Meursault Charmes domaine Roulot 1996 en magnum
Côte Rôtie La Landonne R. Rostaing 1996
Vega Sicilia Unico Reserva Especial – 1960 + 1962 + 1968
Belles couleurs de vins
Le tableau final
Meursault Charmes domaine Roulot 1996 en magnum
Côte Rôtie La Landonne R. Rostaing 1996
Vega Sicilia Unico Reserva Especial – 1960 + 1962 + 1968
Belles couleurs de vins
Le tableau final
Ma femme et moi retrouvons un groupe d’amis au restaurant l’Astrance qui confirme ce soir son statut de chouchou dans ma biosphère, comme Salon pour les champagnes ou le Nuits Cailles 1915 pour les vins anciens. Nous sommes six, compagnons d’aventure des restaurants de Marc Veyrat, où nous étions cornaqués par l’un d’entre eux, ami du chef. Je n’ai pas une relation aussi proche avec Pascal Barbot et Christophe Rohat dont je ne peux prétendre être l’ami, mais nous avons atteint une certaine complicité qui fait que Pascal, tout en créant avec sa personnalité qu’on lit en dégustant chaque plat, a intégré certaines de mes orientations. Cela conduit à une gastronomie d’une magnitude stellaire (Salvador Dali dirait galactique) et d’un raffinement extraordinaire. Oserais-je dire que c’est sans doute l’un des plus beaux repas de ma vie ? Osons.
Les vins sont apportés par les convives et l’un d’entre eux pris sur la carte des vins. Christophe Rohat m’ayant proposé que Pascal Barbot crée un menu pour nos vins, j’ai dit oui. Nous en avons rapidement parlé au téléphone, et voici le résultat :
Brioche tiède, crème fouettée à la truffe blanche
Foie gras mariné au verjus, galette de champignons de Paris, citron confit
Saint-Jacques et langoustines, pousses de salade et racines à l’huile de noisette, truffe noire
Sole meunière, fondue de poireaux et truffe noire, râpée de poire et gingembre
Velouté de truffe noire
Pigeon cuit au sautoir, foie gras chaud, salsifis, condiment café-réglisse et olive noire
Râble de lièvre grillé, aubergine au miso, coulis cacao
Fondue de parmesan à la truffe blanche, pétales de châtaignes, noisettes torréfiées
Pamplemousse et mangue caramélisés
Madeleine au miel de châtaignier.
Chaque plat respire la personnalité de Pascal Barbot, faite de sincérité, de besoin d’authenticité, de probité, de sérénité, et de recherche du goût pur. Nous avons eu un festival gustatif unique, d’autant plus appréciable que nos amis, grands connaisseurs et fins analystes, décortiquaient avec jouissance chacune des composantes de nos petits bonheurs, en analysant au scalpel les racines de nos extases.
Le ton est donné avec la brioche et la crème fouettée qui est d’une légèreté irréelle et d’une pureté gustative qui permet au champagne Krug 1990 de se présenter, décliner son identité et montrer que son extraction est noble. C’est sur le sublime foie gras aux champignons de Paris que le Krug montre une richesse gustative exceptionnelle. La fraîcheur du champignon le fait vibrer comme s’il s’agissait d’un archet, et la petite goutte de citron confit l’excite d’un vibrato d’une rare sensualité. J’ai trouvé ce Krug 1990 ce soir plus racé, plus distingué que l’excellent Krug Clos du Mesnil 1986 bu la veille. C’est un champagne de haute gastronomie.
Le Magnum de Meursault Charmes J.M. Roulot 1996 a été ouvert une heure avant que nous ne le goûtions et son nez est pétroleur au-delà de toute imagination. Le nez est minéral, pierre à fusil, gaz anti-personnel. En bouche, la verdeur rugueuse domine. Un carafage actif est indispensable. Nous nous régalons des subtilités de mer et de légumes, dosées élégamment et cuites à la perfection en attendant que ce grand meursault à la personnalité forte daigne s’épanouir. La chair de la Saint-Jacques est fondante comme un bonbon et les salades croquantes écartent un peu le palais de la ligne de crête, mais c’est très goûteux.
Il faut bien le velouté de truffe noire pour que le vin affiche un certain répondant. Je suis généralement gourmand, et lorsqu’il s’agit de bons sorbets, je me sens capable d’en avaler des litres. Avec le velouté de truffe noire, il y a un gout de « revenez-y » qui prend à l’estomac, créant, comme la drogue, une cruelle sensation de manque quand on a fini de saucer le plat, à en décoller la porcelaine.
