127ème dîner – photos jeudi, 10 décembre 2009

L’entrée du restaurant est joliment décorée sur un thème de l’Avent

la montée d’escalier a-t-elle été décorée pour mes convives ?

Voici les vins que nous allons boire

merveilleuse surprise que de constater que le millésime du Grand Chambertin Domaine de Grésigny est 1919

les bouchons des vins de la soirée

les plats (voir intitulés dans le compte-rendu)

les merveilles couleurs des deux Bordeaux

coquilles Saint-Jacques lutées et foies gras

le lièvre à la Royale avant et après le service de la sauce

le merveilleux dessert, au joli dessin dans l’assiette

127ème dîner de wine-dinners au restaurant Ledoyen jeudi, 10 décembre 2009

Le 127ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Ledoyen. Une équipe de télévision a proposé de filmer l’ouverture des vins ainsi que le repas, aussi, en accord avec Patrick Simiand, directeur du restaurant, nous occuperons un petit salon, pour ne pas indisposer les tables voisines si nous nous installions comme d’habitude dans la grande et belle salle du restaurant. Dans ce lieu rien n’indique que le pays est en crise, car l’immense salle du rez-de-chaussée est réservée par une société événementielle pour un grand repas, et le salon qui jouxte le notre s’organise autour d’une table de 24 couverts. Le personnel bruisse comme dans une ruche.

L’ouverture des vins est particulièrement facile. Le seul bouchon qui me résiste est celui du Cos d’Estournel 1947, qui tressaute au lieu de glisser en remontant. J’aime les belles surprises. J’avais annoncé à mes convives un Grand Chambertin Sosthène de Grésigny, Jules Régnier. L’année étant illisible, j’ai indiqué : # 1929, c’est-à-dire autour de 1929. Or le bouchon révèle avec une belle netteté qu’il s’agit d’un 1919. Les bourgognes de 1919 étant remarquables j’ai un large sourire, conforté par l’odeur du vin qui est particulièrement aguichante. J’annonce au journaliste qui me pose des questions pendant que j’officie qu’il ne me surprendrait pas que ce vin soit le gagnant des votes de ce soir. Nous verrons ce que l’avenir nous réserve. Les plus belles odeurs sont celle de ce Chambertin, du Cru d’Arche Pugneau 1948 qui est divinement agrume alors que le Gilette Crème de Tête 1953 a un parfum très classique. J’annonce à Vincent, efficace sommelier qui servira les vins ce soir, que nous inverserons sans doute l’ordre de service des sauternes si les odeurs restent ce qu’elles sont près de cinq heures avant leur entrée en scène. Le Chambolle-Musigny Bouchard Père & Fils 1967 a une odeur avenante, tout comme les deux bordeaux rouges. Le responsable du projet télévisuel sent tous les vins et s’étonne que tous puissent être aussi prometteurs.

Notre table ce soir ne comptera que neuf personnes du fait d’une annulation de dernière minute. Des habitués sont présents, l’un des plus fidèles avec un de ses amis fidèle aussi, un nouveau fidèle qui devient assidu et régulier, le couple de japonais attachés à ces dîners dont la femme ne boit pas mais aime l’atmosphère et partager la joie de son mari, un couple de nouveaux venus dont le mari avait assisté à l’académie des vins anciens comme une autre convive qui écrit sur le vin.

J’avais demandé à Vincent d’ouvrir un quart d’heure avant l’heure du rendez-vous le Champagne Dom Pérignon en magnum 1973. Bien m’en a pris, car lorsqu’il me montre le bouchon et me fait goûter le champagne dont la bouteille est restée au frais, je suis inquiet. Le bouchon rétréci est devenu noir en surface, ce qui n’est pas bon. Et si l’attaque en bouche du vin est agréable, l’arrière-goût, bien après le final, est métallique et dérangeant. J’ai bien peur.

Lorsque tous les convives sont présents nous passons à table et le champagne est servi. Rien n’apaise mon inquiétude et ma voisine de droite exprime son dégoût. Mais le pire n’est jamais sûr. Les amuse-bouche sont de remarquables exercices de style mettant en valeur le talent du chef. Certains d’entre eux font oublier en partie la trace désagréable de l’arrière-goût. Par prudence je choisis de faire ouvrir un autre champagne qui puisse accompagner les huîtres, un Champagne Diebolt Vallois Fleur de Passion 2002.

Le menu créé par Christian Le Squer est d’une inventivité remarquable : Huîtres au naturel, belon et fines de claires / Tartare: langoustine-veau jus de carapaces à la vanille / Ecrevisses en croûte de pain virtuelle / Noix de St Jacques lutée jus de cèpes / Foie gras rôti en croûte de pain / Râble de lièvre au poivre, l’épaule façon Royale / Stilton / Ananas épicé en soufflé Passion. Pendant tout le repas, nous serons portés d’émerveillement en émerveillement.

Un des convives trouve que la belon efface toute trace de désagrément du Dom Pérignon alors que pour mon goût, c’est la fine de claire qui transcende le champagne blessé. Et lorsque l’on goûte l’excellent Diebolt Vallois, nous avons tous envie de reprendre du Dom Pérignon, tant il apparaît que le plus ancien a trouvé une complexité remarquable, quand le discours du plus jeune est balbutiant, non encore structuré par comparaison. Le champagne blessé qui aurait été volontiers condamné a retrouvé une partie de sa splendeur, grâce à son attaque en bouche totalement indemne, au point même que ce champagne récoltera deux votes dans le jugement final.

