Déjeuner de polytechniciens jeudi, 7 avril 2022

Nous avons fêté en 2021 le soixantième anniversaire de notre promotion de l’école Polytechnique. Cela a donné à quelques amis l’envie de se revoir. Nous devions être sept, nous sommes six chez un des amis qui a préparé pour nous un pot-au-feu remarquablement exécuté, avec des légumes et une viande de belle qualité. J’ai annoncé que j’apporterais du vin et je suis arrivé un peu en avance pour ouvrir les vins. Mon choix s’est porté sur des vins de 1961, l’année de notre promotion.

Nous commençons par un Champagne Taittinger 1961 très légèrement ambré, à la bulle faible mais dont le pétillant est intact. Il est rond, agréable, cohérent dans sa structure et de grand plaisir. Mes amis peu familiers des champagnes anciens sont heureusement surpris par ce beau Taittinger.

Pour le plat, j’avais ouvert un vin à l’étiquette amusante. En grosses lettres il y a marqué « Bordeaux Vieux » puis dans une couronne « Sélection cinquantenaire » et en haut l’année 1961. Je pensais qu’il s’agissait d’un vin sec mais en fait il s’agit d’un vin liquoreux léger, certainement un Premières Côtes de Bordeaux. Ce Bordeaux Vieux Premières Côtes de Bordeaux 1961 est délicieux, délicat, souplement moelleux et se marie très bien au pot-au-feu, contre toute idée préconçue.

Pour le fromage nous avons un Champagne Laurent Perrier sans année un peu monolithique mais qui joue son rôle. Pour le dessert, j’avais ouvert un Château de Malle Sauternes 1961 beaucoup plus riche que le Bordeaux Vieux et de belle prestance, un sauternes abouti, équilibré et plein de charme.

Nous avons longuement parlé de mille et un sujets, avec des avis parfois divergents car nos parcours en soixante ans ont été très différents. Mais notre amitié est toujours aussi forte. Des amis de soixante ans, c’est un capital précieux.

Déjeuner à la brasserie restaurant Tout Paris jeudi, 7 avril 2022

Prochainement, je vais enfin réaliser le dîner dont le thème est la Romanée-Conti que je voulais faire depuis des années. Et il sera fait par le chef Arnaud Donckele avec lequel j’ai une relation d’amitié particulière. Je viens donc au restaurant Plénitude pour mettre au point le menu avec Arnaud, avec Bertrand le chef de cuisine de Plénitude, Alexandre le directeur du restaurant et Emmanuel, le sommelier des restaurants de Cheval Blanc Paris.

Parallèlement, je dois déjeuner avec un ami qui a choisi le restaurant Tout Paris qui se situe au septième étage de l’immeuble de Cheval Blanc Paris. J’ai promis d’apporter une bouteille. Je trouve amusant d’apporter un Cheval Blanc et j’en prends un ancien afin de le faire goûter aux participants de la réunion de travail, afin de se remémorer le goût des vins anciens.

J’ouvre donc pour les participants de la réunion de travail un Château Cheval Blanc 1966. Le bouchon se brise en peu de morceaux et la première odeur est bouchonnée, mais cette sensation disparaîtra en moins d’une minute. Il reste un parfum puissant et profond, très riche.

Lorsque nous goûtons le vin on ressent une trace très longue continue, d’une rare complexité. On est dans des tons de charbon et de truffe, avec une grande noblesse et une forte densité. Il y a des accents de vin ancien mais d’une belle élégance. Et le fait de le goûter tout en réfléchissant au menu est une bonne chose car on prend conscience que les plats doivent suivre la ligne tracée par le vin.

Je suis toujours fasciné par la créativité d’Arnaud Donckele. Il suffit que j’esquisse une suggestion et Arnaud voit déjà le plat qu’il va créer. Et je remarque aussi la connivence qui existe avec Bertrand qui a déjà anticipé ce qu’Arnaud allait dire. Quel bonheur que de composer un menu dans une telle ambiance. Je joue un peu le rôle du Père Fouettard, car je suis celui qui dit non lorsque des propositions sont faites, anticipant ou imaginant qu’un accord ne se ferait pas avec la piste proposée. Le travail est accompli avec les suggestions de tous et la vision du chef.

Avec mon ami nous nous rendons à la brasserie restaurant Tout Paris, accueillis par Sarah toute souriante qui a un talent certain pour orienter nos choix. Nous prendrons la tarte tourteau, avocat, cédrat confit et coriandre / le homard bleu au barbecue / le soufflé mandarine et son sorbet. Arnaud Donckele est présent en ces lieux et rencontre de nombreuses personnes, sollicité et affairé. Il est intervenu personnellement pour nous faire servir des préparations délicieuses. Le Château Cheval Blanc 1966 est large. Mon ami le trouve excellent mais ne le trouve pas très long. Ceci ne me gêne pas car sa trace en bouche, large, est aussi linéaire. Il est riche et noble avec un finale marqué par le charbon et la truffe, très prégnants. L’accord avec le homard est superbe. Le homard est servi généreusement. Il est de grande qualité.

Mon ami a commandé un Champagne Dom Ruinart rosé 2007 qui est très équilibré, solide et de belle émotion. Il n’est pas d’une grande complexité mais il se montre gastronomique. Je le bois avec plaisir.

Ce repas fut bon, avec un service impeccable. Le restaurant Tout Paris est à recommander, d’un niveau de belle et bonne brasserie.

Déjeuner au restaurant l’Ecu de France mercredi, 30 mars 2022

Le restaurant l’Ecu de France est l’un des plus anciens que je connaisse. Nous nous y rendons, ma femme et moi, avec des amis du sud de la France. Il fait beau et nous serions tentés de déjeuner sur la terrasse le long de la Marne, mais en cette fin mars, ce serait un peu audacieux.

Le menu que nous avons choisi, créé par un tout nouveau chef est : pesto de basilic sur un lit de betteraves, œuf de truite / macaronis farcis au foie gras, gratinés au parmesan / bar sur un risotto de coquillages, sauce bourguignonne / pigeon en croûte de céréales au foie gras, panais onctueux /millefeuille à la vanille de Madagascar, caramel fondant.

Le Champagne Dom Pérignon 2008 est vraiment un grand champagne. Il me semble qu’il deviendra un Dom Pérignon historique. Pour l’instant c’est un très bon champagne, mais après le Dom Pérignon 1943 que j’ai bu hier, on peut comprendre qu’il ait encore besoin de s’affirmer.