La Côte Rôtie La Landonne de R. Roustaing 1996 ouverte il y a six heures comme l’autre vin rouge est un vin qui demande une acclimatation. Il est comme ces ambassadeurs obséquieux dont on attend le discours poli en se demandant : « que veut-il ? ». Ce vin est calme, posé, poli, et ce n’est que lorsqu’il est en confiance qu’il commence à décliner des complexités croissantes. S’épanouissant dans le verre, il délivre des notes de charme, de suavité mais aussi de canaillerie qui laissent le palais en permanente écoute. Sur le doux foie gras, il montre une subtilité rare. Sur la chair délicieusement cuite du pigeon, il représente sa région généreuse. C’est de la joie pure. Et sur l’immense condiment fait de café, réglisse et olive noire, il joue à Fregoli, nous entraînant sur des montagnes russes de saveurs. Ce qui est amusant c’est qu’une demi-heure plus tard, il aura des accents bourguignons faits d’une amertume distinguée d’un immense plaisir.
Je n’ai jamais mangé un aussi beau râble de ma vie. Il fallait bien un vin de haute race pour lui donner la réplique. Le Vega Sicilia Unico Réserve, est un vin fait de trois millésimes, embouteillé en 1981, mélange de 1960, 1962 et 1968 gardés au domaine et choisis parmi les meilleures cuves de chacun de ces millésimes. Le nez est tonitruant, on dirait un porto. En bouche, on pense à des accents de porto, de vin riche un peu torréfié, comme le sont les Saint-Emilion de 1947. Le vin s’installe en bouche et c’est un concert de plénitude, de richesse, de fruits rouges épanouis. Le vin remplit le palais, lourd, simple de contact mais complexe dans l’exécution. Un immense vin qui nous porte au sommet des vins joyeux et exubérants. Le cacao du plat trouve un écho limpide avec le cacao du vin. C’est la chair du lièvre, seule, qui crée un accord qui nous laisserait sans voix si nous n’avions l’envie de crier notre bonheur tant le râble et le vin se fondent l’un dans l’autre. Un accord immense.
Le Meursault de tantôt étant en magnum, il en restait beaucoup. J’avais demandé si nous aurions un fromage et Alexandre, attentif et subtil sommelier avait répondu par la négative. Mais le message avait dû se propager en cuisine, aussi, sans que cela eût été prévu, la fondue de parmesan arrive à point nommé pour continuer sur le Meursault. Comme celui-ci s’était gavé d’oxygène dans sa carafe, nous avons joui d’un accord d’une invraisemblable précision. Le traitement lumineux de la fondue et chaque ingrédient ont fait respirer le Meursault qui nous a chanté un air triomphal. « Ça c’est du Meursault » pouvait-on dire tant celui que nous buvions maintenant était dix fois supérieur à lui-même qui avait accompagné les poissons. Nous n’en revenions pas que Pascal Barbot ait pu en un si court instant capter tout ce qui mettrait en valeur le vin blanc, la châtaigne et la noisette étant indispensables pour balancer le parmesan.
Quand Château d’Yquem 1976 arrive, on se tait. Car la couleur en impose. Pascal s’est inspiré des essais que nous avions faits lors d’un dîner pour Yquem 1929 et Climens 1929 et sur les mêmes bases, il a un peu raffiné. Les éléments fondamentaux sont le pamplemousse et la mangue. L’Yquem va s’amuser à nous donner quatre facettes de son talent. Sur le pamplemousse, il commence par serrer les lèvres devant l’acidité du fruit ce qui lui donne de l’élan pour s’ouvrir ensuite comme sur un trampoline. Avec la mangue, il s’agit d’un accord fusionnel. L’Yquem devient mangue et se cale sur son parfum. C’est sur la sauce caramélisée du pamplemousse que l’accord est le plus redoutable. C’est exactement comme deux patineurs en couple sur la glace. On a l’impression qu’ils se fuient et tout d’un coup chacun fait une boucle et le couple se reforme. Le final de cet accord est cela, l’Yquem se caramélise. Mais tout cela n’est rien pour moi à côté de l’accord qui me confond de stupéfaction. Les madeleines font ressortir la perfection de l’Yquem multiforme et en restituent la plus belle vérité.
