Chateau de Myrat Sauternes 2003 mardi, 19 décembre 2006

Je ne consulte pas toujours les messages sur mon portable. Aussi, sourire aux lèvres j’arrive aux Caves Legrand pour une dégustation de vins d’Alsace, où j’apprends qu’elle est annulée. Il y avait là le propriétaire de Château de Myrat qui faisait goûter son Château de Myrat 2003. Quel contraste avec l’Yquem 2002. On sent ici le poids des grains surmaturés, fous de soleil. Cette année riche a fait un vin lourd comme un sirop. Il m’a fait penser à Lafaurie Peyraguey. Nous avons longuement parlé avec ce propriétaire sympathique. Son vin m’a plu.

Yquem 2002 et un Chambertin 1961 dans ma cave mardi, 19 décembre 2006

Une revue suisse adressée aux titulaires d’une carte de crédit qui fait de vous un théorique roi de la Terre, veut faire un reportage sur mon activité. Un rendez-vous est pris avec une journaliste et une photographe, pour visiter ma cave. Elles souhaiteraient aussi me photographier dans un des restaurants de mes dîners. Au même moment un américain de passage à Paris, qui m’a vu écrire sur un forum, souhaite me rencontrer. J’imagine que nous pourrions partager un repas dans un des restaurants où j’organise mes dîners. Mais le TGV des journalistes a deux heures de retard. Nous ne pourrons pas aller au restaurant. Je demande à cet américain totalement inconnu (il a lu mes aventures sur le site de Robert Parker) s’il veut me rejoindre dans ma cave et partager une belle bouteille, s’il apporte des sandwiches pour cinq. Il dit oui.

Nous nous retrouvons donc dans ma cave où je réponds aux questions de la journaliste, où je prends la pose pour la photographe, et voici qu’un américain de l’Alabama qui ressemble à un gamin, se présente avec sa ravissante petite amie et les sandwiches. Il erre avec des yeux émerveillés dans ma cave. Photographié, j’ouvre un Chambertin Pierre Damoy 1961, le même que celui que j’avais offert à un autre journaliste à un déjeuner chez Jacques Le Divellec. Il me fallait ouvrir un vin déjà ancien, qui supporte une ouverture rapide, puisque l’on ne peut pas attendre, et qui s’épanouisse dans une atmosphère froide puisqu’il est bu en cave. Ce Chambertin correspond à cette attente, car sa solidité lui permet d’être expressif, même dans ces circonstances. Pendant la conversation, j’entends que le jeune américain et la journaliste n’ont jamais bu d’Yquem. Est-ce un appel inconscient, je ne le sais. Un de mes collaborateurs est allé acheter des desserts. J’ai l’envie d’ouvrir une Yquem. Je vois, en errant dans les allées, une demie bouteille d’Yquem 2002. Il faut être fou pour ouvrir un vin si jeune et si pâle. Je l’ouvre. Mes compagnons de cave sont émus. Le vin est délicieux, avec des évocations de jeunes fruits verts. C’est énigmatique, troublant, tout en douceur végétale et je le trouve diablement intéressant. On est loin de la puissance traditionnelle d’Yquem 2001. On est dans un registre plus romantique, plus floral, plus délicat. Il est évidemment moins bien noté par les critiques, mais j’aime bien qu’Yquem explore aussi cette facette là.

Quand j’ai fermé les multiples serrures de ma cave, je savais que j’avais fait plaisir à de jeunes personnes qui découvraient leur premier Yquem.

mes meilleurs vins de l’année samedi, 16 décembre 2006

La question étant posée à tous les participants au forum de Robert Parker, j’ai regardé les vins que j’ai préférés parmi ceux que j’ai bus cette année 2006.

Voici le message que j’ai envoyé. Cliquez ici

A question was asked on the Parker forum about the best wines drunk in 2006 (not finished). To get my answer, please click above on the word "ici"

Les prix s’envolent !!! samedi, 16 décembre 2006

Je reçois le catalogue d’une vente à Epernay. Je connais l’expert.

Dans la liste, des vins qui font battre mon coeur : champagne Salon 1917, champagne Salon 1928 et une supposée bouteille de Salon 1929.

