repas d’amis par un beau soir de printemps samedi, 23 mai 2009

Nous sommes reçus chez des amis, face à la mer, par une belle soirée du milieu du printemps. Le Champagne Henriot en magnum 1996 nous fait une énorme impression. Sa couleur commence à s’ambrer, son parfum est raffiné et en bouche il est généreux, confortable et de belle soif. Il se boit avec un immense plaisir, au point qu’à trois buveurs sur quatre nous finirons presque le magnum à l’apéritif. Il faut dire que les journées sont longues en cette période de l’année. Les poivrons grillés ne sont pas franchement des amis du champagne, alors que la sauce aux anchois, prise sur un peu de pain, excite bien le champagne chatoyant. Le dos de cabillaud vapeur sur poireaux,  gingembre et citron se mange sur un Quintessence, « R » de Rimauresq, Côtes de Provence 2004. L’année dernière, j’avais jugé brutal ce vin puissant. Il a gagné en rondeur et son âpreté, caractéristique des bons Côtes de Provence, trouve un écho dans la chair râpeuse et typée du cabillaud. Le vin est très appréciable, et l’on mesure encore plus sa réussite lorsqu’apparaît le Rimauresq, Côtes de Provence 2006. Trop jeune, fougueux, il joue dans la douceur et n’a pas encore trouvé la « râpe » que j’aime dans ces vins de soleil.

Nous testons des fromages variés sur les vins rouges et le dessert est une subtile crème au romarin du jardin. Ce dessert raffiné va repousser le Champagne Dom Pérignon 2000 par une opposition qui stérilise le champagne. Le goût du romarin est tellement prégnant que le champagne est noyé. Il reste dans une coupe un peu du Henriot qui s’est réchauffé. Cela permet de constater que le champagne Henriot accepte le romarin et n’est pas bridé alors que le Dom Pérignon, habituellement floral et romantique, est effrayé et tétanisé par la plante aromatique. Ce sont deux comportements opposés. Ce fut une belle soirée qui préfigure les plaisirs de l’été.

rebelote ! mercredi, 20 mai 2009

La belote a ceci de récurrent qu’on ne sait jamais si l’on n’est pas en train de prendre la revanche d’une précédente bataille. Le Champagne Charles Heidsieck mis en cave en 1997 est extrêmement rassurant. L’âge lui a apporté rondeur et sérénité. Il est gentiment excité par de la poutargue. Le Champagne Dom Pérignon 1998 est d’une gracile noblesse. Tout en lui est romantique et iodé. En le buvant, je m’imagine gober des huîtres. Evoquant aussi les fleurs blanches, ce champagne nous conquiert. Un Côtes de Provence, Domaine des Cressonnières 1988 est satisfaisant. Bien sûr, il n’a pas inventé la poudre, même s’il évoque fugacement la pierre à fusil, mais il est fort plaisant à boire, ayant acquis une belle forme d’équilibre avec une râpe bien dominée. Sur un gigot cuit une demi-journée à basse température et un gratin de pommes de terre, c’est un régal. Si le vin déchaîne les passions, la belote le surpasse en magnitude.

dîner de promotion de mon école lundi, 18 mai 2009

Le dîner de ma promotion se tient à l’hôtel de Poulpry. Le budget de la soirée est particulièrement léger et c’est naturellement le vin qui trinque. Je peine à approcher mon nez et mes lèvres du blanc et du rouge qui pour moi sont imbuvables. Ma surprise est de voir que mes camarades peuvent boire ces vins du sud-ouest ou de Bergerac sans ciller. Boit-t-on pour avoir les papilles qui se titillent et s’émoustillent ou pour appréhender un vrai goût ? Parmi les souvenirs les plus évoqués, c’est la conférence que fit Salvador Dali aux élèves en grand uniforme qui a marqué nos esprits. Un camarade que j’admirais en Math-élém pour ses notes brillantes et avec lequel j’ai suivi les mêmes classes de Math sup et Math spé, que je n’avais pas revu depuis trente ans me lance : « quand j’ai vu comment tu travaillais, je n’ai jamais compris comment tu as pu intégrer notre école ». Malgré nos âges avancés, on se chambre toujours entre labadens.

BELOTE vendredi, 15 mai 2009

La belote attire les bouteilles de champagne par une symbiose aussi efficace que celle qui colle le rémora à la raie manta. Le champagne Laurent Perrier Grand Siècle est d’une fraîcheur et d’une envie de soif qui pousse aux coinches les plus hasardeuses. Un intermède avec un Champagne Ruinart n’est pas à l’avantage de celui-ci car sa structure plus stricte et sa maigre longueur souffrent mal la comparaison. Un champagne Laurent Perrier Grand Siècle en magnum cette fois montre l’effet déterminant du format sur le goût de ce romantique champagne. Un Hermitage dont je n’ai pas retenu le nom manque de civilité sur un camembert et se découvre un beau talent sur un fromage de chèvre frais.

le millionième de seconde… jeudi, 14 mai 2009

On connaît les modifications de l’approche des chiffres depuis que des machines permettent de faire des divisions. Avant cette invention, ce qui peut paraître antédiluvien mais n’approche même pas le demi-siècle, il fallait la bonne table de logarithme ou une règle à calcul pour approcher une division qu’on ne voulait pas faire à la main. Aujourd’hui, on rapporte que telle voiture a couru l’épreuve de Formule 1 à 213,456 km/h de moyenne. On imagine toute l’importance que revêt la connaissance du chiffre « 6 » placé en troisième position après la virgule, car dire que la voiture avait couru à 213 km/h de moyenne serait d’un vulgaire achevé.

