Un vin roumain, la perle de la Moldavie jeudi, 16 décembre 2021

A la maison, ma femme a préparé des coquilles Saint-Jacques juste poêlées accompagnées d’épinards cuits dans du gras de foie gras. J’ai envie d’essayer ce soir un vin que j’ai acheté il y a une trentaine d’années et que je n’ai jamais goûté sauf au moment de l’achat. C’est un Château Cotnari Grasa sélection de grains nobles 1988. Ce vin roumain d’appelait au quinzième siècle « la perle de la Moldavie ». Il est vinifié comme le sauternes. Sa couleur est d’un bel or. Le nez évoque la couleur et en bouche il est agréable comme un sauternes. L’accord avec les coquilles est naturel et à ma grande surprise l’accord se trouve aussi avec les épinards délicieux, assouplis par leur cuisson.

Parmi les fromages qui font la suite du repas, c’est un Sainte Maure qui s’accorde le mieux avec le vin roumain. Mon choix de vin avait été influencé par le fait que de dessert soit une mangue coupée en dés. L’accord se trouve bien sûr malgré le fait que la mangue ne soit pas tonitruante. J’ai alors l’idée de servir le fond de la bouteille du Bastor Lamontagne 1929, qui permet de faire deux verres, pour ma nièce et moi. Et c’est ainsi qu’on se rend compte de l’abîme qui sépare les deux vins liquoreux. Le Cotnari Grasa nous plaisait et le sauternes nous projette dans la transcendance. Il n’est pas mauvais de faire ce type de comparaison qui éclaire la vision sur un vin fort agréable mais simple. Ma nièce a été subjuguée par la complexité aromatique du sauternes de 92 ans.

Repas de conscrits au complet de notre club mercredi, 15 décembre 2021

C’est la première fois depuis deux ans que notre cercle de conscrits est au complet. L’ami qui invite nous reçoit au Yacht Club de France. Il a conçu avec Thierry Le Luc directeur de la restauration et Benoît Fleury le chef de cuisine un bien joli programme.

Les hors d’œuvre d’apéritif sont copieux et délicieux présentés sur l’argenterie d’un bateau d’un membre du club. Il y a de la poutargue sur canapé avec une sauce pertinente, du homard, du thon fumé et des charcuteries fines dont de goûteuses andouilles. Le Champagne Bliard Moriset du Mesnil-sur-Oger est un blanc de blancs agréable.

Le menu composé par le club est : assiette de fruits de mer / bar de ligne en croûte de sel, sauce hollandaise, pommes dauphine, asperges vertes / fromages d’Éric Lefebvre / croquant au chocolat noisette.

Les vins qui accompagnent ce beau menu sont eux aussi agréables, un Puligny-Montrachet dont je n’ai noté ni l’année ni le nom, suivi d’un Meursault Vieilles Vignes Buisson-Charles 2015 dont une première bouteille souffrait d’un défaut olfactif et la seconde d’une belle prestance et une jolie présence minérale.

Le Château les Carmes Haut-Brion 2002 est lui aussi fort courtois. Le plus impressionnant du repas fut le bar en croûte de sel dont la chair idéale nous a comblés. Une fois de plus nous avons reconstruit le monde qui n’attendait, bien sûr, que nos réflexions.

Dom Pérignon 2002 lundi, 13 décembre 2021

Une nièce de ma femme vient nous rendre visite pour quelques jours. Pour saluer son arrivée, j’ouvre un Champagne Dom Pérignon 2002. Le bouchon vient normalement. Il y a un joli petit pschitt. La couleur est très clair. Ce qui frappe immédiatement, c’est la personnalité de ce champagne. Il est racé, multiforme, sympathique et vibrant. Il est très agréable à boire et ses 19 ans lui vont bien. On le boira sur un foie gras fort agréable et sur un camembert Jort bien typé. Ce champagne est particulièrement sociable. Je l’ai essayé sur du chocolat fait pour la mousse au chocolat. L’accord est gourmand.

j’ai vu des taches sur la bouteille et cela m’a fait penser à un protrait d’homme, comme celui que je joins.

Saucisse de Morteau et vin jaune lundi, 13 décembre 2021

Ma fille cadette vient avec ses enfants déjeuner le dimanche. Ma femme a dès la veille fait mijoter des saucisses de Morteau avec du chou, des carottes et des pommes de terre. J’ai un amour aveugle pour les saucisses de Morteau.

A l’apéritif où nous grignotons des chips de toutes formes, sarrasin, truffe, nature ainsi que des amandes salées, j’ai ouvert un Champagne Moët & Chandon Brut Impérial 1990. Sa couleur est claire et belle, le pschitt est très affaibli mais la bulle est bien présente. Ce champagne est confortable. Il a une maturité idéale qui lui donne de beaux accents de jeunesse. Il est gourmand, long très agréable.

Pour la potée aux saucisses de Morteau j’ouvre un Vin Jaune Henri Maire 1942 d’une bouteille de 62 cl, un beau Clavelin. Le niveau est quasiment dans le goulot. Je ne m’imaginais pas que ce vin jaune puisse avoir une telle qualité. Je savais que l’année 1942 est excellente pour les vins jaunes et les Château Chalon, mais à ce point de réussite je ne m’y attendais pas. Ce qui caractérise ce vin, c’est le charme et la cohérence. L’accord est absolument idéal. Nous continuons à boire le vin du Jura avec du comté comme il se doit.

Dans l’après-midi mon fils nous rejoint et reste à dîner. Il finira les deux vins qui sont toujours aussi bons et riches et il boira du Château Bastor Lamontagne 1929 que j’avais ouvert pour le déjeuner récent dans ma cave et qui brille encore aussi bien par son parfum que par son goût raffiné et profond. Sa couleur est devenue absolument noire mais le vin est bon. Il en restera une goutte pour demain.

le 257ème dîner se tient au restaurant Maison Rostang dimanche, 12 décembre 2021

Un ami fidèle de mes dîners avait invité en 2018 des camarades de classe. C’était le 227ème dîner. Il avait voulu recommencer en 2020 mais c’est le Covid qui n’a pas voulu et a fait repousser ce dîner deux fois. La troisième tentative est la bonne et ce sera le 257ème dîner qui se tiendra au restaurant Maison Rostang.

Les vins ont été livrés il y a une semaine. Le jour venu, je prends la trousse avec mes outils d’ouverture. Il se trouve que j’ai deux trousses de même forme et de même couleur. Je soupèse l’une d’elles. Au poids, au toucher elle me semble la bonne. Un taxi me conduit jusqu’au restaurant où j’arrive à 16 heures. Jérémie, le sympathique sommelier va chercher la caisse des bouteilles qu’il a mises à la verticale la veille, comme je le lui avais demandé. J’ouvre la trousse. Catastrophe, ce n’est pas la trousse avec les longues mèches mais une autre avec des accessoires utiles, mais sans mèches. Je n’arriverais jamais à lever les bouchons déchirés. Fort heureusement j’ai pris un Durand, qui est un astucieux tirebouchon qui combine la mèche d’un tirebouchon avec un bilame, qui officient ensemble. Cet outil est extrêmement pratique mais il a un défaut : ses lames latérales blessent le bouchon, ce que je ne souhaite pas puisque je collectionne les bouchons.

