Le Tout-Paris se retrouve au Cirque d’Hiver à l’occasion des dix ans d’anniversaire du journal Marianne. Dans ce lieu riche en couleur, une profusion de stands et d’attractions. On reconnaît le gratin de la politique, Jacques Lang, Jean Pierre Chevènement, du show-biz avec Robert Hossein et son épouse ou Wolinski et de la gastronomie, comme Marc veyrat entre ses béquilles. Une réussite événementielle qui sera racontée. Trop de foule et trop de chaleur nous poussent à dîner au restaurant Murano. La façade est relativement discrète. L’intérieur est raffiné, jeune, attrayant. Les clients sont jeunes et beaux et, ce qui ne gâche rien, authentiques. Le service est attentionné comme j’ai rarement l’occasion de le rencontrer. Je prends des raviolis à la truffe blanche et un bœuf de Kobe particulièrement succulent. La carte des vins est curieuse, car entre le bas de gamme et le haut de gamme, il y a un vide sidéral. Je commande un Chapelle-Chambertin Louis Trapet & Fils 1985. Objectivement, le vin a eu un accident de cave avec une chaleur excessive. Il est un peu torréfié, surcuit, mais il lui reste deux ou trois signes de vie. Je n’étais pas là pour faire des histoires, aussi j’ai essayé d’en retirer ce qu’il pouvait me dire, sur la truffe blanche qui l’excite bien et sur la viande goûteuse, qui le fait presque revivre. C’est un lieu que je recommande, si l’on a la sagesse de prendre des vins sans risque, car l’envie de réussir anime une jeune équipe sympathique. Un détail de la vie : uriner devant un écran branché sur Disney Channel, c’est pour moi une première.
les bouchons de la Romanée Conti mardi, 27 mars 2007
Pour préparer les vins de la séance de l’académie des vins anciens, je cherche dans ma cave.
Une bouteille attire mon regard. Couleur curieuse.
Je prends la bouteille en main, et je vois que le bouchon est tombé dans la bouteille. Or cette bouteille est comme les autres stockée avec précaution.
C’est Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1956. La couleur est d’un rose sale, presque dépigmentée.
Nous avons essayé de boire quelques gorgées avec mon fils. Si des évocations fugaces reviennent, ce vin est imbuvable.
C’est vraiment la Romanée Conti qui me donne le plus de déboires.
Une explication ? De mauvais stockages par des gens indélicats, qu’ils soient agents ou clients. Mais sans doute aussi une mauvaise période dans le choix des bouchons. Car des vins de Bordeaux des années 50 ont des bouchons sains et efficaces.
Quelle tristesse que ça tombe sur ce domaine !
salon des vignerons indépendants lundi, 26 mars 2007
C’est à la Porte Champerret, sur trois jours.
Je reviens du salon, et c’est extrêmement plaisant.
Il y a des centaines de vignerons, et l’on voit bien que des stands sont très sollicités pendant que d’autres se morfondent.
Il y a suffisamment de beaux domaines pour satisfaire la curiosité de chacun.
Je suis surtout passé pour dire un petit bonjour à des gens que j’apprécie :
– Bernard Cazes au Rivesaltes Cazes
– Paule de Volontat à la Coume du Roy en Maury toujours aussi charmante
– Olivier Decelle à Mas Amiel (pas là, mais j’ai vu ses équipes)
– les gentils propriétaires de Caillou à Barsac
– la famille Médeville propriétaire de Gilette (sans doute le vin le plus prestigieux du salon) et de Justices, dont la qualité mérite d’être connue
– le domaine Tissot
– Philippe Chatillon au Domaine de la Pinte
– René Monbouché à Theulet Marsalet en Monbazillac (son 2003, c’est de la bombe)
– Cauhapé avec sa quintessence de petit Menseng (absolument délicieux, même si ça fait boum boum)
– et l’incontournable Dupasquier où, comme les fauves qui se retrouvent au point d’eau, j’ai retrouvé deux autres amateurs de mes relations pour goûter Altesse et Marestel 2004 (et je dois dire que j’ai aimé les deux, même si le Marestel est plus taillé pour la garde).