Le Château Rayas blanc 2007 est un très grand vin blanc. Servi froid il a besoin de temps pour délivrer son charme et sa largeur. Quand je bois le champagne juste après le Rayas, le Dom Pérignon devient beaucoup plus complexe, et j’ai très souvent vérifié qu’il existe une fécondation réciproque entre champagne et vin blanc, chacun améliorant le goût de l’autre.

J’ai demandé que le Bonnes Mares Domaine G. Roumier 2014 soit ouvert au dernier moment, juste quand le plat est servi, car j’aime l’émotion qu’apporte « l’éclosion » d’un vin jeune délicat. J’avais imaginé que le vin bourguignon serait servi au moment du pigeon mais comme nous avons fait honneur aux vins précédents, il faut s’intéresser au vin rouge. Je demande à Hervé, le sympathique directeur, que la préparation du poisson soit faite pour accompagner un vin rouge et la réponse est immédiate, la sauce étant faite sur l’instant au vin rouge. Félicitations au chef. L’accord du Bonnes Mares et du bar est divin. Le vin est particulièrement délicat et raffiné.

Pour le pigeon beaucoup trop cuit (étonnant), l’Hermitage Chave rouge 2014 est un seigneur. Mieux, c’est un empereur. Il est d’un équilibre parfait, pur, amical. Il représente une expression de l’Hermitage sans âge, éternelle, et c’est un compliment de ma part car face à un 2014, je devrais dire « trop jeune ». Mais ce n’est pas le cas, ce vin est parfait.

Lorsque j’ai eu à boire la première gorgée du Chave pour valider la commande de la bouteille, j’ai eu une remarque a priori surprenante. Je sens le vin et je dis : « oh, belle cave ». Je ne jugeais pas le vin, je sentais qu’un tel parfum ne pouvait provenir que d’un vin stocké dans une cave parfaite. Ai-je le nez assez fin pour émettre une telle hypothèse, je ne sais pas, mais c’est venu spontanément.

Le dessert a été accompagné par un Champagne Comtes de Champagne Taittinger 2007. Il est jeune mais il a bien joué son rôle en accompagnant le millefeuille.

J’ai suggéré un classement des vins que nous avons bus : 1 – Hermitage Chave 2014, 2 – Bonnes Mares Roumier 2014, 3 – Dom Pérignon 2008, 4 – Rayas blanc 2007, 5 – Taittinger 2007. Il a été approuvé par tous. Ce fut un grand moment d’amitié.

261st meal of wine-dinners in restaurant Plénitude mardi, 29 mars 2022

The 261st meal of wine-dinners begins in a very curious way. The confinement or its consequences had slowed down the pace of meals so I wanted to create a dinner thinking of two loyal friends whose company I appreciate. I submit my project to them and one of them says to me: « for once we would like a meal where there would be only legendary wines, like the Hermitage La Chapelle 1961 ». I tell them that such a meal would lead us into an area of ​​budgets that are difficult to access, but they encourage me to do a project.

When I expose it to them, they make me think of a sketch by Fernand Raynaud (a famous comic of the 60ies) where a naive man has been instructed to pass packets of sugar through customs (or at least designated as such). Arrested by customs officers, he calls his uncle on the phone and after having betrayed all their secrets, he says to him: « say, Uncle, why are you coughing ». Their reaction would have prompted me to say to them: « my friends why are you coughing », because they declined my offer as I suspected.

The project having been designed, I was not going to give it up and it was thanks to Instagram that I was able to put together an almost complete table since I was led to invite my two daughters so that we could be ten.

It seemed obvious to me that this meal had to be done with Arnaud Donckele talented chef. I had no idea while working with him on the menu, that he was going to go from three to six stars in the red guide. It was announced two days before our meal. The atmosphere on the day of the event was particularly cheerful.

I arrived at the Plénitude Arnaud Donckele restaurant at the Cheval Blanc Paris hotel at 9:30 a.m. to open the wines. The cork of the 1959 white Lafite has broken into several pieces and gives off a sublime fragrance. The cork of the Mouton 1945 very strongly stuck to the glass came off in lint. The scent is magical. The Lafite 1869 has a recent label and has no indication of the date of recorking. When I take out the cork, which is probably around fifty years old, I am reassured because it seems completely authentic to me. And the perfume of the wine is of a balance that strongly suggests a prephylloxera wine. I am happy.

The nose of the Romanée Conti 1999 has all the components of a great Romanée Conti but the wine is a little discreet. Next to it, the perfume of Echézeaux Henri Jayer 1990 in magnum has all the finesse I expected. It is of rare subtlety.

The flavors of the two Rhône wines are generous and brilliant. We will feast. The Yquem 1858 shows by the smell that it has eaten its sugar and it reminds me of the Filhot 1858 that I drank which also had eaten its sugar. We will therefore be in refined flavors that are more than conquering.

On the contrary, the Constantia « Red » with the cork that disintegrates is a bomb of fragrances. What power and what richness in this wine. The richest flavors are those of Constantia and Lafite white wine. The finest are those of Mouton 1945, La Chapelle 1961 and Ermitage Cuvée Cathelin 1991.

Finishing this crucial opening session, I can say that all the wines show what I expected and they promise the qualities I was hoping for. The two 1943 champagnes are opened at 11 a.m. and the young champagne is opened at 10 a.m.

The beautiful dining room on the first floor of La Samaritaine, offering a view of the Seine and the Pont Neuf is reserved for us. Special attention awaited us. When I had a dinner at the Yacht Club of Monaco, the restaurant had a table built according to my recommendations, elliptical in shape. The restaurant Plénitude had the same attention for this meal, to the point of calling this table my name. The facts will prove that this table is ideal.

I had thought that starting our meal with two champagnes from 1943 might not put them in an ideal situation so, without having announced it, I had a Champagne Salon 2006 served. One of the guests will say: if a Champagne Salon serves clear the mouth, we are in pure luxury. This 2006 pleases me with its width and balance. It is solid and will age well.

The menu created by Arnaud Donckele for the wines is worded as follows: Langoustine, artichoke, caviar, for Carnelian vinaigrette / Red mullet, Boulangère, crocus, for Sabayon Borgne / sweetbread, sweet onion, celery, for rogue jus / pigeon, giblets, herbettes, for delicate juice / satiny composition / rose financier.