Nécessité fait loi, j’utilise le Durand. L’avantage de cet outil, c’est que l’on va dix fois plus vite qu’avec mes mèches, mais l’on n’éprouve pas les mêmes sensations. J’ai un petit doute sur le nez du Puligny-Montrachet qui pourrait être bouchonné. Le nez du Rayne Vigneau est absent. Au moment d’ouvrir l’Yquem 1980, je me dis que ce vin étant jeune, je pourrais l’ouvrir avec un limonadier classique alors que j’ai utilisé le Durand pour tous les autres. Patatras ! La partie basse du bouchon toute humide et imprégnée ne monte pas avec le haut du bouchon. Impossible de la rattraper. Avec Jérémie nous transvaserons le vin dans une carafe, Jérémie extirpera le bouchon « à la ficelle », technique que j’ai utilisée de nombreuses fois, ce qui permet ensuite de remettre le vin dans sa bouteille. Pendant ces opérations le parfum de l’Yquem inonde la pièce. Il est divin. Parmi les parfums les plus engageants il y a celui du Brane-Cantenac 1928, du Chambertin Clos de Bèze 1961, du Château Rayas 1988 et du Paternina Rioja 1928.

J’ai fini les opérations d’ouvertures avant 17 heures. Il me reste trois heures avant l’arrivée des convives. Jérémie m’offre une bière blonde de la Parisienne, mais je n’ai pas grand-chose à faire. Aussi j’envoie un message à Charles, l’organisateur de ce repas, lui demandant de venir plus tôt s’il le peut. Très gentiment il le fera.

Nous bavardons sur les qualités potentielles des vins ouverts et je dis à Charles qu’il ne m’étonnerait pas que le Chambertin Clos de Bèze Pierre Damoy 1961 soit dans les premiers ou premier, car chaque fois que je l’ai mis dans mes dîners, probablement une douzaine de fois, il a été dans les premiers ou premier.

Charles m’annonce que deux amis pourraient avoir un léger retard et suggère que l’on prenne un vin de la cave du restaurant malgré le fait que j’ai prévu quatorze vins pour onze convives. Charles commande un Champagne Jacques Selosse millésimé 2007 qui a été dégorgé en novembre 2019.

Il ne paraît pas choquant que nous le goûtions avant les premières arrivées. Le champagne a un ambre très léger, une bulle active. En bouche il est extrêmement atypique. Je lui trouve un goût de vieux parchemin. Il a le charme de la visite d’une vieille église. On est face à un champagne d’un autre temps, d’une autre planète.

Les invités qui arrivent goûtent ce champagne qui ne laisse pas indifférent tant il sort des sentiers battus. Les retardataires ne le sont pas tant que cela aussi nous nous asseyons pour prendre l’apéritif, Covid oblige. Nous sommes onze dont quatre femmes.

Le Champagne Perrier Jouët Belle Epoque 1982 est d’un charme et d’un équilibre enthousiasmants. Il est mis en valeur par le 2007 car il rassure, fluide, large, et d’une belle sérénité. Les petits amuse-bouches de début de repas ont des goûts prononcés superbes.

Le Champagne Dom Ruinart Blanc de Blancs 1964 a un nez légèrement imprécis qui va disparaître assez rapidement. J’avais ouvert les champagnes à 19 heures. J’aurais dû les ouvrir à 18 heures. Le goût de ce champagne est d’une personnalité extrême, un pur velours. Il est large et doux, calme et subtil. Un vrai bonheur qui trouble plusieurs convives car il leur est difficile d’imaginer qu’un champagne de 57 ans puisse avoir une aussi belle jeunesse.

Le menu composé par Nicolas Baumann est ainsi conçu : langoustines pochées dans un consommé puis rôties, coques au bouillon, sarrasin soufflé, bouillon de langoustines mousseux / homard bleu laqué au barbecue, coussins de céleri et chèvre frais de chez Fabre, jus de la presse lié au corail / dos de chevreuil rôti, la gigue confite, salsifis rafraîchis à la menthe, jus d’airelles au vin de syrah / suprême de pigeon, petit chou farci et jus d’un salmis / stilton / ananas rôti et en fines lanières à cru, sorbet ananas / mignardises.

Les deux blancs sont associés à la langoustine. Le Château Haut Brion blanc 1966 est d’une couleur claire, frais et riche. Il offre une densité forte et une belle longueur. C’est un grand vin blanc noble.

Le Puligny-Montrachet Clos de la Mouchère 1980 est aussi très clair et il n’a pas du tout le nez de bouchon que je redoutais. Il a même un parfum plus épanoui que celui du bordeaux. La juxtaposition montre que le vin bourguignon n’a pas le coffre et la densité du bordelais qui surclasse le Puligny, même s’il est agréable.

L’association homard et bordeaux rouge est un de mes plaisirs. Le crustacé aura trois compagnons que j’ai voulu de périodes distinctes. Le Château Haut-Brion 1980 est droit, classique, bien né et construit mais manquant un peu de folie pour mon goût.

Le Château La Gaffelière Naudes Saint-Emilion 1953 a une couleur presque noire et une richesse doublée d’une énergie peu commune. Il est puissant et conquérant.

Le Château Brane-Cantenac Margaux 1928 a le charme féminin des vins de Margaux et il ajoute l’équilibre et la prestance de l’année 1928. C’est un vin élégant qui ne fait pas son âge. Pour mon goût le classement de ces trois vins irait du plus ancien au plus récent. Les votes des convives ne diront pas la même chose.

Sur le chevreuil il y a un bourgogne et un vin du Rhône. Le Chambertin Clos de Bèze Pierre Damoy 1961 a un nez d’une expressivité extrême. En bouche, son charme est infini. Il est délicat, racé, subtil. On n’arrêterait pas de boire un vin aussi équilibré et parfait. C’est un ange.

Le Château Rayas Châteauneuf du Pape 1988 est d’un millésime que j’adore pour ce vin. Son parfum fait clairement la différence avec celui du chambertin en étant résolument rhodanien. Il a beaucoup de charme, il est solide et bien fait, mais ne peut pas lutter avec le chambertin.

L’Hermitage de Boissieu 1959 est un vin solide, bien construit, mais qui manque un peu de flamboyance. Il aura quelques votes de six convives mais le vin espagnol lui fait de l’ombre.