Pascal Barbot qui vient rarement en salle vient à ma demande à notre table curieux de savoir quels sont les accords les plus réussis. Je prends la parole pour lui dire que le plus réussi est le râble de lièvre sur le Vega Sicilia exceptionnel, que le second est la fondue de parmesan avec le meursault car rien ne pourrait être plus juste pour mettre en valeur ce grand vin. Pascal nous dit que ce fut une improvisation instantanée. Et le troisième accord est celui du dessert avec Yquem, qui montre des facettes merveilleuses d’un grand et profond Yquem.
Pascal a eu cette phrase charmante qui le résume bien : « alors, ça veut dire que les autres accords n’étaient pas bons ? ». Nous lui avons expliqué que les autres étaient remarquables, comme le champagne Krug 1990 avec le foie gras et les champignons. Mais il faut bien faire des choix.
Dans une ambiance amicale de partage avec des esthètes, la cuisine de Pascal Barbot, qui m’émeut au plus haut point, a créé un moment mémorable de gastronomie.
La table dressée, avant.
La table, "après".
photos de famille :
Ceci n’est pas au menu, mais Patrick a toujours un bocal plein de truffes, qui embaument dès qu’on ouvre le couvercle.
je n’ai pas réagi tout de suite;
j’ai photographié le poisson avec un peu de retard !
Ma femme est amoureuse de ces coquetiers, mais l’artiste qui les fait a cessé son activité. Hélas !
Le 93ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant de Patrick Pignol. J’aime beaucoup ce chef bouillonnant, enjoué et créatif. Vibrionnant, il crée à l’ultime seconde mais c’est fort juste car il connaît les vins et leurs champs d’excellence. L’équipe est motivée, active, ce qui fait de chaque dîner un grand moment de complicité.
Je viens à 17h30 pour ouvrir les vins avec Nicolas, excellent et sympathique sommelier. Les bouchons, même les plus déchirés, s’extirpent sans difficulté. Les odeurs fatiguées ne représentent aucun souci majeur. Je trouve l’Yquem 1978 un peu endormi et le Laroze 1947 légèrement torréfié. C’est peut-être le seul qui me pose question.
A notre table de neuf il y a six nouveaux dont quatre associés d’une jeune start up qui fêtent les dix ans de leur société. Un ami qui évolue dans le monde du vin participe avec son épouse et deux piliers connaisseurs ferment le cercle d’une table particulièrement joyeuse. J’ai changé l’ordre des plats prévus par Patrick pour créer des mariages différents. Patrick, avec sa souplesse légendaire a su s’adapter à ces nouveaux choix. Voici le menu : Oursin servi dans sa coque, saveur de panais et tartine iodée / Damier de Saint-Jacques et truffes de Carpentras / Rouget saisi à la minute, huile d’olive aromates et chou-fleur craquant / Perdreau rôti en cocotte, baies sauvages, polenta au lard / Lièvre de Beauce, râble poêlé et crépinette à l’ancienne / Saint-Nectaire / Bleu d’Auvergne / Petits palais de Baba au safran, clémentines rôties. Je mettrais la palme au damier et au dessert, mais nous allons voir.
Le Champagne Dom Ruinart rosé 1986 est une des très belles expressions du champagne rosé. Nous le prenons en apéritif pour attendre un convive qui ne viendra pas. Regarder la porte d’entrée et scruter chaque nouvel arrivant en se demandant si c’est bien lui, c’est un exercice qui demande une souplesse de cou. Cela n’empêche pas ce champagne d’être en pleine possession de ses moyens, sans l’once d’une trace de vieillissement et de déployer son charme féminin.
Le Champagne Krug Clos du Mesnil 1986 est un des sommets du monde du champagne. Celui-ci est fringant, intense, d’une profonde trace en bouche et il faut bien ça pour tenir le choc d’un oursin puissant, marqué, et envahissant comme il doit l’être. Cet exercice a montré l’adaptabilité du Clos du Mesnil, même si l’image qu’il a donnée dans ce contexte n’est que l’une des facettes de son talent qu’il pourrait déployer sur de nombreuses textures.