We notice that each dish is presented in three words and that the dish only exists « for » the sauce. The chef is a sauce wizard and we are going to check it out.

We sit down to eat. We are ten. The only French people are my two daughters and a loyal guest. There is a Belgian, British by birth or at heart, Swiss and an American. The meal is held in English.

The appetizers are wonderful and especially the oysters which are probably the finest I have ever tasted. Champagne Dom Pérignon 1943 shows its age but also its very fine qualities. It has the charm and largeness of the great Dom Pérignons.

The Champagne Salon 1943 has the same panache as the Salon 1943 drunk at the Champagne Salon headquarters, which I consider to be my greatest Salon. We are here at the same level of perfection. The cork indicates that it is a recent disgorgement made at the estate. Its square, solid structure, made to stand the test of time, is impressive. Because of its greater freshness, I much prefer the Salon, and to my great surprise I hear three table neighbors to my right who prefer the Dom Pérignon. We will see in the votes that the balance weighed on their side. Amazing to me. Apart from these differences, they are two exceptional champagnes, noble and imposing.

On the divine langoustine (it rhymes), there are two whites that everything opposes. But what a brilliance. This is the first time I have drunk this extremely rare 1959 Lafite white wine. Its nose is rich and generous and on the palate it is incredibly seductive and even bewitching. I would gladly say that this white wine outclasses all the dry white wines of Bordeaux. Why was it abandoned, I don’t know, but what a pity. This wine is imperial.

Next to it, the Montrachet Domaine Leflaive 1996 is impressive in largeness and smoothness. It is rich but airy. My guests, some of whom had problems with Burgundy whites with disastrous corks, admired the perfect condition of this great wine and its breadth in the mouth.

Throughout the meal we will notice that in the pairs of wines associated with a dish, one wine is more welcoming to the meat and the other more welcoming to the sauce. Not having taken notes, I would not be able to restore it, which is a pity.

Arnaud Donckele, all smiles, comes to greet us and explains the interest he finds in cooking for rare and old wines and the pleasure of our exchanges. He even said at one point: « the chef is actually François Audouze ». It’s nice, but the immense chef is him, without further ado.

On the exceptional red mullet we taste two Bordeaux reds separated by 76 years. Château Lafite 1869 is solid and refined. It has the robust structure of pre-phylloxera wines and the truffle taste found in the great Lafites.

Next to it, Château Mouton-Rothschild 1945 lives up to its legend. This is the definition of the perfect Bordeaux where all the components of the tastes are assembled. It is one of the greatest wines in the world and this bottle is at the peak of its quality. These two Bordeaux wines are exceptionally expressive in their straightness. Two treasures.

Calf sweetbreads will rub shoulders with two exceptional wines. La Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1999 has all the assets of a great Romanée Conti. Like the fanatic of legendary cars who knows how to recognize a McLaren from a kilometer away solely by the sound of the engine, I know how to decipher the subtleties of this wine in an exceptional vintage. But he is still too young for my taste and a little too discreet. It is big, but it will be so much bigger in twenty years that my pleasure is a little diminished.

Before the meal, I thought that the wine that would impress me the most would be the Echézeaux Henri Jayer Magnum 1990, an extremely rare bottle. On the nose, I am satisfied, because all the finesse is there. On the palate, I am also overwhelmed by its refined expression. But I made a mistake. I usually like to drink Romanée Conti wines with a simple poached foie gras. For this meal, I suggested a sweetbread and I think my suggestion was not accurate, although the dish is remarkable, because there was more power in the dish than the two lovely wines could support. This does not detract from the qualities of these two legendary wines.

The pigeon is a marvel. During my long trip in the world of wine, the Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1961 seemed to me to be the greatest and most moving red wine. And yet the competition is fierce. I find in this bottle today the same reasons to place it in the firmament. It has it all, generosity, openness, readability, assurance, and an insistent charm. It’s a marvel of balance. He will be my winner.

The Ermitage Cuvée Cathelin Chave 1991 is for me the greatest vintage of this wine. What youth, what nobility, what enjoyment. A pure marvel of gourmet youth. There, everything comes together for perfect happiness, pigeon and these two Hermitages. A great moment of emotion.

Château d’Yquem 1858 has a beautiful amber color but with rays of sunshine. The satiny composition of the pastry chef is a total success with a perfect dosage of acidity. This Yquem has eaten its sugar, which means that it is drier than it should be. It lacks the intoxicating opulence of the great Yquems. I am lucky enough to accept dry Sauternes in which I find other subtleties, but I also understand that one may regret the lack of breadth.

The Great Constantia Red J.P. Cloete South Africa circa 1860 has a pretty amazing old copper color that shines in the sun. The nose is invasive, lush. In the mouth we have all the most seductive flavors of the world. Dense, rich, complex, this wine is on another taste planet.

There are so many extraordinary wines that ranking them is almost impossible. As far as I’m concerned, I don’t think I would do the same ranking if I was asked to do it again an hour later. The 2006 Salon is not included in the voting field. All wines had at least one vote. The wine that received the most votes was Vin Blanc de Lafite 1959. What a nice surprise.

Five wines were named first which is a great result, the Hermitage la Chapelle three times, like the Hermitage Cathelin. The Mouton 1945 was named first twice. The Echézeaux Henri Jayer and the Dom Pérignon were voted first once each.

The consensus vote is: 1 – Ermitage Cuvée Cathelin Chave 1991, 2 – Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1961, 3 – Lafite white wine 1959, 4 – Château Mouton-Rothschild 1945, 5 – Echézeaux Henri Jayer Magnum 1990, 6 – Champagne Dom Perignon 1943.

My vote is: 1 – Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1961, 2 – Château Mouton-Rothschild 1945, 3 – Ermitage Cuvée Cathelin Chave 1991, 4 – Lafite white wine 1959, 5 – Great Constantia Red J.P. Cloete South Africa circa 1860.

The dishes were presented in English and French in a very elegant way. The food service is perfect. The wine service by Emmanuel was also perfect and intelligent. Instead of going to the smoking room, we went up to the seventh floor to smoke the cigars that I had brought and taste the Nady Martinique Rum that I had also brought. At one moment I realized that I was the only one to smoke which is a paradox because I quit smoking for 31 years. Funny. But at least we had the excuse to continue talking about this unforgettable meal. Arnaud Donckele’s cuisine is extremely sensitive and talented and my wines have shown themselves to be at the top of their art, whatever their age.