J’appelle l’expert et je donne des ordres qui sont entre trois et quatre fois au dessus de l’estimation de l’expert.

Les vins sont partis au double de mes ordres, soit plus de six fois l’estimation.

Pour donner une idée, un américain avait donné un ordre pouvant aller jusqu’à 10.000 euros pour le Salon 1928.

Un magnum de Salon 1964 a atteint 5.400 € avant frais, ce qui fait 6.363 € avec les frais, et comme dirait l’expert en chiffres de la CGT, Henri Krazucki : 4.174.000 de centimes de nouveaux francs.

Il y a aujourd’hui des collectionneurs aux moyens quasi illimités qui achètent tout ce qui a un parfum de rareté.

Mon chouchou Salon va devenir une denrée encore plus rare !!!

On s’est moqué de la vente de la Mairie de Paris. Les prix absurdes qui ont été pratiqués vont devenir la norme sous peu.

verticale de Léoville Barton et Langoa Barton au restaurant Taillevent vendredi, 15 décembre 2006

Je revois le lendemain Bipin Desai qui organise au restaurant Taillevent un dîner en l’honneur d’Eva et Anthony Barton, propriétaires du Château Léoville-Barton et du Château Langoa-Barton. Nous participerons à seize convives, la fine fleur de ceux qui parlent du vin, à une de ces verticales dont Bipin a le secret. Je reconnais beaucoup d’habitués. Bipin demande à trois personnes de commenter les vins présentés en trois séries, Raoul Salama de la Revue du Vin de France, Jancis Robinson, la célèbre critique œnologique et votre serviteur. Je sors donc mon petit carnet pour prendre des notes et, comme le lecteur y est habitué, dans ces grandes séries de vins, les notes sont prises à la volée, sans recherche littéraire, car le temps est compté. L’apéritif se prend dans l’intimiste salon chinois, avec un champagne Taillevent fait par Deutz qui s’inscrit avec les gougères dans le théorème « pain vin saucisson » : chaque composante appelle les autres dans une ronde sans fin.

Nous passons à table pour un repas toujours aussi raffiné dont les sauces sont subtiles et d’une précision extrême : épeautre du pays de Sault en risotto, cuisses de grenouilles dorées / coquilles Saint-jacques dorées, mousseline de céleri et velouté de cresson / canard de Challans rôti aux épices, potiron et betterave au jus / Ossau Iraty, confiture de cerises noires / feuille à feuille au chocolat et au marrons.

La première série de vins comprend Léoville Barton 1985 – 1986 – 1993 – 1995 et Langoa Barton 1966 – 1986 – 1996 – 2001.

Le Langoa Barton 2001 a un nez intense et dense. Il est astringent, montre quelques limites. Un certain manque de largeur de vues. Le Langoa Barton 1996 a un joli nez, moins acide. En bouche, il a le même aspect astringent. Il est à peine plus ouvert, comme si c’était le même vin. Le Léoville Barton 1995 a un nez fermé. Il convient de dire que dans chaque série, les premiers vins que l’on découvre sont les moins ouverts dans le verre. En bouche après un aspect un peu aqueux, on sent que le vin va se découvrir et s’ouvrir, vin plus riche et plus complexe.

Le Léoville Barton 1993 a un nez plus flatteur, plus ouvert. Il démarre assez bien, mais dévie assez vite vers un vin un peu plus fatigué. Le Langoa Barton 1986 a un joli nez de 1986. Il est très subtil et commence à s’ouvrir, même si les vins sont encore froids. Le Léoville Barton 1986 a un nez plus confituré, plus chou rouge. En bouche il est d’une belle finesse, élégant. Le Léoville Barton 1985 au nez qui donne envie de boire est plus tenu, plus avancé, il met en valeur le 1986. Le Langoa Barton 1966 a un nez plus évolué mais extrêmement joli. En bouche il est très beau, à peine amer, bien typé.

