académie des vins anciens – vins de 1995 à 1969 vendredi, 5 juin 2009

Champagne Besserat de Bellefon non millésimé vers 1995 (4 bt)

Champagne Mumm, René Lalou 1985

Clos de la Coulée de Serrant N.Joly 1983

Champagne Krug Grande Cuvée années 80 (2bt)

Champagne Exclusive Vintage 1980

Martinez Lacuesta – Rioja – Blanc 1980

Château des Jaubertes Grand vin du Marquis de Pontac  Graves supérieures  (quelle année ???)

Château Ausone 1979

Château La Tour Léognan 1979

Riesling Clos des Capucines Domaine Weinbach 1977

Château Haut Brion 1971

Château Ducru-Beaucaillou 1970

Volnay Taillepieds Domaine de Montille 1969 sans étiquette (il vient directement du domaine, et ce qui est curieux, c’est qu’il a été capsulé)

Château Haut Brion 1969

académie des vins anciens – vins de 1967 à 1959 vendredi, 5 juin 2009

Vega Sicilia Unico 1967 (basse)

Château Larcis-Ducasse 1967

Château Rolland Taillefer Pomerol 1967

Vega Sicilia Unico 1966 (basse)

Champagne Edouard Besserat 1966

Château Coustolle, Côtes de Canon-Fronsac 1966

Vega Sicilia Unico 1964 (basse)

Château Bouscaut blanc 1964

Château d’Yquem 1961

Marques de Riscal Reserva 1961  (notez la société Philomathique !)

Vougeot Tasteviné J. Thorin 1961 (basse)

Rioja 1960

Chambertin 1959 de la maison Pierre Bourée Fils

Puligny Montrachet A. Bichot 1937 (qui est en fait un 1959). On a étiqueté au dernier moment sans voir l’étiquette ancienne.

Bâtard Montrachet Chanson Père & Fils 1959

Château Canon 1959

académie des vins anciens – vins de 1955 à 1896 vendredi, 5 juin 2009

Beaune Bressandes 1955 Joseph Drouhin

Beaune 1953 Leroy (année illisible)

Domaine de Chevalier rouge 1952

Chambolle Musigny A. Rossigneux et Fils 1947 

Chambolle Musigny 1947 Maison Remoissenet et Fils

Coteaux du Layon Chaume, Château de la Guimonnière 1945

Volnay Champy P&F 1945 (basse)

vin de champagne Saran Moët & Chandon 1943 (année annoncée, illisible)

Château Puyblanquet Saint-Emilion 1929

Maury La Coume du Roy, de Volontat 1925 (2 bt)

Grenache années 20. Notez le « très recommandé »

Champagne Mumm Cordon Vert années 20

Château Sigalas-Rabaud 1896

(pas facile à lire)

Académie des Vins anciens – 10ème séance du 05 juin 2009 – les règles vendredi, 5 juin 2009

Académie des Vins anciens – 10ème séance du 05 juin 2009

Informations sur la 10ème séance de l’académie des vins anciens du 05 juin 2009 :

Lieu de la réunion : restaurant Macéo  15 r Petits Champs 75001 PARIS  01 42 97 53 85

Date de la réunion : c’est le 05 juin à  19 heures, heure absolument impérative.

Coût de la participation : 120 € pour un académicien qui vient avec une bouteille ancienne. 240 € pour les académiciens sans bouteille. Chèque à adresser dès maintenant à l’ordre de "François Audouze AVA" à l’adresse suivante : François Audouze société ACIPAR, 18 rue de Paris, 93130 Noisy-le-Sec.

Inscription : par mail à François Audouze

Proposition de vins anciens : indiquer toutes informations sur l’état et le niveau. Toute bouteille proposée doit être agréée par François Audouze

Dates limites : comme nous sommes proches de la date de réunion : livrer les bouteilles au plus vite après approbation. Envoyer votre chèque avant le 25 mai, date vraiment limite.

Nota : les chèques reçus avant la séance ne sont pas remis en banque avant la séance. Il n’y a donc aucun avantage à retarder l’envoi.

Livraison des bouteilles :

Si vous déposez les bouteilles, faites le au bureau de la maison de champagne Henriot 5 rue la Boétie 75008 PARIS – tél : 01.47.42.18.06. C’est au deuxième étage. Indiquez bien votre nom sur votre paquet, mais surtout, n’écrivez rien sur les bouteilles et ne collez rien sur les bouteilles. Ne mettez pas votre chèque avec la bouteille.

