d’herbes parfumées / les deux envies de lièvre, quelques gourmandises de braconnier, râble simplement servi en médiéval « Saupiquet », en prestigieuse « Royale » avec truffe et foie gras / Fougeru briard travaillé à la truffe / perles de Mangoustan, marrons glacés, parfait vanillé, gelée de rhum, chocolat croustillant.

Le Nuits-Saint-Georges blanc « Clos de l’Arlot » 2002 est une curiosité apportée par Michel, car ce vin contrairement aux blancs de Bourgogne, n’est pas à 100% chardonnay, mais contient aussi du pinot blanc, à part quasi égale. Ce blanc est très sympathique et donnerait volontiers des idées de Condrieu. Le vin est juteux, mais son final est court. Il est plus que plaisant sur les huîtres.

Michel n’aime pas les coquilles Saint-Jacques et quand il n’aime pas, ça se sait. Il est vrai que l’excès de safran, de coriandre et autres épices orientales fait perdre le goût de la coquille.

L’objet de ce déjeuner, au-delà de l’amitié, c’était de comparer deux vins apportés par Nicolas, le Château Lafite-Rothschild 1997 et le Château Mouton-Rothschild 1997. Même si ces vins n’ont pas la puissance suffisante pour dominer le transcendant « lièvre à l’impériale », pardon, lièvre à la royale, que j’ai anobli tant il est bon, nous avons tout loisir pour bien déguster ces deux vins et les comparer.

Le nez du Lafite est absolument exceptionnel. En bouche, il est l’exacte définition d’un grand Lafite. Et ce qui est plaisant, c’est qu’une petite année montre de façon beaucoup plus évidente la pureté du terroir. Très tramé, d’une grande finesse, au final très frais ce vin est un grand vin. Si l’on doit parler de toucher de bouche, ce Lafite a une pesanteur exceptionnelle. A côté le Mouton me donne l’impression d’un Noureev qui marche avec des bottes en caoutchouc. Son parfum est plus imprécis et velouté. En bouche, c’est évidemment un vin très agréable, mais moins bien composé. Il va très bien avec le fougeru, car la truffe l’excite bien.

Pour le dessert, remarquablement exécuté, même si l’usage du rhum porte à la controverse, le Maury Domaines et Terroirs du Sud 1959 est une douceur sensuelle. Il y a du pruneau, bien sûr, mais ce qui frappe, c’est la fraîcheur mentholée du vin, et le final interminable et léger.

Pour s’amuser, j’ai fait voter notre petit groupe de cinq, et le Lafite a recueilli quatre places de premier, la cinquième allant au Pol Roger. Le vigneron et Michel ont le même classement qui se trouve être celui du consensus : 1 – Lafite, 2 – Pol Roger, 3 – Maury, 4 – Arlot, 5 – Mouton.

Mon vote intervertit deux vins : 1 – Lafite, 2 – Pol Roger, 3 – Arlot, 4 – Maury, 5 – Mouton.

Le Lafite 1997 s’est montré sous un jour d’une rare perfection, avec une précision et une finesse remarquables. Le Pol Roger m’a enchanté. La cuisine d’Alain Dutournier qui présente les plats en trois parties est d’un art accompli. Son lièvre avec une partie douce et une partie brutalement sauvage est de toute première grandeur. Ce fut un beau repas amical.

les restes de vins du dîner de vigneron sur la cuisine de mon gendre samedi, 12 décembre 2009

Il y avait tant de vins pour le dîner de vignerons au restaurant Laurent que j’avais réservé au même endroit une table pour le lendemain, pour « finir les restes ». Peu de mes enfants étant disponibles et ma dernière fille allaitant encore, il fut décidé que le dîner « du lendemain » se ferait chez elle. Philippe Bourguignon m’avait prévenu que les vignerons ont une solide descente, mais je croyais bien pouvoir profiter encore des trésors de ce magnifique dîner. Daniel, le sommelier, a rangé les bouteilles très soigneusement.

