Groupe 3 : Champagne Laurent Perrier – Champagne Saint-Sauveur Frédéric Thomas Vertus 1er cru 1977 (dégorgé en 2021) – Champagne Henriot 1989 – Meursault Patriarche 1942 – Vouvray Clovis Lefèvre 1959 – Côte de Moselle 1893 – Château Le Bourdieu Haut Médoc 1975 – Château Jean-Faure Saint-Emilion mise Hannapier 1941 – Château Le Crock Saint-Estèphe 1959 – Richebourg Gros Frère et Sœur 1974 – Pommard Hospices de Beaune Morin Père et Fils 1943 – Jéroboam de Champagne Veuve Clicquot Ponsardin du bicentenaire 1772/1972 Demi-Sec – Château de la Roulerie Chaume 1934 – Monbazillac Theulet Marsallet 1922.
Il fallait faire vite pour ouvrir tous les vins dont certains ont des bouchons qui se brisent en mille morceaux. J’ai pris en charge les bouchons les plus difficiles, laissant à des amis la charge de bouchons apparemment plus faciles. Selon la tradition les ouvreurs ont droit à des attentions amicales. J’avais apporté un Tavel Rosé Château d’Agueria 1954 très plaisant à boire, fluide et rafraîchissant, d’une couleur d’un vrai rose. Un ami a apporté un Champagne Lang-Biémont d’Avize 1949 dont la couleur trahit une réelle fatigue mais qui s’en soucie ? Il a aussi apporté un Passito 1901, vin passerillé et doucereux d’une belle élégance. Une vraie rareté dont cet ami a souvent le secret.
J’étais épuisé après cette séance d’ouverture qui demande une attention de tous les instants pour ne pas voir les bouchons glisser dans le liquide où se briser en semant des miettes dans le vin. Les académiciens arrivent progressivement et du fait des précautions à respecter, l’apéritif se prendra assis et non debout. Les six tables n’ont pas plus de cinq personnes par table pour les mêmes raisons.
Parmi les académiciens il y a beaucoup de nouveaux et j’ai accordé huit places à des étudiants des plus grandes écoles françaises. L’ambiance fut rare, joyeuse, ouverte et généreuse.
Le menu conçu par Adrian Williamson avec le chef du Macéo est : terrine de canard landais pressé dans son foie gras / maigre rôti et ses légumes de saison / ribs de cochons bio de la ferme du vieux poirier, cocotte printanière / fromages généreusement offerts par des académiciens / tatin de rhubarbe confite.
Les vins que j’ai bus sont ceux du premier groupe. Le Champagne Gaston Chiquet 1er Cru à Dizy sans année que j’ai apporté est une découverte pour moi et pour beaucoup d’autres. Il doit avoir une vingtaine d’années et c’est une agréable surprise car il a une personnalité sereine et affirmée.
Le Champagne Saint-Sauveur Frédéric Thomas Vertus 1er cru 1977 (dégorgé en 2021) est présent à toutes les tables puisqu’il y a trois bouteilles. Le seul champagne 1977 que j’ai bu est un Cristal Roederer. Les 1977 sont très rares. La première impression est celle des feuilles d’artichaut les premières que l’on goûte, plus amères que celles qui sont plus près du cœur. Il faut attendre pour boire ce champagne qu’il ait plusieurs mois après ce dégorgement. Il devrait devenir plus civilisé.
Le Champagne Henriot 1989 est lui aussi présent à toutes les tables. Voilà un grand champagne magnifié par son âge, expressif et convivial. Quel beau champagne.
Le Y d’Yquem 1977 a un nez qui sent le botrytis et en bouche, au-delà de l’aspect sec, il y a un délicieux botrytis qui lui donne du charme. C’est une très bonne année pour ce Y très gastronomique.
Des amis de l’académie connaissent mon amour pour les vins de Frédéric Lung aussi vais-je vérifier une fois plus mon absence totale d’objectivité dès qu’il s’agit de ces vins. Car le Kebir-Impérial Blanc Frédéric Lung 1947 offert par un ami est pour moi une pure merveille. Le vin est sombre et opaque, mais cela n’empêche pas son charme envoûtant de vin épais et magique. Je suis aux anges.