J’avais aussi goûté avant l’arrivée des convives le Champagne Henriot Réserve du Baron Philippe de Rothschild 1973 qui m’avait, par comparaison au Dom Pérignon blessé, fait une belle impression. Au moment où il est servi, j’ai peur d’une infime trace de bouchon mais il n’en est rien. Le champagne est beau, jaune de couleur et de goût, au citron calme et serein. Je le trouve assez exotique et atypique. Le tartare de langoustine et de veau est admirable et le champagne réagit bien sur le jus de carapace que l’on reprendrait cuiller après cuiller à l’infini.

Tous mes amis me disent au service du Château Laville Haut-Brion 1994 : pourquoi un vin si jeune ? Et c’est vrai qu’il est jeune. Mais il a quand même quinze ans et profite bien de son début de maturité. Classiquement il est riche de mille évocations où le fruit vert côtoie le minéral. C’est un beau vin blanc joyeux et l’écrevisse le lui rend bien.

Lorsque mes amis constatent que la noix de Saint-Jacques lutée est prévue sur deux bordeaux plus que cinquantenaires, ils sont étonnés de l’audace. Or, dès la première gorgée, la continuité gustative entre le Château Petit-Faurie de Souchard Saint-Emilion 1955 et le plat est saisissante. On ne pourrait pas imaginer meilleur mariage. Pour certains autour de la table, c’est le Cos d’Estournel 1947 qui se marie au mieux avec le plat, mais je pense que le Saint-Emilion épouse mieux la coquille que le Saint-Estèphe, alors que c’est l’inverse sur le diabolique jus de cèpe, qui a sa vie propre, car il n’est pas essentiel pour l’accord avec le mollusque, créant son propre accord avec les vins. Les couleurs des deux vins sont profondes et saisissantes de jeunesse. Le Cos a une trame d’une rare profondeur alors que le Souchard joue sur son élégance. Le Cos est riche et profond, sérieux comme un Pape, alors que le Saint-Emilion nous aguiche par son charme. Les votes favoriseront le Cos, plus grand sans doute, mais il convient de signaler l’excellente tenue de ce 1955.

J’ai rarement mangé un foie gras aussi pur que celui réalisé par Christian Le Squer. Alors, pour les deux bourgognes, c’est du velours. Le Chambolle-Musigny Bouchard Père & Fils 1967 est absolument charmant. Lui aussi sans âge, tant il fait jeune, il joue très largement au dessus de son appellation. Il est agréable, sans souci, vin d’une extrême facilité en bouche, ce mot devant être pris comme un compliment. Mais à côté de lui, se trouve une pure merveille. Le nez du Grand Chambertin Sosthène de Grésigny, Jules Régnier 1919 est d’une pureté exceptionnelle. C’est le bourgogne dans la perfection de sa définition. En bouche ce qui frappe tout de suite, c’est que le vin est intemporel. Il est inimaginable qu’il puisse avoir 90 ans, tant il est serein, riche, équilibré, velouté, doucereux, tout en ayant gardé une délicate acidité. C’est un vin dont je suis amoureux, qui provient d’une cave achetée il y a plus de dix ans, peut-être vingt, dont tous les vins ont été des splendeurs. Toute la table ressent une grande émotion.

Le râble de lièvre est d’une puissance extrême. Alors que le chef breton est surtout connu pour sa mise en valeur originale des produits de la mer, il nous fait ici l’étalage d’un talent majeur pour exécuter ce plat. Alors, même si l’Hermitage de Vallouit 1978 est un très beau vin toujours présent à tous rendez-vous que je lui donne, il doit laisser la vedette au plat. Et il a raison, car il joue son rôle d’accompagnateur, qui apaise la bouche emportée dans le maelstrom gustatif d’un lièvre fou de richesse.

Goûtant les deux sauternes, je confirme à Vincent qu’il faut inverser l’ordre de service. Le Château Gilette Crème de tête Sauternes 1953 accompagne le Stilton. J’ai déjà bu des Gilette beaucoup plus inspirés que celui-ci, qui joue en-dedans, sans émotion particulière.

Le dessert est délicieusement dosé pour mettre en valeur le Cru d’Arche-Pugneau Sauternes-Preignac 1948 qui nous offre une prestation très largement supérieure à ce que j’attendais. Le nez est riche, pointu d’agrume frappé de poivre et en bouche c’est un festival d’agrumes, d’écorces d’oranges amère et de fruits confits.

Nous sommes tous saouls de ces découvertes culinaires décoiffantes, originales et osées. Si l’on met à part le Dom Pérignon, objectivement fatigué et blessé, dont nous avons extirpé le message au forceps, tous les autres vins étaient sans âge, tant ils avaient atteints une sérénité et un équilibre intemporel.