Le Rioja Ollauri Paternina 1928 a un nez d’une rare délicatesse et je ressens des fruits roses dans son parfum. En bouche il combine élégance et puissance dans un registre très affirmé. Comme pour le Brane Cantenac on peut constater qu’un vin de 93 ans peut avoir une énergie exceptionnelle. Ce vin aura les faveurs de mon vote.

Le Château d’Yquem 1980 est un sauternes magnifique dont le parfum est le plus exubérant de tous les vins tout en étant raffiné. Il est nettement plus riche et subtil que ce qu’on lit dans les livres pour son année. L’accord avec un beau stilton est un vrai bonheur.

Le Château Rayne Vigneau 1942 souffre hélas d’un nez bouchonné. Il se pourrait qu’il disparaisse mais à ce stade du repas nous n’avons pas le temps d’attendre.

J’ai apporté un Marc de Champagne Oudinot & Fils 45° années 40 dont la bouteille avait déjà été ouverte il y a quelques mois. Il est particulièrement fort mais dès qu’on s’est habitué à sa puissance on s’aperçoit qu’il est frais, fluide, fruité et joliment ensorceleur. C’est probablement l’un des meilleurs marcs que j’aie bus.

Nous sommes onze à voter pour nos cinq préférés de 13 vins, le Selosse et le Marc ne participant pas au concours. Cinq vins seront nommés premiers, le chambertin quatre fois, le Haut-Brion blanc deux fois, comme le Haut-Brion rouge ainsi que le Rioja 1928 et l’Yquem quant à lui aura un vote de premier.

Tous les vins auront eu au moins un vote sauf le Rayne-Vigneau et il est apparu une diversité des votes qui tient à la forme de la table. La table est en longueur, Charles est en face de moi, et il y a quatre convives à ma gauche et cinq convives à ma droite formant des groupes qui vont voter différemment. Ainsi, cinq votants à ma gauche ont glorifié le Haut-Brion 1980 alors que les cinq à ma droite ne lui ont donné aucun vote. Pour le Dom Ruinart 1964 les quatre votes sont tous à ma droite et rien à ma gauche. De même l’Hermitage 1959 a eu six votes dont cinq à ma droite et un à ma gauche. Il est certain que lorsqu’il y a une table en longueur, trois conversations se forment, à droite, à gauche et au centre, et dans chaque groupe il y a un convive qui va influencer la vision des autres. C’est une constatation que j’ai déjà faite, mais peut-être pas aussi nettement que ce soir.

Le vote global est : 1 – Chambertin Clos de Bèze Pierre Damoy 1961, 2 – Château Haut-Brion 1980, 3 – Rioja Ollauri Paternina 1928, 4 – Château d’Yquem 1980, 5 – Château Brane-Cantenac 1928, 6 – Château Rayas Châteauneuf du Pape 1988.

Mon vote est : 1 – Rioja Ollauri Paternina 1928, 2 – Chambertin Clos de Bèze Pierre Damoy 1961, 3 – Château Rayas Châteauneuf du Pape 1988, 4 – Château Brane-Cantenac 1928, 5 – Château d’Yquem 1980.

Ce n’était pas facile de servir tous ces nombreux vins à onze convives. Jérémie le sommelier s’en est très bien chargé après un démarrage un peu difficile, vite oublié. La cuisine a été pertinente et magnifiquement réalisée par un chef heureux de cuisiner et une équipe soudée. L’ambiance joyeuse créée par ce groupe d’amis a fait de ce repas un repas réussi.

Champagne Perrier Jouët Belle Epoque 1982

Champagne Dom Ruinart Blanc de Blancs 1964

Château Haut Brion blanc 1966

Puligny-Montrachet Clos de la Mouchère 1980

Château Haut-Brion 1980

Château La Gaffelière Naudes 1953

Château Brane-Cantenac 1928

Chambertin Clos de Bèze Pierre Damoy 1961

Château Rayas Châteauneuf du Pape 1988

Hermitage de Boissieu 1959

Rioja Ollauri Paternina 1928

Château d’Yquem 1980

Château Rayne Vigneau 1942

Marc de Champagne Oudinot & Fils 45° années 40

le chef fait du repassage

présentation des vins de 2018 du domaine de la Romanée Conti vendredi, 10 décembre 2021

La présentation des vins du domaine de la Romanée Conti du millésime qui vient d’être commercialisé est faite chaque année par Aubert de Villaine au siège de la société Grains Nobles. Nous allons goûter les vins du millésime 2018. A la table des présentateurs il y a Michel Bettane et Bernard Burtschy qui commentent avec pertinence les vins en cohérence avec l’exposé d’Aubert de Villaine. Il y a cette année le dirigeant de la société Riedel, qui est dans la même famille depuis quatre cents ans. Il est venu pour présenter un verre qui a été conçu pour la Romanée Conti.

Arrivé en avance je vais saluer Aubert de Villaine qui prépare son exposé dans une salle éloignée. Je lui parle du Richebourg 1937 préphylloxérique qui m’a ébloui et Aubert me répond : vous trouverez cette perfection dans La Tâche 18. Je le regarde avec des yeux ronds, incrédules, lui demandant s’il allait vraiment servir La Tâche 1918. Il s’est mis à sourire de mon erreur, car il voulait dire, évidemment, La Tâche 2018 ! J’ai tellement la tête dans le monde des vins anciens qu’un 18 ne peut être que 1918. Aubert a raconté cette amusante méprise lors de la présentation des 2018 et non 1918.

Aubert de Villaine présente l’année 2018 qui fut homérique. L’hiver pluvieux a été suivi de périodes d’extrêmes chaleurs, jusqu’à 33° suivies de neiges en avril. Le temps a fait des montagnes russes. La vigne allait vite, plus vite que les hommes. Il y a eu des maladies, surtout le mildiou, ce qui a eu des conséquences telles que la diminution des quantités, compensée heureusement par une amélioration de la qualité. Le 15 juin le vent du nord est apparu et sur août il y a eu 15 jours de canicule. Dès le 15 août les degrés potentiels étaient élevés mais il n’y avait pas encore assez de complexité. Les vendanges ont commencé le 31 août avec le Corton et le 3 septembre à Vosne Romanée, presque à la même date que 2017. Les rendements ont été faibles, avec 18 hectos à l’hectare ce qui est peu, l’Echézeaux ayant 32 hectos/ha et le Corton 35 hectos/ha ce qui est beaucoup.

La dégustation commence avec le Corton Prince Florent de Mérode Domaine de la Romanée Conti 2018 fait de trois appellations, Clos du Roi, Bressandes et Renardes, à peu près à égalité, qui sont vinifiées ensemble. Le vin a une belle couleur. Le nez est de poivre, très riche et dense. En bouche le vin est suave, presque gourmand. Il est riche, fort, assis et solide. Il n’a pas le style Domaine de la Romanée Conti que j’avais trouvé pour le 2017.

