Un prétexte pour boire un immense Krug 1982 mardi, 4 août 2009

On peut imaginer que fêter la naissance de mon deuxième petit-fils se répétera. Je propose à mon gendre d’ouvrir un Krug 1982. A bonne école, il me suggère que l’on se « fasse le palais » avant de boire ce champagne de rêve. Il ouvre un Champagne Henriot 1996 qui est extrêmement plaisant. Si l’on devait donner la définition d’un champagne de plaisir, je crois qu’on choisirait ce champagne qui se boit facilement, sans chichi ou intellectualisation excessive. Ce champagne est bon, résolument bon, joyeux, ce qui ne l’empêche pas d’avoir de la structure et de la personnalité.

La première gorgée du Champagne Krug 1982 ressemble au rideau que l’on soulève qui donne un aperçu suggestif du vestiaire des filles. Car si l’attaque en début de palais est discrète, le champagne révèle des vagues successives et infinies de saveurs complexes et variées. On ne finit pas de découvrir ce qui se cache derrière les pans de ces rideaux. Le champagne s’amuse à pianoter sur la langue une série d’émerveillements. Le repas n’apportant aucune saveur du raffinement qui conviendrait à cette icône, nous en profitons pour lui-même, pour célébrer un petit être qui agrandit la famille. La liste des prétextes ne s’arrêtera pas là.

de grands vins à la table d’Yvan Roux lundi, 3 août 2009

Un jeune homme de 28 ans a assisté à tous mes dîners depuis novembre derniers, à l’exception des dîners en Chine. Mordu de vin, convive délicieux et lecteur assidu de mes écrits, il a une furieuse envie d’essayer la table d’Yvan Roux. Il arrive chez moi les bras chargés de cadeaux et veut qu’on goûte ensemble un Dom Pérignon 1995 qu’il a apporté. Mais la bouteille a chauffé pendant le trajet, aussi ouvrons-nous un champagne Dom Pérignon 1998 que j’avais au frais. L’évocation de fleurs blanches et fruits blancs de ce champagne est toujours aussi séduisante.

Ma femme, mon fils et moi, nous nous rendons avec mon ami et sa fiancée australienne chez Yvan. Le champagne Pol Roger Cuvée Winston Churchill en magnum 1998 est déjà imposant par sa seule bouteille, car on en mesure la rareté. Le champagne est d’une couleur qui commence à s’ambrer. La bulle est très active, et la première saveur qui envahit le palais est celle du miel. Le champagne est masculin, viril avec un tracé en bouche direct et linéaire. C’est un grand champagne qui délivre progressivement ses complexités. Les fleurs de courgette en tempura accompagnent sans converser avec le champagne, alors que la délicieuse friture de jeunes rougets interpelle le Pol Roger et lui tire des accents de sincérité. C’est un accord magnifique.

Yvan a ouvert les deux vins rouges à 16h30, comme je lui ai demandé. Les langoustes sont merveilleusement goûteuses et le Chateauneuf-du-Pape Rayas 1995 leur répond avec exactitude. Ce vin est une splendeur. Plus que d’autres Rayas il est réellement typé Chateauneuf et ajoute cette trace bourguignonne qui le rend si séducteur. Je suis conquis par ce vin de grande plénitude.

Sur deux chapons nous goûtons la Côte Rôtie La Landonne Guigal 2005. La journée fut chaude et orageuse ce qui influence le goût du vin. La dégustation ne serait pas la même un soir d’automne. Car ce soir la bombe aromatique et savoureuse n’a pas la cohérence qu’elle aurait dans une atmosphère plus tempérée. On sent la promesse de grandeur de ce vin immense, mais je n’ai pas le plaisir que pourra donner ce vin dans quelques années.

J’avais prévu un Maury pour le fondant au chocolat mais nous avions déjà tant bu que le Pol Roger accompagna le liquide fondu qui nous plombe de bonheur. A ma grande surprise, mon fils et mon ami ont classé La Landonne en premier de leur vote alors que le Rayas est mon champion, dépassant les autres de la tête et des épaules. Ces deux jeunes hommes sont donc plus accessibles au vin à la folle puissance non encore totalement maîtrisée. La Landonne est une promesse de délices, le Pol Roger est un champagne majeur, et le Rayas me comble de bonheur. Le plus bel accord fut celui des petits rougets sur le Winston Churchill, suivi de la langouste sur le Rayas. La lune bientôt pleine argentait la mer qui ondulait d’un accès de mistral. La vague marine rythmait notre vague de bonheur.

divers vins de vacances dimanche, 2 août 2009

Au détour des repas de vacances, un champagne Charles Heidsick mis en caves en 1997 interroge à peine sur un goût incertain. De longues minutes plus tard l’incertitude se transformera en un franc goût de bouchon. Ce n’est pas la première fois que je ressens cette sensation curieuse d’un goût bouchonné qui n’est pas décelable au premier instant, alors que le plus souvent ce goût s’impose immédiatement.