Si vous expédiez les bouteilles, faites le à l’adresse de mon bureau : François Audouze société ACIPAR, 18 rue de Paris, 93130 Noisy-le-Sec, et je les garderai dans ma cave. Bien indiquer ACIPAR sur l’adresse de livraison

Informations complémentaires :

Vous pouvez vous informer sur les précédentes réunions en regardant sur le blog, dans la catégorie « académie des vins anciens ».

Moët & Chandon à Roland-Garros jeudi, 4 juin 2009

Chaque année, comme beaucoup de grandes entreprises françaises, Moët & Chandon dispose d’un espace privatif au sein du « village » de Roland-Garros. Comme pour la Formule 1, le sport est un bon prétexte pour des relations publiques efficaces. Je suppose que chaque jour doit avoir un thème. Aujourd’hui, je suis reçu avec quelques vignerons qui vendent leurs raisins à Moët, avec des membres de la direction des relations humaines, et avec plusieurs représentants de la presse écrite du vin et de la gastronomie. Dans cette oasis de communication, on ne lésine ni sur le nombre d’hôtesses, ni sur leur beauté. Nous bavardons entre invités autour d’un champagne Moët & Chandon brut sans année ou bien du même mais rosé. L’un et l’autre se boivent bien mais j’ai un penchant naturel vers le champagne plus que vers le rosé.

Nous passons ensuite au Champagne Moët & Chandon millésimé 2003 ainsi que son cousin rosé. J’insisterai sur le champagne, très original et qui se boit avec plaisir. Frédéric Cuménal, président de Moët & Chandon est tout sourire, rugbyman toujours pratiquant, avec les risques que cela comporte, tel que celui de ne plus pouvoir lever le coude, a invité deux rugbymen, joueurs internationaux. Nous passons à table et le menu a été préparé par Potel & Chabot. Je ne toucherai pas au Chablis 2007 et au Crozes-Hermitage 2007 pour éviter des mélanges avec des vins très jeunes. De ce que j’ai compris par les remarques alentour, les deux vins avaient probablement pour mission de ne pas faire de l’ombre au champagne. Je suis donc resté à son soleil, d’autant qu’il se boit facilement.

La présentation de la volaille sur le menu mérite d’être signalée. Car dans un monde de cocooning et de principe de précaution, on materne vraiment le consommateur. Voici ce qu’on en dit : « Poulet de Bresse, « appellation d’origine contrôlée », gaulois à crête rouge, plumage blanc et pattes bleues, entre Louhans et Pont-de-Vaux, Montrevel et Bourg-en-Bresse, gourmand et bagarreur, je cours libre dans les prés, glorieux, fier de ma chair et de mes lettres de noblesse ». J’attends avec impatience un couplet de même nature sur les escargots de Bourgogne.

Les conversations allaient bon train quand à la fin du repas arrive à notre table Alain Prost qui était invité à un autre endroit mais a tenu à saluer Jean Berchon, grand amateur s’il en est d’automobiles rares. Deux sujets ont pris le pas sur tous les autres : la voiture et l’écologie dans le monde actuel et le retour de la France au sein des pays organisateurs de Formule 1. Souriant, serein, Alain Prost est passionnant. Il m’a ouvert des thèmes de réflexion en faisant remarquer que la voiture électrique, tout bien pesé, n’est peut-être pas aussi écologique qu’on le dit.

Comme beaucoup, j’ai prétexté un après-midi studieux pour ne pas me rendre sur les gradins. Roland-Garros resta donc un prétexte à bénéficier de la générosité et de l’amitié de Moët & Chandon.

A moi de renvoyer la balle…

un vin de 1730 mercredi, 3 juin 2009

Aujourd’hui, j’ai reçu un vin de 1730 environ. Il provient de la cargaison d’un bateau qui a coulé en 1735. L’estimer à 1730 est réaliste.

La cargaison a été retrouvée en 1983 par des fouilles sous-marines, et le gouvernement hollandais a préempté certaines pièces dont cette bouteille. Elle a été récemment remise sur le marché et un français l’a acquise. Il a goûté le vin et l’a trouvé imbuvable. Il a consciencieusement rebouché la bouteille après ce prélèvement de 2 cl qu’il a remplacé par de l’eau stérile. Il dit que c’est imbuvable, mais que c’est encore du vin.