Aubert de Villaine dit que le vin est très mûr, proche de la sur-maturité. Le finale montre plus de sensibilité. Le vin est gourmand de concentration forte.

L’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2018 a une couleur assez claire. Le nez est totalement Domaine de la Romanée Conti, tellement subtil. Il a un poivre plus élégant que le Corton. Son parfum est de fraîcheur.

La bouche est riche et pianote de belles complexités. L’amertume est délicate. Le vin est frais, sauvage, et j’adore son parfum. C’est un vin passionnant d’une année riche. Aubert de Villaine dit qu’il est soyeux et Michel Bettane dit qu’il est généreux. Il a une belle matière riche et une belle complexité.

Le Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2018 a une belle couleur et un nez plus discret. L’attaque en bouche est superbe. C’est un vin élégant et très riche, un vin fou de richesse, plein, solide, au parfum élégant et subtil. Aubert de Villaine trouve le Grands Echézeaux plus élégant que l’Echézeaux. C’est un vin à la fois riche et cristallin, à la forte présence.

La Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 2018 a un nez très équilibré. Le vin est fluide, riche, solide. Le finale est frais. C’est un vin élégant, de forte persistance et de grande longueur. J’aime sa personnalité, florale et marquée d’épices. Michel Bettane et Bernard Burtschy disent que c’est un vin parfait. Il y a un beau fruit et le côté floral donne l’élégance. Sa petite amertume est délicieuse rendant le vin très plaisant.

A ce stade je trouve que les vins très solaires, au grain très riche n’ont pas le caractère habituel des vins du Domaine de la Romanée Conti.

Le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 2018 a un nez superbe. Le vin est superbe, raffiné, puissant. Ce n’est que du bonheur. La couleur est soutenue, l’épice est douce. C’est un vin d’un équilibre rare. C’est le premier millésime du successeur de Bernard Noblet, dont Aubert de Villaine dit qu’il a vraiment compris ce qu’il faut faire. Les tannins sont magnifiques, c’est un grand vin que Michel Bettane ne cesse de complimenter. Il est joyeux, gourmand, au finale enthousiasmant.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 2018 est le vin qui a été vendangé en dernier. Il a un nez dense, concentré, riche, envoûtant. Sa couleur est très belle. En bouche il est suave, riche, presque moelleux. Il a une grâce soyeuse où s’esquisse une discrète vanille. Elégance et charme composent sa perfection. C’est un vin de rêve, de fraîcheur, aérien et irréel de perfection. Je suis sous son charme. Ce vin est impressionnant.

La Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 2018 nous est servie dans un verre imposant présenté par le dirigeant de Riedel. Malgré ce verre qui devrait faire exploser les fragrances, je trouve que le vin a un nez particulièrement discret et cela m’interpelle. Le vin est subtil et fluide. Il est frais et léger.

Je décide de verser la moitié de mon verre dans l’un des verres plus petits utilisés jusqu’ici. Le parfum devient plus expressif et même le goût est plus vif dans le petit verre. J’ai demandé autour de moi si la constatation est la même. Il apparaît que ce verre Riedel emprisonne les parfums au lieu de les révéler.

La Romanée Conti est un grand vin mais pas subjuguant. Alors que dans de nombreuses années la Romanée Conti fait la différence par rapport à La Tâche et les autres vins, cette année 2018 est faite pour La Tâche. Mais avec la Romanée Conti il faut se méfier, car elle peut réserver des surprises. Le vin est bien fait, riche complet, mais il n’y a pas le rêve.

C’est La Tâche qui marque les esprits et Aubert de Villaine fait une remarque de grande pertinence : quand un vin atteint la perfection de La Tâche 2018, on n’aura pas forcément plus de plaisir dans des dizaines d’années que ce que l’on a avec ce vin dont le bonheur explose. Je ne suis pas du tout opposé à cette vision.

Le Montrachet Domaine de la Romanée Conti 2018 est d’une couleur très claire. Le nez est superbe, si puissant avec un peu de pétrole et une belle minéralité. Le vin est fluide, droit et direct, très élégant, sans un gramme de botrytis. J’écris : magnifique, phénoménal. Il est magique, subtil et d’une longueur inextinguible. Il transcende tout ce qu’on a bu jusqu’à présent.

Cette présentation est passionnante et les réflexions d’Aubert de Villaine sont un régal à entendre, bien complétées par les remarques de Michel Bettane et Bernard Burtschy.

Un repas était prévu auquel j’étais convié, mais ayant un important dîner le lendemain, j’ai préféré me retirer pour me reposer, heureux de cette présentation d’un millésime atypique, puissant et accompli.

des photos de vins non retouchées, sans identification a posteriori du vin, sauf bien sûr le Montrachet.

Déjeuner de vins anciens dans ma cave jeudi, 9 décembre 2021

Deux amis viennent déjeuner dans ma cave. Ma collaboratrice a acheté de quoi faire un menu : sushis et sashimis / foie gras / pâté en croûte / saint-nectaire et comté / tarte aux pommes.

Le matin, avant 9 heures, j’ouvre le vin rouge et le liquoreux. A 11 heures j’ouvre le champagne. Tout est prêt quand les amis arrivent.

Le Champagne Krug Private Cuvée années 60 a un bouchon parfaitement cylindrique d’un beau liège, qui résiste un peu à la levée. Il n’y a pas de pschitt. La couleur du champagne est claire pour un champagne de soixante ans et la bulle est très visible dans le verre. Ce qui caractérise ce champagne c’est la pureté, puis la précision. Il est vif, cinglant et noble. C’est vraiment un grand champagne. Il est poli avec les sushis et c’est surtout avec le foie gras qu’il prend son envol. C’est un élégant champagne au long finale.

Le Vosne-Romanée Morin Père & Fils 1945 a un niveau un peu bas. La couleur du vin variera dans nos verres en fonction de la hauteur dans la bouteille, claire au début et de plus en plus sombre, laissant en fond de bouteille une lie que je boirai avec bonheur. Le vin un peu frais a une petite amertume au début qui s’estompe quand il se réchauffe et devient résolument bourguignon avec une belle personnalité. Il est charpenté, a un peu de café discret et sa solidité me séduit. Pour 76 ans il a une vigueur convaincante. Le saint-nectaire a dû rester de longues semaines sur l’étal du marchand, car il est d’une puissance dévastatrice et le Vosne-Romanée s’en accommode idéalement.

Il y a environ une quinzaine d’années, à Saint-Emilion, j’avais débusqué chez un marchand un lot impressionnant de vieux sauternes dont plusieurs Bastor Lamontagne des années 1900, 1911 et 1929. L’année était marquée sur le papier d’emballage de chaque bouteille, mais lors de déménagements et de rangements les papiers se sont envolés ou effacés. Par bonheur le bouchon lisible indique 1929.