Ma femme prépare une joue de bœuf aux carottes et me demande un vin pour sa préparation. Je saisis un Chianti Classico Castello di Uzzano 1968. A l’ouverture, le nez est extrêmement flatteur, chaud, ensoleillé, enjôleur. Plus de la moitié de la bouteille est bue par le plat. Le soir, nous finirons la bouteille en mangeant la joue délicieuse. Ce vin de quarante et un ans est doux et agréable, et m’évoque par certains aspects les Côtes de Provence d’une quinzaine d’années.

Le Domaine de Nalys Réserve, Chateauneuf-du-Pape 2006 est une bombe. Titrant 14,5° il étale sa puissance alcoolique qui masque les qualités certaines qu’il a. Son nez de cassis et poivre signe les vins modernes. En bouche, l’écran de l’alcool cache une partie du fruité. Saura-t-il vieillir ? Je suis bien en peine de le dire.

coïncidence – vin rouge et poisson jeudi, 30 juillet 2009

En ces périodes de grande chaleur, on ne sait plus très bien comment traiter les vins rouges pour les servir à bonne température. J’avais placé une bouteille de La Courtade Côtes de Provence rouge 1995 dans le compartiment légumes du réfrigérateur. Sorti une heure avant de passer à table, ce beau vin de Porquerolles montre la trace de son passage dans le froid. Le vin est beau, avec un sentiment de râpe terrienne fort agréable, mais ce coup de froid, même léger, gauchit le goût d’un vin de Provence très raffiné.

Le lendemain, nous allons chez des voisins et amis pour dîner. La lune en milieu de premier quartier éclaire la table à travers une forêt de pins majestueux penchés sur une mer dont la houle nous berce de son bruit rythmé. L’apéritif se commence avec un champagne Moët & Chandon non millésimé qui sert de faire-valoir à un magnum de champagne Laurent Perrier Grand Siècle dont la fraîcheur romantique est un plaisir dont nous ne nous lassons pas (c’est le troisième magnum que nous partageons avec ces mêmes amis). Bulots, olives, pignons se grignotent d’un bon appétit.

Par une coïncidence amusante, mon ami ouvre une bouteille de La Courtade Côtes de Provence rouge 2004, qu’il a lui aussi fait passer par le réfrigérateur. Et nous aurons la preuve de l’effet négatif de cette mesure lorsqu’il ouvrira une deuxième bouteille du même vin sortant directement de la cave. L’écart est très sensible.

L’objet du dîner est de comparer deux daurades royales, l’une cuite par la maîtresse de maison et l’autre par le maître de maison. Je sors mon petit manuel virtuel de diplomatie afin de déterminer lequel de nos deux amis doit être flatté. En fait les deux daurades sont excellentes, celle du maître de maison étant plus portée sur la sauge. Et, sous les palmiers dont les troncs sont des piliers de cathédrale, dans l’agréable fraîcheur d’un soir d’été, je suis frappé par l’incroyable évidence que le vin et le poisson collent à la personnalité de cette belle région. Le vin est extrêmement terrien et m’évoque les pins parasols, les truffes encore pleines de terre et les olives noires. La sauge sent les champs et les sous-bois troués par un chaud soleil. Et le poisson, par son goût dont la légère râpe ressemble à celle du vin, consolide l’impression d’une cohérence gustative régionale. Je sens, je respire, je bois et je mange la beauté de la région. Dans la sérénité du soir, ce sentiment me remplit de joie.

Nous nous livrons ensuite à une orgie de glaces de la pâtisserie Ré. J’ai déjà dit que la maison Ré de Hyères donne le « la » des douceurs pâtissières. Glace à la vanille, sorbet abricot et sorbet framboise à profusion flattent la gourmandise, poussés par des gâteaux secs au goût de revenez-y. Le Grand Siècle laisse la vedette aux parfums de glaces et aux conversations d’une belle nuit sous la lune.

pagre au fenouil mercredi, 29 juillet 2009

dans un forum sur le vin je ne cesse de faire l’éloge d’une cuisine "lisible", "simple" même si elle est sophistiquée, afin que le vin profite de la lisibilité du plat.

voici une photo qui résume cette idée :

c’est le pagre au fenouil de Gérald Passédat du Petit Nice.

