120ème dîner – le jeu de une erreur ! jeudi, 11 juin 2009

Regardez bien cette photo. L’une des bouteilles ne sera pas bue lors du dîner.

Laquelle ?

Oui, vous avez gagné, c’est celle de Colibri, bue avec une paille par le fils de Georges Menut, le propriétaire du restaurant de la Grande Cascade.

Son fils, jugeant sans doute que la table où j’officiais était très sale a estimé qu’on pouvait y jeter la bouteille vide du délicieux soda qu’il venait de finir. J’ai trouvé sa décontraction  charmante.

 

120ème dîner – ouverture des vins jeudi, 11 juin 2009

photos de groupe

les bouchons (on voit le petit treillis qui enveloppe la bouteille de La Mouline, que j’ai chiffonné)

Le bouchon du Beychevelle 1928 est très noir, mais ne s’est pas déformé

Ce qui est assez fou, c’est que le bouchon de l’Anjou 1928 porte l’adresse de Prunier avenue Voctor Hugo alors que l’étiquette porte l’adresse de Prunier rue Duphot ! Le Giroud 1928 est plus discret !

bouchon du Climens

le groupe des bouchons, qui, pour une fois, sont très peu abîmés

 

120ème dîner de wine-dinners au restaurant de la Grande Cascade jeudi, 11 juin 2009

Le 120ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant de la Grande Cascade. Les vins ont été apportés il y a une semaine, et quand j’arrive à 17 heures pour les ouvrir, la place bruisse de mille mises en place, mais de sommelier point. C’est Dominique Beauvais qui me fait porter la caisse jaune où les vins ont été mis debout depuis la veille. C’est une attention appréciée. Les bouchons s’extirpent avec une facilité déconcertante, aucun ne se brisant. En moins d’une heure l’opération est terminée. L’odeur la plus envoûtante est celle du madère, la plus excitante est celle de la Romanée Saint-Vivant. La plus incertaine est celle du vin d’Anjou. Pendant que j’officie, un jeune garçon entre dans les lieux avec assurance. Son visage ne porte à aucune confusion : c’est le fils de Georges Menut. Il touche aux bouteilles, ce qui me fait trembler, pose de bonnes questions, et voyant que l’espace où j’officie est un vrai chantier, il y dépose nonchalamment la bouteille de soda vide qu’il venait de siroter. J’ai fait une photo de cet apport inattendu aux bouteilles de ce soir.

Dans mes dîners, j’évite les apports de vins des convives car ce pourrait être embarrassant qu’un vin se présente anormalement fatigué. Une exception est faite ce soir car ayant invité depuis des mois et des mois Bernard Pivot pour le remercier de sa gentillesse lorsqu’il m’a cité dans son dictionnaire amoureux du vin, il a eu l’envie d’offrir un magnum de Beychevelle 1928. Un tel cadeau ne se refuse pas. Quand j’ai retiré le bouchon tout noir, à l’odeur de terre humide intense, j’aurais aimé que Bernard fût là pour constater l’extrême désagrément de ce parfum difficilement supportable. C’est le seul vin que je goûte lors de l’opération d’ouverture en vue de prévenir à temps Bernard d’une éventuelle défaillance. Le goût un peu poussiéreux m’indique que le retour à la vie se passera bien.

Un détail m’a plu. Alors que j’officiais, Georges Menut s’approche et me dit que le dessert ne pourra pas convenir au Climens. Je lui avoue que cette anomalie m’a échappé. Nous essayons avec les chefs de trouver une solution, ce qui donne l’occasion d’un examen utile de l’ensemble du menu. Cette volonté d’excellence est plaisante.

Nous sommes dix, dont les trois plus fidèles convives des dîners des récentes années, un couple qui devient fidèle accompagné d’un de leurs fils, Bernard Pivot et deux nouveaux inscrits. Il y a quatre nouveaux et six habitués.

Nous passons à table pour goûter en apéritif le Champagne Salon 1985. Je viens de boire ce champagne il y a moins d’une semaine, et les saveurs sont identiques. D’une belle couleur d’un or ambré le champagne a un parfum envahissant tant il est fort. La bulle est très active et le vin conquérant. Viril, vineux, il prend possession du palais qu’il ne lâche plus tant sa persistance est infinie. Le foie gras dont la gelée est dardée de petits grains de fruits de la passion l’apaise un peu en l’élargissant. L’ananas confit au contraire affute son côté tranchant alors que la brioche reste d’une neutralité de soir d’élections.