Il ne reste en fait que des fonds de magnums, toutes les bouteilles, partagées en treize buveurs, étant vides. Mon gendre aime cuisiner et s’est préoccupé de trouver de beaux produits. Il s’est lié d’amitié avec le légumier qui livre les plus grands restaurants de la capitale. En croquant les champignons de Paris, on a en bouche le goût de ceux de l’Astrance, si délicieux. Et si l’on tartine un peu de foie gras sur les champignons, on se trouve en rêve à l’Astrance. Nous croquons ces champignons sur le Champagne Pol Roger Cuvée Winston Churchill en magnum 1990 qui a gardé beaucoup de fraîcheur, a perdu sa bulle du fait des transports et se révèle toujours aussi agréable. Mais l’absence de complexité et de folie apparaît un peu plus.

Lorsque nous passons au Champagne Salon en magnum 1985, le champagne n’a pas perdu une once de sa vigueur et de son expressivité. Il est assez extraordinaire. Et je l’adore encore plus. Avec champignon et foie gras, mais aussi avec des bulots cuits à la perfection, le champagne se régale.

Le Champagne Krug Collection en magnum 1976 est lui aussi encore plus brillant que la veille, car la bulle s’étant sensiblement atténuée, le caractère vineux du champagne est plus resplendissant. Ayant la chance de goûter ces deux champagnes l’un après l’autre alors qu’ils étaient séparés hier, je constate la sérénité du Krug et sa solidité à côté de la fougue du Salon. Mon cœur penche aujourd’hui pour le Krug.

Après ces fonds de bouteilles il reste encore une petite soif qu’un Champagne Krug 1996 va étancher. Ce champagne est à un des multiples sommets qu’il connaîtra dans sa vie. D’une précision de structure extrême, riche, ce champagne est d’un plaisir total.

Mon gendre ayant trouvé un poissonnier de compétition, les petites langoustines sont de vraies merveilles. Pures, quasiment non assaisonnées, elles font vibrer le divin Corton Charlemagne Bonneau du Martray en magnum 1982 qui développe une complexité sur fond de légèreté qui est admirable. Les coquilles Saint-Jacques juste poêlées sont délicieuses, mais le Corton-Charlemagne est plus vibrant sur la douceur des langoustines.

(à peine ai-je eu le temps de prendre mon appareil, une coquille s’était déjà envolée !)

Le poissonnier a préparé des filets de rougets sans aucune arête. Il fallait un pomerol. Guillaume ouvre un Château Gazin 1979 qui est fortement bouchonné, aussi est-ce un Château Trotanoy 1999 qui accompagne le poisson. L’accord est divin. Le pomerol a une belle astringence combinée, oh paradoxe, à un velouté rare, qui met en valeur le rouget qui lui rend la pareille.

(merveilleuse cuisson des filets de rougets)

Les champignons de Paris sont maintenant poêlés pour accompagner le petit reste du Richebourg Domaine de la Romanée Conti magnum 1946. Il s’agit du fond de la bouteille qui a été aéré un jour de plus. Nous captons donc une richesse qui ne correspond plus au millésime discret. Ce vin riche enchante nos palais, même si le vin a perdu un peu de ses caractéristiques du domaine de la Romanée Conti.

Mon gendre a adopté une cuisine fondée sur des produits d’une pureté extrême, avec une simplicité de présentation pleine de talent. Va-t-il se mettre à concurrencer Jean-Philippe Durand, l’ami médecin qui cuisine comme un Dieu ? Je me prépare à compter les coups.

dîner du 11 décembre – les vins vendredi, 11 décembre 2009

Magnum de Champagne Pol Roger Cuvée Winston Churchill 1990

Champagne Dom Pérignon Oenothèque 1975

champagne Moët & Chandon 1952

Magnum de Champagne Salon 1985

Bâtard-Montrachet Domaine Fleurot-Larose 1930

Magnum de Corton Charlemagne Bonneau du Martray 1982

Montrachet Bouchard Père & Fils 1989

Château Malartic-Lagravière rouge 1947

Clos de Tart 1985

Mazis-Chambertin Domaine Faiveley 1979 (n’a pas été ouvert, du fait de l’absence de Bernard Hervet)