Lorsque j’avais ouvert le Meursault Genévrières Nicolas 1952, Nicolas (le sommelier) m’avait immédiatement dit : « il sent la truffe ». C’est cet indice qui m’a poussé à changer l’ordre des plats pour que le Meursault accompagne le damier de Saint-Jacques et truffe. Le Meursault a un nez d’une invraisemblable générosité. Nous l’essayons sur la coquille seule, puis sur la truffe et c’est avec la combinaison des deux que le Meursault s’exprime le mieux. En buvant ce vin chaleureux, joyeux, d’une plénitude conquérante, je repensais au dîner de l’académie des vins anciens où les vins blancs secs avaient tous été parfaits. Voici que de nouveau je bois un vin blanc sans le moindre défaut, qui provient de plus de la cave Nicolas, comme le merveilleux 1947 que j’avais apporté à l’académie. C’est une indication précieuse, mon cher Watson !
Il faut un peu de temps aux novices pour accepter la chair du rouget sur deux bordeaux présentés ensemble. Mais l’accord se fait bien. Le Château Mouton-Rothschild 1964 est rassurant comme pas deux. Il joue dans la douceur, dans le calme et la sérénité. C’est le gendre idéal ou plutôt la bru parfaite car son registre est féminin. C’est un vin confortable. Le Château Laroze Saint-Emilion 1947 en revanche demande une adaptation. Mes jeunes convives qui avaient déjà bu un 1947, leur plus vieux vin, sont heureux de constater la similitude de nez et de goût, qui est le signe de l’année. Et le plus fidèle de mes amis, qui a mémorisé pour toujours le Cheval Blanc 1947, autre saint-émilion, trouve beaucoup de points communs. Il y a dans ce vin un petit caractère torréfié, une once de Porto. Ce qui est spectaculaire, c’est que le vin s’épanouit dans le verre et gagne un charme viril plus qu’étonnant. Alors que le Mouton semblait la vedette sans compétition, le Laroze fit parler de lui plus l’on avançait dans le temps. Il serait assez difficile d’envisager deux bordeaux plus dissemblables que ces deux là. C’est sans doute cette diversité qui comble de plaisir.
Dès la première gorgée, le Pommard Grands Epenots Maurice Bouvret 1969 m’étonne au plus haut point. Jamais je n’aurais imaginé autant de maturité et de sérénité dans ce vin. Il est beaucoup plus riche que ce que je pensais. L’accord au perdreau est parfait. Ce vin est un exemple de gaieté.
Nous allons maintenant avoir une succession de trois bourgognes des années trente qui pourraient remettre en cause beaucoup d’idées reçues. Lors d’un des tout premiers dîners de wine-dinners, le quatrième, j’avais aussi ouvert chez Guy Savoy quatre bourgognes chacun d’une décennie. Un 1955, un 1949, un 1933 (le même Bonnes Mares qu’ici) et un 1926. Aujourd’hui, après le 1969, les trois sont de la même décennie. Le Corton Clos du Roi Brénot Père & Fils 1934 a un niveau bas que j’avais annoncé aux convives. J’avais ajouté une bouteille au programme, pour le cas où. A l’ouverture, le nez était très droit, clair, prometteur d’un retour rapide à la vie. Un de mes amis taquins ne cesse de dire qu’il y a dans ce vin autre chose que du pinot noir, mais je ne suis pas forcément d’accord. C’est vrai qu’il est riche, puissant, imposant. Mais n’y a-t-il pas des bourgognes conquérants ?
Ce qui mène mon ami sur cette piste c’est que le Bonnes Mares Fernand Grivelet 1933 est d’une finesse précieuse assez rare. C’est du Lamartine quand le Corton est du Frédéric Dard. Force est de constater que le Bonnes Mares est d’une subtilité assez inouïe. On rangerait volontiers ses dossiers, tant la cause est entendue. Mais le Corton amorce un de ces retours en grâce qui laissent sans voix. Le Corton se met à s’arrondir, s’anoblir, pour devenir le plus galant des séducteurs. Alors, lequel préférer, nous le verrons au moment des votes. Le lièvre exécuté par Patrick est d’une virilité spectaculaire. On ne rigole pas ! C’est goûteux, même délicieux, et les deux bourgognes s’en tirent avec les honneurs, sans être écrasés ou dominés par la sauvage animalité de la bête.
L’Echézeaux Joseph Drouhin 1937 fait partie de mes chouchous. Il est servi avec un saint-nectaire, car trois vins sur le lièvre eussent été de trop. Et c’est bien qu’il apparaisse seul, car il est éblouissant. Il est une synthèse des deux précédents. Il a la grâce et la subtilité du Bonnes Mares dont la frêle expression bourguignonne m’enchante et la puissance, le coffre du Corton. Tout ceci est tellement bien intégré que j’éprouve un de ces frissons qui ne me trompent pas. Quand un vin est parfait, je ressens comme un choc qui bloque mon corps dans une position d’adorateur, comme figé par une miraculeuse apparition. Ce vin est merveilleux, d’un équilibre rare. Il est à noter que les trois bourgognes de cette décennie sont bons, et représentent chacun une caractéristique flatteuse de la Bourgogne.