Le menu composé par Frédéric Robert est ainsi rédigé : Homard bleu aux pêches, pointes de sucrine à la vanille / Macaroni farcis aux truffes noires et foie gras, gratinés au parmesan, jus truffé / Thon rouge croustillant poivre et sel, charlottes et oignons des sables laqués / Pigeonneau rôti au sautoir, la cuisse en cromesquis "à la diable", mousseline de fève / Comté millésimé et pain blanc toasté au curry de Madras / Coussin coco-citron piña colada / Mignardises chocolat.

Ayant envie d’essayer des pistes nouvelles j’ai associé au homard un champagne et un vin, pour voir ce qui se passe. On constate sur cet essai comme sur un autre qui suivra que la température de service est cruciale pour la réussite d’expériences osées. Les armoires froides des cuisines sont très froides. De peur que les champagnes y résident trop longtemps nous avons été excessivement prudents en les laissant à température de pièce.

Le Champagne Krug Vintage 1982 fait un contraste saisissant avec le Salon. Au guerrier des Saintes Croisades succède la Princesse de Clèves, référence sarkozienne s’il en est. Le côté floral du Krug est délicat et plein de charme. Sa couleur merveilleuse est mise en valeur par un rayon de soleil couchant qui atteint notre table. Le Château Haut-Brion blanc 1980 est d’un jaune citron de pleine jeunesse. Ce vin est généreux, chatoyant, et joue son rôle d’accompagnateur du homard sans se poser de question. Il se marie bien à la pince tandis que le Krug répond mieux à la chair plus dense de la queue. Aucun des deux cependant ne crée de réelle vibration avec l’excellent homard. Je préfère le Graves sur le plat alors que Bernard préfère le Krug. La diversité des goûts est habituelle.

Tout de go Bernard Pivot me dit qu’il attend avec impatience de lire le compte-rendu de ce dîner, car il est différent de lire les aventures que l’on vit. J’écris donc ce texte avec l’angoisse d’être jugé par celui qui a côtoyé tout ce que la littérature a produit de meilleur. Bernard est étonné que je ne prenne aucune note. Nous abordons maintenant son vin, le Château Beychevelle en magnum 1928. La couleur est belle, d’un rouge de grande jeunesse. Le vin est à peine trouble. Etant servi en premier, je suis sensible à une petite acidité dont j’espère que chacun s’accommodera pour ne pas passer à côté du beau message. Le vin est velouté, rond et joyeux, et l’accord avec le lourd jus truffé est gourmand. L’acidité disparaît vite. Bernard qui n’est pas familier des vins de cet âge constate que son vin n’est pas bu « post mortem » mais bien vivant. La pureté du chatoiement du vin est un plaisir que je prolonge en buvant la lie.

Le thon rouge est un plat osé pour les deux bourgognes, surtout lorsqu’il est bardé dans une chevelure d’or croquante. Il faut ne prendre que la chair pour profiter de la pertinence de l’accord. Un des nouveaux convives qui a lu beaucoup d’épisodes de mon blog sourit de me voir fondre de joie en humant la Romanée Saint-Vivant Marey-Monge Domaine de la Romanée-Conti 1976. Le parfum est tellement évocateur de la Romanée Conti que je succombe. En bouche, la salinité délicate me comble d’aise. A côté, le Nuits-Saint-Georges Camille Giroud 1928 surprend Bernard Pivot. Car une couleur aussi jeune ne paraît pas possible pour un vin de 81 ans. Un ami suggère que le vin a été hermitagé, par une ajoute de Rhône ou d’Algérie et Bernard découvre ce mot qui exprime joliment les coupages qui se faisaient à l’époque. La Romanée Saint-Vivant est forte, puissante, saline et subtile. Le Nuits-Saint-Georges est calme et velouté. Les deux se complètent bien sans se nuire. C’est un joli passage bourguignon sur une chair tendre qu’aucun des vins n’émeut réellement.

Au moment où je m’y attends le moins, alors que nous parlons de sujets divers, Bernard Pivot me pose la question finale de Bouillon de Culture : « si Dieu existe, qu’aimeriez-vous qu’il vous dise au moment où vous le rencontrerez ? ». Je suis pris de court et ma réponse entraîne un « peut mieux faire » du professeur attristé par son cancre d’élève. Je lui explique alors que je ne pourrai sans doute jamais répondre à la question car pour moi, si Dieu existe, il est transcendant et la possibilité qu’il me parle n’existe pas. Toute réponse ne serait que pirouette. Nous lui demandons quelle réponse à cette question l’a impressionné. Il nous répond qu’un écrivain, Jean-Claude Brisville je crois, lui a répondu : Dieu me dirait : « pardon ». C’est d’une puissance extrême.