La Romanée Domaine Comte Liger-Belair 1988

Magnum de Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1946

Chateau Rayas Chateauneuf-du-Pape 1990

Champagne Krug année 1976

Château de Fargues 1990

Château Lafaurie-Peyraguey 1945

le vin surprise ajouté au dîner de vignerons vendredi, 11 décembre 2009

C’est le jour du dîner que j’ai pris possession de ce Volnay Clos des Mouches Café Anglais 1885, le plus vieux bourgogne proposé à la vente d’une partie de la cave de la Tour d’Argent qui s’est tenue il y a seulement quatre jours.

Ce vin a ému tout le monde (voir récit) et en particulier Aubert de Villaine qui a reconnu les émotions des vins préphylloxériques.

128ème dîner, 9ème dîner avec des vignerons – photos vendredi, 11 décembre 2009

Les vins du dîner (il manque le Volnay 1995 et le Rayas 1990)

les bouchons

Le Bâtard-Montrachet 1930 et le Malartic-Lagravière 1947

Le Fargues 1990 (pourquoi deux capsules ?) et le Lafaurie-Peyraguey 1945 certainement reconditionné par la maison Cordier

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Le Corton-Charlemagne Bonneau du Martray 1982 et le Montrachet Bouchard P&F 1989

Il faut imaginer que le bas du bouchon était comprimé au point d’avoir la même épaisseur que le haut !

les plats du menu

la photo ne montre pas assez la forêt de verres que nous avions sur la table

le 9ème dîner des amis de Bipin Desai avec des amis vignerons vendredi, 11 décembre 2009

Le dîner que je vais raconter est un moment important de ma vie de passionné de vins. C’est un moment de bonheur et de fierté. Comme dans tout roman, il faut ficeler l’intrigue. Commençons par le premier bout de ficelle.

Bipin Desai est un collectionneur américain d’origine indienne, professeur de physique quantique à Berkeley, qui réalise les plus grandes dégustations verticales de la planète en faisant appel aux apports d’autres collectionneurs et de vignerons. Nous nous sommes connus en 2000 lors d’une dégustation des trente plus grands millésimes d’Yquem depuis 1893. Bipin ne me connaissait pas. Il lui manquait deux millésimes. Quelqu’un lui dit que je pourrais les avoir. Je les ai. Ma participation aux trois repas se décide. Bipin et moi sommes depuis cette fabuleuse verticale devenus des amis.

Nouons une deuxième ficelle. Bipin vient chaque année deux ou trois fois en France, conduisant avec lui un groupe d’amateurs américains. Ils enchaînent les trois étoiles, les repas gastronomiques et les visites de domaines à une cadence effrénée. Depuis 2001 une habitude est devenue un rite : j’organise chaque année un repas que l’on a baptisé « le dîner des amis de Bipin Desai », où sont invités principalement des vignerons qui apportent des bouteilles de leur cave. J’organise ces dîners comme des dîners de wine-dinners aussi le 9ème dîner des amis de Bipin Desai est-il le 128ème dîner de wine-dinners.

Tirons un autre petit bout de la pelote. Nous sommes un vendredi. Lundi dernier démarrait la vente très médiatisée d’une partie de la cave de la Tour d’Argent. Il « fallait » donc en être. Or quand on regarde le catalogue, il n’y a pas grand-chose : pas de vins de la Romanée Conti ni de Coche-Dury, ni de Pétrus sauf un. L’essentiel est de petites années récentes. Comme il fallait une accroche, il y a de très vieux alcools et quelques lots de vins du 19ème siècle. Comme dans toutes les ventes il y a des prix irrationnels du fait de l’ivresse de la vente ou de la compulsion, et parfois des prix très bas, car nul ne surenchérit.