Le bleu d’Auvergne est très fort et très salé. Le Château d’Yquem 1978 qu’on me fait goûter entraîne une grimace. Je sens un nez de bouchon qui n’était pas présent à l’ouverture. Le vin est loin de ce qu’il pourrait être. Le nez désagréable disparaît progressivement et le vin s’arrondit. Le bleu révèle même un très bel abricot. Mais cet Yquem n’est pas au mieux sauf pour l’un d’entre nous qui le mettra dans son vote.
Le Château Filhot 1924 avait à l’ouverture un parfum inoubliable. D’un bel or serein il inonde les narines d’une odeur sensuelle. On voudrait s’en faire un bain. En bouche, c’est le plaisir le plus pur, chaud, profond. Le sucre est discret et l’on note des esquisses de thé. Les agrumes sont caressants. C’est surtout l’impression d’accomplissement et la perfection d’assemblage qui dominent dans nos esprits. A noter que le dessert qui me faisait peur dans son intitulé fut d’une précision horlogère pour se marier avec le vin. Ce Patrick Pignol sait y faire.
Il est temps de voter et j’ai eu peur que les votes soient très concentrés, tant nous devisions sur les mérites de nos préférés. Or en fait neuf vins sur onze ont figuré dans les votes. Il y a une logique pour les deux ignorés, le Dom Ruinart 1986 et le Mouton 1964 : ce sont de grands vins, mais ce sont les plus attendus, les plus conformes à l’image qu’on s’en faisait. Cinq vins ont eu la chance d’être nommés premiers, l’Echézeaux Drouhin 1937 quatre fois, le Bonnes Mares 1933 deux fois et le Meursault 1952, le Corton 1934, et le Filhot 1924 chacun une fois.
Le vote du consensus serait : 1 – Echézeaux Joseph Drouhin 1937, 2 – Bonnes Mares Fernand Grivelet 1933, 3 – Château Filhot 1924, 4 – Meursault Genévrières Nicolas 1952. Mon ami le plus fidèle a voté strictement comme le consensus.
J’ai été bien embarrassé car mon amour pour les vieux sauternes me dictait de mettre Filhot en premier, mon amour pour les vins qui me surprennent me conduisait à voter pour le Meursault. Mais j’ai choisi ainsi :
1 – Echézeaux Joseph Drouhin 1937,
2 – Château Filhot 1924,
3 – Bonnes Mares Fernand Grivelet 1933,
4 – Meursault Genévrières Nicolas 1952.
L’ambiance était si agréable que mes amis se mirent à commander des digestifs blancs ou bruns. Est-ce à dire qu’avec 11 bouteilles pour neuf nous n’avions pas assez bu ? Ce dîner amical et enjoué dans un lieu que j’aime fut d’un équilibre parfait.
Champagne Dom Ruinart rosé 1986
Champagne Krug Clos du Mesnil 1986
Meursault Génévrières Nicolas 1952
Château Mouton-Rothschild 1964
Château Laroze Saint-Emilion 1947
Corton Clos du Roi Brénot Père & Fils 1934 (niveau bas)
Bonnes Mares Fernand Grivelet 1933
Echézeaux Joseph Drouhin 1937
Pommard Grands Epenots Maurice Bouvret 1969
Château d’Yquem 1978
Château Filhot 1924
L’académie des vins anciens a tenu sa 7ème séance au restaurant Macéo qu’anime un amoureux du vin que nous ne vîmes malheureusement pas. Dans la salle du premier étage aux stucs surannés charmants, nous étions 39 académiciens ce qui permit de former trois groupes de treize convives goûtant chacun de treize à quatorze vins puisque nous en avions plus de quarante.