Sur le pigeon, nous allons faire un autre essai, d’associer la chair rose à un fort vin du Rhône et à un champagne rosé. Cette expérience me tente. La Côte-Rôtie La Mouline Guigal 1989 est divine. Je crois n’avoir jamais ressenti autant de grâce dans ce vin. Il est habituellement impérial, pompéien, et voici qu’il nous joue, sur ce millésime, la jeune Tarentine. Sous une trame d’une solidité à toute épreuve, ce vin se permet d’être fragile, gracile comme une nymphe dansant sur les fleurs des champs.

Je persiste et signe, la cohabitation du pigeon avec le Guigal et avec le Champagne Dom Ruinart rosé 1986 est possible. Mais le champagne est beaucoup trop froid et sera fini avant qu’il n’ait atteint la température qui permettrait de profiter de l’expérience osée à laquelle je crois. Le champagne est bon mais castré par sa température. Le pigeon est délicieux et ne trouvera d’écho qu’avec la Côte Rôtie alors que j’attendais deux échos.

Le Comté est absolument parfait, ferme, goûteux, sans excès d’affinage. Et l’Anjou Caves Prunier Rablay 1928 que je trouve fatigué et giboyeux est nettement mieux ressenti par mes convives qui ne s’arrêtent pas aux défauts que je vois. Lorsqu’il s’épanouit dans le verre, le vin perd le gibier, gagne en rondeur et en douceur et l’accord vaut bien une messe.

Le Château Climens Barsac 1928 est un liquoreux discret qui a légèrement chassé son sucre. C’est un vin raffiné, de grande classe, mais dont la bonne éducation se transforme en discrétion. Malgré le remplacement du dessert du menu par une surprise à la fraise des bois au goût citronné, l’accord est impossible. Le Barsac doit donc trouver sa voie tout seul, frêle, menu, mais d’un grand raffinement tout de même. Ce n’est pas l’explosion aromatique que trois d’entre nous avions connue avec le Climens 1929, mais c’est un très bon vin.

Ce qui manquait de trompette au Climens se trouve à la puissance cent avec le Belem’s Malvoisie Vin de Madère 1934. Je suis fou de ces vins là, car seul un âge canonique peut révéler des saveurs inconnues, à la sensualité unique. Il y a du poivre, de la griotte, du café, de la réglisse, et ce supplément d’âme qu’apporte la rondeur de trois quarts de siècle. J’étais intervenu pour qu’on ajoute un peu de café aux mignardises au chocolat. Ceci créa le plus bel accord de la soirée.

Il faudra que j’apprenne à compter car je n’ai cessé de penser que nous avions trois vins de 1928 alors que nous en avons eu quatre : le Beychevelle, le Nuits-Saint-Georges, l’Anjou et le Climens. Je crois bien que c’est une première. Il est temps maintenant de voter et ce n’est pas facile. Neuf vins sur onze ont eu des votes, ce qui est plaisant et six ont eu un vote de premier, ce qui montre bien la diversité des goûts. Le Salon 1985, le Beychevelle 1928, la Romanée Saint-Vivant 1976, le Climens 1928 ont eu chacun deux votes de premier et le Krug 1982 et le Madère 1934 ont eu un vote de premier.

Le vote du consensus serait : 1 – Romanée Saint-Vivant Marey-Monge Domaine de la Romanée-Conti 1976, 2 – Château Beychevelle magnum 1928, 3 – Château Climens Barsac 1928, 4 – Champagne Salon 1985.

Mon vote est : 1 – Belem’s Malvoisie Vin de Madère 1934, 2 – Côte-Rôtie La Mouline Guigal 1989, 3 – Romanée Saint-Vivant Marey-Monge Domaine de la Romanée-Conti 1976, 4 – Château Climens Barsac 1928.

Je suis fautif de ne pas avoir prêté plus d’attention à la mise au point du menu pour que les accords soient plus pertinents. La température de certains vins, trop chauds ou trop froids a gêné l’éclosion de plusieurs accords. Certains plats furent splendides, le service attentionné et l’atmosphère chaleureuse, illuminée par la gentillesse et l’étonnement de Bernard Pivot. Quelques amis ne voulaient plus quitter la table. L’un d’entre eux offrit un Champagne Egly-Ouriet qui, lui – c’est rageant – apparut à la température idéale. Oublions les petits détails imparfaits pour ne retenir que l’amitié, la générosité et l’intensité de ce beau dîner.