J’ai ouvert le paquet avec mon fils. Nous avons chacun guetté les réactions de l’autre. A un moment mon fils m’a demandé : voudras-tu l’ouvrir ? J’ai répondu que si je le fais, j’aimerais que ce soit bu avec lui.

La bouteille a été posée dans une case de la cave, à côté d’un flacon qui m’a été adressé il y a quelques années par un professeur d’université américain qui porte cette seule bague autour du goulot : "Port 1548". Ayant peur d’un mauvais plaisant, je n’ai pas remercié de l’envoi. C’est une autre énigme.

Ouvrir les deux le même jour ? En tout cas, c’est une belle émotion d’avoir un flacon qui a du liquide de 270 ans.

 

Les Yquem des années 30 mardi, 2 juin 2009

Lors d’une discussion sur un forum, j’ai recherché mes notes sur les Yquem des années trente.

Voici ce que j’ai écrit. Il est intéressant de les avoir réunis.

(Yquem 1931 bu après Filhot 1975)

Magnifique château d’Yquem 1931 que j’ai trouvé moins sec que ce que j’imaginais. On avait en bouche une belle définition du Yquem historique où la mangue, le thé, le fruit délicatement caramélisé forment un éventail de saveurs à la persistance sans limite.

(Yquem 1932 bu avec Alexandre de Lur Saluces)

Nous avons eu ensuite le cadeau de la soirée. Alexandre de Lur Saluces à qui j’avais raconté mon excitation de boire Yquem 1932 avait accepté de nous rejoindre, car la curiosité le tenait lui aussi. J’ai ouvert cette belle bouteille jamais rebouchée, et la remarque immédiate d’Alexandre de Lur Saluces fut intéressante : "il est probable qu’aujourd’hui, on aurait vinifié le millésime d’une toute autre façon". C’est très caractéristique, car Alexandre de Lur Saluces, soucieux de sa récolte en cours ou à commencer, pense au travail qui est fait. Ma démarche est de me concentrer sur le témoignage. Il fallait que les convives profitent de cette année si rarement ouverte. C’est le témoignage, quoi qu’il délivre, qui est souhaité avant tout. On sait en buvant 1932 que ce ne sera pas 1929, année grandiose. Mais c’est le 1932 qu’il faut découvrir. Un nez très Yquem, doucereux, fruité et affirmé, et en bouche, l’étonnement : c’est presque un vin sec. On n’a pas le charnu, le fruité d’un Yquem généreux, mais quel plaisir de découverte.

(un ami avait annoncé qu’il apportait Yquem 1921 et il a apporté Yquem 1933)

Merveilleux accord avec la mangue, mais le miel avait été calibré sur Yquem 1921 et non pas sur Yquem 1933, particulièrement sec. L’auteur de ce cadeau regrettait la sécheresse et je lui ai fait la même remarque que celle que j’avais faite à Alexandre de Lur Saluces à propos de Yquem 1932 si sec : c’est l’expression de Yquem sur cette année là, alors je la prends comme telle. Et j’ai adoré ce Yquem 1933 bien sec, mais couvrant une subtilité de message rare. J’adore ces Yquem suggérés.

(bu au Château d’Yquem, avec un accord que je ne recommanderais pas !)

Le Yquem 1934 a une robe de miel. Tout de suite ce qui frappe c’est qu’il a peu d’alcool. Il est assez sec comme beaucoup de vins de la décennie 30 à l’exception du 1937. Il a une longueur limitée mais un charme inimitable. Aimant les Sauternes devenus assez secs, je suis tout à mon aise. Il y eut deux écoles : ceux qui trouvèrent que le feuilleté de rhubarbe au Sauternes accompagnait admirablement le Yquem 1934 et ceux qui comme Francis et moi trouvaient que ce dessert délicieux, qui avait bien capté les composantes de ce délicieux breuvage, raccourcissait le Yquem. A chacun son goût. On vérifie chaque jour que les réactions ne sont jamais identiques.

(bu lors d’une verticale d’Yquem)

Le Yquem 1934 est très surprenant. Mon opinion est qu’il a changé par rapport à son goût originel, évoluant vers une combinaison d’alcool et d’oranges très mûres. Si ce vin était bu tout seul, nous le trouverions absolument superbe. Mais mis ensemble avec le 1947 et le 1948 c’est un challenge trop lourd.