La précision existe, car je l’ai rencontrée. C’est au millionième de seconde près que ma femme a réussi la cuisson d’un loup d’anthologie. Rien. Pas une once d’accompagnement. Pas le moindre petit bout de persil ou l’once d’une trace de citron. La nudité pure, une cuisson parfaite et un plaisir premier. Et ça, ça se joue au sixième chiffre après la virgule.

Plus la gastronomie m’intéresse et plus je cherche la rencontre avec le produit pur, cuit savamment.

Rangement en cave mercredi, 13 mai 2009

J’aime cette forme de casiers.

On voit sur la photo qu’on range 7 bouteilles bourguignonnes de front et 8 bordelaises. Il me semble que l’idéal serait de prévoir 8 bourguignonnes de front, avec une profondeur qui permet de ranger deux bouteilles sans qu’elles ne se chevauchent.

 

déjeuner au restaurant Laurent mercredi, 13 mai 2009

J’avais, pour des raisons diverses, gardé peu de relations de mes métiers d’avant. Un de mes clients, entrepreneur comme moi, m’avait conservé une fidèle amitié. Nous déjeunons ensemble au restaurant Laurent où toutes les tables sont occupées d’habitués, gens qui comptent dans les sphères du pouvoir ou de l’industrie.  Nous choisissons des asperges présentées avec un œuf mollet et du parmesan puis un merlan cuit avec une délicate tapenade et des copeaux de chips. Le choix est évident : Riesling Clos Sainte Hune Trimbach 1999. On pourrait me reprocher un manque d’imagination dans mes choix de vin, mais le buffle aime revenir laper les eaux qu’il a chéries. Je mesure à quel point l’oxygène est indispensable à ce vin. Car au début, un peu froid, il est agréable mais manque d’étoffe. C’est – comme souvent – la dernière gorgée qui exprime la séduction extrême de ce vin dont la limpidité est une signature reconnue. Que l’Alsace est belle quand elle parle ce discours. Patrick Lair vient nous apporter en fin de repas deux verres de couleur zinzolin. Le vin est tellement jeune ! Il s’agit de Grand Puy Lacoste 2008. Ce vin de six à huit mois sans doute se boit avec bonheur. Il est généreux à cet âge. Comment peut-on prédire l’avenir d’un vin qui va mille fois changer de visage ? Celui de ce jour est souriant.

40è anniversaire de mon fils chez lui mardi, 12 mai 2009

Mon fils fête un anniversaire de chiffre rond avec des amis de son âge à son domicile. Il me dit : « n’apporte rien, j’ai tout prévu ». Ce fut vrai. Par une belle soirée de printemps dans son petit jardinet, le Champagne Pierre Montcuit 1995 se boit avec une facilité rare. Né au Mesnil-sur-Oger, la Mecque du blanc de blancs, il est extrêmement agréable et de belle précision. J’adore ce type de champagnes. Le Champagne Ruinart rosé sans année est moins intéressant et un peu court. Il glisse bien en bouche. Les bulots, blinis aux œufs de saumon et autres cochonnailles se dévorent en accompagnant des discussions animées

Nous passons à table, et le Chevalier-Montrachet Domaine Ramonet 2004 impose le silence par son parfum capiteux et déclenche les bravos par son goût envoutant, profond de riche plénitude. Ma belle-fille a fait un menu très brillant, avec langoustines et coquilles Saint-Jacques crues, une épaule d’agneau confite avec boulgour et aubergines, fromages et crème caramel. Le bordeaux de l’année de mon fils, Lafleur-Pétrus 1969 est nettement plus avenant que le souvenir que j’en avais gardé. Il faudrait beaucoup d’imagination pour croire qu’il vient de cette maigre année. On se prend même à le trouver gouleyant. C’est dire ! Alors que je suis un farouche défenseur de la langue française, il existe des expressions anglaises qui ont une force d’évocation que le français ne donne pas. Le Château Latour 1928 est « jaw dropping ». Littéralement, il fait tomber la mâchoire tant on est ébahi. L’instant où on le découvre est saisissant. Il représente toute la justification de ma démarche vers les vins anciens et je suis heureux que mon fils ait choisi ce vin de sa cave pour son anniversaire. La richesse d’évocation dont toutes les notes sont subtiles, est incroyable. Ce vin pousse au recueillement, à l’intériorisation de saveurs dont on a envie de capter religieusement toutes les nuances, tant il tintinnabule des myriades de douceurs.

Alors, le pauvre Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1996 qui lui succède n’est franchement pas aidé d’apparaître à cet instant sur le fromage. Rien en lui n’accroche l’attention, tant le mirage du vin de neuf fois neuf ans coiffe de béatitude nos cerveaux tétanisés. Le cerveau se réveille sur l’Aleatico vin doux fortifié de l’île d’Elbe, qui évoque les pruneaux confits, les figues et des saveurs doucereusement orientales.

De ce beau dîner affectueux et chaleureux deux vins émergent, un éblouissant Latour 1928 et un grand Chevalier-Montrachet 2004. Une très belle soirée.

Le Bistrot du Sommelier fête ses 25 ans lundi, 11 mai 2009

Le Bistrot du Sommelier fête ses 25 ans. Nicolas de Rabaudy m’avait raconté qu’il était aux côtés de Philippe Faure-Brac aux débuts de cette aventure. Philippe a su transformer cette expérience en réussite. Plus de cinq cents personnes se bousculent pour venir fêter le propriétaire heureux et son équipe. De jeunes sommeliers en apprentissage dispersent des vins à déguster de toutes régions. L’atmosphère est à la fête et au chant, car Philippe a un fort beau filet de voix. Gérard Holz, venu en ami a montré que les sables du Dakar n’ont pas ensablé sa voix. Patrick Pignol tout sourire a voulu comme moi montrer à ce sommelier de grand talent toute l’estime que nous lui portons.