Marcello est un jeune amateur de vins italiens qui s’est passionné pour des vieux Barolos et est entré en relation avec une personne qui va fouiner dans des caves anciennes et qui, après tri, rapporte à Marcello de vrais trésors. Ce fournisseur ne lui réserve que les plus belles bouteilles.
Marcello me suit sur Instagram et rentre en contact avec moi pour participer à un déjeuner à l’Assiette Champenoise d’Arnaud Lallement et m’annonce un nombre important de vieux vins dont un Barolo 1920 de Giacomo Conterno. J’ai l’impression d’avoir oublié tout ce qu’il m’a dit, ne conservant que le Barolo 1920 car immédiatement une lumière s’est allumée dans mon cerveau : voici une occasion unique d’ouvrir un Vega Sicilia Unico de 1920, bouteille très rare.
Je donne mon accord à participer et je vais réfléchir à mes apports. J’ai cru entendre qu’il y aurait des vignerons de Champagne dont certains que je connais et je n’en sais pas plus, essentiellement parce que je n’ai pas écouté. Je propose à Marcello de venir à 10 heures au restaurant pour ouvrir les vins.
Le jour venu je suis en avance à 9h30. Marcello est à l’heure à 10 heures et fait remonter de la cave deux caisses en cartons où douze vins italiens anciens reposent. Je lui dis que ce serait déraisonnable d’ouvrir tous ces vins, car nous serons sept, un huitième ayant décliné pour Covid.
Marcello me confirme sa volonté que tout soit ouvert pour ce repas que l’on peut dire de folie. De mon côté, j’ai apporté un vin de Syracuse de 1946 que nous avons décidé de ne pas ouvrir. On ouvrira le Riesling Ruffino Monteselva 1970 dont je me demande bien par quel miracle il était entré dans ma cave, le Vega 1920 bien sûr et j’ai apporté un Marc de Rosé du domaine d’Ott 1929 pour la fin de repas.
Je confie à Marcello mon tirebouchon Durand pour qu’il ouvre les vins les plus jeunes et je commence avec les plus anciens. Marcello me fait remarquer à quel point les vieux bouchons sont de grande qualité, certains étant plus du bois que du liège. Tous les parfums sont brillants. Aucune bouteille ne pose problème. Tous les niveaux dans les bouteilles sont impressionnants, si hauts dans le goulot.
L’opération d’ouverture se fait très vite aussi avons-nous le temps, Marcello et moi de bavarder. Arnaud Lallement nous rejoint pour évoquer les plats qu’il a envie de réaliser pour nous. J’essaie de faire des simplifications dans certaines recettes car les vins anciens ont besoin de goûts très cohérents, sans pistes gustatives qui éloignent du goût principal. Avec Arnaud nous faisons des concessions mutuelles afin que chacun soit content.
Le menu préparé par le chef est : Ruche de notre parc / gambon, caviar / Saint-Pierre de petit bateau / raviole carbonara, truffe noire du Périgord / homard bleu, hommage à mon père / ris de veau, carotte boule, jus de veau / pigeonneau fermier en tourte, épinard / fromages / chocolat Guanaja / mignardises.
Les vignerons arrivent et nous prenons l’apéritif au bar, assis bien sûr comme l’exige notre Premier Ministre. Le Champagne Bérêche & Fils Rosé Le Cran Magnum 2006 a une belle attaque et une couleur magnifique mais je le trouve un peu court, ce qui est corrigé par les délicieux petits canapés d’apéritif.
Le Champagne René Geoffroy Extra Brut 2000 a une magnifique vivacité. Il est beau et intense.
Le Champagne Tarlant P & F 1976 dégorgé en novembre 2006 montre quelques signes de fatigue qu’il ne devrait pas avoir à son âge.
Je n’arrive toujours pas à comprendre comment j’ai pu avoir en cave ce Riesling Ruffino Monteselva 1970. Il est très au-dessus de ce que j’imaginais. Il n’a pas franchement le goût d’un riesling, sauf sur le caviar avec lequel il forme un accord brillant. Il est riche et bien construit.
Le Barolo Bruno Giacosa 1988 est un vin très large et opulent et je suis très content d’avoir suggéré qu’on le goûte sur un poisson cru, car il s’y associe brillamment.