Le jugement change lorsque l’oxygène fait son œuvre. J’aime beaucoup le 2001, à la jolie épice, qui s’exprime bien. Le 1993 est facile à boire aujourd’hui, élégant, de bel équilibre. Le 1985 devient de plus en plus élégant et le 1966 est très plaisant. Je fais mon petit classement personnel : 2001 / 1985 / 1966 / Langoa Barton 1986. Raoul Salama donne une analyse très documentée sur les évolutions et les progrès qui ont été accomplis aux châteaux et donne des préférences qui ne sont pas les miennes. Les discussions passionnantes autour de la table avec les avis de Clive Coates, David Peppercorn, Serena Suttcliffe et d’autres montreront que tous nos avis différent, ce qui est un grand compliment à faire à ces deux vins.

La deuxième série comporte Léoville Barton 1950 – 1982 – 1989 et Langoa Barton 1955 – 1982 – 1989.

Entre les deux 1989, c’est le Léoville Barton qui est plus profond au nez. Mais je trouve en bouche un charme énorme au Langoa Barton et j’inscris sur mon carnet : « que du plaisir ! ». Le Langoa Barton 1982 est bouchonné et par manque de chance on le remplace par un autre bouchonné. Cela donnera lieu à un incident d’alcôve qui émouvra Jean-Claude Vrinat plus qu’il n’eût fallu, car nous sommes capables d’admettre ces petits incidents de parcours. Le Léoville Barton 1982 est un très beau vin. Il a une profondeur qui me plait. Le Langoa Barton 1955 est un vin déjà un peu évolué découvrant son alcool et un goût de prune. Il est assez joli. Le Léoville Barton 1950 me trouble par son côté bonbon anglais et confiture de rose. Le nez est doucereux et la bouche est très fruit rouge. Il me rappelle avec insistance cette étoupe que j’avais sentie dans la cave de Clos de Tart il y a un an. Le Langoa Barton 1989 est un vin de plaisir quand le Langoa Barton 1989 est plus structuré mais plus strict. Le Léoville Barton 1982 est un grand vin est je classe Léoville Barton 1982, Langoa Barton 1989 et Langoa Barton 1955.

La troisième série comporte : Léoville Barton 1959 – 1990 – 2000 – 2003 et Langoa Barton 1949 – 2000 ainsi que des magnums de Langoa Barton 1948 – 1961. Je me concentre, car je dois en parler.

Le Léoville Barton 2003 a un nez d’une rare séduction. En bouche, il est brutal, tout fou, attendant d’être dompté. Un vin qu’il faut attendre. Le Langoa Barton 2000 est plus humain, plus terrien, il sent les épices raffinées. Un vin de plaisir absolu. Le Léoville Barton 2000 est dans la logique des vins, mis en valeur par son compère. Le Léoville Barton 1990 m’évoque une promenade en forêt, le cassis. Je l’aime. Le Langoa Barton 1961 est charmant, fruité, vin de plaisir. Il ressemble beaucoup au Léoville Barton 1950.

Le Léoville Barton 1959, ça, c’est du vin, avec des évocations de café. C’est tout à fait le goût que j’aime. Le Langoa Barton 1949 est joli mais discret. Il évoque un peu le Porto. Un peu trop doux pour mon goût. Le Langoa Barton 1948 est un peu avancé, mais authentique. J’y vois de la menthe. Il est charmant, avec mêmes des notes bourguignonnes. Revenant de l’un à l’autre je leur trouve plus de charme. Mon classement change souvent. Je le stabilise à : Léoville Barton 1959 / Langoa Barton 1961 / Langoa Barton 1949 / Léoville Barton 1990.

Beaucoup d’experts voteront pour le 1948. Ce qui m’a frappé, c’est que le Léoville Barton n’a jamais vraiment dominé le Langoa Barton. Ces deux Saint-Julien sont de grandes expressions de leur terroir et des symboles de leur appellation. Les boire sur de belles années et sur la cuisine de Taillevent donne des démonstrations convaincantes.

dîner des amis de Bipin Desai jeudi, 14 décembre 2006

J’ai déjà abondamment parlé de Bipin Desai, ce scientifique américain qui organise les dégustations thématiques les plus grandioses de la planète. Chaque année depuis six ans, il me charge d’organiser un déjeuner ou un dîner amical, à vins et frais partagés, qui lui permette de rencontrer des amis ou de nouvelles connaissances. Ces dîners étant comptés au sein des dîners de wine-dinners, même si les vins ne viennent pas en totalité de ma cave, ce sera donc le 80ème dîner de wine-dinners.