(bu juste après un Coutet 1949)

Nous remontons dans la suite japonisante de mon ami pour goûter mon deuxième apport : Château d’Yquem 1935. Ce changement de lieu convient bien à l’Yquem qui n’aurait pas trop aimé d’être comparé. Sa couleur est plus claire que celle du Coutet. C’est un vin peu botrytisé, moins dense que le Coutet, mais la signature d’Yquem est tellement éblouissante que je suis conquis par cet Yquem moins exubérant, mais infiniment séduisant.

(bu après un Haut Sauternes Guillaume 1943)

Trompettes, sonnez maintenant, car le Château d’Yquem 1936 au bouchon d’origine, d’un niveau irréprochable est d’une perfection irréelle. J’avais de la décennie 30 l’image d’Yquem peu botrytisés. Or ce 1936, que j’ai déjà bu, est ici pimpant, joyeux, magnifique. Il est dans la lignée des Yquem que j’adore, aux tons d’orange, de mangue, d’abricot. C’est magnifique, d’un équilibre absolument parfait. Joyeux, il me plait plus que le 1937 que l’on a bu à l’académie des vins anciens. La poire d’Eric Fréchon est très belle. Mais un si beau sauternes ne gagne rien avec le dessert. Il fallait le déguster seul, dans son impériale beauté.

(bu lors d’un dîner à la mémoire de Jean-Claude Vrinat de Taillevent)

Un des grands moments du dîner, c’est l’apparition de Château d’Yquem 1936. Le nez est d’une poésie extrême. Intense, subtil, il est ravissant. La couleur est d’un or clair. En bouche c’est l’image fidèle de l’Yquem de cette année et l’un d’entre nous fit un parallèle avec Jean-Claude Vrinat né cette année. Intelligence, finesse, discrétion, subtilité et équilibre, tout cela s’applique à l’homme et au vin. C’est un très grand Yquem si l’on accepte qu’à cette décennie le sucre est discret, les notes de pamplemousse et de thé étant plus suggestives qu’explosives. Pour mon palais c’est un Yquem parfait dans cette acception. Le dessert, gourmandise au pamplemousse et au thé vert est très agréable, mais seul le pamplemousse répond vraiment à la subtilité du vin.

(où Yquem 1937 se fait surpasser)

Le Château Rabaud 1945 crée en moi une émotion invraisemblable. D’une douceur, d’une délicatesse rare. Le Château Suduiraut 1945, plus flamboyant, semblait fait du même moule, mais, comme il est plus sûr de lui, j’ai l’œil plus attiré par le Rabaud. Le Château d’Yquem 1937 a une couleur de thé presque irréelle de jeunesse. En bouche, on sent immédiatement que c’est Yquem. Mais ayant bu déjà un Yquem 1937 plus extraordinaire encore, je choisirai dans ces trois exemples de la perfection du sauternes accompli le Rabaud, puis Suduiraut et enfin Yquem, classement purement sentimental, sans référence à des sens objectifs et seulement à des émotions.

(Yquem 1937 bu avec Alexandre de Lur Saluces)

L’arrivée d’un Yquem 1937 est toujours emprunte d’une grande émotion surtout quand on peut bénéficier des commentaires si pertinents et formateurs d’Alexandre de Lur Saluces. Une couleur aussi merveilleusement dorée mais une transparence rare pour un vin de cette époque. C’est l’affirmation de la perfection d’Yquem avec cette présence, cette densité et cette concentration unique d’arômes inimitables. On a entre les mains et sur la langue l’expression la plus absolue du vin parfait. Le dessert ne pouvait pas convenir, comme on m’en fit la remarque, alors que si on acceptait d’essayer, l’opposition des saveurs ne manquait pas d’intérêt. Nous bûmes donc ce nectar seul, ce qui lui va sans doute encore mieux. J’ai trouvé intéressant que ce vin qui a encore la chaleur du sucre commence à prendre des aspects secs que j’adore, caractéristiques des cette décennie d’Yquem. Ce 1937 est d’une stature de très haut niveau.

(Yquem 1937 bu dans une verticale)

Le Yquem 1937 est plus fluide, acide, très dans le style des années 30. Il est très différent du style des années 40. Il y a du pamplemousse, du citron vert. C’est un vin de gastronomie, un grand Yquem. Le 1921 est complètement atypique. Il y a du thé et du café, mais aussi du citron. La longueur est unique. C’est grand, opulent, et confortable. Si j’avais à faire une critique, je dirais qu’il manque un peu d’excentricité.