Nous ne nous sommes que sept à voter car une des convives, telle Cendrillon, s’est éclipsée avant minuit. Le 1947 et le 1919 figurent tous les deux dans les sept votes ce qui est remarquable. Seulement trois vins ont eu les honneurs d’être nommés premier, le Grand Chambertin Sosthène de Grésigny, Jules Régnier 1919 quatre fois, le Cos d’Estournel 1947 deux fois et le Château Laville Haut-Brion 1994 une fois.

Le vote du consensus serait : 1 – Grand Chambertin Sosthène de Grésigny, Jules Régnier 1919, 2 – Cos d’Estournel 1947, 3 – Cru d’Arche-Pugneau Sauternes 1948, 4 – Chambolle-Musigny Bouchard Père & Fils 1967.

Mon vote est : 1 – Grand Chambertin Sosthène de Grésigny, Jules Régnier 1919, 2 – Cru d’Arche-Pugneau Sauternes 1948, 3 – Cos d’Estournel 1947, 4 – Chambolle-Musigny Bouchard Père & Fils 1967.

L’accord le plus sublime, car le plus innovant, c’est la coquille Saint-Jacques avec les deux bordeaux. Le plus envoûtant, sensuel, c’est le foie gras avec les deux bourgognes. Un accord au vin dominant le plat est celui de l’Arche Pugneau. L’accord au plat dominant le vin est celui du lièvre. Nous avons vécu une succession d’émotions ébouriffantes. Le chef Le Squer est au sommet de son art. Le service des plats et des vins a été parfait. Ce 127ème dîner est à marquer d’une pierre blanche.

diversité mardi, 8 décembre 2009

J’aime que dans ma cave il y ait de la diversité, du rare, de l’ancien et de l’insolite. Mettre côte-à-côte ces vins me réjouit le coeur :

Chypre 18xx ? En décryptant l’étiquette, ce pourrait être 1819 ou 1899 ( ?)

Clos Montmartre cuvée réservée 1980 (la bouteille porte le n° 194)

Bourgueil la Cuvée de Jean Carmet par Bouvet-Laduray 2003 avec la complicté d’Olivier et Jean-François Carmet

Pajarette Arneaud 1858

Montrachet Marquis de Laguiche 1923

Chaque bouteille a son histoire. Chacune est riche d’évocations.

de la vigilance en toute chose mardi, 8 décembre 2009

J’ai déjà acquis une fine du Château Mouton-Rothschild, jolie bouteille avec une étiquette en papier quadrillé d’écolier.

Quand on me parle d’une liqueur du Château Latour, quoi de plus naturel.

Sauf qu’une distillerie de la Tour, ce n’est pas tout-à-fait pareil qu’une liqueur du Château Latour.

Il faudra que je goûte ce grand vin de liqueur "garanti pur" qui est une importation 1946. Qu’y a-t-il dedans ? Bien malin ou bien expert celui qui pourrait le dire.

La tour imite gentiment celle de Château Latour. Pendant qu’on y est, autant barrer de rouge comme le champagne Mumm Cordon Rouge !

J’adore ces vins qui sont de vraies énigmes.

Les deux jours de Grand Tasting – photos samedi, 5 décembre 2009

Les Graves avec Olivier Bernard, Denis Hervier, Véronique Sanders, Michel Bettane, Jean-Philippe Delmas et moi

Les vins :

La présentation des Clos des Goisses (on reconnait Charles Philipponnat derrière Nicolas de Rabaudy)

Présentation de Taittinger

Le génie du vin avec MM. Prats, Morel, Desseauve, Thienpont, Deschamps, Bettane, Lardière et Seely

Les vins

Le « Grand Tasting » acte 4 samedi, 5 décembre 2009

Le Grand Tasting du Carrousel du Louvre continue par la Master Class consacrée au champagne Philipponnat. Charles Philipponnat nous présente le Clos des Goisses, emprise qui a le droit de s’appeler « Clos » car elle est ceinte de murs. Sa surface est de 5,5 hectares en 14 parcelles. Le terrain très pentu est plein sud sur la Marne. La plantation est de 70% de pinot noir et 30% de chardonnay. Le champagne Philipponnat a été acheté par le grand-oncle de Charles et peu après, dès 1935, le Clos des Goisses est né. La moitié des vins du Clos sont commercialisés sous le nom Clos des Goisses, l’autre moitié étant assemblée dans d’autres champagnes de la maison.

Le Champagne Philipponnat Clos des Goisses 1999 a une très forte personnalité. Il est fumé et évoque le beurre et les gâteaux secs. Ce qui est impressionnant, c’est le final, viril mais très frais. Dosé à 4,3 grammes, il affiche une forte personnalité.

Le Champagne Philipponnat Clos des Goisses 1994 na pas été commercialisé, car il a été jugé à l’époque insuffisant. Mais il a été gardé. Sa bulle est très active. Le nez est plus multidirectionnel. En bouche, il est plus ample mais a moins de personnalité. S’il reste un peu de l’ingratitude de son année, il est clair qu’il a progressé et qu’il justifiera pleinement son nom dans quelques années.

Le Champagne Philipponnat Clos des Goisses 2000 a un nez beaucoup plus racé. La bulle est active. Il y a du beurre du caramel, de la brioche, mais aussi la fraîcheur et un final d’une élégance rare. C’est un champagne charmant et de plaisir d’un millésime un peu gras.