Amuse-bouche : foie gras de canard, passion, ananas

Homard bleu aux pêches, pointes de sucrine à la vanille (j’ai oublié de photographier)

Macaroni farcis aux truffes noires et foie gras, gratinés au parmesan, jus truffé

Thon rouge croustillant poivre et sel, charlottes et oignons des sables laqués

Pigeonneau rôti au sautoir, la cuisse en cromesquis "à la diable", mousseline de fève

Comté millésimé et pain blanc toasté au curry de Madras

Coussin coco-citron piña colada (remplacé par une surprise à la fraise des bois)

Mignardises chocolat

la table en fin de repas

déjeuner aux Ambassadeurs, restaurant de Jean-François Piège à l’hôtel Crillon mercredi, 10 juin 2009

Avec mon frère aîné et ma sœur cadette, après les inévitables blessures que provoque l’extinction de la génération du dessus, nous essayons de reconstruire un climat serein. Au centième anniversaire de la naissance de notre père j’avais invité à La Tour d’Argent, restaurant fétiche de notre père. Aujourd’hui mon frère invite aux Ambassadeurs, restaurant de Jean-François Piège à l’hôtel Crillon.

Nous prenons le menu chic et non pas le menu choc. Il commence par l’idée d’un plateau télé, fait d’une salade de carottes râpées en limonade, d’un gâteau de foies blonds selon Lucien Tendret, version 2007, d’un cromesquis de brandade de morue, d’une variation croustillante d’un jambon/cornichon et d’un bonbon, beurre de truffe noire à tartiner. Après cette entrée, nos menus divergent. Le mien est : foie gras de canard des Landes, en bouillon coriandre et gingembre, puis en feuille de chou et lard fumé / homard bleu, curry épicé, riz coco moelleux et croustillant / sole de petit bateau, riz croustillant au Château d’Arlay / cerises de pays en forêt noire à notre façon.

Tout est exécuté de façon délicate. C’est curieux, car en ce temps de crise, je ressens pour la première fois le caractère un peu décalé de ce formalisme drapé dans l’excellence. Tout le monde est aux petits soins pour nous, mais pour la première fois, je me demande : est-ce bien raisonnable ? C’est le foie gras qui est le plus spectaculaire des plats et le Champagne Substance de Jacques Selosse dégorgé en avril 2008 répond d’une merveilleuse façon au bouillon, dans un accord d’anthologie, et au lard fumé, cat la virilité du champagne sans concession répond à la force du lard. Ce champagne atypique et qui se veut comme tel est délicieusement dérangeant. Avec David Biraud et Antoine Pétrus, sommeliers que j’apprécie au plus haut point, je m’amuse à dire que c’est un champagne d’ayatollah. La démarche d’Anselme Selosse est couronnée dans ce liquide fortement ambré, à l’amertume revendiquée et au fumé de grande personnalité.

Le Morey-Saint-Denis rouge Domaine Dujac 1999 est un délicieux vin de Bourgogne. Ce qui frappe immédiatement, c’est la précision. Ce vin est pur, délicat, fragile comme un éventail battu par le vent. Il n’a pas le corps qu’une appellation plus riche offrirait, mais il est plein de charme. Aucun des plats ne crée de vibration intense avec lui comme le bouillon l’avait réussi avec le champagne.

Les cerises sont un casse-tête pour le vin, aussi le champagne Bollinger Spéciale Cuvée est-il le plus exact des accompagnements possibles. Une mention spéciale doit être faite de ce dessert de compétition.

Ce restaurant sera toujours une halte de grand bonheur, par l’émotion du lieu, par le service impeccable des plats et du vin, par la qualité des mets et des vins interprétés avec intelligence et par un je ne sais quoi proche de l’alchimie qui ajoute un supplément d’âme à un beau repas.

l’idée d’un plateau télé, fait d’une salade de carottes râpées en limonade, d’un gâteau de foies blonds selon Lucien Tendret, version 2007, d’un cromesquis de brandade de morue, d’une variation croustillante d’un jambon/cornichon et d’un bonbon, beurre de truffe noire à tartiner.

foie gras de canard des Landes, en bouillon coriandre et gingembre, puis en feuille de chou et lard fumé

homard bleu, curry épicé, riz coco moelleux et croustillant (je l’avais bien entamé quand j’ai pris la photo !)

sole de petit bateau, riz croustillant au Château d’Arlay

cerises de pays en forêt noire à notre façon

 

Hommage à Jean Hugel mercredi, 10 juin 2009

Jean Hugel vient de mourir à l’âge de 85 ans.

Grand vigneron, mémoire du vin et de son histoire, il a fait beaucoup pour la cause du vin, du vin d’Alsace et pour la maison Hugel, membre prestigieux du club des Hénokiens.