Bipin m’ayant prévenu très tard, des participants fidèles comme Alexandre de Lur Saluces, Aubert de Villaine ou Didier Depond ne pourront être présents. Ce sera l’occasion d’accueillir de nouveaux amis comme Jean-Jacques Bonnie, propriétaire de Malartic-Lagravière, Jean Hugel, de la maison alsacienne éponyme, Richard Geoffroy, le magicien qui fait Dom Pérignon, ainsi que l’ami qui fut le déclencheur du fabuleux dîner à l’Astrance où figurait le légendaire Cheval Blanc 1947. Les deux habitués sont Bernard Hervet, qui va rejoindre ou a rejoint Faiveley, et mon fils.

Dans le délicieux hall d’entrée Empire du restaurant Laurent, nous découvrons un magnum de Dom Pérignon Oenothèque 1966 dégorgé fin 2004. Un dégorgement de deux ans lui va bien, nous indique Richard. Ce champagne est spectaculaire, et nous laisse quasi sans voix. Le boire avec les commentaires de Richard Geoffroy et ses mises en perspective rajoute énormément à notre plaisir. Les premières évocations vont vers le salin, iodé, Richard dit feuilles vertes comme le troène. Puis arrivent les fleurs blanches comme le jasmin et les fruits roses. Le champagne s’étend lascivement dans le verre, et les fleurs blanches s’ouvrent. Les fruits se densifient. Le message se structure et se simplifie. Et Richard, qui a le même enthousiasme que nous en le goûtant, adore cette simplification qui est le gardien du message historique de Dom Pérignon. Il explique sa démarche qui doit être fondée sur la recherche de la qualité totale, dans le cadre de la continuité décennale du goût. Ce champagne qui ne cesse de s’ouvrir et de dévoiler des myriades de séductions est impressionnant pour tous. Je pense qu’il serait à l’aise avec des plats qui vont dans son sens et des plats qui le provoquent. Ainsi des huîtres et des coques exploiteraient sa tendance iodée, quand un fromage de tête l’exciterait pour exacerber ses arômes.

Nous passons à table dans la jolie salle à manger, et curieusement, notre belle table oblongue ne permettra pas aux conversations d’être générales, mais seulement en petits groupes. C’est sans doute la forêt de verres qui en est la cause.

Philippe Bourguignon a élaboré avec Alain Pégouret un menu très intelligent dont les sauces vont être, ce soir, de vraies vedettes. Saint-jacques marinées au citron, betteraves rouges cuites et fumées au feu de bois / filet épais de gros turbot cuit au naturel, ventrèche et condiments, jus iodé / jarret de veau cuit doucement, légumes d’automne en cocotte, rehaussés d’un jus acidulé / filet de chevreuil relevé au poire de Sarawak, « späzle » à la poêle / vacherin Mont d’Or et reblochon fermier / mousse un peu sucrée de marrons ardéchois en mille-feuille croustillant, brisures de châtaignes grillées. La magie de Laurent a de nouveau fonctionné, avec un service attentif et exemplaire.

Décidément, les vins de Didier Depond n’auront pas de chance. Pour l’académie des vins anciens, Didier avait expédié des vins qui étaient bien arrivés mais avaient été égarés. Pour ce dîner où Didier ne pouvait se rendre, sa gentillesse l’avait poussé à nous offrir un magnum de Delamotte 1985. Redoutant que deux magnums de champagnes soient excessifs, j’avais échangé ce cadeau contre un Salon 1988 qui avait été retrouvé après son absence à l’académie. Hélas, son champagne Salon 1988 est bouchonné. Que d’aventures ! Heureusement, le nez troublant n’empêche pas la bouche d’être passionnante, car si l’on a la sagesse d’accepter un voile un peu astringent et amer, le discours du Salon 1988 se positionne très bien. Nous en convenons volontiers avec Richard qui fait preuve en la matière d’une totale ouverture d’esprit. La combinaison de la mer et de la terre du plat un peu épicé est une belle trouvaille et aurait dû faire chanter ce Salon qu’il faudra vite goûter pour retrouver son charme et sa puissance.