Le Château Bastor Lamontagne Sauternes 1929 a une bouteille de très beau niveau et une couleur très sombre. Dans le verre le vin est marron et dense. Le parfum est superbe et élégant, d’une belle finesse. En bouche il est gourmand, raffiné et on dirait que la tarte au pomme a été faite pour lui.

C’était l’occasion de faire constater à mes amis que des vins de plus de 70 ans peuvent vieillir remarquablement, même s’ils ne sont pas des vins que tous les amateurs s’arrachent. Ils sont d’années mythiques, 1945 et 1929 et ils expriment la beauté de ces années.

J’ai une fois de plus servi le calvados d’un de mes chauffeurs qui est d’une qualité infinie, si pur et d’une pomme si fraîche. Ce déjeuner d’amitié a été un grand moment.

256th dinner at the Pages restaurant dimanche, 5 décembre 2021

During the lunch that I was able to organize at the Plénitude restaurant in Cheval Blanc Paris, three days before the official opening of the restaurant, which was the 253rd of my meals, two Belgian participants, delighted with this meal, asked me to organize a dinner for themselves and some of their friends. We will therefore be seven for the 256th dinner at the Pages restaurant.

I show up shortly after 4 p.m. at the restaurant to open my wines. Matthieu, the excellent sommelier stayed by my side during this operation and it is pleasant for me to be able to discuss and smell the wines while sharing our impressions. There weren’t too many difficulties, but as often old bottles have a neck that is not cylindrical. If it is pinched, it is impossible to pull the cork out without it tearing into many pieces. This was the case for Haut-Bages Libéral 1928, the fragrance of which seduced me with its extreme complexity, almost as beautiful as the fragrance of Latour 1928. The fragrance of Romanée Conti 1967 is strictly what one would expect, with evocations of salt and rose. The most powerful nose is that of Meursault 1990. The Yquem 1906 has a stopper that was changed in the 1960s. The scent of this wine is quite discreet but very smooth.

Opening the bottles on the counter that separates the room from the kitchen, I see the cooks at work and I see Alice marinating mackerel fillets in two kinds of oils. And I feel like trying to combine a little mackerel with the Yquem 1906. Only a few drops will be taken. I am experimenting with Chef Ken and Alice at the same time, and it matches well with raw mackerel with dried traces of oil.

According to tradition when the opening ceremony is over, I go to Bistro 116 to drink a Japanese beer and munch on edamame, while the restaurant staff have their dinner.

At 6.30 p.m. I open the Krug Private Cuvée and I also open the Heidsieck 1907 champagne. It takes at least ten minutes and I see that the muselet is recent. I was told that the original cork had been preserved. It seems plausible to me, the stopper being a very beautiful cork.

The Belgian group of guests is punctual. There will be seven men with no parity and the funny thing is that a close table will be four women, as if gender separation is the rule tonight.

The menu designed by the Pages restaurant and its chef Ken is: parmesan gougères / pan-fried scallops / turbot, pointed cabbage, umami sauce, pork belly / pigeon salmis sauce, grilled Taglioni / Joshu-Wagyu / poached foie gras / stilton / exotic mango and passion fruit tart.

The Champagne Krug Private Cuvée years 60-70 has an active bubble which is a nice surprise. Its color is clear. It is very lively, noble and precise, and the gougères pleasantly calm its energy. I like its breadth and freshness.

Matthieu will serve two of the three whites on the Saint-Jacques and the three on the turbot. The Clos de la Coulée de Serrant Mme A. Joly Savennières 1962 has a slightly corked nose with no real influence on the taste and this corky nose will disappear when we taste the fish. It is a rich wine of the finest decade for this wine classified by Curnonsky among the five greatest white wines of France. He would have been appreciated if he was alone but there is competition.

The Hermitage Chante Alouette Chapoutier white 1955 is very amber. The nose is very subtle and on the palate the wine is rich and opulent with great personality. He is greedy and charming, very distinctive. The Saint-Jacques are hearty and beautifully cooked. A delight.

The Meursault J.F. Coche Dury 1990 has by far the most beautiful scent of all the wines of the meal, or at least the most overwhelming. The wine is tall, maybe a bit monolithic but straight and rich. The flesh of the turbot is divine and the sauce is perhaps a little too strong even if it is refined.

The pigeon, pure wonder, welcomes two exceptional wines. My guests are amazed at the youthful colors of the two 1928 wines. The Château Haut Bages Liberal Pauillac 1928 is a huge surprise because its fragrance is noble and refined and on the palate it is of rare mastery. If it weren’t for the other Pauillac, we’d make it a star.

But there is the 1928 Château Latour Pauillac which is a perfect wine. Can’t imagine it could be better. He has everything going for him, nobility, seduction, velvety, energy. This wine is a marvel. One thing that made me extremely happy was that one of the guests who had come to lunch at the Samaritaine was tearful, he was so moved by the perfection of the Latour. If we used Robert Parker’s hundred point scoring and gave 100 points to a 2009 Latour, we would have to give 500 points to a 1928 Latour of this impossible quality. The agreement with the pigeon, on the blood, is an incomparable happiness.

My neighbor who went to Kobe in Japan tells me that the Wagyu we eat is so much better than anything he has eaten there. It is true that this flesh is pure candy. And the Chambertin Louis Latour 1961, very representative of its appellation, rich, round, balanced, happy, is the ideal partner for meat. This solid and stable wine is a rock, a standard of Chambertin.

When I had built my wine program, the Champagne Heidsieck Monopole (American Taste) 1907 found in the Baltic Sea was to be served just after the Krug and when we decided to put the Romanée Conti with the poached foie gras, I I imagined that the very sweet champagne would go well with foie gras. And so this dish welcomes both wines. But by tasting the champagne which has much less dosage than the previous 1907s that I drank, it seemed to me that the champagne could be detrimental to the Romanée Conti so I decided that the champagne would be drunk after the foie gras, on an emergency Saint-Nectaire.

On poached foie gras, the Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1967 creates a beautiful accord. Its nose is archetypal, pink and salt and in the mouth we have the beautiful classicism of Romanée Conti in a subtle and discreet version. I’m so happy. She is a beautiful Romanée Conti who is not thunderous. Its length is refined.

The 1907 Heidsieck Monopole (American Taste) Champagne found in the Baltic Sea has a color which might be off-putting as it is a bit gray and the last glasses have a bit of deposit. There is still bubble which is amazing and the champagne has a great energy and a dosage that does not really « taste American ». What is immediately striking is its complexity. We travel into the subtle unknown. Like the average of the table, I give it second place in the classification of wines, because its enigmatic character is fascinating. He is unlike anything known, but he has charm and conviction.

Château d’Yquem 1906 has a beautiful amber color. Its scent is not thunderous but has all the complexity of a great Yquem. The accord with stilton is natural. Yuki, the young pastry chef, has made a delicious pie where the mango is refreshed with a passion fruit juice, which excites Yquem well. I told Ken that if we make this dish again we would have to remove the passion fruit kernels and just keep the juice.