Jean a dès ses débuts appuyé l’académie des vins anciens dont il fut l’un des membres les plus fidèles. Il a apporté à l’une des réunions un Riesling 1915 qui est à ce jour le vin le plus extraordinaire que nous ayons partagé.

La Maison Hugel m’a envoyé ce lien :

Retrouvez le sur https://blog.hugel.com/2009/06/jean_hugel_millesime_1924_vien.html

N’hésitez pas à laisser vos témoignages sur cette page du Blog.

Je crois pouvoir dire que Jean m’honorait de son amitié. Simone, son épouse, à laquelle je transmets mon affectueuse sympathie, peut être fière d’avoir eu pour mari l’homme le plus bavard de la terre, mais aussi l’homme au cœur et à la générosité infinis.

Le Marché de l’Excellence de Marie-France Garcia-Parpet mardi, 9 juin 2009

Dans un message récent, j’avais parlé d’un livre « le marché de l’excellence », qui donne de mon expérience une dimension dynastique qui me semble totalement contraire à la réalité.

Je n’ai pas envoyé la lettre que j’avais rédigée en projet.

Voir à cette adresse :

https://www.academiedesvinsanciens.org/archives/1958-un-livre-Le-marche-de-lexcellence-donne-a-mon-experience-une-dimension-dynastique.html

J’ai rencontré l’auteur.

Discussion très intéressante avec l’auteur lors d’un déjeuner.

C’est une chercheuse, donc quand je lui ai demandé le message de son livre, elle dit que ce n’est pas son rôle.

Son rôle est d’exposer des situations, de poser des questions et c’est aux acteurs d’en tirer ce qui peut leur être utile.

Nous avons plus parlé de vin et de son livre, mais aussi de bourdieuseries que de mon cas, car elle a très rapidement admis qu’impressionnée par le récit dans mon livre des repas gargantuesques chez mes grands-parents, elle en avait induit un niveau social qui ne correspondait en rien à la réalité. Elle m’a dit que si son livre est réédité ou traduit elle changera toute cette partie de son livre, ce que je ne lui demande pas, mais j’apprécie.

Nous avons parlé de sujets possibles dans le cadre de ses recherches sur le vin. Car je lui ai suggéré quelques idées qui pourraient donner lieu à publication. Ce fut un déjeuner très agréable et elle a beaucoup apprécié que j’aie décidé de la rencontrer pour que nous nous expliquions.

Une précision : nous avons bu de l’eau ! 

Un beau chateau et une coincidence samedi, 6 juin 2009

L’ami architecte que j’avais retrouvé à Pékin possède un château de la Loire, monument historique qui se visite. Il réalise un rêve que l’on fait à un moment ou l’autre de sa vie. Voir la décontraction avec laquelle ce couple gère un monument aussi complexe nous montre qu’il faut des qualités particulières pour dominer le quotidien d’une demeure historique. Nous partageons un Champagne Salon 1985 dont la complexité gustative correspond à celle de cet ensemble architectural commencé au XIème siècle. Un champagne à la personnalité forte, « à la » François 1er.

Pour répondre à notre cadeau, l’hôte ouvre – ou plutôt me fait ouvrir selon « the Audouze method » – un Château Lafite-Rothschild 1985 dont la richesse gustative et la plénitude en bouche sont un véritable plaisir. Lors d’une escapade au restaurant Saint Vincent à Oisly tenu par un jeune couple courageux et motivé, nous avons bu deux beaux vins de Loire très goûteux, l’un, un blanc de Touraine de Justine Barbou goûteusement ensoleillé et l’autre, un rouge Vieilles Vignes du domaine Octavie.

Au retour d’une promenade, nous croisons sur le pont millénaire qui enjambe les douves sèches un groupe de visiteurs. L’un d’eux ne m’est pas inconnu. Je me retourne. Il se retourne. Nous nous serrons la main. C’est l’un des serveurs du restaurant Macéo où je venais l’avant-veille de tenir l’académie des vins anciens. Quelle est la probabilité qu’une telle rencontre se produise ? A peu près la même que de voir une ride sur les photos du visage d’Isabelle Adjani. 

L’académie des vins anciens tient sa 10è séance au restaurant Macéo vendredi, 5 juin 2009

L’académie des vins anciens tient sa dixième séance au restaurant Macéo. Nous sommes près de quarante ce qui oblige à constituer trois groupes. Pour que chacun puisse profiter d’une grande variété de vins, j’ai apporté seize vins de ma cave, ce qui conduit à 48 vins, soit seize par groupe. Lorsqu’il y a plusieurs bouteilles d’un même vin, elles sont listées à chaque fois. Voici la répartition des vins par groupe.