J’ai goûté Chateau Tournefeuille 2004 que j’ai trouvé intéressant.
Et chez Tissot on m’a fait goûter un rosé de saignée 2003 que j’ai trouvé assez bluffant (dans sa catégorie)
J’ai goûté le Chateau Jean Faure 2004 St Emilion que vient de racheter Olivier Decelle. C’est un peu simple, mais ça va progresser.
J’ai goûté le Chateauneuf-du-Pape Janasse Vieilles Vignes 2005 très boisé, mais qui va faire un grand vin.
Mon seul achat, car je n’étais pas venu pour acheter : un cognac extrêmement vieux, mélange de 1929 et 1947, de la maison Estève. Achat impulsif, car j’ai déjà trop d’alcool. Mais c’est sacrément bon.
Un ami m’a fait goûter les vins d’un domaine d’Alsace qui est remarquable et que je ne connaissais pas, Stentz Buecher. Le pinot blanc 2002 vieilles vignes est extrêmement intense et me plait plus que le Gewurz SGN 2001 qui, même bien fait, ressemble beaucoup à d’autres.
Il y avait donc de quoi satisfaire tous les palais dans ce salon très riche en possibilités de découvertes. Car je n’ai effleuré qu’une infime partie de ce qui était visitable.
MOUTON 1945 vendredi, 23 mars 2007
Par un curieux concours de circonstances, je vais partager le même mois, en avril, deux bouteilles de Mouton 1945.
Lisez ceci :
C’est du journal le Parisien de ce jour.
Deux remarques :
– mon nom en chinois se dit Phrann soye Ho doouzz (ce qui signifie en mandarin : "petit esprit léger butinant de grands vins").
– je plains la pauvre bouteille de Mouton qui aura été bien chahutée avant sa destination finale.
dîner wine-dinners 22/03/2007 au restaurant de Patrick Pignol jeudi, 22 mars 2007
Les vins et le menu du dîner
Les vins de la collection wine-dinners
Champagne Dom Ruinart rosé 1986
Champagne Krug Grande Cuvée NM (vers 1990)
Château Laroze Saint-Emilion 1947
Château L’Angélus Saint-Emilion 1961
Château Haut-Brion rouge 1950
Santenay Léon Violland 1949
Echézeaux Joseph Drouhin 1947
Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1980
Arbois Pupillin Gilles Lornet 1976
Madère Boal 1910
Domaine du Pin 1ères Côtes de Bordeaux 1937
Château d’Yquem 1938
Le menu créé par Patrick Pignol
Oursin et chou-fleur au parfum de marjolaine
Huîtres en habit vert pochées dans leur jus, compotée d’échalotes au vieux vinaigre
Langoustine croustillante, « Bormano » extra vierge
Foie gras de canard poêlé au suc de cuisson, truffes noires de Carpentras
Poitrine de pigeon rôti à la sarriette
Beaufort d’Alpage et Saint-nectaire
Triptyque autour de la mangue
Madeleines au miel de bruyère
dîner wine-dinners au restaurant de Patrick Pignol – compte-rendu jeudi, 22 mars 2007
Je cours rejoindre Patrick Pignol pour évoquer le menu de ce soir, pour le 84ème dîner de wine-dinners. Ayant les vins en tête, il va composer son menu en fonction de ses approvisionnements du matin à Rungis. Nous en discutons quelques minutes et nous voilà lancés. L’intitulé des plats ne sera connu qu’à table, mais j’ai une totale confiance en ce chef de talent dont le recul d’une case dans le Monopoly des étoiles Michelin me semble inapproprié. Comme je l’ai indiqué sur mon blog, il y a des chefs qui sont mes favoris, dont Patrick fait partie. Je ne peux en aucun cas prétendre que mon goût serait universel quand celui du guide ne le serait pas. C’est exactement comme pour l’appréciation des vins. Il y a trop de gens qui se prétendent guide à la place des guides pour que je tombe dans ce travers et cette vanité de vouloir être le juge du travail des juges. Patrick Pignol fait partie des chefs que j’aime. Cela me suffit.