Le Barolo Fontana Savero 1971 a un nez moyen mais en bouche il est superbe. Il a cinquante ans mais montre une extrême jeunesse tant il est vif.
Le Vino Rosso Riserva Luigi Nervi & Figlio Gattinari 1967 est adorable, tant il est en douceur et subtil.
Le Barolo Oddero 1961 a une belle attaque mais je n’aime pas trop son finale qui offre des accents camphrés.
Le Barolo Marchesi di Barolo 1958 est un peu neutre, acide et complexe.
Le Barolo Mascarello Natale fu Maurizio 1958 est sublime de douceur. C’est le meilleur vin à ce stade.
Le Brunello di Montalcino Biondi-Santi 1957 est d’une couleur très noire et a des accents de café. La bouche est meilleure que le nez et au global c’est un vin de belle personnalité.
Le Barolo Giacomo Conterno Monfortino Riserva 1945 est extraordinaire, fabuleux, mythique. Il est si jeune. Il combine velours et énergie. Je tombe amoureux de ce vin parfait.
Le Barolo Marchesi di Barolo 1933 est fabuleux lui aussi, plus viril et puissant que le 1945. Voilà deux vins qui se suivent, très différents mais tous les deux au sommet de l’appellation Barolo.
Décidément, le Barolo Giacomo Borgogno & Figli Riserva Speciale 1931 est lui aussi magique, avec un finale mentholé comme les Vega Sicilia Unico. Il est fabuleux, mais je préfère le 1933.
Avec les deux 1920, nous allons marcher sur une autre planète. Le Barolo Riserva Giacomo Conterno Monforte d’Alba 1920 est magique, riche, immense. Ce vin est d’une cohérence unique. On ne pourrait pas changer le moindre iota de ce vin parfait. Ce vin est le premier millésime des vins de réserve du domaine. Une rareté infinie.
Le Vega Sicilia Unico Cosecha 1920 aurait pu conduire à ce que je m’évanouisse. Il est évidemment en ce jour le plus grand de tous les Vega que j’ai eu la chance de boire. Et ce qui est étonnant c’est qu’il a toutes les caractéristiques qui font l’excellence des jeunes Vega Sicilia Unico. Quelle fraîcheur !
Le 1920 italien est parfait et totalement cohérent. Le 1920 espagnol est plus exotique et tellement charmant. Je comprendrais tout-à-fait qu’on mette en premier le 1920 Barolo mais du fait de mon parcours et de mon amour pour Vega Sicilia je fais le classement suivant : 1 – Vega Sicilia Unico Cosecha 1920, 2 – Barolo Riserva Giacomo Conterno Monforte d’Alba 1920, 3 – Barolo Marchesi di Barolo 1933, 4 – Barolo Giacomo Conterno Monfortino Riserva 1945, 5 – Barolo Giacomo Borgogno & Figli Riserva Speciale 1931, 6 – Barolo Mascarello Natale fu Maurizio 1958, 7 – Vino Rosso Riserva Luigi Nervi & Figlio Gattinari 1967.
Nous revenons au bar pour déguster l’alcool que j’ai apporté, un Marc de Rosé du domaine d’Ott 1929. Sa couleur est d’un rose magnifique, le plus rose des bouteilles que j’ai acquises. C’est un marc magnifique. Avais-je dans mon inconscient l’envie de montrer à des italiens que les Marcs transcendent les grappas. Je ne le crois pas, ce qui prouve que c’était inconscient. Est aussi inconscient le fait d’avoir mis en premier un vin que j’ai apporté. Est-ce grave docteur ?
Nous avons bavardé, nous remémorant ce déjeuner magique conçu par Marcello, sur la cuisine inspirée d’Arnaud Lallement. Félicitations au sommelier qui a géré tous ces vins. L’ambiance était telle que tout concourt à ce qu’on recommence. Les photos et commentaires que j’ai faits sur Instagram m’ont apporté 600 abonnés de plus en deux jours, en majorité italiens, qui m’ont donné une idée sur l’exploit qu’a réalisé Marcello. Bravo.
les trois champagnes d’apéritif
ce que j’avais apporté avec un 1946 qui ne sera pas ouvert
photos de groupe et avec bouchons
l’objet central de ce magnifique déjeuner :
le repas