I was called upon to organize an extraordinary meal. It was above all my expectations. It is the greatest of the 261 meals I have had the honor of organizing. It’s unforgettable.

A friend of mine reading my report told me: against all prognostics and against nature Rafael Nadal won the Melbourne Open. Make better than this meal would be impossible. Would you accept the challenge to do better? Practicing Britannic understatement I would say: interesting question.

(the photos of this lunch can be seen in the next article in French)

261ème repas de wine-dinners au restaurant Plénitude lundi, 28 mars 2022

Le 261ème repas de wine-dinners commence d’une bien curieuse façon. Le confinement ou ses suites avaient ralenti le rythme des repas aussi j’avais envie de créer un dîner en pensant à deux amis fidèles dont j’apprécie la compagnie. Je leur soumets mon projet et l’un d’eux me dit : « nous aimerions pour une fois un repas où il n’y aurait que des vins de légende, comme l’Hermitage La Chapelle 1961 ». Je leur dis qu’un tel repas nous entraînerait dans une zone de budgets difficilement accessibles mais ils m’encouragent à faire un projet.

Lorsque je leur présente, ils me font penser à un sketch de Fernand Raynaud où un naïf a été chargé de passer à la douane des paquets de sucre (ou tout au moins désignés tels). Interpellé par des douaniers il appelle au téléphone son donneur d’ordre et après avoir trahi tous leurs secrets, il lui dit : « dis, Tonton, pourquoi tu tousses ». Leur réaction m’aurait poussé à leur dire : « mes amis pourquoi toussez-vous », car ils ont décliné mon offre comme je le subodorais.

Le projet ayant été conçu je n’allais pas l’abandonner et c’est grâce à Instagram que j’ai pu constituer une table presque complète puisque j’ai été conduit à inviter mes deux filles pour que nous puissions être dix. Il me paraissait évident que ce repas devait se faire avec Arnaud Donckele chef talentueux. Je ne savais pas en travaillant avec lui au menu, qu’il allait passer de trois à six étoiles au guide rouge. Ce fut annoncé deux jours avant notre repas. L’ambiance le jour dit fut particulièrement enjouée.

Je suis arrivé au restaurant Plénitude Arnaud Donckele de l’hôtel Cheval Blanc Paris à 9h30 pour ouvrir les vins. Le bouchon du Lafite blanc 1959 s’est brisé en plusieurs morceaux et dégage une sublime fragrance. Le bouchon du Mouton 1945 très fortement collé au verre est venu en charpie. Le parfum est magique. Le Lafite 1869 a une étiquette récente et n’a pas d’indication de date de rebouchage. Lorsque je sors le bouchon qui a probablement une cinquantaine d’années, je suis rassuré car il me paraît totalement authentique. Et le parfum du vin est d’un équilibre qui suggère fortement un vin préphylloxérique. Je suis heureux.

Le nez de la Romanée Conti 1999 a toutes les composantes d’une grande Romanée Conti mais le vin est un peu discret. A côté de lui le parfum de l’Echézeaux Henri Jayer 1990 en magnum a toute la finesse que j’attendais. Il est d’une subtilité rare.

Les parfums des deux vins du Rhône sont généreux et brillants. On va se régaler. L’Yquem 1858 montre à l’odeur qu’il a mangé son sucre et cela me rappelle le Filhot 1858 que j’ai bu qui lui aussi avait mangé son sucre. On sera donc dans des saveurs raffinées plus que conquérantes.

Au contraire, le Constantia « Red » au bouchon qui se désagrège est une bombe de fragrances. Quelle puissance et quelle richesse en ce vin. Les parfums les plus riches sont ceux du Constantia et du Vin blanc de Lafite. Les plus nobles sont ceux du Mouton 1945, de La Chapelle 1961 et de l’Ermitage Cuvée Cathelin 1991.

Finissant cette séance si cruciale des ouvertures, je peux dire que tous les vins montrent ce que j’attendais et ils promettent les qualités que j’espérais. Les deux champagnes de 1943 sont ouverts à 11 heures et le jeune champagne est ouvert à 10 heures.

La belle salle du restaurant au premier étage de la Samaritaine, offrant une vue sur la Seine et sur le Pont Neuf nous est réservée. Une attention toute particulière nous attendait. Lorsque j’avais fait un dîner au Yacht Club de Monaco, le restaurant avait fait construire une table selon mes recommandations, de forme elliptique. Le restaurant Plénitude a eu la même attention pour ce repas, au point d’appeler cette table de mon nom. Les faits prouveront que cette table est idéale.

J’avais pensé que commencer notre repas avec deux champagnes de 1943 pourrait ne pas les mettre en situation idéale aussi, sans l’avoir annoncé, j’ai fait servir un Champagne Salon 2006. Un des convives dira : si un Champagne Salon sert à éclaircir la bouche, on est dans le luxe pur. Ce 2006 me plait par sa largeur et son équilibre. Il est solide et vieillira bien.

Le menu créé par Arnaud Donckele pour les vins est ainsi rédigé : Langoustine, artichaut, caviar, pour vinaigrette Cornaline / Rouget, Boulangère, crocus, pour Sabayon Borgne / ris de veau, oignon doux, céleri, pour jus dévoyé / pigeon, abattis, herbettes, pour jus délicatesse / composition satinée / financier à la rose.

On remarque que chaque plat est présenté en trois mots et que le plat n’existe que « pour » la sauce. Le chef est un magicien des sauces et nous allons le vérifier.

Nous passons à table. Nous sommes dix. Les seuls français sont mes deux filles et un convive fidèle. Il y a un belge, des britanniques de naissance ou de cœur, des suisses et un américain. Le repas se tient en anglais.

Les amuse-bouches sont merveilleux et notamment des huîtres qui sont probablement les plus raffinées que je n’aie jamais dégustées. Le Champagne Dom Pérignon 1943 montre son âge mais aussi ses très belles qualités. Il a le charme et l’ampleur des grands Dom Pérignon.