L’ouverture des bouteilles se passe très facilement, même si le premier vin que j’ouvre, Laroze 1947, est particulièrement coriace. Je sors le bouchon en mille morceaux, car il est collé aux parois. Avec Nicolas, élégant sommelier au sourire communicatif, nous constatons qu’aucune odeur n’est désagréable. C’est assez sympathique de sentir qu’aucun problème ne devrait surgir.
Les convives sont très ponctuels (enfin, presque tous…), mais on me fait une surprise de taille. Deux couples d’italiens de Milan s’étaient inscrits, et l’un deux avait annulé très peu de jours avant le dîner, ce qui est toujours un problème. Qui vois-je arriver ? Non pas deux, mais quatre italiens. Je fais recomposer la table et l’on ne vantera jamais assez l’efficacité de l’équipe de Patrick Pignol, aux initiatives toujours justifiées. J’ouvre le vin que j’avais en réserve, le Grands Echézeaux du Domaine de la Romanée Conti 1980. On comprendra plus loin qu’il faut dire un grand merci à Alberto et Sabrina dont l’arrivée inattendue nous a permis de boire cette merveille.
Nous aurons connaissance du menu créé par Patrick Pignol juste après le début du repas : Oursin et chou-fleur au parfum de marjolaine / Huîtres en habit vert pochées dans leur jus, compotée d’échalotes au vieux vinaigre / Langoustine croustillante, « Bormano » extra vierge / Foie gras de canard poêlé au suc de cuisson, truffes noires de Carpentras / Poitrine de pigeon rôti à la sarriette / Beaufort d’Alpage et Saint-nectaire / Triptyque autour de la mangue / Madeleines au miel de bruyère. Fondé sur des produits de qualité irréprochable, ce menu simple et clair est exactement ce qui convient aux vins. J’aurais évidemment enlevé la compotée d’échalotes qui rebute les vins anciens, mais tout ceci est du détail. Patrick, attentif et en quête de nos remarques, a réalisé un grand repas.
Nous sommes douze, dont trois sont des fidèles parmi les fidèles, fous de générosité comme on le verra, un journaliste américain connaît les dîners puisqu’il a écrit sur eux, et les sept nouveaux dont les quatre italiens qui s’expriment en anglais ne vont ménager ni les rires ni les surprises qui émailleront ce repas.
Le champagne Dom Ruinart rosé 1986 est un des plus solides rosés que je connaisse, toujours exact au rendez-vous. Le chou-fleur sert adroitement de passeport entre l’oursin très viril et le champagne qui aimerait plus se faire caresser que fouetter. Mais cette confrontation d’un rosé à l’oursin est particulièrement bienvenue. Ce rosé goûteux et expressif est un bon compagnon de gastronomie. La marjolaine est une petite touche de génie.
Décidément, des surprises, j’en vois à mes dîners. Car lorsque Nicolas me sert le champagne Krug Grande Cuvée que je situe vers 1990, Nicolas pensant qu’il est peut-être encore plus ancien, c’est un rosé qui coule dans mon verre. Et en bouche, pas d’ambiguïté sur son caractère rosé. Cela fait donc deux dîners depuis le début d’année où l’on découvre des blancs qui se transforment en rosés. Il faudrait que je songe, en théurge purificateur, à servir du plomb à mes convives, avec l’espoir qu’une alchimie les transforme en or, leur ouvrant le chemin du Graal. L’huître dans sa robe de verdure est délicieuse, mais j’ai vu en déshabillant l’une d’elles que le Krug réagit mieux lorsqu’elle est nue, sa salinité iodée l’excitant plus encore. Ce rosé est une belle surprise.
C’est un joli pari d’associer au château Laroze Saint-émilion 1947 deux langoustines, l’une dans sa coquille et l’autre dans un croustillant. L’idée me plaisait et le résultat est probant. Ce vin impressionne immédiatement toute la table par sa jeunesse et sa sérénité. Il est délicatement velouté, soyeux comme du tussah. Franc, goûteux, romantique, ce vin est délicieux. Il réagit bien à la langoustine, surtout la croustillante.