J’ai pu mesurer à quel point je ne suis pas raisonnable, car à côté de quelques bonnes pioches, j’ai payé pour certains vins des prix doubles de ce qui s’obtient en n’importe quelle boutique. Compte tenu de l’ambiance fébrile où les prix les plus fous se multiplient, je quitte la salle après le lot 200 alors qu’il y en a encore plus de 1.600. Pour la suite de la vente qui dure deux jours, je donne des ordres écrits pour ne pas avoir la tentation d’enchérir en salle. Mercredi matin, je me présente pour payer et l’on me tend un bordereau qui ne comprend que des lots que j’ai achetés en salle. Aucun de mes cinquante ordres supplémentaires n’a eu de succès. Mes achats sont enlevés à leur lieu d’entreposage dans Paris et je me rends le jour même à une autre vente où des lots peuvent m’intéresser. C’est à l’hôtel Régina et je vois le jeune commissaire priseur guilleret qui ne cesse de dire : « nous faisons mieux que la Tour d’Argent », car la même folie acheteuse gagne la salle. J’obtiens des lots lorsque mon bras ne se baisse pas assez vite, mais aucune des cibles que j’avais repérées ne viendra dans ma cave car les prix sont trop élevés.

Il y avait dans la vente de la Tour d’Argent, hormis des alcools du 18ème siècle seulement huit bouteilles de vin du 19ème siècle, deux bordeaux de 1870 et six bourgognes de 1885, aux descriptions peu engageantes : une basse, deux vidanges, une grande vidange et deux à moitié vides. Je n’avais remis d’ordre que pour la seule qui ne soit pas vidange, la basse.

Jeudi matin, un mail de confirmation de la maison de vente comporte deux bordereaux : celui que j’avais déjà payé et dont les lots avaient rejoint ma cave, et un deuxième bordereau où il apparaît que j’ai obtenu la bouteille de Volnay Clos des Chênes Café Anglais 1885 annoncée basse. Je fais part de ma contrariété à la maison de vente, car je me vois obligé de recommencer un processus de paiement et d’enlèvement car le deuxième bordereau n’avait pas été joint au premier. Après avoir râlé juste ce qu’il faut, je peux le vendredi en début d’après-midi prendre possession de mes achats de l’hôtel Régina et cette bouteille de la Tour d’Argent. J’examine la bouteille et il m’apparaît que le niveau est nettement vidange et non basse. J’appelle l’expert de la vente pour lui faire part de ma constatation. Je le sens gêné au téléphone. Il n’a pas l’intention de me reprendre la bouteille alors que c’eût été logique. En regardant au travers de la bouteille très sale, je peux imaginer que la couleur du vin soit acceptable. Je demande que l’on se souvienne que je ne fais pas d’esclandre, et je prends la bouteille.

Voici le quatrième bout de ficelle de cette intrigue : dans ma voiture, je gamberge. Ce soir, il y aura autour de la table tout ce qui se fait de plus grand dans le monde du vin. Jamais je ne trouverais une assemblée aussi prestigieuse pour partager une telle bouteille. L’idée me démange. Compte tenu de la générosité de chacun, il y a déjà beaucoup trop à boire. Mais la folie m’excite : je demanderai ce soir à mes amis s’ils veulent partager cette bouteille incertaine, accroche médiatique de la vente de la Tour d’Argent.

A 17 heures le restaurant Laurent m’accueille avec toujours autant de gentillesse pour l’ouverture des bouteilles. Daniel sera le sommelier qui accompagnera le voyage que nous allons faire. Les vins étant récents, je ne rencontre aucune difficulté. Dans le noir au premier étage, allongé sur la moquette, un petit complément de sommeil me permet de reprendre des forces, car le souvenir du dîner de la veille pèse encore sur mon organisme. A partir de 19h30 les convives arrivent : Mmes Pamela de Villaine et Silke Audouze, MM. Jean Berchon, Florent Daujat, Didier Depond, Richard Geoffroy, Olivier Krug, Louis-Michel Liger-Belair, Alexandre de Lur Saluces, Jean-Charles de la Morinière, Sylvain Pitiot, Aubert de Villaine. Les apporteurs des vins seront indiqués entre parenthèses tout au long du récit.