(Yquem 1938 bu après un 1ères côtes de Bordeaux 1937)

Il a la courtoisie de servir de faire-valoir, et c’est ce que j’avais voulu, à un splendide Château d’Yquem 1938, serein, plein, épanoui, sûr de lui, à la profondeur de goût inimitable. Je ne m’attendais pas qu’il ait cette plénitude, car la décennie 30, à l’exception de 1937 est un peu légère. Cela fait une exception de plus.

(Yquem 1939 bu après un vin jaune de 1967)

Le Château d’Yquem 1939 a un nez qui se suffit à lui-même. Il fait partie de ces vins dont le parfum tétanise. Le plaisir du nez est si grand que le bras est paralysé et l’on n’éprouve pas le besoin de boire le vin. Je me souviens de ce Suduiraut 1928 que nous avions gardé en main, sans boire, plus de dix minutes lorsqu’il nous fut servi en compagnie de Guy Savoy assis à notre table, tant l’odeur était paralysante. Nous sommes ici dans le même cas avec des évocations de pamplemousse, de mangue et d’ananas. Tous les fruits de la même gamme de couleur que l’or serein de ce vin sont appelés à s’exprimer dans nos narines. Je fus bien inspiré de faire orienter le dessert vers la mangue, car ce fruit merveilleusement traité fit chanter cet Yquem immense. Je n’aurais jamais soupçonné que le 1939 d’Yquem ait ce charme là. Il n’a pas la solide présence du 1955 récent, mais il a un équilibre de ses composantes qui est assez spectaculaire car ici aucun trait n’est forcé. Yquem sait jouer de son charme dans ces années moins tonitruantes.

dîner chez Yvan Roux lundi, 1 juin 2009

Après les agapes du 119ème dîner, départ vers le sud. Un des fidèles parmi les fidèles, présent à ce dîner, part lui aussi dans la même direction. Avec une grande logique, nous nous retrouvons chez Yvan Roux.

Un nouvel arrivage de Pata Negra est absolument goûteux, le gras et le sel étant judicieusement équilibrés. Autant dire que le Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs en magnum 1995 se régale à son contact. Ce champagne est serein, équilibré, goûteux, facile à boire. Un vrai champagne de plaisir. Le carpaccio de barracuda crée un accord encore plus émouvant, la fraîcheur citronnée de la chair excitant la bulle paisible. Les femmes se partagent un beau homard, les hommes se partagent des langoustes et une cigale. C’est le moment de faire entrer en piste le vin apporté par mon ami. Un Aloxe-Corton 1929. L’étiquette est drôle, car elle ne comporte que ces mentions : Aloxe-Corton, appellation contrôlée, et le nom et l’adresse d’un caviste du 12ème arrondissement de Paris : Appert et Cie 22 Cour Baudoin. Il s’agit donc d’un vin on ne peut plus ordinaire étiqueté longtemps après 1929. Qui plus est, le vin a pris l’avion, est allé chez mon ami, a voyagé avant le dîner et a cahoté sur le chemin criblé de trous qui mène chez Yvan Roux. Et avec une facilité insolente, ce 1929 se présente avec un velouté, un charme qui confirment l’invraisemblable excellence et la solidité de 1929. S’il y a une légère amertume, elle ne diminue en rien le plaisir d’un vin franc, doux, bien plein en bouche, sans imagination débordante mais porteur de joie de boire.

Alors que je suis assez habitué aux vins ce ces années, je m’émerveille toujours qu’un petit vin de 80 ans puisse supporter d’être baladé ainsi et délivrer un plaisir plein de charme, simple, sans sophistication, mais sincère. La chair du mérou est la meilleure que j’aie mangée de ce poisson. L’aubergine au pesto est la seule touche qui accompagne la sobriété de la chair. Une glace vanille conclut un beau repas riche de belles saveurs et de la surprise d’un 1929 frais comme un gardon.  

 le carpaccio, la cigale et la langouste

le mérou et l’aubergine

 