Le Château L’Angélus Saint-émilion 1961 est un des grands symboles de l’univers des grands bordeaux. Comme beaucoup de convives connaisseurs de notre table, j’en attends beaucoup. Et le contraste immense qu’il forme avec le Château Haut-Brion rouge 1950 est un bonheur pour les deux vins. Angélus, c’est l’élégance, la finesse, la délicatesse, avec l’accomplissement d’une année de stature imposante. Lors de la verticale d’Angélus où nous avions pu goûter 21 millésimes, j’aurais bien aimé que 1961 y fût, car il m’eût plu de le voir confirmer auprès de ses frères son insolente supériorité. C’est un très grand vin. Connaissant le mimétisme à la truffe du 1950, j’avais demandé au généreux Patrick Pignol d’ajouter le glorieux tubercule au plat, ce qui embauma la pièce à nous enivrer. Comme naguère pour Pétrus 1934, je savais que ce Haut-Brion 1950 « est » truffe. C’est impressionnant. L’année 1950 est relativement peu connue. Elle sied particulièrement à Haut-Brion. Le foie gras met en valeur les deux vins très opposés se complétant pour notre plaisir.
Le Santenay Léon Violland 1949 avait le plus beau nez à l’ouverture. Dès qu’il arrive, son nez me transporte d’aise. C’est outrageusement sensuel. Et en bouche, quel plaisir simple, gentiment construit. L’Echézeaux Joseph Drouhin 1947 est un des vins que j’adore, car il vient d’une cave, que je ne connais pas, mais dont j’ai acheté il y a plus de dix ans une vaste cargaison qui comptait les Nuits Cailles 1915 qui ne m’ont jamais trahi, ce qui en confirme la sécurité. Vin puissant, bien charpenté, solide et complexe mais goûteux dans un sens joyeux, ce vin ne fait pas d’ombre au Santenay alors que le jeu serait normalement assez inégal. Les deux vins, le plus jeune à la trame un peu plus imprécise mais fou de charme, le second plus campé sur son palanquin, conquirent toute la tablée.
Apparaît maintenant le Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1980 rajouté à l’arrivée des convives. On me sert en premier. Je manque de me pâmer. Le lecteur attentif sait que j’ai un ‘certain’ penchant pour les vins du Domaine de la Romanée Conti. Le nez salin de ce vin m’enchante. Je commence par me contenter de ce parfum énigmatique. Et lorsque enfin je le bois, toute l’énigme de la Romanée Conti fait vibrer mon palais. Ce vin est sauvage, vibrant, peu séducteur comme il doit être. Sa salinité me plait. Et je me sens bien, serein comme ce cow-boy que l’on voit chevaucher les plaines arides de l’Arizona dans les images convenues des westerns. C’est un vin immense, dont le côté brut de forge, presque non fini, me ravit encore plus.
Il faudrait un jour faire justice au vin d’Arbois Pupillin Gilles Lornet 1976 et à ses pairs. Car ces très grands vins, aux saveurs riches et complexes pourraient accompagner de nombreux plats. Je suis donc coupable de ne l’avoir associé qu’à des fromages, fussent-ils délicieux comme le beaufort. Puissant, expressif, cet Arbois a su jouer son rôle. Mais il nous donne envie d’explorer d’autres voies plus risquées, car il a le talent pour ça.
Le plateau de fromages était trop tentant pour un des fidèles parmi les fidèles. Il me dit : « que dirais-tu si j’allais chercher un Madère de 1910 ? ». D’aucuns diraient : « c’est trop gentil, ce n’est pas la peine ». Ma réponse fut : « oui ». Et voilà notre ami courant chez lui et revenant avec une très vieille bouteille noire au nom marqué au pochoir , comme le matricule d’un prisonnier : « BOAL 1910 ». La complexité aromatique de ce madère est extragalactique. Il y a des milliers d’évocations. Le bois précieux, la réglisse, la noix, le citron vert, le thé, le café, la cannelle, le poivre. Tout y est. En bouche la trace est lourde ce qui me fait craindre pour les vins qui vont suivre. L’envie de mon ami était née de la mimolette aux couleurs ostentatoires comme le cul d’un drill. Et l’accord se fait évidemment, mais je sens qu’un ris de veau, ou mieux, un canard à l’orange, seraient des compagnons de jeu beaucoup plus excitants pour ce grand madère.