My new friends are won over by Pages’ cuisine, which means that each dish goes straight to the essentials, without fuss, with quality products and exemplary cooking.

We are going to vote for our five favorite wines and what is quite astonishing is that five wines will be named first while there are only seven of us to vote. I personally put Romanée Conti first in my vote because I am a lover of this wine, but if I want to be objective it is Latour 1928 which is the greatest wine of this meal, because this wine is perfect .

All the wines were of interest, even the Coulée de Serrant, the only wine that did not receive a vote, because of its cork nose which subsequently disappeared.

The overall vote is: 1 – Château Latour Pauillac 1928, 2 – Champagne Heidsieck Monopole (American Taste) 1907 found in the Baltic Sea, 3 – Chambertin Louis Latour 1961, 4 – Hermitage Chante Alouette Chapoutier blanc 1955, 5 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1967, 6 – Meursault JF Coche Dury 1990.

My vote is: 1 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1967, 2 – Champagne Heidsieck Monopole (American Taste) 1907 found in the Baltic Sea, 3 – Château Latour Pauillac 1928, 4 – Champagne Krug Private Cuvée years 60-70, 5 – Château Haut Bages Liberal Pauillac 1928.

The atmosphere with real wine lovers was extremely nice. It is highly likely that we will meet again. And undoubtedly at the Pages restaurant, which offers high-quality cuisine perfectly suited to the wines.

256ème dîner au restaurant Pages dimanche, 5 décembre 2021

Lors du déjeuner que j’ai pu organiser au restaurant Plénitude de Cheval Blanc Paris, trois jours avant l’ouverture officielle du restaurant, qui fut le 253ème de mes repas, deux participants belges, ravis de ce repas, m’ont demandé d’organiser pour eux-mêmes et certains de leurs amis un dîner. Nous serons donc sept pour le 256ème dîner au restaurant Pages.

Je me présente peu après 16 heures au restaurant pour ouvrir mes vins. Matthieu, l’excellent sommelier est resté à mes côtés pendant cette opération et c’est agréable pour moi de pouvoir discuter et sentir les vins en échangeant nos impressions. Il n’y a pas eu trop de difficultés, mais comme souvent les bouteilles anciennes ont un goulot qui n’est pas cylindrique. S’il est pincé, il est impossible de tirer le bouchon sans qu’il ne se déchire en de nombreux morceaux. Ce fut le cas pour le Haut-Bages Libéral 1928 dont le parfum m’a séduit par son extrême complexité, presque aussi beau que le parfum du Latour 1928. Le parfum de la Romanée Conti 1967 est strictement ce que l’on peut attendre, avec des évocations de sel et de rose. Le nez le plus puissant est celui du Meursault 1990. L’Yquem 1906 a un bouchon qui a été changé dans les années 60. Le parfum de ce vin est assez discret mais d’une grande suavité.

Ouvrant les bouteilles sur le comptoir qui sépare la salle de la cuisine, je vois les cuisiniers travailler et je vois Alice qui fait mariner des filets de maquereau dans deux sortes d’huiles. Et l’envie me prend d’essayer d’associer un peu de maquereau avec l’Yquem 1906. On ne prélèvera que quelques gouttes. Je fais l’expérience en même temps que Ken le chef de cuisine et Alice et l’accord est pertinent avec le maquereau cru dont on a séché les traces d’huile.

Selon la tradition lorsque la cérémonie d’ouverture est terminée, je vais au Bistrot 116 pour boire une bière japonaise en grignotant des édamamés, pendant que le personnel du restaurant prend son dîner.

A 18h30 j’ouvre le Krug Private Cuvée et j’ouvre aussi le champagne Heidsieck 1907. La couche de cire qui recouvre le bouchon, mise après la sortie de l’eau de la bouteille en 1998, est tellement épaisse que l’opération me prend au moins dix minutes et je constate que le muselet est récent. On m’avait dit que le bouchon originel avait été conservé. Ça me paraît plausible, le bouchon étant d’un très beau liège.

Le groupe de convives belge est ponctuel. Nous serons sept hommes, sans aucune parité et ce qui est amusant c’est qu’une table proche sera de quatre femmes, comme si la séparation des sexes était la règle pour ce soir.

Le menu conçu par le restaurant Pages et son chef Ken est : gougères au parmesan / Saint-Jacques poêlées / turbot, chou pointu, sauce umami, ventrèche de porc / pigeon sauce salmis, Taglioni / Joshu-Wagyu grillé / foie gras poché / stilton / tarte exotique mangue et fruit de la passion.

Le Champagne Krug Private Cuvée années 60-70 a une bulle active ce qui est une belle surprise. Sa couleur est claire. Il est d’une grande vivacité, noble et précis et les gougères apaisent agréablement son énergie. J’aime son amplitude et sa fraîcheur.

Matthieu va servir deux des trois blancs sur les Saint-Jacques et les trois sur le turbot. Le Clos de la Coulée de Serrant Mme A. Joly Savennières 1962 a un nez légèrement bouchonné sans vraie influence sur le goût et ce nez de bouchon disparaîtra au moment où l’on goûtera le poisson. C’est un vin riche de la plus belle décennie pour ce vin classé par Curnonsky parmi les cinq plus grands vins blancs de France. Il aurait été apprécié s’il était seul mais il y a de la concurrence.

L’Hermitage Chante Alouette Chapoutier blanc 1955 est très ambré. Le nez est de grande subtilité et en bouche le vin est riche et opulent avec une grande personnalité. Il est gourmand et charmeur, très typé. Les Saint-Jacques sont copieuses et magnifiquement cuites. Un régal.

Le Meursault J.F. Coche Dury 1990 a de loin le plus beau parfum de tous les vins du repas ou du moins le plus envahissant. Le vin est grand, peut-être un peu monolithique mais droit et riche. La chair du turbot est divine et la sauce est peut-être un peu trop marquée même si elle est raffinée.

Le pigeon, pure merveille, accueille deux vins exceptionnels. Mes convives s’étonnent de la jeunesse des couleurs des deux vins de 1928. Le Château Haut Bages Libéral Pauillac 1928 est une immense surprise car son parfum est noble et raffiné et en bouche il est d’une maîtrise rare. S’il n’y avait pas l’autre Pauillac, on en ferait une vedette.

Mais il y a le Château Latour Pauillac 1928 qui est un vin parfait. On ne peut pas concevoir qu’il puisse être meilleur. Il a tout pour lui, noblesse, séduction, velouté, énergie. Ce vin est une merveille. Une chose m’a fait un extrême plaisir c’est que l’un des convives qui était venu au déjeuner à la Samaritaine a eu la larme à l’œil, tant il a été ému par la perfection du Latour. Si l’on utilisait la notation sur cent points de Robert Parker et si l’on donnait 100 points à un Latour 2009, il faudrait donner 500 points à un Latour 1928 de cette impossible qualité. L’accord avec le pigeon, sur le sang, est un bonheur incomparable.