Le Champagne Philipponnat Clos des Goisses 1998 a un nez subtil. Il est très champagne. Riche, fort, avec peut-être un soupçon de moins de complexité. Le fumé est assez extraordinaire et le final immense. Michel Bettane le trouve musqué. Une fois de plus, cette présentation est démonstrative et convaincante.

Ma fille aînée m’a annoncé sa venue. La première destination, c’est forcément le stand de Jean-Luc Thunevin parce que ma fille adore sa cuvée Constance et ses vins de Bad Boy. Et c’est l’occasion de bien rire puisque Jean-Luc est convaincu que la seule connaisseuse de vins de ma famille, c’est ma fille. Je conduis ensuite ma fille et ses amis à des stands de vins que j’apprécie et je reviens à la dernière Master Class, celle de vins dorés.

Le sujet est Sauternes et Barsac 2006, présentés par leurs vignerons. Nous commençons par Château Climens 2006 présenté par Bérénice Lurton, présidente de l’association des vins de Barsac et Sauternes. Le nez évoque les fruits confits. La bouche est très fraîche, le fruit est discret. Le vin n’est pas très ample, mais élégant. Le final est riche avec un peu de poivre, mais pas très long. C’est un vin élégant qui vieillira bien.

Le Château Coutet 2006 est d’un nez plus discret et d’une bouche moins riche que Climens. Il est plus dur, plus tendu. Il s’ouvre et l’on voit qu’il est plus carré, plus soldat alors que Climens est plus féminin. Le final est très frais, légèrement salin. J’aime bien cette structure carrée, les fruits confits et le final plus long.

Le Clos Haut-Peyraguey 2006 est beaucoup plus fluide, voire fluet, mais agréable. Il a moins de coffre, mais il est très agréable, élégant et fluide. J’aime sa gracilité.

Le Château Lafaurie-Peyraguey 2006 a un nez opulent. Il est riche, généreux, au final un peu court. Le vin est à la fois rêche et charmant, avec des petites notes torréfiées. Les notes confites et abricot sont très plaisantes.

Le Château Suduiraut 2006 a une couleur très riche. Il est de belle élégance. Il est parfait de rythme. Il a la fraîcheur, la pureté, un potentiel de longue garde. Le final est le plus charmant et le plus long.

Je ne devrais pas classer, au risque de me fâcher avec des vignerons que j’apprécie pour les trésors qu’ils nous créent, mais ce sera : Suduiraut, Climens, Lafaurie, Clos Haut-Peyraguey et Coutet. Que sera-ce dans vingt ans ? Nous verrons bien.

Il est temps d’applaudir Franck et ses élèves de l’école de sommellerie Albert de Mun qui ont fait un service des verres parfaits avec des températures idéales. Il faut remercier aussi Nicolas de Rabaudy qui a géré le rythme des conférences, et bien sûr Michel Bettane et Thierry Desseauve qui ont créé de tels liens avec les plus grands vignerons français que des centaines d’amateurs dans les Master Class et des milliers dans les stands ont pu avoir accès aux plus beaux fleurons de notre viticulture. Quand on garde en mémoire un Latricières-Chambertin Domaine Leroy 2007, un Vega Sicilia Unico 1995, un champagne Perrier-Jouët Belle Epoque 1985, un Gewurztraminer Rangen de Than Sélection de Grains Nobles domaine Zind-Humbrecht 1989, un Yquem 1949, un Champagne Philipponnat Clos des Goisses 1998, un Château Suduiraut 2006, et bien d’autres, on ne peut que se dire que le Grand Tasting est un événement annuel incontournable.

Le « Grand Tasting » acte 3 samedi, 5 décembre 2009

Le lendemain, la foule qui attend d’entrer au Louvre est encore plus immense. Je crois n’avoir jamais vu de queue aussi longue. Des chants s’organisent tant les gens sont persuadés de devoir attendre longtemps. S’agit-il des séquelles de la récente grèves des gardiens de musées ? Au Grand Tasting, la deuxième journée commence par son point culminant, la Master Class « le génie du vin ».

Hervé Deschamps présente le champagne Perrier-Jouët Belle Epoque 1985. La cuvée Belle Epoque a été lancée en 1964. L’assemblage comprend 50% de chardonnay, 45% de pinot noir et 5% de pinot meunier. Le vin servi en magnum a un nez superbe de raffinement. La couleur est jaune citron. Le vin est plein, complet et remplit la bouche. Il y a de la crème et du beurré, alors que le final est frais et citronné. La persistance aromatique est extrême.

Alexandre Thienpont dirige les 14 hectares de Vieux Château Certan organisés en 23 parcelles différentes sur trois types de sol. Le Vieux Château Certan 1998 contient 85% de merlot, 5% de cabernet franc et 10% de cabernet sauvignon et Michel Bettane fait remarquer combien les choix de vignerons peuvent différer pour des propriétés que seule une route sépare. Alexandre, qui n’était pas content de son cabernet franc, peu présent dans le vin dit que son 1998 est plus pomerol que Vieux Château Certan car la signature historique de ce vin est d’avoir une présence forte de cabernet franc. Le vin est d’une couleur très noire, et le nez très pomerol est intense. Je trouve une belle plénitude en bouche et un final élégant. La persistance aromatique est belle, le vin jouant plus sur la finesse que sur la puissance.