Après s’être préparé la bouche de petites mignardises, le Domaine du Pin 1ères Côtes de Bordeaux 1937 apparaît sur la composition de mangue et subjugue plus d’un par sa belle prestance. Un vin si ordinaire, vieux de 70 ans, ça ne devrait pas bien vieillir. Eh bien si. Délicat, il joue sur une douceur de velours et la mangue lui va bien. Il a la courtoisie de servir de faire-valoir, et c’est ce que j’avais voulu, à un splendide Château d’Yquem 1938, serein, plein, épanoui, sûr de lui, à la profondeur de goût inimitable. Je ne m’attendais pas qu’il ait cette plénitude, car la décennie 30, à l’exception de 1937 est un peu légère. Cela fait une exception de plus.
Nous avons tous voté sur les vins de ce soir à l’exclusion du madère 1910, trop différent. Et le résultat me rend particulièrement fier, car les onze vins, je dis bien les onze, ont tous figuré sur au moins un bulletin de vote où l’on ne peut mettre que quatre noms. J’en suis fier, car cela montre que le choix de vins, où je mêle des icônes comme Yquem, Angélus ou Krug et des vins plus fantassins comme le Santenay, le Domaine du Pin ou le Laroze, permet à chaque vin de s’exprimer et de briller. Cela tient évidemment beaucoup à la méthode d’ouverture, car pour aucun vin nous n’avons dû constater, comme cela se raconte tant de fois, qu’une demi-heure plus tard, le vin serait plus épanoui. Il l’est totalement, dès la première gorgée, ce qui devrait être la norme.
Cinq vins ont eu des votes de premier, on sait que cela me remplit d’aise : le Grand Echézeaux a récolté cinq votes de premier, résultat remarquable, le Santenay, le Haut-Brion et l’Angélus ont eu chacun deux votes de premier et l’Echézeaux a eu un vote de premier. Le vote du consensus serait : 1 – Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1980, 2 – Château L’Angélus Saint-émilion 1961, 3 -Château Haut-Brion rouge 1950 et 4 – Santenay Léon Violland 1949.
Mon vote diffère : 1 – Echézeaux Joseph Drouhin 1947, 2 – Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1980, 3 – Château d’Yquem 1938, 4 – Château Haut-Brion rouge 1950. Un de mes amis belges du déjeuner chez Alain Senderens m’avait dit ne pas s’être inscrit à ce dîner car il ne voyait pas beaucoup de fleurons du monde du vin. « Selbst Schuld » comme on dit dans la langue de Goethe. Ceux qui sont venus ont fait moisson de souvenirs pour la vie.
Un autre convive ami tout aussi généreux proposa que l’on prenne un digestif, vocable particulièrement hypocrite. Je pris un Louis XIII de Rémy Martin, cognac d’exception, mon ami prit un Marc de Bourgogne du Domaine de la Romanée Conti 1979 absolument redoutable. Notre table ne voulait pas se quitter, cherchant à prolonger, aussi longtemps que c’était possible, la magie de cette inoubliable soirée.
Les vins du 84ème dîner du 22 mars 2007 jeudi, 22 mars 2007
L’année du Joseph Drouhin est nettement lisible : 1947.
Yquem 1938 n’a pas d’étiquette, mais a un énorme avantage : son bouchon est d’origine et sa couleur splendide
A ces vins, j’ai rajouté Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1980, du fait d’un nombre de convives plus important que prévu.
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Alain Senderens, quel talent ! jeudi, 22 mars 2007
Le jour du 84ème dîner de wine-dinners, des amis belges, solides compagnons de table, vont déjeuner chez Alain Senderens. Après avoir dit non, pour me ménager, je les rejoins. Etant en avance, j’ai le temps de bavarder avec Madame Senderens radieuse et de choisir des pistes pour les vins que nous partagerons. Mon choix est adopté et même amélioré, car j’avais choisi pour le rouge un millésime plus modeste. L’heure était à l’audace.