Un académicien a apporté deux bouteilles de Côte de Moselle 1893 aux niveaux très bas et au nez très poussiéreux à l’ouverture. Mais la chance que nous avons de goûter ce vin de 128 ans nous pousse à n’écouter que le charme du message qu’il esquisse. C’est une expérience rare que de boire un vin de la Moselle française, conservé pendant tant de temps.
Le Château La Tour des Termes Saint-Emilion 1928 a un charme qui est directement lié à son millésime exceptionnel. Ce vin est intemporel. Equilibré, carré, il laisse une empreinte forte sur le palais.
Le Château Léoville Las Cases Saint-Julien 1918 au niveau assez bas avait à l’ouverture le parfum le plus beau de tous les vins rouges. Il se présente de façon très charmante mais pas totalement intégrée. Il virevolte autour de ses acidités. On ne peut que l’adorer, mais aussi le trouver étrange.
Au contraire, le Château Haut-Brion Graves 1918 au niveau aussi assez bas est d’un équilibre spectaculaire. La structure aboutie de ce Haut-Brion est parfaite. A ma table de quatre nous votons pour ces trois rouges de Bordeaux et le classement qui apparaît le plus cohérent est : Haut-Brion, La Tour des Termes et Léoville Las Cases. Les trois sont brillants.
Le Beaune Marconnet Remoissenet Père et Fils 1947 a un parfum à se damner. Magique est le mot qui convient. En bouche il n’est que velours, avec un charme inouï. Quel grand vin à la séduction absolue !
Le Jéroboam de Champagne Veuve Clicquot Ponsardin du bicentenaire 1772/1972 Demi-Sec doit dater de la fin des années 60. Ce champagne est étrange, incernable car il n’a pas trouvé sa cohérence entre ses aspects secs et doux. Il a une valeur anecdotique qui ne manque pas d’intérêt mais ne donne pas de réel plaisir.
Le Château Lauretan Langoiran 1924 est une merveille de liquoreux. Tous les liquoreux du Sud-Ouest gagnent tellement avec l’âge qu’il faut en boire sans hésitation.
Le Tokay collection Massandra 1931 est un vin superlatif qui mérite le respect. Il a une douceur confondante. Tout en lui est lascif et charmeur, à la persistance aromatique infinie.
J’attendais beaucoup du Madère Malmsey 1900 d’un ami. J’ai été assez déçu de ne pas le voir briller comme il aurait dû car les madères sont indestructibles. Bon sans doute il n’est pas ce qu’il devrait être.
La profusion de vins fait que beaucoup de verres sont venus jusqu’à moi. Le Tokay d’Alsace Pinot Gris Louis Reinhard années 50 est absolument exceptionnel, très au-dessus de ce que je pouvais attendre. Le Federico Paternina Ollauri Rioja gran reserva 1928 est très équilibré et solide mais j’attendais un peu plus de ce vin que j’ai déjà souvent bu. Le Sauternes 1929, vin générique à la couleur magique de beauté est un vin que j’adore, magnifié par son millésime. Le Château Le Crock Saint-Estèphe 1959 est une heureuse surprise, car son apporteur ne croyait pas tellement lui. Le Pommard Hospices de Beaune Morin Père et Fils 1943 est un régal d’équilibre et de sensualité.
Comme le vin de Kebir, le Monbazillac Theulet Marsallet 1922 fait partie de mes chouchous inconditionnels. Celui-ci est miraculeux de fraîcheur malgré sa haute concentration. Un pur régal fait par une lignée de vignerons talentueux.
Voter pour tous ces vins n’est pas chose facile mais j’ai fait ce choix : 1 – Beaune Marconnet Remoissenet Père et Fils 1947, 2 – Kebir-Impérial Blanc Frédéric Lung 1947, 3 – Monbazillac Theulet Marsallet 1922, 4 – Château Haut-Brion Graves 1918, 5 – Massandra Tokay 1931, 6 – Pommard Hospices de Beaune Morin Père et Fils 1943.
Le fait que les années de ces vins choisis soient : 1947 – 1947, 1922 – 1918 – 1931 – 1943 montre une fois de plus que les grands vins sont éternels.
Bravo à Macéo et à Adrian Williamson pour la gestion de cet événement, ainsi qu’à Béatrice sans qui je serais incapable de gérer toute la logistique de ces événements.
L’ambiance joyeuse et la qualité des vins ont fait de cette réunion, reportée deux fois pour cause de Covid, une des plus chères à mon cœur.