Voici les trois groupes de vins :
Groupe 1 – Champagne Besserat de Bellefon non millésimé – Malvoisie Bodegas El Griffo, Lanzarotte # 1957 – Y d’Yquem 1978 – Chablis Maison Bichot 1929 – Château Bellevue (Montagne Saint-Emilion) 1961 – Cos d’Estournel 1942 – Moulin à vent Patriarche Père & Fils 1959 – Pommard (négoce illisible) 1923 – Martinez Lacuesta Reserva Especial de 1960 – Vega Sicilia Unico 1953 – Arbois jaune Louis Carlier 1953 – Pinot gris Sélection de Grains Nobles Hugel 1976 – Château Bernisse Castelnau Sauternes 1961 – Château La Tour Blanche, sauternes 1928.
Groupe 2 – Champagne Besserat de Bellefon non millésimé – champagne Delamotte 1990 – Vin Fou d’Henri Maire 1955 – Pouilly Fumé Baron de L Ladoucette magnum 1982 – Domaine Haut De Callens (Beautiran) Graves Supérieures 1/2 Sec 1964 – Château Léoville Las Cases 1945 – Cos d’Estournel 1933 – Echézeaux Jaboulet Vercherre 1973 – Hermitage La Sizeranne Chapoutier années 50 – Rioja El Siglo 1959 – Vin Jaune ROLET 1979 – Gewürztraminer Vendanges Tardives Domaine Weinbach Collette Faller 1976 – Moscato Passito di Pantelleria 1971 – Pedro Ximenez 1927.
Groupe 3 – Champagne Besserat de Bellefon non millésimé – champagne Delamotte 1990 – Pouilly Fumé Baron de L Ladoucette magnum 1982 – Muscadet 1969 – Bourgogne aligoté Côtes de Nuits 1962 – Puligny Montrachet Caves Nicolas 1947 – Château Clerc Milon 1982 – Château Bel Air Saint-Emilion 1966 – Pommard Thorin 1959 – Nuits Saint Georges Bouchard Ainé et Fils 1959 – Hospice de Beaune Cuvee des Dames Hospitalieres Poulet 1957 – Pommard, Hospices de Beaune, Cuvées Dames de la Charité Ets Leroy & Co 1934 – Gattinara Riserva NERVI 1977 – Château Gilette demi-doux 1954 – Château Roumieu 1955.
J’avais eu un peu peur en voyant certains vins qui étaient proposés, qui ne font pas partie des icônes pour lesquelles les amateurs se battent. Mais il se trouve que les performances de la quasi-totalité des vins ont dépassé ce que l’on pouvait attendre, ce qui a entraîné que beaucoup d’académiciens ont considéré cette 7ème séance comme la plus réussie. Le menu y était aussi pour quelque chose, car nous avons fort bien dîné. Le groupe comprend de plus en plus de fidèles réguliers mais s’est ouvert aussi. Des vignerons convaincus du sens de notre démarche nous font le plaisir d’apporter quelques pièces rares de leurs caves.
Je suis arrivé à 16 heures pour ouvrir tous les vins et quelques amis fidèles sont venus m’aider ce qui a rendu l’opération suffisamment rapide, même si des bouchons ont représenté de véritables casse-têtes. Nous avons constaté pour deux vins qu’ils ont été mis en bouteille dans des flacons dont le col était fortement ébréché avant le remplissage. L’un des vins a vu son bouchon tomber au moment où un ami découpait la capsule. Il a fallu le carafer. Cette séance indispensable pour que des vins aux odeurs peu civiles reviennent à la vie est l’occasion de bavardages amicaux avec les volontaires.
Voici le menu : concentré avocat guacamole croustille de céleri / rouleau de saumon mi-fumé, fine brandade de cabillaud et huile de roquette / broche de Saint-Jacques condimentée, copeaux de champignons sauvages / noisette de veau fermier, doucettes en pousse et pommes de terre ratte aux petits oignons / crème prise lait de coco, figue et caramel sangria / petit bouchon sablé ‘banane chocolat’ guanaja et sirop myrtilles.
J’étais dans le groupe 1 et l’on m’a fait goûter quelques vins des autres groupes dont je parlerai aussi. Le Champagne Besserat de Bellefon non millésimé a séjourné dans ma cave près de dix ans, ce qui lui donne une maturité de bon aloi. Avec un grand vigneron de champagne présent, nous nous disons qu’il est fort bon. On devrait faire vieillir en cave tous les champagnes non millésimés. Nous le buvons debout avec de fort goûteuses gougères.