Nous commençons par un Champagne Clos des Goisses Philipponnat 1989 sur « asperges vertes de Lauris « crues et cuites », tagliatelle de seiche à l’huile épicée ». A noter que sur la carte il est écrit « crûtes et cuites ». L’eusse tu cru ? Le champagne a une belle couleur dorée, une bulle discrète, et son goût intense évoque le miel, la brioche, le soleil. Sur l’asperge croquante, c’est un régal. Le Clos des Goisses a une longueur et une présence exemplaires qui nous réjouissent. Il nous a séduits.
Le Riesling Clos Sainte Hune Trimbach 1981 accompagne un « foie gras de canard poché, dans un bouillon à la chinoise ». La divine chair du foie, aérienne de subtilité, se fond dans ce Riesling extraordinaire. L’âge l’a assemblé comme une montre suisse. Il est précis, chaleureux, profond, intense, joyeux. Il a toutes les qualités.
Les « suprêmes de pigeon rôtis, cuisses en pastilla et navets caramélisés à la cannelle » profitent avec bonheur de la présence du Château de Beaucastel Chateauneuf-du-Pape Hommage à Jacques Perrin 1990, vin extraordinaire. Dès la première gorgée, on sait que l’on est dans la perfection absolue. Déviation de l’époque, alors que je ne note jamais les vins, je me mets à penser : « ça, c’est un 100 points Parker ». Mais cette idée est vaine. A quoi sert de résumer ainsi une impression ? Ce qui compte, c’est que ce vin est du plaisir pur en bouche, avec un bois intelligent, avec un fruit joyeux, une mâche généreuse et un bonheur de vivre au-delà de tout.
Par gourmandise, je me suis pâmé sur un « macaron à la rose et au litchi » à se damner tant c’est subtil. Disons le sans détour, Alain Senderens, c’est l’anti Canada Dry : ça n’a pas l’aspect d’un trois étoiles, puisque c’est la voie qu’a choisie le chef, mais c’est du trois étoiles. Car cette démonstration absolument brillante d’une cuisine simplifiée et magistrale, il n’y qu’Alain pour l’avoir réussie avec ce talent. Trois étoiles à nouveau, ce serait un caprice d’un raffinement rare.
L’heure passant, il était temps de courir chez Patrick Pignol pour ouvrir les bouteilles d’un nouveau dîner merveilleux.
Le millefeuille qui est ici en photo a été choisi par un de mes amis bleges.
Comme c’est l’une des icônes de la cuisine d’Alain Senderens, je me devais de faire figurer cette photo.
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Yquem au printemps jeudi, 22 mars 2007
Façade est et façade sud.
coucher de soleil et les chais.
déjeuner de conscrits avec de beaux 1986 mercredi, 21 mars 2007
Tous les deux mois, notre petit groupe de conscrits se retrouve dans un grand cercle parisien. Le Moët & Chandon non millésimé qui a une bonne quinzaine d’années confirme une fois de plus que ces champagnes sont faits pour respirer longtemps l’atmosphère des caves. L’âge leur va bien. Un champagne Laurent Perrier non millésimé beaucoup plus jeune a de l’agrément, mais moins d’expressivité, ce qui est lié à un manque de maturité.
Le Château La Conseillante 1986 est un pomerol accompli. Le nez est serein, et en bouche, tout est assemblé d’une intelligente façon. On se sent bien avec un tel vin. C’est d’un remarquable confort si l’on pense à des vins plus jeunes qui ne peuvent l’offrir. Le Château Lafite-Rothschild 1986 a un nez très boisé. En bouche, le bois est rude, assèche toute expression entrave la sérénité et la rondeur que l’on trouvait avec le pomerol. Mais le vin avait été ouvert au dernier moment. Quand il a eu son oxygène indispensable, il s’est mis à chatoyer comme il doit le faire. Et l’on perçoit alors la richesse de la trame de ce vin précieux. Un Pommery sans année conclut un déjeuner animé où, comme il est d’usage, nous reconstruisons un monde qui n’attendait que nous.