Jean-Guillaume Prats dirige le Cos d’Estournel et présente le Cos d’Estournel 1982. Le nez est assez discret, la couleur foncée est moins rouge que celle du vin précédent. La bouche est immédiatement confortable. Râpe et astringence sont belles. Là aussi il ya beaucoup d’équilibre et de plénitude. Je trouve que ce 1982 n’est pas complètement fini, alors que Jean-Guillaume le considère à maturité, sans grande chance d’aller plus loin. Deux avis opposés. Michel Bettane rappelle que le vin a été fait avec des raisins très mûrs et Jean-Guillaume fait remarquer que ce vin est l’antithèse de ce qui se fait aujourd’hui. Quoi qu’il en soit, bardé d’épices et de poivre, ce vin est très plaisant.

Jacques Lardière est un poète. L’écouter rend intelligent. Il présente le Clos Vougeot Grand Cru Louis Jadot 1978. La couleur est un peu orangée. Le nez est bourguignon avec le joli côté salin et minéral. En bouche, il est d’une belle râpe et d’un beau fruit. Très élégant il est aussi brutal du fait de son amertume, mais un vin enthousiaste comme Jacques. Ce vin subtil a un final très frais. Sans concession, il finit sur la fraîcheur ce qui me convainc le plus. Nul ne pourrait dire qu’il s’agit d’un vin ancien.

La Côte-Rôtie La Mordorée Chapoutier 1990 est présentée par Pierre-Henri Morel. La couleur sombre est très jeune. Le nez n’est pas stabilisé mais la bouche a une belle présence et ce qui frappe, c’est le spectaculaire final d’une richesse combinée à l’élégance. Le nez s’organise et évoque la truffe. La belle astringence est combinée à la richesse du fruit.

Olivier Humbrecht nous fait goûter le Gewurztraminer Rangen de Than Sélection de Grains Nobles domaine Zind-Humbrecht 1989. Si l’on aime lire des superlatifs, j’en ai plein mon tablier. Car la couleur est extraordinaire, d’un or profond, le nez est extraordinaire car il a tout : les agrumes, le litchi, les fruits confits. Le goût est parfait. Tout dans ce vin est parfait. La fraîcheur est extrême. Ce vin est fait pour la gastronomie la plus riche et la plus inventive. Il y a du génie dans ce vin-là.

En le buvant, je me demandais s’il n’allait pas faire de l’ombre au vin suivant. Mais heureusement Pierre Lurton avait pris avec lui, dans sa folle générosité, la munition du plus fort calibre car ce n’est rien moins que Château d’Yquem 1949 qu’environ deux cents personnes vont se partager. La couleur est d’un très bel or, précis. Le nez est exceptionnel, d’une subtilité extrême d’où émerge l’écorce d’orange confite. En bouche le vin est impérial. Il y a le sucre élégant, les fruits confits, mais surtout ce qui en impose, c’est la richesse de la structure infiniment tramée de ce vin. J’y trouve des mirabelles cuites quand d’autres verront des abricots. Pierre explique qu’il y a dans le vin des grains passerillés, en plus des botrytisés, ce qui donne un magnifique équilibre entre sucrosité et acidité. Je garde en mémoire son final exceptionnel et sa très grande fraîcheur.

Le Quinta do Noval Nacional 1994 est présenté par Christian Seely, directeur de tous les vignobles du groupe AXA. Avec un délicieux accent britannique, et un humour qui l’est autant, il nous dit que ce Porto, le plus légendaire de tous n’est fait que sur deux hectares de vignes non greffées et produit 190 caisses par an. La couleur est noire, mais avec un disque rouge foncé. Ce vin fortifié qui titre 19 à 20° a un nez charnu, charmeur et doucereux. En bouche il est charmeur, et ce qui frappe c’est sa fraîcheur mentholée. Les fruits sont délicats et ce vin plein, fort mais aussi délicat et frais est un appel à la gastronomie la plus audacieuse. De cette éblouissante dégustation de huit vins splendides, deux émergent pour mon goût, le Gewurztraminer et l’Yquem qui ont atteint chacun dans son registre un état de grâce absolu.

La Master Class suivante est menée à trois, Pierre-Emmanuel Taittinger qui va présenter de façon brillante ses champagnes, Denis Hervier, auteur et gastronome et moi. Ce sera l’occasion de grands rires et de dialogue avec l’assistance nombreuse. Pierre-Emmanuel est à la tête de 280 hectares de vignes. Il parle de sa vision artistique de son métier. Il nous présente ses champagnes dans l’ordre inverse des présentations habituelles, en commençant par le plus ancien, et nous mesurerons à quel point c’est pertinent. Il précise que les Comtes de Champagne sont de pur chardonnay, champagnes féminins, vins de force et de délicatesse. Ceux que nous allons boire ont été dégorgés récemment.

Le champagne Comtes de Champagne Taittinger 1989 a une belle couleur. Le nez est subtil, et perceptible malgré la présence d’une assiette de fromages que j’ai apportée car je n’ai pas déjeuné. Il est charmant de délicatesse, et Pierre-Emmanuel évoquera ses vertus aphrodisiaques.