Le Champagne Salon 1943 a le même panache que le Salon 1943 bu au siège du champagne Salon que je considère comme mon plus grand Salon. On est ici au même niveau de perfection. Le bouchon indique qu’il s’agit d’un dégorgement récent fait au domaine. Sa structure carrée, solide, faite pour braver le temps est impressionnante. Du fait de sa plus grande fraîcheur je préfère de loin le Salon, et à ma grande surprise j’entends trois voisins de table à ma droite qui préfèrent le Dom Pérignon. On verra aux votes que la balance a pesé de leur côté. Etonnant pour moi. A ces différences près, ce sont deux champagnes d’exception, nobles et imposants.

Sur la divine langoustine (ça rime), il y a deux blancs que tout oppose. Mais quel brio. C’est la première fois que je bois ce rarissime Vin blanc de Lafite 1959. Son nez est riche et généreux et en bouche c’est incroyable de séduction et même d’envoûtement. Je dirais volontiers que ce vin blanc surclasse tous les vins blancs secs de Bordeaux. Pourquoi a-t ‘il été abandonné, je ne sais pas, mais quel dommage. Ce vin est impérial.

A côté de lui le Montrachet Domaine Leflaive 1996 est impressionnant d’ampleur et de suavité. Il est riche mais aérien. Mes convives dont certains ont eu des problèmes avec des blancs de Bourgogne aux bouchons désastreux sont admiratifs de l’état parfait de ce grand vin et de sa largeur en bouche.

Tout au long du repas nous allons remarquer que dans les paires de vins associés à un plat un vin est plus accueillant à la chair et l’autre plus accueillant à la sauce. N’ayant pas pris de notes, je ne saurais pas le restituer, ce qui est dommage.

Arnaud Donckele tout sourire vient nous saluer et explique l’intérêt qu’il trouve à cuisiner pour des vins rares et anciens et le plaisir de nos échanges. Il dit même à un moment : « le chef en fait, c’est François Audouze ». C’est gentil, mais le chef immense, c’est lui, sans autre forme de procès.

Sur le rouget exceptionnel nous goûtons deux bordeaux rouges que 76 ans séparent. Le Château Lafite 1869 est solide et raffiné. Il a la structure charpentée des vins préphylloxériques et le goût de truffe que l’on retrouve dans les grands Lafite.

A côté de lui le Château Mouton-Rothschild 1945 est conforme à sa légende. C’est la définition du Bordeaux parfait où toutes les composantes des goûts sont assemblées. C’est un des plus grands vins du monde et cette bouteille est au sommet de sa qualité. Ces deux vins de Bordeaux sont dans leur rectitude d’une expression exceptionnelle. Deux trésors.

Le ris de veau va côtoyer deux vins hors norme. La Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1999 a tous les atouts d’une grande Romanée Conti. Comme le fanatique de voitures mythiques qui sait reconnaître une McLaren à un kilomètre de distance uniquement par le bruit du moteur, je sais décrypter les subtilités de ce vin dans un millésime exceptionnel. Mais il est encore trop jeune pour mon goût et un peu trop discret. Il est grand, mais il le sera tellement plus dans vingt ans que mon plaisir s’en ressent.

Avant le repas, je pensais que le vin qui m’impressionnerait le plus serait l’Echézeaux Henri Jayer Magnum 1990, bouteille rarissime. Au nez, je suis comblé, car toutes les finesses sont là. En bouche, je suis aussi comblé par son expression raffinée. Mais j’ai commis une erreur. D’habitude j’aime boire les vins de la Romanée Conti sur un foie gras poché tout simple. Pour ce repas, j’ai suggéré un ris de veau et je pense que ma proposition ne fut pas la bonne, même si le plat est remarquable, car il y avait plus de puissance dans le plat que ce que les deux ravissants vins ne pouvaient soutenir. Cela n’enlève rien aux qualités de ces deux vins mythiques.

Le pigeon est une merveille. Lors de mon parcours dans le monde du vin c’est l’Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1961 qui m’est apparu comme le plus grand et émouvant vin rouge. Et pourtant la compétition est rude. Je retrouve dans cette bouteille aujourd’hui les mêmes raisons de le placer au firmament. Il a tout, la générosité, l’ouverture, la lisibilité, l’assurance, et un charme insistant. C’est une pure merveille d’équilibre. Il sera mon vainqueur.

L’Ermitage Cuvée Cathelin Chave 1991 est pour moi le plus grand millésime de ce vin. Quelle jeunesse, quelle noblesse, quelle jouissance. Une pure merveille de jeunesse gourmande. Là, tout est réuni pour le bonheur parfait, pigeon et ces deux Hermitages. Un grand moment de bonheur.

Le Château d’Yquem 1858 a une belle couleur ambrée mais avec des rayons de soleil. La composition satinée du pâtissier est une réussite totale avec un dosage des acidités parfait. Cet Yquem a mangé son sucre c’est-à-dire qu’il se présente plus sec qu’il ne devrait. Il manque de l’opulence enivrante des grands Yquem. J’ai la chance d’accepter les sauternes secs auxquels je trouve d’autres subtilités, mais je comprends aussi que l’on puisse regretter le manque d’ampleur.

Le Great Constantia Red J.P. Cloete South Africa circa 1860 a une couleur assez incroyable de vieux cuivre qui brille au soleil. Le nez est invasif, luxuriant. En bouche on a toutes les saveurs du monde les plus séductrices. Dense, riche, complexe ce vin est sur une autre planète gustative.

Il y a tellement de vins extraordinaires que faire un classement est quasiment impossible. En ce qui me concerne, je ne crois pas que je ferais le même classement si on me demandait de le refaire une heure plus tard. Le Salon 2006 n’est pas inclus dans le champ des votes. Tous les vins ont eu au moins un vote. Le vin qui a eu le plus de votes est le Vin Blanc de Lafite 1959. Quelle belle surprise.

Cinq vins ont été nommés premiers ce qui est un beau résultat, l’Hermitage la Chapelle trois fois, comme l’Ermitage Cathelin. Le Mouton 1945 a été nommé premier deux fois. L’Echézeaux Henri Jayer et le Dom Pérignon ont été votés premier une fois chacun.

Le vote du consensus est : 1 – Ermitage Cuvée Cathelin Chave 1991, 2 – Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1961, 3 – Vin blanc de Lafite 1959, 4 – Château Mouton-Rothschild 1945, 5 – Echézeaux Henri Jayer Magnum 1990, 6 – Champagne Dom Pérignon 1943.