119ème dîner de wine-dinners au restaurant Ledoyen jeudi, 28 mai 2009

Le 119ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Ledoyen. J’avais annoncé dans la liste des vins une bouteille de La Tâche 1969 basse. De ce fait j’avais ajouté un vin aux dix habituels prévus pour dix convives. En préparant les vins il y a une semaine pour les livrer au restaurant, la couleur du Bienvenue Bâtard Montrachet 1960 m’est apparue peu sympathique, aussi ai-je ajouté un Chablis. Au moment de l’ouverture, les bouchons brisés ou émiettés sont particulièrement nombreux. Une anecdote mérite d’être signalée. La seule bouteille qui a été reconditionnée est celle du Guiraud 1893, exactement comme celle du même vin ouvert à Pékin. Mais l’opération de toilettage pour le vin de ce soir a dû être faite plusieurs années auparavant, car il m’est impossible de lire le millésime du rebouchage, une légère pellicule collée au bouchon masquant le marquage. Le flacon est d’origine, et après avoir bataillé pour lever le bouchon, celui-ci se brise et je constate que la partie de bouchon sortie est boursouflée. Ceci est dû au fait que le verre a une surépaisseur en haut de la bouteille, mais au lieu qu’elle soit à l’extérieur, elle est à l’intérieur. Elle bloque donc la remontée de la partie restante du bouchon qui tombe dans le liquide. L’obstacle sera logiquement aussi insurmontable à la remontée des morceaux. J’appelle à l’aide les deux sommeliers mais ils sont occupés ailleurs. Je bataille et par un coup de curette ressemblant à une sortie de bunker par Tiger Woods, je réussis à extirper l’ensemble du bouchon de ce piège inattendu.

L’odeur du Bienvenue Bâtard Montrachet indique une mort quasi certaine et celle de La Tâche commence par être encourageante pour Frédéric et Vincent, les deux sympathiques sommeliers, et pour moi. Mais une demi-heure plus tard, le vin n’a pas pris la tendance attendue d’une guérison heureuse. Sentant l’ensemble des vins, j’estime prudent d’ouvrir un vin de plus et je prélève de la cave du restaurant un Corton rouge de Bonneau du Martray.

Les vins que je prévois pour les dîners de wine-dinners sont comme mes enfants. Même si je remplace ou complète pour tenir compte des faiblesses des vins, je suis triste quand un vin ne se présente pas au mieux. Pour La Tâche, je savais qu’un niveau bas est à risque, mais il y a eu tellement de belles surprises que j’ai un espoir. L’odeur la plus belle est celle du Château de Malle 1961, suivie par celle du Chablis Louis Latour 1979. Celle du Cheval Blanc 1962 me plait beaucoup.

Les convives arrivent ‘presque’ tous à l’heure. Il y a trois journalistes dont deux pionniers de grands magazines français, il y a trois chefs d’entreprises qui militent chacun à des degrés divers dans des organisations patronales, et au sein de notre groupe de dix, il y a trois des quatre plus fidèles de mes dîners, chacun ayant eu la palme de la fidélité à l’une ou l’autre période des neuf années de dîners. 

Le menu conçu par Christian Le Squer est ainsi présenté : Caviar de Sologne givré à l’eau de mer / Daurade Royale à cru, fine gelée de cotriade / Morilles en croûte de pain virtuelle / Rouget snacké aux mousserons / Pigeonneau: cru et cuit à la graine de sésame / Foie de veau en persillade et oignons frits / Stilton / Variation autour de la Mangue.

Les petits amuse-bouche sont une introduction au monde culinaire de Christian Le Squer. Sur une évocation d’anguille dans un macaron, le Champagne Dom Pérignon 1976 est très à l’aise. De couleur claire malgré ses 33 ans, ce champagne à la bulle très fine est d’un grand raffinement. Il est prévu sur la première entrée, et l’émulsion qui entoure le caviar est très originale. Mais c’est le caviar seul, très dense et profond, qui est destiné à mettre le Dom Pérignon en valeur, dans un accouplement qui ne souffre pas des tares de la consanguinité. Un ami présent dit : « si les choses commencent aussi fort, la suite du repas aura-t-elle la capacité de tenir ce niveau ? ».