Deux vins que tout oppose vont cohabiter sans se nuire. Le Corton Charlemagne Bonneau du Martray 1985, cadeau de Jean-Charles de la Morinière qui ne pouvait venir à ce dîner, se présente un peu fermé. On dirait qu’il peine à ouvrir sa porte pour nous accueillir. On reconnaît cependant, mais en cherchant, tout ce qui fait la noblesse de ce grand vin. En revanche, le Meursault Perrières Coche-Dury 2004 est une bombe. Le nez minéral intense envahit l’espace. Et Richard jubile car il y a dans ce vin les goûts qu’il recherche. Et c’est vrai que le Dom Pérignon, association souvent égale entre le chardonnay et le pinot noir, porte en son chardonnay des intonations que l’on retrouve ici. Comme Richard m’explique, je le ressens beaucoup mieux. Ce Meursault est puissant, expressif, typé, et forme avec la ventrèche un de ces accords qui ravissent le palais, chaloupé par tant d’audace si bienvenue.

Le Château Malartic-Lagarvière 1961 de Jean-Jacques Bonnie arrive en scène avec le soupçon d’un petit voile de poussière. Mais  on sent qu’il va disparaître, et il le fait très vite. Et le doucereux presque sucré, les pain d’épices, moka, café de ce vin s’intègrent magnifiquement. Ce vin épanoui est joyeux. Le jarret de veau est un bonbon fondant dans la bouche, d’une jouissance rare. Mais c’est avec la sauce que le Malartic aime se confondre pour un accord délicat.

Plus de quarante ans séparent le doyen de la table, Jean Hugel aux 82 ans d’une tonicité invraisemblable et les deux jeunets Jean-Jacques et mon fils Frédéric. Et ça ne dérange pas, comme l’écart de plus de soixante ans cette fois entre les deux rouges qui cohabitent sur le gibier. Le Chambertin Clos de Bèze Faiveley 1990 est un vin jeune à qui il manque juste d’être un peu plus assemblé. Prometteur, l’alcool fonçant en avant, on en profite en se disant qu’il ferait mieux de dormir encore un peu en cave. Mais il a de l’avenir. A côté de lui, affichant une couleur d’une rare jeunesse, le Pommard Epenots Joseph Drouhin 1929 confirme à mes voisins Richard et Jean-Jacques tout ce que je racontais sur ma « main verte » ou mon « magic touch » qui les faisaient sourire. Car ce vin est éblouissant et exact au rendez-vous. Ouvert par Patrick Lair ou Christèle, la jolie et souriante sommelière il y a plus de six heures, ce vin explose de jeunesse, sérénité, joie de vivre, naturel. Tout en lui paraît tellement facile. Riche, onctueux, velouté, il forme lui aussi avec la sauce du chevreuil un accord éblouissant.

Une discussion s’instaure entre Richard Geoffroy et Bernard Hervet qui me donne un bonheur immense. Ces deux vignerons se racontent leur compréhension de l’année 2003 et les choix de vendanges qu’ils ont dû faire. Et à partir de là, toute la concordance de leurs analyses s’étale voire s’imbrique. Nous assistons à leur plaisir de constater l’unité de leurs deux visions, à l’avant-garde de ce qui se pratique. J’écoute, tel l’enfant qui laisse parler les grands. Rassurez-vous, Jean Hugel n’allait pas leur laisser la parole. Car quand le Jean est lancé, rien ne peut l’arrêter. Mais il dit des choses remarquablement sensées, et l’âge lui permet de raccourcir le propos sans politesse inutile. Alors, c’est passionnant. Et Jean peut parler, car ses vins lui en donnent la légitimité.