Mon vote est : 1 – Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1961, 2 – Château Mouton-Rothschild 1945, 3 – Ermitage Cuvée Cathelin Chave 1991, 4 – Vin blanc de Lafite 1959, 5 – Constantia South Africa circa 1860.

Les plats ont été présentés en anglais et en français d’une façon très élégante. Le service des plats est parfait. Le service des vins par Emmanuel a été lui aussi parfait et intelligent. Au lieu d’aller au fumoir nous sommes montés au septième étage pour fumer les cigares que j’avais apportés et gouter le Rhum Nady Martinique que j’avais aussi apporté. A un moment je me suis rendu compte que j’étais le seul à fumer alors que j’ai arrêté de fumer depuis 31 ans. Cocasse. Mais au moins nous avons eu le prétexte pour continuer à parler de ce repas inoubliable. La cuisine d’Arnaud Donckele est d’une sensibilité et d’un talent extrêmes et mes vins se sont montrés au sommet de leur art quel que soit l’âge qu’ils eussent.

J’ai été appelé à organiser un repas hors norme. Il le fut au-dessus de toutes mes espérances. C’est le plus grand des 261 repas que j’ai eu l’honneur d’organiser. C’est inoubliable.


La vue du restaurant Plénitude

la table fabriquée pour ce repas, appelée la table François Audouze

les bouchons des deux 1943

le cadeau offert à Arnaud Donckele pour ses 6 étoiles : un Vin de l’Etoile pour lequel j’ai écrit sur l’étiquette : le vin des six étoiles

 

le rhum bu au 7ème étage de l’hôtel Cheval Blanc Paris

Déjeuner au restaurant Le Sergent Recruteur mercredi, 23 mars 2022

Un polytechnicien a écrit un livre sur la compréhension de l’univers et de la vie qui m’a passionné. Nous avons échangé des mails et il nous est apparu que l’on pourrait se retrouver autour d’une table pour déjeuner. J’ai proposé le restaurant Le Sergent Recruteur dont le talentueux chef est Alain Pégouret.

J’ai apporté une bouteille de Châteauneuf-du-Pape Château de Mont-Redon 1985 et en attendant mon ami, après avoir hésité entre l’ouvrir moi-même ou laisser officier l’excellent sommelier puisque le vin n’est pas très ancien, je me suis dit que j’avais le temps de l’ouvrir. Le bouchon est venu en charpie, avec une infinité de brisures. Il a fallu aller à la pêche de quelques morceaux de liège tombés dans le vin.

Mon menu sera : tourteau de Roscoff en gelée de homard persillé, fouetté de fenouil et de corail / selle d’agneau rôtie aux baies, millefeuille de chou rouge et pommes granny, potiron, salsifis confit dans une sangria blanche.

Pour le tourteau emblématique d’Alain Pégouret le sommelier nous a conseillé un Pouilly-Fumé Cuvée les Alouettes Jean-Max Roger 2020 dont la rondeur joyeuse, non limitée par son jeune âge est du plus bel effet. Sa spontanéité est plaisante.

Le Châteauneuf-du-Pape Château de Mont-Redon 1985 est d’une année sereine et accomplie. Il est large et direct et se boit avec facilité. On est bien avec ce vin qui se marie idéalement à la selle d’agneau que j’ai prise et au ris de veau de mon ami. Le sommelier nous a fait goûter le vin qu’il propose au verre à ses clients. C’est un Châteauneuf-du-Pape Domaine du Grand Tinel 2012 que j’ai trouvé particulièrement pertinent avec une belle vivacité. Nous avons fort bien déjeuné.

Déjeuner de famille au restaurant Garance samedi, 19 mars 2022

Déjeuner de famille au restaurant Garance. Je suis en avance pour ouvrir la bouteille que j’ai apportée. Cela me laisse le temps de choisir deux autres vins puisque c’est à mon tour d’inviter mon frère, ma sœur et mon beau-frère. Les explications de Guillaume Muller sont pertinentes.

Nous buvons un Champagne Reflet d’Antan Bérêche et Fils sans année qui est construit comme une Solera sur une base de vins de 2009 et dégorgé en 2014. C’est une découverte pour moi. Le champagne est assez ambré. La bulle est présente mais pas envahissante. Le goût est plaisant, rond et civilisé. Ce n’est un champagne extrême mais plutôt cohérent et gastronomique. Les petites bouchées d’accueil sont particulièrement goûteuses. On sent que le chef a du talent.

Mon menu sera : biche en tartare, caviar Petrossian, gaufres / canard de Vendée, plat que nous prendrons tous les quatre pour le vin rouge.

Le vin blanc que j’ai choisi avec Guillaume est un Blanc Fumé de Pouilly Didier Dagueneau 2013. Il surprend tant il est blanc comme de l’eau, ce qui contraste avec la couleur du champagne ambré. Le vin très fluide glisse en bouche avec bonheur. Il est très agréable, minéral et beaucoup plus civilisé et accueillant qu’un Silex de Dagueneau par exemple qui est fort et conquérant. Ce vin convient très bien au tartare de biche quand le champagne est parfait sur le caviar.

Le canard est superbement cuit avec une chair de grande qualité. Le Châteauneuf-du-Pape Bouchard Père et Fils 1964 a un niveau exceptionnel pour un vin de 58 ans. Le nez est riche et précis et le vin en bouche est gouleyant, simple, direct et parfaitement équilibré. C’est un vin de plaisir qui n’a pas d’âge. On lui donnerait volontiers moins de trente ans. Les Châteauneuf-du-Pape vieillissent remarquablement en gardant une fraîcheur et une spontanéité plaisantes.

J’ai choisi un parmesan pour finir mes vins, car ce fromage s’accorde aussi bien à un blanc qu’à un rouge. Ce restaurant mérite beaucoup d’éloges.

Deux vins sublimes avec mon fils mercredi, 16 mars 2022

J’avais prévu d’ouvrir une grande bouteille pendant le séjour de mon fils à Paris. C’est un Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1952 qui a perdu son étiquette. Le vendeur en qui j’ai confiance a fendu légèrement la coiffe de la bouteille, ce qui permet de lire clairement le mot Richebourg et l’année. Le niveau est assez bas, comme cela se produit fréquemment pour les vins du Domaine de cette époque. Le verre de la bouteille est très lourd et épais, d’une fabrication sans doute plus ancienne.