Avant que tout le monde ne soit là nous prenons l’apéritif dans la belle rotonde de l’entrée du restaurant. Nous commençons par un Champagne Pol Roger Cuvée Winston Churchill en magnum 1990 (Patrice Noyelle qui ne pouvait venir mais s’est fait représenter par cette bouteille). Dès la première gorgée, on se sent bien. Ce champagne est rassurant, car il est très champagne et très compréhensible. On le boit avec facilité, car il est très équilibré, dans des notes de jaunes, qu’il s’agisse de citron ou de mirabelle. Un champenois présent me dira qu’il manque d’un petit grain de folie. C’est vrai, mais le parti pris de la sérénité est convaincant.

Avec le deuxième champagne d’apéritif, c’est un coup de barre à 90°. On change de cap. Le Champagne Salon en magnum 1985 (Didier Depond) est l’opposé du précédent. C’est un hors bord cigarette au bruit assourdissant qui succède à la péniche de croisière sur les canaux. On se sentait bien et voici que l’on caracole. Disons-le tout net, ce Salon en pleine possession de ses moyens est un champagne fou que j’adore. Son côté canaille m’interpelle.

Nous passons à table et le menu préparé par Alain Pégouret est un régal absolu : Arlettes aux épices et Rôties au thon fumé / Crème de champignons en cappuccino / Foie gras de canard et gibier cuits en terrine / Saint-Jacques au naturel, beurre citronné / Homard dans un consommé clair, pleurotes et borage / Trompettes de la Mort juste rissolées, crémeux d’œuf de poule et jaune coulant / Aiguillettes d’une pièce de bœuf rôtie, gratin de macaroni et jus aux herbes / Caille à la rôtissoire, pommes soufflées Laurent / Joues de veau fondantes, moelle, risotto à la truffe blanche d’Alba / Brie de Meaux / Nougat glacé aux coings / Palmiers Laurent.

Bipin fait un court discours de bienvenue et je prends la parole pour demander si mes amis aimeraient partager le Clos des Chênes 1885. Le « oui » est plus massif qu’un référendum du Général de Gaulle. Aubert de Villaine me demande : « vous attendiez-vous à une autre réponse ? ». Je file vite ouvrir la bouteille qui aura ses quatre heures d’aération puisqu’elle sera servie en fin de repas et je rejoins la table.

Le Champagne Moët & Chandon 1952 (Jean Berchon) a hélas un nez dévié. Il y a un léger goût de bouchon, mais il n’y a pas que cela. Le défaut va disparaître puis réapparaître et fort heureusement, en fin de verre, les deux dernières gorgées ont l’intense subtilité de ce vin mythique, car 1952 est une des plus belles réussites historiques de Moët. Je vois Richard qui scrute si l’accord avec le foie gras se trouve sur le Champagne Dom Pérignon Œnothèque 1975 (Richard Geoffroy). Ce champagne est absolument superbe. Il a la fluidité incomparable des Dom Pérignon, avec une précision de trame extrême. Le foie gras est un peu travaillé. Le charme est du côté du champagne, très grand.

Le Bâtard-Montrachet Domaine Fleurot-Larose 1930 (François Audouze) a été présenté sur les mails que j’ai envoyés à tous comme « curiosité ». Car lorsque j’ai cherché des vins pour ce repas, je suis tombé sur cette bouteille d’une année infiniment rare, que j’ai eu envie de partager avec ces amis, car j’aime sortir des sentiers battus. Aubert dit tout de suite : « fatigué ». Or, si l’on accepte de boire ce vin pour ce qu’il est, il a une précision de structure tout à fait enviable. Il n’a plus, bien sûr, les caractéristiques d’un Bâtard, mais il est délicieux et riche de complexités de fruits jaunes de belle ordonnance. Le plus enthousiaste est Jean-Charles qui jure qu’il aurait dit Corton-Charlemagne si ce vin avait été bu à l’aveugle et lui trouve de belles qualités.