Le vacherin accompagne le deuxième vin que j’ai inclus parce que j’aurais bien aimé que Jean-Pierre Perrin assiste lui aussi à ce dîner qu’il a déjà fréquenté. C’est une bouteille très rare : Châteauneuf-du-Pape Domaine de Beaucastel blanc 1955. Un vin doré d’un cuivre discret, un nez intense d’une rare précision. En bouche, je me pâme, car ce vin a tout pour lui. Les évocations de tous les fruits possibles et imaginables sont là, mangues, ananas, kaki, mais aussi beaucoup de bois précieux. Le message du vin n’est pas dispersé. Il est précis, prononcé, typé, et montre que ces vins vieillissent avec un succès remarquable. 

Jean m’avait annoncé avant de l’envoyer qu’il subodorait que le Riesling Vendanges Tardives Hugel 1966 serait devenu presque sec. Le reblochon se justifie donc mieux que le roquefort qu’aurait aimé voir Bipin, en se fiant seulement au nom du vin. En fait, le choix est bon, même si Jean n’aime pas les fromages avec ses vins, car ce Riesling bien sec est délicat, soyeux, doucereux, calme, et demande une saveur confortable et lisible pour montrer toute la subtilité de ses épices et agrumes suggérés.

Le contraste avec le Gewurztraminer Sélection de Grains Nobles 1997 est assez spectaculaire. J’avais déjà bu ce vin chez Jean et je m’en souviens comme d’une bombe. Elle est toujours là, donnant au nez autant de souffle que l’on en aurait à l’oreille si l’on était coincé en concert entre Miles Davis et John Coltrane. La puissance est au rendez-vous, mais c’est un David Douillet. C’est-à-dire que ce vin a une force tranquille qui n’a aucun besoin de parader. Le vin est remarquablement construit et n’a pas de nécessité d’en faire de trop.

Quand je demande que l’on vote, les vignerons présents hésitent, car il est toujours embarrassant de voter pour son propre vin. Le Dom Pérignon est consacré roi de la soirée par quatre votes de premier sur huit, sans avoir besoin du vote de Richard. Le Pommard 1929 a deux votes de premier, le Meursault 2004 un vote de premier, ainsi que le Riesling 1966. Tous les vins ont des votes sauf le Salon, naturellement. Le vote du consensus est assez difficile à faire car les votes ont été très dispersés. Ce serait : Dom Pérignon Oenothèque 1966 en magnum, Pommard Epenots Joseph Drouhin 1929, Beaucastel blanc 1955 et Riesling VT Hugel 1966.

Je n’ai pas eu la retenue de Richard et j’ai voté pour mes deux vins aux deux premières places pour une raison simple : je n’ai aucune raison d’avoir la pudeur du vigneron qui fait les vins, mais aussi parce que j’ai mis ces vins pour faire plaisir à mes amis. Il fallait donc que je les aime déjà ! Mon vote est : 1- Pommard Epenots Joseph Drouhin 1929, 2 – Beaucastel blanc 1955, 3 – Dom Pérignon Oenothèque 1966 en magnum, 4 – Riesling VT Hugel 1966.

Nous étions huit dont quatre vignerons de quatre régions distinctes. La joie des discussions, la densité du contenu, la force de l’amitié, ont été considérables. Philippe Bourguignon et ses équipes ont une fois de plus réussi le tour de force de satisfaire tout le monde. Beaucoup de rendez-vous se sont pris, des promesses de se revoir. Grands vins et grande amitié : un grand moment.

Vogue Espana parle de ma passion dimanche, 10 décembre 2006

J’ai reçu un exemplaire de cette grosse revue avec une mention d’un quart de page sur ma passion.

En voici une preuve :

L’article se poursuit, sous une jolie photo de Carole Bouquet. Je voulais surtout montrer le nom de Vogue.

Je n’ai eu qu’une fois un mannequin étheré à l’un de mes dîners, venue avec un américain. Elle a fait un sans faute dans la dégustation : elle n’a strictement rien bu.

galerie 1805 vendredi, 8 décembre 2006

Il s’agit de deux bouteilles de Lacrima Christi, vin de Naples. A gauche 1805 et à droite 1780. Il faut évidemment que je fasse confiance à l’expert qui a désigné ces deux bouteilles. le 1780 était beaucoup plus frais et vivant que le 1805, deux vins extraordinaires.