Trois heures avant le repas j’enlève le haut de la capsule et je retire le bouchon qui n’a aucune noirceur qui aurait empêché de lire des inscriptions. Le bouchon est beau. Le nez est typique des vins du Domaine, marqué par une légère trace de sel. Il est très prometteur. Je suis heureux.

Une heure avant l’arrivée de mon fils j’ouvre une bouteille de Krug Private Cuvée des années 60 ou 70 qui, elle aussi, a perdu son étiquette. Il ne reste aucune marque de la maison Krug. Seul le très beau bouchon indique clairement Krug et Private Cuvée. Un pschitt est présent ce qui est assez rare.

Les deux bouteilles étant sans aucun indice, mon fils devra trouver à l’aveugle de quels vins il s’agit. Mon fils arrive et j’ouvre une boîte de caviar osciètre prestige Kaviari qui me semble tout indiquée pour démarrer le repas.

Le Champagne Krug Private Cuvée années 60/70 a une couleur étonnamment claire. La bulle est active. Le champagne est divin, si grand, si on le compare au Krug Grande Cuvée étiquette crème de la veille. On change de dimension. Le champagne est à la fois émouvant et viril. C’est un champagne de rêve, combinant énergie et velours. Nous sommes aux anges. Mon fils ne reconnait pas Krug, mais ça n’a pas d’importance.

Nous poursuivons la dégustation du champagne avec une rillette qui met en valeur d’autres facettes. Il est éblouissant de sensibilité. C’est un rêve qui nous enveloppe. Ce Private Cuvée est probablement le plus grand des « jeunes » Private Cuvée que j’aie bus. On ne peut pas comparer à ceux des années 40 qui sont dans une autre dimension.

Il suffit de mettre son nez au-dessus du verre pour que l’on sache que le vin est du domaine de la Romanée Conti. Mon fils ne demande même pas confirmation de son hypothèse, il sait. Le parfum est à la fois puissant et riche en alcool et en même temps subtil et complexe. Le vin paraît si grand que mon fils pense que c’est une Romanée Conti. Je lui dis que s’il en a la complexité, la puissance de ce vin ne correspond pas à une Romanée Conti. C’est un Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1952. Mon fils situe l’année dans la décennie soixante. Son choix est compréhensible du fait de la vigueur du vin.

Sur un pâté en croûte le vin est fort civil, nous délivrant des subtilités infinies. Quel grand vin. Nous sommes sous son charme. Des tranches de viande rouge froides ont des gouttes de sang qui trouvent avec le vin un accord merveilleux. Nous savons que nous vivons un moment exceptionnel.

Tout-à-coup, est-ce sur la viande rouge ou est-ce sur un Mont d’Or, je ne sais, mais je ferme les yeux et je mets mes mains sur les yeux, me recueillant pour jouir de l’apparition d’un vin brusquement parfait, intemporel, incommensurable. L’émotion, le choc durent quelques secondes. Quel bonheur.

Mais ce qui est encore plus extraordinaire, c’est que mon fils me dit qu’il vient d’avoir le même choc, le même sentiment de perfection absolue. Est-ce la transition entre le sang de la viande rouge et la douceur crémeuse du fromage, je ne sais pas, mais il est sûr que nous avons eu un déclic qui a fait naître cet instant unique.

J’ai bu la fin de la bouteille, devenant de plus en plus noire, et chaque petite gorgée de ce liquide noir est apparue comme un bonheur de plus. Ma femme nous a vus assommés de bonheur, si heureux de ce partage avec des sensations vécues en simultanéité. Ce Richebourg fait partie des plus grands que j’aie eu le plaisir de boire, presque au même niveau que les sublimes Richebourg préphylloxériques des années 30.

Le champagne s’est révélé délicieux sur une tarte aux poires, le fruit épousant le champagne pour le rendre plus doucereux.

Les moments de communion avec mon fils pour déguster des vins exceptionnels sont des plaisirs qui enchantent ma vie.

Repas de famille avec des vins de tous horizons dimanche, 13 mars 2022

C’est un déjeuner en famille avec mon fils venu de Miami, ma fille cadette et son compagnon, ses deux enfants et sa nounou qui a logé chez nous toute la semaine pour nous régaler avec une cuisine forte d’émotion et de sentiment.

J’ai choisi des vins pour ce déjeuner en mêlant des bouteilles de belle maturité et des bouteilles qui ont un risque possible d’avoir été affaiblies par le temps ou sont en grand danger. Vers 10 heures, je commence à ouvrir un Meursault de 1942 au niveau bas dans la bouteille et à la couleur du vin qui paraît sombre. En déchirant la capsule, je vois un trou béant : le bouchon est tombé dans la bouteille. Il est difficile d’imaginer situation plus horrible. Je carafe le vin au teint un peu grisé et le nez me semble possible. Nous verrons.

J’avais pris une bouteille de Johannisberg de Sion 1962, vin présenté dans une jolie bouteille de forme alsacienne. C’est en fait un vin suisse sec dont, hélas, le parfum annonce qu’il est mort, ayant perdu le tiers de son volume. J’avais gardé la bouteille de Beaucastel Vieilles Vignes 2010 bue en partie hier au restaurant Langosteria. Il y aura donc un blanc de secours.

Le Pommard 1961 au beau niveau a un parfum idéal. Le Châteauneuf du Pape 1970 au niveau correct a un nez relativement neutre qui ne m’a pas interpellé outre mesure. J’ai ouvert suffisamment de bouteilles pour que nous trouvions notre compte, c’est du moins ce que je pense.

Mon fils a apporté des victuailles, des crèmes aux diverses saveurs et épices, du saumon fumé délicieux et surtout des bulots fantastiques. On mange généralement les bulots sur des plateaux de fruits de mer et les bulots sont posés sur des glaçons, ce qui neutralise leur goût. Alors que ces bulots, à température ambiante, sont parfaits. Avec le Champagne Dom Pérignon 1980 que j’ai ouvert il y a deux heures, l’accord est magique. Le champagne a une couleur d’un ambre profond et orangé. La bulle est faible mais le pétillant est motivant. Le champagne est large et grand, au sommet de son art. C’est un champagne superbe et glorieux.