Vins du groupe 1     tables 1 & 2 : Champagne Besserat de Bellefon non millésimé vers 1995, Champagne Mumm Cordon Vert années 20, Champagne Exclusive Vintage 1980, Riesling Clos des Capucines Domaine Weinbach 1977, Bâtard-Montrachet Chanson Père & Fils 1959, Château Larcis-Ducasse 1967, Château Haut Brion 1969, Château Haut Brion 1971, Château Canon 1959, Volnay Champy P&F 1945 (basse), Vougeot Tasteviné J. Thorin 1961 (basse), Beaune Bressandes 1955 Drouhin, Vega Sicilia Unico 1966 (basse), Château des Jaubertes Grand vin du Marquis de Pontac  Graves supérieures, Château Sigalas-Rabaud 1896, Maury La Coume du Roy, de Volontat 1925.

Vins du groupe 2     tables 3 & 4 : Champagne Besserat de Bellefon non millésimé vers 1995, Champagne Besserat de Bellefon non millésimé vers 1995, Champagne Krug Grande Cuvée années 80, Champagne Edouard Besserat 1966, Château Bouscaut blanc 1964, Clos de la Coulée de Serrant N.Joly 1983, Château Ducru-Beaucaillou 1970, Château Puyblanquet Saint-Emilion 1929, Volnay Taillepieds Domaine de Montille 1969, Beaune 1953 Leroy (année illisible), Chambolle Musigny 1947, Chambertin 1959 de la maison Pierre Bourée Fils, Marques de Riscal Reserva 1961, Vega Sicilia Unico 1967 (basse), Château d’Yquem 1961, Maury La Coume du Roy, de Volontat 1925

Vins du groupe 3     tables 5 & 6, Champagne Besserat de Bellefon non millésimé vers 1995, vin de champagne Saran Moët & Chandon 1943, Champagne Mumm, René Lalou 1985, Champagne Krug Grande Cuvée années 80, Château La Tour Léognan 1979, Puligny Montrachet Albert Bichot 1937, Martinez Lacuesta – Rioja – Blanc 1980, Château Coustolle, Côtes de Canon-Fronsac 1966, Château Rolland Taillefer Pomerol 1967, Château Ausone 1979, Domaine de Chevalier rouge 1952, Chambolle Musigny 1947 Maison Remoissenet et Fils, Rioja 1960, Vega Sicilia Unico 1964 (basse), Coteaux du Layon Chaume, Château de la Guimonnière 1945, Grenache Vieux années 20.

J’arrive à 16 heures pour ouvrir les bouteilles et quelques académiciens fidèles me font l’amitié de venir m’aider. Il les faut bien car il y a des bouchons coriaces et certains partent en lambeaux. Mes amis seront bien récompensés car l’un d’entre eux, pour soutenir l’ardeur des travailleurs, a apporté un Champagne Dom Pérignon 1996. J’ai bu souvent ce champagne qui fut couronné premier champagne de son millésime dans un jury dont j’étais membre suppléant. Dans l’ambiance active des détrousseurs de bouchons, je dois dire que c’est le plus beau Dom Pérignon 1996 que je n’aie jamais bu. Il atteint une plénitude spectaculaire. La productivité de l’industrie française terrasserait la germanique avec un tel dopage. 

Les arrivées sont aussi ponctuelles que les horaires des trains un jour de grève. Fort heureusement, nous avons des munitions. Le Champagne Besserat de Bellefon non millésimé vers 1995 me surprend toujours. Car l’âge lui va comme un gant. Chaleureux, avec une acidité judicieuse, c’est un champagne que je devrais éviter de fournir, car il se boit trop bien. Un bon champagne, c’est quand on regarde le fond de la bouteille en se demandant pourquoi elle est vide alors qu’on a soif. Ce champagne est ainsi fait.

Nous passons à table, chacun à la table qui lui est désignée. Il y a beaucoup d’habitués mais fort heureusement de nouveaux visages apparaissent, dont Etienne de Montille, vigneron que j’adore, venu en ami. Le menu composé par Macéo est simple mais goûteux : Crème de petits pois glacée et fumet de saumon ciboulette / Petit tartare de daurade, chair de crabe & quinoa taboulé / Aiguillette de Saint Pierre, têtes d’asperges vertes & condiments / Noisette de veau fermier, croustilles de céleri aromatique / Poires rôties compressées, fine dentelle & gelée de fruits rouges / Chocolat tendre & pipérade de poivrons sésame.