Le champagne Comtes de Champagne Taittinger 1995 a un nez plus fort. Il est dynamique, avec de l’acidité de citron et d’agrume. Pierre-Emmanuel évoque le côté salin et polisson. C’est un champagne fort et très grand.

Le champagne Comtes de Champagne Taittinger 1998 est plus riche et plus complet. Il est très intéressant, plus fruité et énormément puissant. Le champagne Comtes de Champagne Taittinger 1999 est très élégant. Son point marquant, c’est la fraîcheur. Cette présentation fut l’une des plus chaleureuses et convaincantes. La discussion avec l’assistance fut amicale et passionnée.

Entre deux Master Class, je vais à un atelier du goût où l’on présente la combinaison très classique du caviar et du champagne. C’est Alain Dutournier qui a permis le mariage entre le Champagne Legras cuvée Présidence 2002 et le caviar Ebène, caviar d’Aquitaine très peu salé et à l’équilibre intéressant. Un dialogue s’est instauré avec les présentateurs qui a rendu la dégustation encore plus intéressante.

La Master Class suivante est celle des crus classés de Graves, pour le millésime 2002. Jean-Philippe Delmas, président de l’association des crus classés de Pessac-Léognan est en charge de la présentation des vins, et Véronique Sanders, vice-présidente a l’envie de se reposer sur son président. Olivier Bernard qui rejoindra le groupe est quasiment enjoint de ne point parler, ce qui le fit rire.

Le millésime 2002 est un millésime sec, à l’été très frais suivi d’une superbe arrière-saison, ce qui a donné une maturité optimale à des vins tardifs, de rendements faibles, avec plus de merlot que d’habitude.

Le Château Smith Haut-Lafitte 2002 a un nez puissant, très boisé mais aussi assez floral. La couleur est foncée. L’attaque en bouche est un peu amère. Il y a matière, bois, peu de fruit et peu de longueur. Mais le vin est frais, délicat, souple, ce qui le rend agréable. Le Château Haut-Bailly 2002 est beaucoup plus élégant, charmeur, fluide et équilibré. Son fruité est plus classique. C’est un très beau vin d’une année de transition. Le Château Malartic-Lagravière 2002 a un nez très élégant. Le vin est joyeux, riche, mais pas trop. J’aime son bel équilibre. Le vin est boisé et le final est dynamique. Lui aussi a une belle fraîcheur. Le Château Pape-Clément 2002 a un nez riche et doucereux. Il est assez astringent, plus fumé, plus épicé, fort, mais sans largeur. Michel Bettane parle de tanins voluptueux et de belle fraîcheur, mais j’aime un peu moins ce vin.

Le château Haut-Brion 2002, a une couleur plus rouge que les autres. Le nez est très accompli, riche et rond. Le vin est beaucoup plus rond, fruité élégant et riche. C’est le raffinement et la pureté qui font la différence, même si je trouve que l’écart qualitatif avec les autres vins présentés n’est pas en rapport avec l’écart tarifaire qui intègre la renommée. Le vin est très élégant, riche et puissant. Jean-Philippe signale son côté fumé qui rappelle celui du 1848 qui est le plus vieux qu’il ait bu, grâce à la générosité de la famille Rothschild.

La dégustation finit par un blanc, le Domaine de Chevalier blanc 2002. Le nez est de feuille de cassis, très parfumé et élégant. Le vin est magique de complexité et de richesse aromatique. Doté d’un peu de gras, ce vin est magnifique.

Si Michel Bettane voulait démontrer que 2002 n’est pas une petite année, il a réussi.

Le « Grand Tasting » acte 2 vendredi, 4 décembre 2009

Après le déjeuner au restaurant « L’Ami Louis », je reviens au Grand Tasting du Carrousel du Louvre pour la Master Class consacrée au champagne Ruinart, de la maison la plus ancienne de champagne, fondée par une famille de drapiers en 1729, l’année qui a suivi l’autorisation royale de mise en bouteille des vins. Nous allons goûter des « R », vins faits de 55% de chardonnay et 45% de pinot noir, alors que le « Dom » Ruinart est fait de 100% de chardonnay grand cru.

Le champagne « R » de Ruinart 2004 a un joli nez et une couleur pâle. Il est dosé à 7 grammes, ce qui est considéré comme peu. L’impression est effectivement très sèche. Le vin est frais, tendu, très agréable de fruits blancs, avec un côté salin charmant.

Le champagne « R » de Ruinart 2002 a un nez discret. Dosé à 8,2 grammes, il est plus rond que le 2004. Le fruit est très joli, d’un millésime solaire. On sent un peu de beurre et d’amertume.

Le champagne « R » de Ruinart 2000 a une couleur plus prononcée. Le vin dosé à 9,3 grammes est plus miellé. Il est plus astringent et plus développé. Il est plus grillé et toasté. Frédéric Panaiotis nous dit qu’il est plus réduit, ce qui préserve la minéralité.