J’avais gardé trop longtemps un saint-nectaire qui avait pris des couleurs foncées. Je me suis dit que ces saveurs avancées ressusciteraient peut-être les vins blancs fatigués. Nous mangeons ce fromage et il joue effectivement un rôle diplomatique pour adoucir le Meursault Patriarche 1942 qui à ma grande surprise se révèle plus sympathique que ce que je craignais. Il a même quelques accents charmants, au point que ma fille classera ce vin premier des vins du repas. J’en suis content car cela prouve – une fois de plus – que tous les vins méritent qu’on leur donne une chance.

Evidemment cela ne se produit pas toujours comme nous le démontre le Johannisberg de Sion 1962 qui est mort et imbuvable, ce que l’on reconnaît à un parfum qui semble définitivement bloqué. C’est donc le moment de servir le Châteauneuf-du-Pape Vieilles Vignes Château de Beaucastel 2010. Il est beau, fruité, juteux, joyeux et en même temps frais aux accents aqueux. Un vrai bonheur naturel. 24 heures de plus lui ont donné une belle largeur.

Sur deux poulets délicieux, le Pommard Naigeon-Chauveau 1961 qui avait le plus beau nez à l’ouverture montre à quel point il est velouté et charmant. C’est l’amour courtois d’un vin féminin au final riche. L’année 1961 est décidément une grande année.

Le Châteauneuf-du-Pape Clos Saint-Marc A. Estevenin 1970 a une odeur extrêmement désagréable qui ne m’avait pas frappé à l’ouverture. Le vin est désagréable et repoussant. Nous n’insistons pas. Il faut donc ouvrir un autre vin rouge pour les fromages dont un Mont d’Or séduisant. Jamais je n’aurais pensé devoir ouvrir une nouvelle bouteille.

C’est donc sur l’instant que se présente un Clos de Vougeot Méo-Camuzet 1992 qui est le vin qui, le premier, m’a fait apprécier les immenses qualités de ce domaine. Ce 1992 se présente un peu plus mature que ce que j’attendais, ayant perdu un peu de fraîcheur pour de la rondeur. C’est un vin que j’adore, aristocrate, qui profite du crémeux du Mont d’Or.

Le dessert est de sorbets qui n’appellent aucun vin.

Le soir, il ne reste que mon fils. J’ouvre une boîte de caviar osciètre de Kaviari pour un Champagne Krug Grande Cuvée étiquette crème qui est de la deuxième génération des Grande Cuvée. La bouteille est d’une beauté splendide. Le champagne est un peu rigide, avec une toute petite acidité, aussi il manque un peu de charme, même si c’est un grand champagne. Aujourd’hui j’ai préféré la rondeur du Dom Pérignon 1980. Ce qui vaut un jour ne vaut pas toujours. Ce qui est plus important c’est d’avoir donné des chances à tous les vins de ces deux repas, et d’avoir eu des moments passionnants.

Mon classement serait : 1 – Pommard 1961, 2 – Dom Pérignon 1980, 3 – Beaucastel Vieilles Vignes 2010, 4 – Clos de Vougeot 1992, 5 – Krug Grande Cuvée étiquette crème.

Ce fut une belle journée en famille.

on voit que le bouchon du Dom Pérignon est beaucoup plus court que celui du Krug

Préparation d’un repas au restaurant Plénitude et déjeuner au restaurant Langosteria dimanche, 13 mars 2022

Un repas prestigieux avec des vins mythiques sera réalisé d’ici une quinzaine de jour au restaurant Plénitude Arnaud Donckele à l’hôtel Cheval Blanc Paris. Nous privatiserons le restaurant au moment du déjeuner et bénéficierons d’une table construite selon mes recommandations. J’ai rendez-vous avec Arnaud Donckele pour concevoir le menu. Se joignent à nous le directeur du restaurant ainsi que le chef qui travaille avec Arnaud.

Comme le repas va commencer avec deux champagnes de 1943, un Dom Pérignon et un Salon, j’ai eu l’envie de donner aux chefs l’idée du goût des champagnes de plus de 70 ans en apportant une demi-bouteille de Champagne Pol Roger 1949. Le champagne est d’une bouteille au tout petit bouchon très lisse ; Il n’y a pas de pschitt. Le nez montre un peu d’âge mais promet. La couleur a quelques nuances de gris, qui pourraient laisser penser que le champagne est un peu usé, mais en fait je constate avec un infini plaisir que tout le monde comprend ce champagne aux suggestions subtiles. Arnaud cherche les goûts qui sont suggérés. Je pense au kaki, mais il n’y a pas que cela.

Nous sommes ravis de ce délicieux et suggestif champagne qui donne immédiatement des idées au chef. Je suis fasciné de voir à quel point le chef a des intuitions de plats qui me paraissent pertinentes. Le travail est vite accompli mais le chef va reprendre toutes les notes pour bâtir le menu final. Nous sommes contents du travail accompli.

J’ai donné rendez-vous en ce lieu à un ami français qui vit à Singapour depuis plus de vingt ans et fait son premier voyage depuis le début du confinement. Il me raconte les contraintes subies à Singapour de quarantaines draconiennes à côté desquelles les mesures françaises paraissent bénignes. Nous allons au restaurant Langosteria au 7ème étage de l’ex Samaritaine, restaurant italien dont le chef est Michel Biassoni qui est venu chaleureusement nous saluer.

L’amuse-bouche est une purée de tomates aux coques. C’est délicieux. J’ai choisi comme plat des Linguines au homard bleu de Bretagne, de très bon goût.

Je consulte la carte des vins qui couvre toutes les cartes de vin de l’immeuble, y compris celle du restaurant Plénitude et je choisis un Vin Jaune d’Arbois Jacques Puffeney 2010. Lorsque je le sens, le mot qui me vient est « verdasse », néologisme qui correspond à une verdeur désagréable et à une impression de lavasse. Je n’ai pas envie de le rejeter mais au bout de deux gorgées je demande à l’excellent sommelier de le reprendre car il est imbuvable.

Je commande un Châteauneuf-du-Pape blanc Vieilles Vignes du Château de Beaucastel 2010. Le boire après le vin d’Arbois le rend encore plus délicieux. Il a tout pour lui, un fruit généreux, une belle largeur et une expression naturelle conquérante. C’est un grand vin qui nous pousse à prendre une assiette de cinq fromages italiens tous pertinents.

Ce restaurant est à recommander.

dommage pour ce vin du Jura