Un démenti est immédiatement apporté à son interrogation par un accord qui représente pour moi un sommet absolu. La sensation est physique. C’est la même que celle d’être arrivé à gravir une montagne de plus de 8000 mètres : tout-à-coup, la fatigue n’existe plus. C’est celle d’avoir gagné la balle de match : on trottine en décontraction totale vers le filet pour serrer la main du vaincu. Il y a de cela entre le Champagne Krug 1982  et la daurade. Le champagne est d’une classe infinie. C’est un aboutissement de la complexité idéale du champagne. Et la daurade a un je ne sais quoi qui, comme Madame Arthur, fera parler d’elle longtemps. Elle sait capter le génie du vin. Sur ma chaise, j’ai les remuements et les signes que quelque chose de grand se passe. On touche quasiment au divin.

Les morilles sont merveilleusement délicieuses. Vont-elles ressusciter le Bienvenue Bâtard Montrachet Tasteviné Bouchard Père & Fils 1960 ? On pourrait le croire, car le vin donne le change pendant trois secondes en bouche. L’attaque ne révèle aucun vice. Mais c’est le final qui est mortel. Le vin est mort, définitivement mort, même s’il peut être bu sans aucune grimace. Il sert à mettre en valeur le Chablis Premier Cru Louis Latour 1979 qui est délicieux. Il est impossible de lui donner un âge et c’est presque incompréhensible qu’il puisse avoir trente ans, tant sa couleur est d’un jaune citronné et son goût d’une fraîcheur juvénile. L’accord entre la morille et le chablis est plus que pertinent.

J’ai un amour certain pour le Château Cheval Blanc 1962 que j’ai bu plusieurs fois. Celui-ci est bon, comme l’annonçait son parfum à l’ouverture, mais je le ressens sous un voile de poussière. Comme j’ai l’habitude de boire les dernières gouttes de la lie, la noblesse du vin m’est réapparue sur le concentré final d’un vin d’une grande finesse. Et c’est réellement réconfortant de savoir qu’il est au rendez-vous, même fugacement. En fait peu d’entre nous s’intéressent à ce vin, car la vedette dévorante, qui accapare tous les esprits, c’est le Château Haut-Brion 1923 que je n’aurais pas attendu à un niveau aussi exceptionnel. Je dis à un ami : « rien que ce vin justifie à lui tout seul le voyage que nous faisons dans le monde des vins anciens ». Car ce vin a tout pour lui. Il est généreux, velouté, chamarré des reps les plus lourds et décoré de cistes de Cybèle. C’est un plaisir rare que goûte particulièrement l’un des journalistes, membre du Club des Cents, et adorateur de ce Château. Le rouget présenté plus cuisiné que dans sa pureté réagit moins aux deux bordeaux, même si l’accord se trouve.

On me sert en premier La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1969 et j’interromps les discussions animées pour déclarer que contrairement à mes avertissements, ce vin n’est pas malade. J’en profite quelques instants, mais je remarque que l’on gronde autour de moi au fur et à mesure que le vin est servi. Certains amis se plaignent de son odeur. Or dans mon verre servi des premières gouttes, je ne sens toujours rien. On me demande comment n’ai-je rien remarqué et par un phénomène étrange, ce vin qui n’avait aucun signe de bouchon et aucun goût de bouchon va développer tardivement dans mon verre une forte odeur de bouchon, non perceptible en bouche. Pourquoi l’apparition de cette odeur a-t-elle été cachée pendant plusieurs minutes, c’est une énigme pour moi. Le vin, même s’il suggère ce que pourrait être la signature du Domaine de la Romanée Conti ne présente aucun réel intérêt. Là aussi, par un effet de compensation, le Clos Vougeot Paul Dargent 1928  va n’en paraître que plus beau. On a en ce vin tout le charme et l’opulence de l’année 1928. Ce qui est appréciable, c’est la pureté du message. On ne se trouve pas en présence d’un bourgogne parmi les plus complexes. Mais il y a une générosité, une clarté de voix qui n’appartient qu’à des vins de race ou à des vins d’une immense année. La couleur encore sur le rubis, comme celle aussi jeune du Haut-Brion 1923, est un petit bonheur. Ce qui me frappe, c’est l’équilibre de ce beau vin, moins racé que le Haut-Brion mais très chaleureux. Le pigeon en trouble plus d’un, car il est assez peu fréquent qu’une des aiguillettes soit servie crue. Si l’on accepte le voyage en terre inconnue, c’est d’un beau dépaysement.