Tout le monde applaudit le Corton Charlemagne Bonneau du Martray en magnum 1982 (Jean-Charles de la Morinière) qui est exceptionnel. On peut faire un parallèle entre le Dom Pérignon et ce vin, car il y a cette magique fluidité porteuse de complexité. Le palais pianote sur ce vin raffiné et délicat. Ce qui est amusant, c’est que ce Corton-Charlemagne est servi en même temps que le Bâtard. Et si l’écart de classe est évident, on peut passer de l’un à l’autre sans que l’un n’écrase l’autre. Le 1982 est fluide, d’un final frais très rare.

Le Montrachet Bouchard Père & Fils 1989 (François Audouze) est l’opposé du vin de 1982 comme le Salon était l’opposé du Pol Roger. Le Montrachet passe en force. Extrêmement poivré, puissant, bagarreur, il trouve un superbe écho avec le homard traité en douceur. Si le homard avait eu du poivre, le choc gustatif n’eût été profitable à aucun des deux partenaires alors que le consommé clair rend le Montrachet encore plus brillant. Nous venons d’explorer deux antithèses du vin blanc de Bourgogne.

Comme aucun vigneron bordelais de vins rouges n’avait été assez rapide pour répondre à mon invitation, j’ai ajouté ce Château Malartic-Lagravière rouge 1947 (Alfred Bonnie) qu’Alfred Bonnie avait apporté en secours au dîner de 2007. Il était resté en réserve dans ma cave et avec son autorisation je l’ai inclus ce soir. La couleur est d’un rouge foncé fringant et jeune. Le vin s’impose immédiatement par l’impression de profondeur et de richesse de trame. Ce vin insiste sur les papilles pour montrer combien il est grand. C’est un magnifique vin de bordeaux. Il fallait bien cela pour recueillir l’adhésion de vignerons bourguignons.

Le premier contact avec le Clos de Tart 1985 (Sylvain Pitiot) m’évoque l’arrivée des rois mages à Bethléem ou la vigie qui après des mois de mer crie « terre » en découvrant une île. Car on se dit : « je touche enfin la Bourgogne », avec l’un des exemples les plus précis possibles. Ce vin est la définition de dictionnaire du goût du bourgogne. De plus, aidé par l’aiguillette de bœuf qui est le plat le plus goûteux de ce merveilleux dîner, il brille comme un jeune premier.

La Romanée Liger-Belair 1988 (Louis-Michel Liger-Belair) a beaucoup plus de mal à s’installer en bouche. Il est servi un peu froid, et après avoir réchauffé mon verre, je conçois ce qu’il a de grand, gêné toutefois par une timidité excessive. C’est un grand vin au fumé délicat qui mérite d’être encore attendu.

Le premier contact avec le Richebourg Domaine de la Romanée Conti magnum 1946 (Aubert de Villaine) est exactement ce que j’attendais, voire même un peu plus. Or Aubert dit « on voit bien sûr, qu’il est un peu fatigué ». Rien en ce vin ne l’est. C’est l’expression de ce que l’on doit attendre de 1946 avec même un peu plus de fruité que ce que j’imaginais. Le parfum de ce vin est une signature de la Romanée Conti. Les vignes sont très jeunes, quinze ans tout au plus, ce que l’on ressent dans une léger manque d’ampleur, mais ce vin racé, fruité, bien dessiné pour la première année de vinification du père de Bernard Noblet est un réel bonheur, très belle expression du domaine.