Le champagne « R » de Ruinart 1995 est servi en magnum. Le nez est beaucoup plus expressif, le vin est beaucoup plus rond, légèrement beurré. Frédéric indique que l’évolution qualitative conduit à un style plus pur pour le 2004. Attendons de pouvoir en profiter comme nous le faisons du 1995.

La Master Class suivante est la présentation de deux vins mythiques, Château Grillet et Vega Sicilia Unico. Confronter le viognier et le tempranillo est un caprice convaincant de Michel Bettane.

Le Château Grillet 2001 a un nez assez discret et une belle couleur. Ce vin qui a été nommé par Curnonsky parmi les cinq plus grands vins blancs de France se présente un peu fumé, avec une note lactique. A la fois minéral et légèrement beurré, il a la pureté du granite. C’est un Condrieu assez unique.

Le Château Grillet 2006 a un nez beaucoup plus riche. Il est beaucoup plus agréable, mais sa jeunesse lui donne un côté encore un peu perlant. La profondeur du final est extrême et j’y trouve un peu de noix. Comme pour les vins du Jura, c’est un vin d’une race énorme, mais un vin d’initié.

C’est Javier Jausas qui fait Vega Sicilia Unico et qui le présente. Nous commençons par le Valbuena Vega Sicilia 2005 qui n’est pas un second vin, mais une expression jeune de l’Unico. Il l’appelle « version juvénile ». Elevé à 760 mètres d’altitude avec une exposition plein nord, ce vin est vendangé en quatre jours car à Vega Sicilia, on n’aime pas les vins sur-muris. Le nez est très riche et fruité. La bouche est un peu fermée, mais je l’impute au fait que la bouche a la mémoire du Grillet. La fin de bouche est râpeuse et astringente, mais d’une élégance extrême. Ce qui frappe, c’est la pureté aromatique. Le vin est vibrant en bouche et l’on s’habitue de plus en plus. Il y a de la feuille de cassis, un fruit élégant et ce qui frappe le plus, c’est la fraîcheur.

Le Vega Sicilia Unico 1995 a connu un vieillissement de dix ans et a été mis sur le marché en 2005-2006. La couleur est rouge foncé, le nez est assez discret. En bouche il commence par être plus fermé que le Valbuena. Mais il est riche et ce qui m’enthousiasme, c’est la fraîcheur. C’est un vin serein, féminin, joyeux. Il trouve son charme de sa belle définition et de son incomparable fraîcheur. Il faut le laisser vieillir pour qu’il prenne de l’ampleur.

Quittant cette Master Class, je vois de l’animation dans une salle voisine. C’est la société idealwine qui a convié ses amis et clients. On m’ouvre volontiers le barrage pour que je me retrouve au sein d’une foule grouillante où je reconnais des amis. Je goûte le champagne Bollinger R.D. 1997 qui se boit bien, car il a une fluidité extrême. Un champagne Perrier-Jouët Belle Epoque 1996 servi en jéroboam est d’une grande présence, solide champagne au charme fort.

L’Hermitage le Pavillon en jéroboam Chapoutier 2001 est d’un plaisir solide et je n’arrive pas à accrocher avec le Sassicaia Tenuta San Guido en impériale 2002, sans doute pour un problème de carafe, même si l’on sent que le vin est grand. Le Pouilly-Fumé Silex Didier Dagueneau en magnum 2003 a passé trop de temps dans la glace pour que j’en saisisse les finesses qui ont fait sa renommée. A un stand se trouve un vin mystère à découvrir. Je trouve qu’il s’agit d’un Vouvray et pour l’âge, j’annonce une fourchette large dont la borne la plus jeune est 1947. Peu de temps après, Agnès Audebert m’annonce que c’est un Vouvray 1947. Ce vin est absolument délicieux, simple, facile, doucereux, d’un plaisir accessible. Les conversations se poursuivent alors que l’on annonce que le salon est maintenant fermé. Il est temps de se reposer car le Grand Tasting recommence demain.

Déjeuner au restaurant « l’Ami Louis » vendredi, 4 décembre 2009

Lors de Vinexpo, j’avais rencontré au Château Palmer Louis Gadby, animateur du fameux restaurant « l’Ami Louis ». Nous nous étions promis de nous revoir. Aussi, lorsque Bipin Desai arrive à Paris pour une semaine de dégustations qui se terminera par un dîner de vignerons que j’organise pour la neuvième année consécutive, le rendez-vous est pris à l’Ami Louis. Je quitte le Grand Tasting pour quelques heures. Le taxi de Bipin ayant erré et m’ayant appelé trois fois pour se faire guider (bravo l’artiste), j’ai le temps de goûter le célèbre foie gras sur un champagne Jacquesson cuvée 733 que je trouve doucereux et aigrelet. Nous prenons des coquilles Saint-Jacques à l’ail mordant qui me fait pleurer, puis le traditionnel poulet frites de la maison, à la profusion qui est une marque de fabrique de ce restaurant. Bipin veut choisir un vin qu’il ne connaît pas, alors qu’il connaît tout. Ce sera un Clos de Vougeot Domaine de la Vougeraie 2001. Aucun de nous n’est réellement impressionné par ce vin qui manque un peu d’émotion, même s’il est gouleyant. Il faut une glace vanille pour compenser la pesanteur de ce que nous avons mangé. Le restaurant est attachant, Louis et son équipe ont une belle joie de vivre. Les produits sont de grande qualité et de grande quantité. A revisiter un jour où il n’y a pas de Master Class à suivre !