La Malvoisie Bodegas El Griffo, Lanzarotte # 1957 est une inconnue. Je l’avais placée avec les liquoreux dans les listes que j’avais préparées, mais en débouchant j’ai senti qu’il était sec. L’étiquette indiquant 12°, c’est par lui que nous commençons. Quelle agréable surprise ! Voilà un vin sans aucun repère. Je dirais qu’il est politiquement correct, ou glabre. Car on ne peut pas lui trouver le moindre défaut. Il n’est pris d’aucune folie, mais il est bon, simplement bon. Notre table le trouve fort agréable.
L’Y d’Yquem 1978 est particulièrement joyeux et fruité. On sent toute l’expressivité des terres d’Yquem. Vin sans histoire qui expose son fruit avec un naturel charmant, il coule en bouche parfaitement.
Le Chablis Maison Bichot 1929, ça c’est autre chose. On pénètre dans le monde des vins anciens avec un vin absolument convaincant. Sa palette aromatique est infinie. Il transporte comme sur un tapis volant dans un monde irréel où volent les épices, les goûts raffinés, compliqués et sensuels. C’est un immense vin extraterrestre. A ce stade, nous nous disons que ça démarre bien, car les trois blancs que nous avons bus n’ont pas le moindre défaut. Ils sont l’exacte représentation de ce qu’ils doivent être, si l’on admet que la Malvoisie ait une référence, ce qui n’était pas le cas pour moi. Et voici qu’on me tend un verre du Pouilly Fumé Baron de L Ladoucette magnum 1982, apporté par celui qui le fait. Et là aussi, ce qui me frappe, c’est la pureté de ce vin au final enchanteur, large coup de fouet qui réjouit les papilles. Quatre blancs bien faits à ce stade, c’est un bon début.
Le Château Bellevue (Montagne Saint-Emilion) 1961 joue d’une voix beaucoup plus affirmée que son appellation. C’est l’année 1961 qui veut ça. Le Cos d’Estournel 1942 est un peu plus fatigué. Ces deux rouges qui viennent ensemble sont agréables, pleins d’évocations subtiles, mais on mesure le fossé qui sépare les blancs auxquels aucun reproche ne peut être fait de ces deux rouges dont les imperfections se remarquent. Deux vins fort courtois au demeurant.
Et le Moulin à vent Patriarche Père & Fils 1959 vient enfoncer le clou. Car il est d’un équilibre et d’une précision qui forcent le respect. C’est un vin sensuel, joyeux, qui se boit sans histoire quand on cherche à Bordeaux les traces de noblesse dans un message parfois brouillé.
Le Pommard 1923 est d’une bouteille lourde comme des vins de cette époque, et aucune indication n’est donnée sur le domaine ou sur le négoce qui l’a fait. C’est Pommard, un point c’est tout. Et dès la première gorgée, je me retrouve dans mon univers. C’est charmant, plein d’évocations nostalgiques, et c’est un vin qui m’émeut.
Avec le Martinez Lacuesta Reserva Especial de 1960 on redescend sur terre. Vin charnu, puissant, un peu torréfié, il se boit bien mais ne dégage aucun frémissement de ma part. Tel n’est pas le cas du Vega Sicilia Unico 1953, insolent de facilité de langage. Ce vin parle bien, il a la voix posée, et son verbe fleuri raconte des histoires. Quel grand vin !
L’Arbois jaune Louis Carlier 1953 est vraiment fatigué. On reconnaît des lettres dans des bouteilles à la mer, mais le message est presque illisible.
Le Pinot gris Sélection de Grains Nobles Hugel 1976 est absolument magnifique. Jean Hugel doyen de notre assemblée nous a fait l’amitié de se joindre à nous. Il démontre une fois de plus que ses vins anciens ont une légèreté, une fluidité et un caractère aérien spectaculaires. Ce vin est beau, précis, joyeux, fluide en bouche, et on en boirait toute la nuit.
Le Château Bernisse Castelnau Sauternes 1961 fait partie d’une des huit bouteilles que j’ai apportées. Je l’ai mis pour que l’on puisse se rendre compte que de petits sauternes gagnent avec l’âge une sérénité joyeuse. Celui-ci est vraiment plaisant. On ne peut pas dire qu’il a du corps. Mais son goût est charmant. Evidemment, quand arrive le Château La Tour Blanche, sauternes 1928, on change de galaxie. Ce vin a tout pour lui. Il ressemble beaucoup au vin de Hugel au plan de la légèreté, de la facilité de son trajet en bouche. Mais l’aîné a une palette aromatique absolument exceptionnelle. C’est un vin immense.