J’ai stoppé Vincent qui voulait servir en même temps le Corton Bonneau du Martray rouge 1999 et j’ai bien fait. Nous le buvons en ‘entre-deux’, comme un trou normand. Il nous fait prendre conscience de l’éloignement considérable des deux mondes, celui des vins anciens et celui des vins récents. Car cet excellent Corton dont on jouirait autrement avec bonheur fait ici simplifié, ébauche, silex non taillé. Il n’eût pas été nécessaire d’ouvrir un vin de plus. Mais j’avais été anxieux lorsque j’ai ouvert des vins incertains.

Le Fleurie Remoissenet Père & Fils 1967 est une belle curiosité. Son parfum d’ouverture était sympathique. Comme pour le Cheval Blanc 1962 je ressens un voile de poussière. Le vin n’est pas grandiose mais il méritait d’être essayé. On s’intéresse surtout au Chateauneuf-du-Pape Réserve des Chartres 1947 dont je tombe amoureux. Les vins du Rhône, quand ils atteignent ces âges, prennent une sérénité, une simplicité de ton qui m’évoque la calligraphie chinoise ou la justesse des traits des dessins de Picasso. On dirait que le Rhône joue à l’économie de moyens pour ne délivrer que l’essentiel, mais quel essentiel !

Sur un Stilton parfait, le Château de Malle Sauternes 1961 se montre éblouissant. Il joue, sur cette année, dans la cour des grands, embouchant une trompette alto en mi-bémol. Chaud, caressant, puissant, il n’a pas une extrême profondeur, mais il se rattrape par sa joie de vivre, que lui communique abondamment le fromage.

Le Château Guiraud Sauternes 1893 est un seigneur. Vivant, noble, serein, subtil, il est précieux et délicat. On ne peut que l’aimer, la mangue lui convenant parfaitement, sa couleur évoquant les mangues bien mures.

Il était déjà fort tard quand il a fallu cesser les échanges animés pour se concentrer sur les votes. L’un des journalistes ayant dû s’éclipser, c’est son voisin de table qui vota pour lui en se fiant aux commentaires qu’il lui avait faits en cours de repas. Quatre vins n’ont pas eu de vote, le Cheval Blanc, le Bienvenue Bâtard, La Tâche et le Fleurie. C’est très logique si l’on considère les performances qu’ils ont eues ce soir, mais cela veut dire aussi que neuf vins ont figuré dans les votes, ce qui me console. Cinq vins ont été nommés premiers, ce qui est bien quand on sait que le Haut-Brion 1923 est élu au premier tour, avec cinq votes de premier, remarquable performance. Le Guiraud obtient deux votes de premier et les trois autres vins qui ont eu un vote de premier sont le Krug, le Chateauneuf-du-Pape et le Malle.

Le vote du consensus serait : 1 – Château Haut-Brion 1923, 2 – Château Guiraud Sauternes 1893, 3 – Chateauneuf-du-Pape Réserve des Chartres 1947, 4 – Champagne Krug 1982.

Mon vote est : 1 – Champagne Krug 1982, 2 – Chateauneuf-du-Pape Réserve des Chartres 1947, 3 – Château Haut-Brion 1923, 4 – Clos Vougeot Paul Dargent 1928. La place de premier accordée par le consensus est plus logique que celle que j’ai donnée, mais c’est l’accord sublime qui a influencé mon choix.

La cuisine de Christian Le Squer a été particulièrement inspirée. Les accords se sont bien développés. Le service a été une nouvelle fois exemplaire. Personne ne voulait quitter la table, chacun prolongeant le confort moelleux d’avoir vécu une belle aventure. Les moments intenses furent nombreux au cours de ce grand dîner. Apparemment comme me l’a fait remarquer Patrick Simiand, je porte chance au restaurant puisque chaque fois que j’y fais un dîner, tous les salons sont occupés, la cuisine ayant servi ce soir plus de trois cents repas.

Alors, revenons vite …

119ème dîner le 28 mai 2009 – les vins jeudi, 28 mai 2009

Champagne Dom Pérignon 1976

Champagne Krug 1982

Bienvenue Bâtard Montrachet Tasteviné Bouchard Père & Fils 1962

Château Cheval Blanc 1962

Château Haut-Brion 1923

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1969 (basse)

Clos Vougeot Paul Dargent 1928

Fleurie Remoissenet Père & Fils 1967

Chateauneuf-du-Pape Réserve des Chartes 1947

Château de Malle Sauternes 1961

Château Guiraud Sauternes 1893 (reconditionné au château en 2000)

Chablis 1er cru Louis Latour 1979 (en réserve)