L’ail perfide niché au sein des coquilles Saint-Jacques délicieuses

Le « Grand Tasting » acte 1 vendredi, 4 décembre 2009

Le « Grand Tasting » est le rendez-vous annuel incontournable des amoureux du vin. Car les vignerons les plus prestigieux présentent leurs vins, soit à leurs stands, soit à des conférences-dégustations appelées « Master Class ». Selon une tradition amicale, Thierry Desseauve et Michel Bettane, qui animent et assurent l’organisation de cet événement, m’accueillent à la table de présentation des Master Class pour faire, quand cela se justifie, des commentaires sur les vins présentés et leur histoire.

J’arrive vendredi au Carrousel du Louvre, dont les larges allées sont envahies d’une foule qui attend l’ouverture du Musée du Louvre. Très cosmopolite, cette foule est très jeune. Au Grand Tasting, les stands s’installent, les vignerons vérifient si les vins qu’ils offriront à dégustation n’ont pas de défaut.

La première Master Class est une tradition, de mettre en avant cinq vins qui sont les coups de cœur de Michel et Thierry. Nous commençons par le vin Arena Blanc Grotte de Sole, vin de Corse 2008. Grâce à Aurore Marre, sommelière du CasadelMar, j’avais eu la chance de goûter un vin d’Antoine Arena il y a peu de temps, ce qui aide à la dégustation. Le vin est d’une couleur claire, très pure. Le nez est très profond. Comme c’est le premier vin que je goûte, la bouche est un peu rêche. Le vin est très pur, simple, direct, avec un joli fruité. Le final est riche. Antoine dit avec un sourire que les levures corses travaillent doucement. Le vin qui s’ouvre dans le verre est de plus en plus agréable. Le final minéral me séduit ainsi que la fraîcheur. Michel précise que les vins blancs de Corse vieillissent mieux que les rouges.

Le vin suivant est le Latricières-Chambertin Domaine Leroy 2007. Le nez est d’une pureté exceptionnelle. La température de service est idéale. La bouche n’est pas très charnue, avec un zeste d’amertume. On voit bien que les rafles sont dans le vin. Le final est extraordinaire, précis et frais. C’est un vin dont on devient amoureux, dans mon cas parce qu’il est atypique. L’amertume due aux rafles est de plus en plus attachante. Thierry dit que c’est le génie du pinot noir. Michel dit qu’en ce moment c’est un parfum. Il ajoute que chez Lalou Bize-Leroy, le Romanée Saint-Vivant est impudique, alors que ce Latricières est tout en pudeur.

Le Château La Mission Haut-Brion 2004 a un nez raffiné dans lequel je surprends du poivre. La bouche est aussi raffinée, avec des fruits noirs encore jeunes. Ce Mission a vraiment trouvé sa personnalité et n’est plus le « suiveur » de Haut-Brion. Il est droit, rêche, riche d’un très grand potentiel. Le final n’est pas encore assez affirmé, mais il va se révéler du fait de sa belle matière. Michel dit que la Mission a des tannins précoces, ce qui fait que dans des millésimes moyens, on a des vins complets. Il réussit moins les millésimes de soleil.

Le Chateauneuf-du-Pape Clos des Papes rouge 2007 est présenté par Paul-Vincent Avril, propriétaire de 35 hectares en 24 parcelles. Le vin a 65% de grenache ce qui est peu par rapport à l’appellation, 20% de mourvèdre, ce qui est beaucoup, et 10% de syrah. Les vendanges sont égrappées et la macération est de 25 jours. Le vin est d’une couleur noire. Le nez est très riche de cassis très subtil. Il y a du doucereux et de la pureté. Dès l’approche, le vin est doucereux, joyeux et rond. C’est l’expression de la jeunesse. Il y a une forte amertume dans le final. Le vin titre plus de 15°. Il vaudrait mieux l’attendre encore quelques années pour qu’il se construise. Michel signale la finesse du tannin, le velouté et la belle sensation tactile. Le vin ne cesse de s’améliorer dans le verre et se domestique. C’est un grand vin, fait pour la truffe et l’agneau.

Le Château Montus, La Tyre 2000 est présenté par Alain Brumont qui possède 140 hectares dans sa région gasconne. Ce vin est fait de 100% tannat, cépage du Sud-ouest, avec un rendement d’un litre par pied de vigne. La couleur du vin est très noire, le nez est très riche de truffe. La bouche fait stricte après le Clos des Papes. Quand on s’habitue à l’astringence, on voit que le vin est grand. A l’aveugle, je pense que j’irais vers de grands bordeaux. Alain rappelle que dans le passé, le tannat donnait « le vin médecin », le vin qui soigne. Michel parle de vin monumental, de grande force et de grande personnalité. Alain aligne les gasconnades qui font rire la salle, tant nul n’a autant de fierté que le gascon.

On comprend les choix de Michel Bettane et Thierry Desseauve, vers des vins de précision et de fraîcheur. Ce voyage dans cinq régions montre que l’excellence des vins français est ubiquiste.