Mon voisin qui est allé à Kobé au Japon me dit que le Wagyu que nous mangeons est très nettement supérieur à tout ce qu’il a mangé sur place. C’est vrai que cette chair est un pur bonbon. Et le Chambertin Louis Latour 1961 très représentatif de son appellation, riche, rond, équilibré, joyeux est le partenaire idéal de la viande. Ce vin solide et stable est un roc, un étalon du chambertin.

Lorsque j’avais bâti mon programme de vin, le Champagne Heidsieck Monopole (American Taste) 1907 trouvé en Mer Baltique devait être servi juste après le Krug et lorsque l’on a décidé de mettre la Romanée Conti avec le foie gras poché, j’ai imaginé que le champagne très doux irait bien avec le foie gras. Et donc ce plat accueille les deux vins. Mais en goûtant le champagne qui a beaucoup moins de dosage que des précédents 1907 que j’ai bus, il m’apparaît que le champagne risque de porter préjudice à la Romanée Conti aussi ai-je décidé que le champagne serait bu après le foie gras, sur un Saint-Nectaire de secours.

Sur le foie gras poché, la Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1967 crée un bel accord. Son nez est archétypal, rose et sel et en bouche on a le beau classicisme de la Romanée Conti sur une version subtile et discrète. Je suis aux anges. C’est une belle Romanée Conti qui n’est pas tonitruante. Sa longueur est raffinée.

Le Champagne Heidsieck Monopole (American Taste) 1907 trouvé en Mer Baltique est d’une couleur qui pourrait rebuter car elle est un peu grise et les derniers verres ont un peu de dépôt. Il y a encore de la bulle ce qui est étonnant et le champagne est d’une grande énergie et d’un dosage qui ne fait pas vraiment « goût américain ». Ce qui frappe immédiatement c’est sa complexité. On voyage dans l’inconnu subtil. Comme la moyenne de la table je lui donne la deuxième place au classement des vins, car son caractère énigmatique est passionnant. Il ne ressemble à rien de connu mais il a du charme et de la conviction.

Le Château d’Yquem 1906 est d’une belle couleur ambrée. Son parfum n’est pas tonitruant mais a toute la complexité d’un grand Yquem. L’accord avec le stilton est naturel. Yuki, la jeune pâtissière, a fait une délicieuse tarte où la mangue est rafraîchie par un jus de fruit de la passion, qui excite bien l’Yquem. J’ai dit à Ken que si l’on refait ce plat il faudrait enlever les grains de fruit de la passion pour ne conserver que le jus.

Mes nouveaux amis sont conquis par la cuisine de Pages qui fait que chaque plat va directement à l’essentiel, sans chichi, avec des produits de qualité et des cuissons exemplaires. Nous allons voter pour nos cinq vins préférés et ce qui assez étonnant, c’est que cinq vins seront nommés premiers alors que nous ne sommes que sept à voter. J’ai mis personnellement la Romanée Conti en premier de mon vote parce que je suis un amoureux de ce vin, mais si je veux être objectif c’est bien Latour 1928 qui est le plus grand vin de ce repas, car ce vin est parfait.

Tous les vins ont eu de l’intérêt, même la Coulée de Serrant, seul vin qui n’a pas eu de vote, à cause de son nez de bouchon qui a disparu par la suite.

Le vote global est : 1 – Château Latour Pauillac 1928, 2 – Champagne Heidsieck Monopole (American Taste) 1907 trouvé en Mer Baltique, 3 – Chambertin Louis Latour 1961, 4 – Hermitage Chante Alouette Chapoutier blanc 1955, 5 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1967, 6 – Meursault J.F. Coche Dury 1990.

Mon vote est : 1 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1967, 2 – Champagne Heidsieck Monopole (American Taste) 1907 trouvé en Mer Baltique, 3 – Château Latour Pauillac 1928, 4 – Champagne Krug Private Cuvée années 60-70, 5 – Château Haut Bages Libéral Pauillac 1928.

L’ambiance avec de vrais amateurs de vins a été extrêmement sympathique. Il est hautement probable que nous nous reverrons. Et sans doute au restaurant Pages qui a fait une cuisine de haute qualité parfaitement adaptée aux vins.

       

35th session of the Academy of Ancient Wines dimanche, 5 décembre 2021

The 35th session of the Academy of Ancient Wines is being held, as usual at the Macéo restaurant. We have a beautiful private room that will accommodate the 34 participants who will be divided into three tables.

Each table will have its own wine program :

Table 1: Mathusalem de Champagne Pommery 1966, Champagne Trouillard Cramant Blanc de Blancs 1961, Meursault 1895, Algerian White Targui 1955 (Eschenaueur house in Algiers), Rosé Frédéric Lung 1945, Château Mouton-Rothschild 1941, Château Margaux 1914, Moulin à Vent Louis Chevallier 1926, Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1974, Italian wine Gancia 1919, Vega Sicilia Unico 1967, Vin Jaune Château de l’Etoile 1969, Le Portail Rouge Loupiac R. Bernède 1949, Château Climens 1925.

Table 2: Mathusalem de Champagne Pommery 1966, Château Chantegrive blanc 1984, Chablis Grand Cru Les Clos 1973 from Domaine Paul Droin-Baudoin, Riesling Grand Cru Maison Bott Frères 1970, René Dauvissat, Chablis 1er cru Forest 1982, Château Canon 1943, Château Margaux 1934, Vieux Château Certan 1967, Château Latour 1941, Mercurey Levert Frères 1959, Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1974, Rioja Vina Tondonia 1954, Vin Jaune Château de l’Etoile 1969, Haut-Sauternes Bouchard 1953, Porto Dows 1970.

Table 3: Mathusalem de Champagne Pommery 1966, Champagne Jean Pierre Thomas 1960s, Meursault Patriarche 1942, Bourgogne Aligoté La Chablisienne 1979, Royal Kebir Frédéric Lung 1945, Château le Bourdieu Haut Médoc 1976, Château Ausone 1962, Château Léoville Poyferré 1960, Château Mouton Rothschild 1967, Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1974, Châteauneuf du Pape Réserve des Chartes 1947, Vin Jaune Château de l’Etoile 1969, Château Lafaurie Peyraguey 1971, Château Sigalas Rabaud 1959.

Pommery’s Methuselah has been assigned to each table, it is a single bottle shared by all. While Romanée Conti wines and Jura wines are represented by a bottle at each table. So there are 40 bottles and a Methuselah which is the equivalent of 48 bottles and an average of 16 bottles per table. We won’t be short for anything.