Avant d’évoquer les vins d’autres table, je fais un classement des vins de notre groupe : 1 – Château La Tour Blanche, sauternes 1928, 2 – Chablis Maison Bichot 1929, 3 – Pinot gris Sélection de Grains Nobles Hugel 1976, 4 – Vega Sicilia Unico 1953. Mais le Pommard 1923 mériterait une médaille comme la Malvoisie recueillerait le prix de l’étrangeté.
On m’apporte de temps à autre un vin à découvrir. Le Vin Fou d’Henri Maire 1955 est vraiment fou. Un peu fatigué, il exprime cependant quelque chose d’inconnu, de troublant et fort charmant. Le choc est venu du Puligny Montrachet Caves Nicolas 1947 que j’avais apporté. Tout le groupe 3 se pâme d’aise devant ce vin parfait, l’un des convives me disant : « ce n’est pas possible, ils ont mis du Montrachet ! ». Et effectivement, ce vin est invraisemblablement parfait, juteux, goûteux, machû, fruité au-delà du possible, avec une longueur rare. Comme c’est le mien, je vais le mettre en tête, avant même La Tour Blanche que j’ai adorée.
La surprise la plus forte est venue du Nuits Saint Georges Bouchard Ainé et Fils 1959. Ayant dû le carafer, j’ai cru lui remettre son avis de décès, et je n’aurais pas donné un centime sur sa survie. Il fit mieux que cela, il se révéla buvable, même si la torréfaction est certaine, et les tables concernées l’ont aimé. Ils ont d’ailleurs eu la chance d’avoir quatre bourgognes, dont j’ai bu quelques uns, qui étaient présents au rendez-vous qu’on leur avait donné. Chacun de groupes a pu approcher des vins qui furent de grandes surprises positives. Il y a eu quelques bouteilles fatiguées, mais dans l’ensemble, les performances furent bonnes et en tout cas supérieures à ce que donneraient des avis livresques. Les vins anciens se comportent mieux que ce que l’on croit.
Cette séance fut très équilibrée. Trois groupes de treize goûtant treize à quatorze vins, c’est le bon format. La salle très adaptée, la cuisine qui suit le mouvement, tout était réuni. Il nous faut pour la suite rehausser le niveau de certains apports. L’académie des vins anciens a justifié pleinement hier les objectifs qui avaient été fixés lorsqu’elle a été créée.
La photo de famille des vins apportés par les académiciens, de 1923 à 1982. On remarque dans la glace une vue partielle sur la jolie salle du restaurant Macéo.
Quelques bouchons extirpés avec l’aide d’académiciens amis. L’opération d’ouverture est toujours joyeuse mais studieuse.
Une cuisine de bonne qualité nous a permis de passer un moment de grande joie oenologique.
Echézeaux Jaboulet-Vercherre 1973
Gewürztraminer Vendanges Tardives Domaine Weinbach Collette Faller 1976
Tokay d’Alsace Vendanges Tardives, sélection de grains nobles Hugel 1976
Gattinari Nervi, vin italien 1977
"Y" d’Yquem (qui ne s’appelle en fait pas ainsi, mais seulement "Y") 1978
Vin jaune d’Arbois Rolet Père & Fils 1979 avec un texte explicatif sur le vin jaune
Baron de L Pouilly Fumé Ladoucette 1982 en magnum de la réserve de Patrick de Ladoucette, qui assistait à la réunion de l’académie des vins anciens du 3 décembre 2007.
Chateau Bernisse Castelnau, Sauternes 1961
Chateau Bellevue, Montagne Saint-Emilion 1961
Bourgogne Aligoté Grivelet-Cusset 1962. Il n’y a qu’à l’académie qu’on ouvre de tels vins !!!!
Où classer ce Pedro Ximenez 1927 dont le fût a été commencé en 1927. Mais que reste-t-il de cette année là ?
Domaine Haut-Callens Graves Supérieures blanc demi-sec 1964. Un tel vin est typiquement dans la cible de l’académie des vins anciens qui veut montrer que ces petits vins, avec de l’âge, deviennent absolument extraordinaires.
A noter l’écriture : "Graves Supérieurs", alors que l’on dit – je crois – "Graves Supérieures". A vérifier.
Chateau Bel Air Saint-Emilion 1966
J’ai mis ce Moscato passito di Pantelleria 1971 en pensant à Carole Bouquet qui a un vin similaire. Est-ce le même ? Là aussi à vérifier.