Recherche d’accord inattendue lundi, 27 juillet 2009

Nous faisons bombance avec des voisins et amis que nous avons invités. Le champagne Laurent Perrier Grand Siècle en magnum est vraiment agréable à boire, fait de fruits et de fleurs roses et blanches. J’ai l’intuition d’un accord à essayer. Il reste des croissants du matin qui, dans la moiteur ambiante sont devenus très souples. Je coupe des tranches de poutargue que je pose sur des tranches de croissant, afin d’essayer ce canapé improbable sur le champagne. Et c’est absolument excellent. La poutargue seule combat la bulle du champagne, exacerbant son goût. Alors que la poutargue adoucie par le doucereux léger du croissant surfe sensuellement sur les bulles du champagne, créant un accord délicat.

Sur un gigot, le Château Brane Cantenac 1978 se montre très convaincant. C’est un vin riche, de belle structure, qui, à trente et un ans, n’affiche aucun signe de maturité avancée mais au contraire une belle jeunesse. Du fait de la chaleur, il montre une certaine râpe, qui fait un trait d’union pertinent avec le Terrebrune rouge Bandol 1997 qui le suit. Archétype du Bandol, ce vin plaisant se boit plaisamment.

La salade de pêche commande d’ouvrir un nouveau magnum de Champagne Laurent Perrier Grand Siècle. Toujours ravissant et se lovant contre la pêche, il est en quantité suffisante et permet aux discussions de se poursuivre fort tard dans la nuit.

Essais divers dans le sud dimanche, 26 juillet 2009

Au fil de repas, il m’arrive d’ouvrir des bouteilles disparates. Un Bandol Terrebrune blanc 1999 a une couleur trop orangée pour être honnête. Le vin est madérisé, sans doute à la suite d’un coup de chaud lors de son stockage. Si l’on accepte la madérisation, on peut se satisfaire de son goût assez plaisant.

Un Kutch pinot noir rosé Sonoma Coast 2006 titre 14,1°. Sa couleur est d’un rose lilas intense. Le nez est inhabituel et le goût est intense, profond. C’est un grand vin rosé, dont les repères manquent. Mais le vin se boit avec plaisir car il est charnu, long en bouche et profond.

Le Château Tour d’Horable Côtes de Castillon 1994 me rappelle les propos de l’une des deux personnes qui m’ont appris les vins anciens. Celui-ci, décédé il y a quelques années, était l’épicier de banlieue chez qui j’ai fait mes premières armes. Il avait un amour particulier pour ce bordeaux dont il vantait la pureté et l’authenticité de construction. Il avait bien raison, car ce vin se boit bien, porteur d’un équilibre serein pour ses quinze ans.

Un vin de terrassier samedi, 25 juillet 2009

Les pluies diluviennes de l’hiver, d’un volume inconnu de mémoire d’homme, ont raviné notre jardin. Il a fallu consolider le mur sur la mer. J’ai pris un architecte qui a recouru à la compétence d’un ingénieur béton. Les premiers sondages ne lui plaisant pas, il a demandé l’avis d’un géologue. La conjonction de ces trois conseillers, avec une sauce épaisse de principe de précaution, transforme notre jardin en bunker de la seconde guerre mondiale.

Voyant une population nombreuse envahir notre nid douillet pendant les vacances, avec force engins aux sons inharmonieux, crée forcément des liens.

Le terrassier en chef possède une vigne en Côtes de Provence qui est exploité par son père en biodynamie. Gentiment il m’apporte un Côtes de Provence rosé et un Côtes de Provence rouge en disant : « j’aimerais votre avis. Je pense qu’il sera sur votre blog ».

Après l’avoir remercié, il me fallait goûter. Le rosé d’un joli rose pâle est affreusement bouchonné. Il ne sera pas possible de donner un avis, puisque le goût de bouchon ne disparaîtra pas. Le vin rouge est d’une couleur noire de jus de cassis. Le nez évoque le fruit mais aussi la feuille de cassis, que l’on retrouve aussi dans le goût. Ce vin est chaleureux, dense, extrêmement fruité, avec toutefois une petite note végétale. Ce qui me paraît curieux, c’est que le vin ne semble pas fini. Il est encore au stade du jus de fruit, plus qu’au stade du vin. Mais l’impression générale est très agréable. Il faudrait voir ce que ce vin riche donne en vieillissant.

De toute façon, c’est très généreux de m’avoir apporté ces flacons, après avoir traité ma pelouse façon crevasse martienne.