In this session, there are two students from the Ecole Normale Supérieure and around ten students from HEC, with very cosmopolitan origins, Japan, China, Taiwan, Austria, etc. As a result, I will make my speeches in English, in Frenglish that even those who do not speak English will understand without difficulty.

I arrive at the Macéo restaurant at 3 p.m. to open the bottles. There are a lot of corks that have become lint and three corks that have fallen into the wine when trying to prick the wick of the corkscrew in the cork. Beatrice, who helps me through all phases of the academy, managed to root out the fallen corks.

At 4 pm one of the most faithful of the academicians joined me to help me with the openings and he brought, according to tradition, the « wine of the openers ». This is a 1969 Dom Pérignon Champagne with a curled cork that looks more like a cork from the 1940s. The champagne is older than its age, but it is delicious. Other friends well in advance, but late for the openings, will have the chance to taste the wine of the openers.

The Mathusalem de Champagne Pommery 1966 is opened by me half an hour before the arrival time of the guests. The cork is sharply narrowed to the point that it rises together with the muselet without any effort. I taste the champagne which I find flat and watery. With Beatrice we had asked ourselves whether we should not have a backup champagne, and we had made the bet not to take it. Ouch!

When the champagne is served at all the tables, because the aperitif will be taken seated and not standing as a precaution against the Covid, I warn our assembly of the risk represented by this champagne but in fact it will behave much better than what announced after the first sip. Over time it becomes more and more lovable and loses the flat, watery side. Gougères help to make it sociable.

Adrian Williamson, who has managed the wine and food service, serves the first course a bit quickly so that the Methuselah is only half-drunk.

Being at table one, I am commenting on these wines. Champagne Trouillard Cramant Blanc de Blancs 1961 has tiny dust in suspension that frightens my Japanese neighbor. Champagne is drinkable and paradoxically it highlights the 1966 Pommery.

The Meursault 1895 is from an opaque bottle that does not allow the color of the wine to be seen. The cork with its texture confirmed the year well. The wine served is black, of a black earth. On the palate it is solid, massive, earthy. It is obviously atypical and I love it for the density of its material. He’s an alien.

At the academy, we love Algerian wines so we are happy to taste a wine that is unknown to us. The Algerian White Targui 1955 (Eschenaueur house in Algiers) is very light yellow in color and very young. On the palate, the wine is solid, structured, intense. It is a magnificent wine that evokes the splendor of Algerian wines of this period of time.

The Rosé Frédéric Lung 1945 is doubly represented in this session at two tables brought by two different contributors who share with me the envy of the wines of Frédéric Lung. This rosé is massive, heavy, powerful and rich in emotion. I love it. It surprises a lot of people at our table who did not expect this wine at this level.

For the delicious red mullet, the two Algerian wines were planned, but I asked that we also serve the Château Mouton-Rothschild 1941. The wine is not perfect, but it has good qualities including a strong truffle, which goes well with fish, to the astonishment of my guests.

It is worth making a remark. To each academy I bring around 160 Riedel glasses that I bought when the academy was founded, to reinforce the glass stocks in the restaurants. At the last academy reunion we had forgotten two racks of glasses here, which are being used tonight and probably haven’t been washed (I guess) which should explain the number of dusty glasses I have had, which handicap the wines I drink. This applies to this 1941 Mouton and many others to follow.

I had announced a probable 1934 Château Margaux from my cellar but in fact it is a 1914 Château Margaux because the cork clearly indicates it. The wine is tall, noble, upright.

The Moulin à Vent Louis Chevallier 1926 is a superb, joyful wine, in total contrast to the stricter Bordeaux. The old Beaujolais are always nice surprises.

I brought three Grand Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1974 for the three tables, all of which have low levels but whose scents at the opening showed no particular flaws. When I love, I love, so the suggestions of salt and extremely clear rose delight me. And I’m delighted that this wine is the best I’ve had since the start of this session. The color of the wine is a bit muted but that doesn’t bother me. For many, and especially for young people, this is their first approach to Romanée Conti wines. They are moved and I am delighted.

The Italian wine Gancia 1919 surprised me when I opened it because its tiny cork has a rounded bottom and slanted like a beret. Such corks are seen for wines from before 1850 and not for a 1919. It is an enigma. The wine is not perfect but its originality is exciting, with its solar and rich tones.

The friend who generously brought in the 1967 Vega Sicilia Unico is tasting this wine for the first time. He is not convinced and I tell him he is wrong, because this Spanish wine has all the beautiful characteristics of the Unico of this decade, the most beautiful of all. I liked his style even though it lacked a bit of power.

The 1969 Château de l’Etoile Yellow Wine, of which I provided three bottles for the three tables, is the ideal companion for the magnificent cheeses brought by generous academicians, including, in particular a Mont d’Or which magnifies the beautiful dense yellow wine and blooming, with an infinite afterglow in the mouth.

The Portail Rouge Loupiac R. Bernède 1949 has a magnificent label. The wine is lovely. It is obviously less complex than Château Climens 1925, but the latter is marked by a slight nose and corky taste which make Loupiac more pleasant to drink than Barsac.

During the meal, academics came to give me to taste wines from other tables. So, I had announced that I bring a Château Canon 1955, but in fact I made a mistake in the cellar and I brought a sublime Château Canon 1943, which, from what I understood was named winner by the table 2.

The Chablis 1er cru Forest René Dauvissat 1982 that I supplied was given to me to taste. Without being flamboyant, it is extremely precise.

They also brought me Châteauneuf du Pape Réserve des Chartes 1947 that I had supplied. And this wine struck me as splendid.

By bringing 23 wines from my cellar, I wanted each participant to have sufficient profusion so that the flaws of a particular wine appear unimportant. From what I heard, the attendees were all over the moon. And for young students, this openness to the world of old wines is a unique experience. Personally, I haven’t drunk wines that make me say « Wow ». Was it the climatic conditions that put the wines on mute, was it my palate, which was not receptive as it should have been, was it the annoyance of having too many glasses that smelled of dust, I don’t know. It will suffice for me to remember the smiles, the compliments, the satisfactions of all the guests to convince myself that this session was a success.

If we consider the objectives of the Academy of Ancient Wines to provide everyone with access to rare and original ancient wines, it is safe to say that it was a success. Providing access to an Italian wine from 1919, a Meursault from 1895, a Beaujolais from 1926, a Châteauneuf from 1947, a wine from Romanée Conti from 1974, is a privilege.

I loved the Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1974, the Algerian White Targui Wine 1955 and the Rosé Frédéric Lung 1945, the Château Canon 1943 and the Châteauneuf du Pape Réserve des Chartes 1947 and Le Portail Rouge Loupiac R.Bernède 1949. So yes, I can say that even without « wow », I drank great wines.

The meal was delicious. The service led by Adrian Williamson was efficient. Béatrice helped with the wine ordering and logistics. So, there is only one desire, and that is to start a new session of the academy.