Toute ma table sourit quand je goûte en premier le Champagne Mumm Cordon Vert années 20, car je manque de m’évanouir. Ce champagne qui provient de la cave murée que j’ai acquise est d’une diabolique perfection. D’une couleur d’abricot, il exhale un parfum qui évoque la conquérante attitude de Charlize Théron déchirant ses bijoux et ses habits pour ne conserver sur son corps parfait et doré que son parfum. En bouche, c’est un festival de luxure. La douceur est incommensurable, mariée à une complexité extrême. Ce vin, puisqu’il ne s’agit plus de champagne, est un plaisir absolu. J’annonce tout de suite la couleur : je le classerai premier.

Le Champagne Exclusive Vintage 1980 apporté par celui qui le fait est d’une grande précision. Il est ciselé. Il a le charme de ses près de trente ans, qu’il ne fait pas. Dans un autre contexte on le jugerait irréprochable, mais il fait « attendu » après le Mumm. On m’apporte un verre du Champagne Edouard Besserat 1966 et je me pâme une nouvelle  fois. J’ai un amour pour les champagnes de cette année, car ils sont au sommet de leur art. Celui-ci en est la preuve. Et il renforce un peu plus ce que le Mumm a de miraculeux, car à côté du 1966, ce Mumm qui pourrait être des années 10 porte un supplément d’âme.

Le Riesling Clos des Capucines Domaine Weinbach 1977 est l’occasion de montrer qu’un vin ancien ne peut se boire comme un vin actuel. Car si l’on s’arrêtait aux signes de fatigue, on perdrait le message du vin. Il faut attendre l’épanouissement dans le verre pour saisir le côté chaleureusement alsacien du vin. Mais l’imperfection me gêne un peu.

Le Bâtard-Montrachet Chanson Père & Fils 1959 n’en est que meilleur. Ce vin a la couleur magique de jeunesse est d’une totale perfection. En bouche le vin a la sérénité de son immense année. Etienne de Montille l’adore ce que je prends comme un compliment pour mon vin. C’est un grand vin qui frappe par son équilibre.

On m’apporte une goutte du Martinez Lacuesta, Rioja Blanc 1980. Ce vin qui ne titre que 10,5° est passionnant à découvrir. Je serais bien incapable de trouver un point de repère, car c’est un OVNI (objet vineux non identifié). Il n’en a que plus d’intérêt.

Le Château Larcis-Ducasse 1967 casse un peu le rêve, car même s’il est agréable à boire, il est propret, sans véritable émotion. Le Château Haut Brion 1969 est une bonne surprise car on n’attendrait pas qu’il soit de niveau, du fait de son année qui surprend souvent. Le Château Haut Brion 1971 le domine par son parfum mais est nettement moins agréable à boire. Sans doute parce que l’on en attend plus que du 1969.

Le Château Canon 1959 fait monter de plusieurs crans. Ce vin est militaire. C’est la sérénité en marche du bordeaux bien né. Il porte bien son nom, car c’est ainsi qu’il conçoit sa séduction : en brisant les résistances, s’il y en avait. J’ai beaucoup aimé cet archétype du vin de Bordeaux.

On m’apporte d’une autre table un verre de Château Puyblanquet Saint-Emilion 1929, vin que j’ai apporté. Et c’est un ravissement. Ce vin qui ne fait pas son âge confirme, s’il en était besoin, la force prodigieuse de l’année 1929. Pur, racé, grand, précis, il a tout cela et en plus un velouté charmeur d’une longueur appréciable. Ce vin chaleureux réjouit celui qui le boit. C’est un grand vin.

Etienne, dont le vin n’est pas de notre groupe est allé soutirer un verre et l’apporte à notre table. Le nez est à se damner. Ce Volnay Taillepieds Domaine de Montille 1969 possède tout ce que j’aime dans la Bourgogne et c’est un festival de charme et de distinction. Ce vin est d’une délicatesse rare.

Dans les vins que j’ai ajoutés, j’ai voulu que l’on puisse essayer des vins de bas niveaux, pour leur laisser une chance d’être bus avant leur mort proche. Et le Volnay Champy P&F 1945 me donne raison, car malgré un niveau très bas, le message est réellement lisible. Il a une belle ampleur, une chaleur veloutée et le vin ne fait pas cuit comme on pourrait le craindre. Il a perdu un peu de finesse mais reste très buvable. Je suis plus sévère pour le Vougeot Tasteviné J. Thorin 1961 dont le niveau est plus haut et l’année plus récente, car celui-ci fait plus torréfié. Ces vins de niveaux bas sont buvables, mais sans entraîner d’enthousiasme. Il faut être content de leur avoir donné une chance.