Arrive maintenant le Volnay Clos des Chênes Café Anglais 1885 (François Audouze) acquis ce jour même. Le nez du vin est très pur, sans déviance. Le goût mérite que l’on ajuste son palais pour envisager de le comprendre. Aubert qui était trop sévère pour son vin s’enthousiasme pour celui-ci, dont il sait ignorer les défauts. Le vin délivre un message extrêmement convaincant. Aubert est sûr qu’il s’agit d’un vin préphylloxérique, ce qui explique l’étrangeté de certaines saveurs. Il y a du torréfié dans ce vin, ce qui s’explique par le niveau de la bouteille, mais aussi une belle richesse dont la mémoire est suffisamment vivace pour que ce vin soit adoré par tous. Voilà une bonne pioche, et un témoignage historique de première grandeur. 1885 est l’année qui a été servie lors du mariage des parents de l’un d’entre nous. Hasards et coïncidences ajoutent du sel au plaisir.

Florent ayant été l’invité de la dernière heure, il n’y avait pas de plat prévu pour le Château Rayas Chateauneuf-du-Pape 1990 (Florent Daujat). Nous l’avons bu comme un intermède, ce qui ne lui a pas permis de briller autant qu’il le mérite. Apparaissant très simple après les bourgognes subtils, il n’a pas convaincu certains convives alors que c’est un vin d’une pureté de définition exceptionnelle, juteux et joyeux. Alors que le Brie est prévu pour le Krug, on peut braver des interdits en le mariant au Rayas, et le titillement des papilles est réjouissant. Mais la logique est avec le Champagne Krug en magnum 1976 (Olivier Krug) champagne qui a tout pour lui. Si le miel est évident, c’est surtout la complexité gustative qui m’intéresse, car ce champagne est tout simplement parfait, au final claquant sur la langue.

Le Château de Fargues 1990 (Alexandre de Lur Saluces) est d’un bel or et d’une précision de définition qui fait évidemment penser à Yquem qu’Alexandre a aussi réussi. C’est un grand sauternes et quand arrive le Château Lafaurie-Peyraguey 1945 (François Audouze) d’un or encore plus profond, on se dit qu’avec les sauternes il est impossible de trouver le moindre défaut quand ils sont de ce niveau.

Chacun des amis présents était heureux de connaître enfin ma femme dont ils suivent les aventures culinaires dans mes bulletins. A beaucoup de détails cités je me suis rendu compte qu’ils lisent mes bulletins et s’en souviennent. L’ambiance amicale, la générosité de tous, la chaleur communicative et le privilège d’être ensemble ont créé une atmosphère unique fondée sur l’amitié. J’ai été gratifié de remerciements qui m’ont franchement ému. Un tel dîner est certainement l’un des plus beaux cadeaux dont je pouvais rêver.

On ne vote jamais dans ces dîners de vignerons, mais pour mes archives il me faut choisir et c’est bien difficile. Le premier sera le Volnay Clos des Chênes Café Anglais 1885, parce qu’il procure une émission unique. Le second sera le Château Malartic-Lagravière rouge 1947 parce qu’il s’est comporté de façon remarquable, à un niveau insoupçonné. Le troisième est le magnum de Corton Charlemagne Bonneau du Martray 1982 parce qu’il est parfait. Cela devient plus difficile ensuite. Nommons trois ex-æquo, le Dom Pérignon, le Krug et le Salon.

127ème dîner – photos des vins jeudi, 10 décembre 2009

Champagne Dom Pérignon magnum 1973

Champagne Henriot Réserve du Baron Philippe de Rothschild 1973

Château Laville Haut-Brion 1994

Château Petit-Faurie de Souchard Saint-Emilion 1955

Cos d’Estournel 1947

Chambolle-Musigny Bouchard Père & Fils 1967

Grand Chambertin Sosthène de Grésigny, Jules Régnier # 1929

Hermitage de Vallouit 1978

Cru d’Arche-Pugneau Sauternes 1948

Château Gilette Crème de tête Sauternes 1953