Le Beaune Bressandes 1955 Drouhin est agréable, élégant, mais la mémoire du Volnay d’Etienne, fait par son père, est trop vivace pour qu’on oublie que le plaisir est là. Un ami, avec mon accord, a ajouté trois Vega Sicilia de niveaux bas, là aussi pour voir, de trois années, 1964, 1966 et 1967. Nous avons à notre table le Vega Sicilia Unico 1966 qui, même si c’est une caractéristique de ce vin, fait beaucoup trop torréfié pour être agréable. Il en est de même des deux autres dont on m’apporte un verre. Cela rend encore plus séduisant le Marques de Riscal Reserva 1961, à la grâce juvénile et à la subtilité inattendue.

J’avais annoncé à l’ami qui avait apporté le Beaune 1953 Leroy que son vin est dépigmenté. Par fierté il m’apporte un verre pour me montrer que cela n’affecte pas le goût. Et c’est vrai. Le Chambolle Musigny 1947 Maison Remoissenet et Fils est pour moi le vin qui représente ce qu’est l’académie. Il est si bon que je suis presque persuadé que c’est moi qui l’ai apporté, ce qui choque à juste titre l’ami apporteur de ce trésor.

Le Château des Jaubertes Grand vin du Marquis de Pontac  Graves supérieures qui doit être des années 80 est doux, charmeur, d’une belle couleur dorée. C’est une belle surprise. Le Château Sigalas-Rabaud 1896 que j’ai apporté est pour beaucoup leur premier vin du 19ème siècle. L’émotion est sensible. Malgré l’intérêt, je suis obligé de dire que c’est plus une évocation qu’un plaisir. Certains à ma table me trouvent sévère, mais c’est le cas. D’autant plus que le Château d’Yquem 1961 qui n’est pas au sommet de son art montre une vivacité chaude que n’apporte pas son aîné. Cet Yquem est extrêmement plaisant.

J’avais dit à l’apporteur du Coteaux du Layon Chaume, Château de la Guimonnière 1945 que sa couleur n’est pas très engageante. Il vient me montrer, verre en main, que le vin est toujours vivant. Il a raison.

Sur le dessert au chocolat, le Maury La Coume du Roy, de Volontat 1925 est d’un plaisir chaud et joyeux. A côté de lui, le Grenache Vieux des années 20, nettement meilleur que le même que j’avais ouvert il y a peu de semaines est très déroutant. Il combine le doucereux et le sec avec une complexité difficile à appréhender. Aussi, on se réfugie dans les bras du Maury beaucoup plus accueillant.

Un académicien m’avait prévenu que pour me remercier, il offrirait une demi-bouteille de Champagne Bollinger 1959. Mais les académiciens sont des vautours. Nous serons donc nombreux à bénéficier de cette générosité. Lorsque j’ouvre le vin, le bouchon vient bien trop facilement, et l’on découvre un champagne fatigué, mais toujours porteur du message raffiné de Bollinger. Une désagréable trace métallique m’a indisposé pendant une partie de la nuit. La générosité aura un souvenir plus durable.

Choisir entre tous ces vins est très difficile. Le vote que j’ai fait n’a pas été confronté à d’autres. Je mettrai en premier, de loin, le Champagne Mumm Cordon Vert années 20, suivi du Bâtard-Montrachet Chanson Père & Fils 1959, puis le  Volnay Taillepieds Domaine de Montille 1969, le Champagne Edouard Besserat 1966, le Château Puyblanquet Saint-Emilion 1929, le Château Canon 1959 et le Château d’Yquem 1961.

Lorsque je dirigeais un groupe comptant plusieurs centaines de cadres que je réunissais chaque année, il était d’usage que les plus soucieux de leur carrière me disent que la réunion qui s’achevait était de loin la plus réussie de toutes. Je n’ai pas de carrière à défendre mais il me semble que cette réunion fut la plus belle de toutes celles que nous avons faites. Les vins furent d’une grande qualité, les bourgognes se montrant les plus exceptionnels. L’ambiance était chaleureuse, joyeuse, rieuse. Cette occasion donnée à des vins d’âges canoniques de briller lors d’une réunion d’amateurs compétents est un concept qu’il faut amplifier en visant, comme nous le fîmes ce soir, l’excellence absolue.

Académie, tout commence et tout finit par… vendredi, 5 juin 2009

Tout commence et tout finit par de la générosité.

Un académicien venu m’aider à ouvrir les bouteilles a apporté cela pour étancher nos soifs de travailleurs :

Ce Dom Pérignon 1996 fut but avant la 10ème séance de l’académie des vins anciens.

Un académicien heureux de venir a offert cette demi-bouteille en espérant que beaucoup d’amis seraient déjà partis pour qu’on la boive en petit comité. C’était pour me remercier :

 Champagne Renaudin Bollinger 1959